𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 𝟏𝟗






Leïla



Le cœur palpitant, je pénètre l'entrepôt observant le périmètre autour de moi. Personne en vue. C'est bizarre. Je fais alors quelques pas vers la caisse centrale, et une tête apparaît soudain. Je penche la mienne d'abord surprise, puis je suis rassurée qu'il a l'air d'un type tout à fait lambda. Le monsieur paraît apeuré et frissonne de tout son être. Il me scrute avec une attention qui me donnerait la chair de poule, on dirait qu'il est tétanisé. Après plusieurs secondes, le type pointe du doigt le derrière de l'entrepôt tout en étant sur ses gardes.
Qui y a-t-il là-bas pour qu'il soit tétanisé comme ça ?

Je prends mon courage à deux mains et traverse l'allée qui mène jusqu'à la réserve, je crois entrevoir des chaussures relevés, qui pointent vers le haut, montrant un bas du corps quand je discerne deux jambes à plats sur le sol. Je suis frigorifiée par la scène, est-il mort ? Je ne veux pas y penser, la nausée me monte rapidement et mon pouls s'accélèrent de plus en plus, causant un manque d'oxygène dans mes poumons.

Un vacarme se propage vers l'entrée tout d'un coup, je crois entendre des personnes se battre alors je me précipite vers l'endroit sans attendre, et je ne me préoccupe plus de l'homme de la caisse ni de ce que je viens de découvrir. Du moins, j'essaye. J'aperçois alors un type plutôt baraqué, confrontant San.

Max ainsi que Jesse s'interposent entre les deux. Mais que se passe-t-il ? Pourquoi ils se battent alors qu'on doit juste vendre de la putain de drogue ? Je veux partir d'ici et au plus vite.

San ! Elle est là, annonce Jesse en me fixant.

Son visage se positionne vers le mien et je peux lire dans son visage qu'il est rassuré de quelque chose. Je ne comprends pas tout de suite de quoi il s'agit.

Vous faites quoi ?, dis-je en sortant du silence, seulement ma voix trahit ma peur.

Je pensais que- Merde, ils auraient pu te faire n'importe quoi ! Ne t'avise plus de partir dans l'inconnu comme ça, Leïla, tu m'entends ?

Ses traits sont tirés par la frustration et la colère, je me demande s'il ne refait pas une de ces crises, alors je croise simplement mes bras contre ma poitrine.

Arrête ton hypocrisie, et je n'ai pas besoin de toi pour me défendre, je te l'ai déjà dis. Maintenant, filez-leur la drogue et on s'en va fissa !, proclamé-je en les suppliant.

Je capte l'attention du monsieur qui doit être le patron de ce bâtiment et il hoche la tête, en accord avec ce que je viens d'énoncer. Les trois autres connectent leurs neurones tandis que Jesse tend le sac en échangeant contre une mallette remplie sûrement de liquides. Je sens un regard plein de haine brûler vers moi, c'est évidemment San qui ne décolère pas après ce que je viens de lui dire. Ça ne m'étonne pas, c'est dans ses gènes d'avoir le dernier mot. Je l'ignore alors, m'approchant de la voiture et me fais intercepter par sa personne, je m'en doutais de ça, bon sang ! Il va me faire la morale.

« Attends » il m'annonce.

Désormais contre la portière de la voiture, j'hésite à me retourner vers lui, l'affronter une fois de plus, c'est épuisant que j'en ai même plus envie. Plus après ce qu'il m'a avoué lors de notre confrontation dans ma chambre d'hôtel. Qu'il souhaite la mort de mon père c'est une chose, mais qu'il prévoit le même sort pour moi en est une autre. Je lui en veux terriblement.

Laisse-moi s'il te plaît, lui demandé-je gentiment en ouvrant la portière. Je veux juste fuir d'ici !

Sans attendre, il la referme aussitôt et je suis contrainte d'affronter ses yeux lançant des éclairs. Il n'a pas l'intention d'abandonner si vite. Il a faillit me coincer les doigts !

T'as encouru un grand danger à l'instant, il aurait pu se passer le pire. On ne connaît pas les circonstances quand on vient sur un point de vente, tu piges ? Il faut que tu sois plus intelligente que ça, me sermonne-t-il comme si j'avais de nouveau quinze ans.

Sauf qu'il ne s'est rien passé et je te le redis une dernière fois, je n'ai pas besoin de toi, tenté-je d'être persuasive.

Seulement, mes mains commencent à trembler et je suis à deux doigts de faire une crise d'angoisse après ce que je viens de voir.

Qu'as-tu vu à l'intérieur ?, me questionne-t-il d'une oreille attentive.

Je crois que quelqu'un s'est fait tué, mais je ne suis pas sûr.

Putain.

On doit partir. Je veux rentrer maintenant.

San observe attentivement les deux autres membres du réseau et attend qu'ils soient hors de danger.

Tu as eu de la chance, tu le sais ça ?, recommence-t-il avec ses leçons de vie.

Oh mais lâche moi ! Je comprends pas pourquoi aujourd'hui tu prétends vouloir me protéger alors qu'hier soir tu insinuais me vouloir morte, assénée-je tout en essayant de le repousser loin de moi.

Je crois distinguer dans son regard du regret, et il secoue légèrement la tête signifiant peut-être qu'il ne pense plus la même chose qu'auparavant. Mais comment le croire ?

Premièrement s'il t'arrivait un truc, je ne serais pas certain d'être de nouveau capable de regarder mon frère dans les yeux ni plus jamais me regarder dans un miroir et deuxièmement, je ne pensais pas ce que j'ai dis, d'accord ? On dit un tas de truc quand on nous enlève ce qui nous fait revivre quelques minutes.

Tu veux dire par là, ta drogue ?, ris-je amèrement.

Ses sourcils se froncent et lui ne rit pas, il n'y a pas une trace d'amusement dans son regard, et tant mieux. C'est ce que je cherche, le toucher.

Tu ne me connais pas, Leïla.

Je crois en savoir assez.

Ah oui ?

Je manque de répondre, car je sais bien qu'il a raison. Mais il n'a montré que de lui du mauvais, pour moi il n'y a plus de retour en arrière. Je suis du genre à laisser une seconde chance pourtant, mais d'abord il faudrait qu'il m'en donne envie. En revanche, je n'en ai pas besoin avec lui.

Une desintox te fera le plus grand bien, terminé-je avant qu'il ne se recule complètement pour que je puisse entrer dans le véhicule.

Mon ventre se noue, je n'ose pas observer sa réaction avant qu'il entre à son tour suivi par les deux autres garçons qui se vantent de l'argent rapatriés. Je veux simplement rentrer. Cette mission est finie, Dieu merci.

~~~

De retour dans la jolie demeure que Victor possède, je ne vois que la silhouette d'Isas attendant près du grand jardin. Je m'empresse de sortir de l'habitacle et de le rejoindre tout sourire, contente de le retrouver. Lui aussi a l'air rassuré de me voir en un morceau. Il doit être épuisé de la route qu'il a dû faire.

Je suis arrivé depuis hier soir et j'ai une nouvelle à t'annoncer, manifeste-t-il.

Je lève le menton, curieuse.

Le concours est dans trois jours.

Oh. Je ne me suis pas entraîné depuis quelques temps, il faut que je reprenne mes habitudes si je veux gagner la récompense.
Je dois tout de suite rentrer aux côtés d'Isas, et cela m'arrange clairement.

Elle ne peut pas partir comme ça, intervient Victor sortant de l'ombre.

Je plisse les yeux, comment peut-il m'interdire de ce que je souhaite faire ou non. Je crois qu'il prend trop à cœur sa mission de vengeance et ça me pompe l'air. Il n'a pas à décider quoi que ce soit.

Elle rentre avec moi, affirme Isas d'un ton légèrement agressif.

Cette histoire de concours ne te fera pas autant rapporté que si tu prévois de travailler à mes côtés, Leïla.

Ses mots sont tranchants dans sa bouche, sa proposition soudaine me rend fébrile. Je ne sais pas comment réagir, mes doigts se triturent entre eux.

C'est une plaisanterie ? Si tu crois qu'elle va mettre sa vie en danger pour ton réseau à la con. Pas cette fois.

Pas cette fois ?

Ce n'est pas pareil Isas, c'est la fille de John !, déclare-t-il d'un ton hargneux.

Je soupire face à ce tourment imprévu, je ne sais plus où donner de la tête, je suis perdue et j'ai le cul entre deux chaises, il faut se le dire. Si je vais à ce concours, je peux potentiellement croiser un des bourreaux de mon père, qu'ils pourraient patienter que je termine mon duel pour ensuite m'emmener avec eux. Est-ce bon de prendre ce risque ? Et si je gagnais le concours ? Je n'aurais plus de problème d'argents. Malheureusement, j'en aurais un autre plus gros. Celui de mettre ma vie en danger, car ma progéniture souhaite faire ma rencontre. Je suis apeurée et en même temps, je désire connaître ses attentes.

J'irais à ce concours, commencé-je en affrontant du regard leur patron.

Hors de question que tu fasses ça.

La voix rude et terne de San franchit dans mes oreilles et je ne manque pas de le dévisager de haut en bas, comme s'il avait son mot à dire sur la situation. La mission est terminée de toute manière.
Je remarque une légère tension du côté d'Isas qui, à tout moment peut attraper mon bras et me pousser à l'intérieur de sa voiture.

Il le faut. Je n'ai pas fait tous ses entraînements pour rien et je compte bien gagner cette récompense pour sortir de ma situation minable, conclus-je en reprenant mon sac d'affaires.

Tu ne sais pas dans quel pétrin tu te mets en prenant ce risque ma jolie, m'avertit Victor. Ils viendront pour toi, et je t'aurais prévenue.

Mon cœur fait un bond quand la main du frère d'Isas agrippe mon poignet avec fermeté, je croise ses yeux obscurs ainsi que ses traits tirés par la colère. Sa mâchoire crispée forme un creux au niveau de ses joues. Son visage froissé me donne une décharge électrique, il ne compte pas me laisser partir à Boston, là où je vis. Pour qui il se prend encore une fois bordel !

Lâche-la immédiatement, San.

Isas s'interpose entre nous, donnant une poussée sur l'épaule de son frère, lui intimant de se reculer sinon il aura à faire à son impatience. Sa main quant à elle, se sépare de mon bras.

Son petit frère ne cherche pas à créer plus profondément le problème et se ravise. Mais son regard ne quitte pas le mien et je crois y voir de l'inquiétude. Suis-je folle où il est vraiment en train de se faire du souci pour moi ? Je ne le comprends pas, il est si lunatique. Si instable. Il est du genre à ne pas cacher ses émotions et quand la colère l'emporte, il ne peut pas s'empêcher de lui servir.

Si tu es si inquiet, tu n'as qu'à venir avec nous, proposé-je incertaine de mes propos.

Je ressens un regard me toiser toute entière du côté de mon coach, il n'a pas l'air du même avis que moi. Mais au moins, ils seront deux contre ceux qui me veulent pour une raison que j'ignore. Ce sera déjà ça de plus, il faut juste maintenant convaincre son dirigeant.

San se positionne devant Victor, croise ses mains devant lui et lui implore de pouvoir quitter un moment le réseau. Cela n'a pas l'air d'enchanter son chef du tout, et il a toujours l'envie de me garder de son côté alors il acquiesce mais il lève son doigt, clamant une seule condition.

Tu dois revenir après ton concours, par simple sécurité.

Quoi ? Mais je ne veux pas revenir vous comprenez ?

C'est ma condition, répond-il.

Sécurité vous dites ? C'est par simple vengeance que vous faites ça ! Et je ne suis en aucun cas, une partie de votre plan, c'est clair ou non ?

Le patron des Forsaken penche la tête en entendant mon ton s'élever, il comprend peut-être que je commence à en avoir ras-le-bol de toute cette histoire.

Les Nameless ne sont pas des gens bien Leïla, ils ont tué un être cher que nous avons connu et aimé, prévient-il avec sincérité.

Mais ce que je dissuade plus que tout, c'est le regard en biais de Victor avec les deux frères. Comme si cette part de vérité avait un lien entre eux. Mes sourcils se froncent, cherchant désespérément une idée sur qui ça pourrait être. Est-ce important ? Je ne sais plus. Je suis perdue.

On s'en va, déclare soudain Isas. Avec ou sans mon frère, je la protègerais. Mais ce n'est pas ici sa place. Elle a son mot à dire aussi.

Victor opine de la tête, conscient de tout cela.

Très bien. Alors San est contraint de rester à mes côtés.

Mon attention se porte immédiatement sur lui, curieuse de sa réaction mais il ne montre rien. Tel un robot, il acquiesce de son sort.

Aller vient, me convainc Isas.

Mon coach se dirige vers la voiture tandis que moi, j'inspecte toujours le lieu, les hommes de Williams et principalement son frère. Il va probablement rechuter et je ne pourrais pas l'en empêcher. Ma dernière attention se porte sur sa chevalière, autour de son index avant de suivre Isas dans la voiture et m'installer du côté passager. Nous repartons pour Boston, pour à tout prix gagner ce fameux concours. Je ne compte pas baisser les bras. C'est la récompense qui me motive, même si mon intérêt est tourné vers toute cette histoire farfelue. Je regarde une dernière fois les membres du réseau avant de quitter leur planque.

C'est sans regrets, je veux retourner dans ma ville, même dans mon appartement miteux et revivre une vie normale et paisible...











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