5. Le Savant Et L'Ignorante

Le métro se stoppa, ouvrant ses portes et laissant les rares personnes sortirent des wagons. Une voix féminine résonnait en boucle dans les couloirs du quai :
- Terminus du train. Fin du service.
Three se leva suivit de Yavel, ils franchirent la porte, sur le quai pas une âme marchait.
- Peu de monde descend au terminus, surtout le soir. Nous sommes vers les quartiers d'affaires moins importants que la moyenne, ceux qui y travaillent s'y rendent en voiture, le métro n'est qu'un sorte de bonus inutile pour un bon nombre.
Ils montèrent des escaliers, apparaissant dans les rues illuminées par les lampadaires. Leurs ombres étaient frêles, malmenées par le jeu de lumière. Yavel n'avait qu'une envie ; manger. Elle était affamée, épuisée. Il lui semblait qu'elle ne s'était pas nourrie depuis des mois, qu'elle n'avait pas dormi depuis des années, même si à son réveil dans la ville, son corps était engourdi par un long sommeil, presque comateux. Elle ne réfléchissait plus, se laissait guider dans ce lieu isolé, avec un inconnu. Mais peu lui importait, elle ne croyait pas en ce que Three lui disait, reniait l'existence du quartier général STB, ce qu'elle voulait c'était avoir un but, éviter de penser. Alors elle le suivait.
- On arrive dans dix minutes.
Three lui sourit. Il était grand et athlétique. Charmant.
- On va pas rester silencieux aussi longtemps si ? Que fais tu ici ?
Ici.
- C'est où ici ?
Il rit gentillement, jetant sa tête en arrière.
- Eh bien dans cette ville. A Haenam.
- Je ne sais pas.
- Tu n'es pas arrivée ici par magie.
Son sourire était taquin tandis que sur le visage de la jeune femme régnait une impassibilité figée.
- En quelque sorte. Je me suis réveillée dans une ruelle.
- Tu n'as pas cherché à contacter ta famille ?
- Non. Je devrais peut-être.
La compassion prit possession du faciès du jeune homme.
- Je suis désolé.
- Pour quoi ?
Il baissa la tête et ne répondit pas.
- Je ne pense pas que je devrais venir avec toi.
Le ton glacial de la jeune femme percutait les murs, ricochant, lacérant tout sur son passage.
Il s'arrêta et plongea ses yeux dans les siens. Autour d'eux les immeubles les surplombaient, un fleuve s'écoulait proche, au loin le bruit des moteurs résonnait. Three était intrigué par cette jeune femme, il ne parvenait pas à la cerner, elle était silencieuse et pleines de surprises. Il avait été prévenu avant son départ. Il savait qu'elle ignorait tout, qu'elle serait dans cet état. Mais il fut déconcerté de constaté que c'était bien pire que ce que les médecins lui avaient dit. Il lui semblait qu'elle était plus frêle que son ombre, elle était très pâle, les cernes sous ses yeux étaient très prononcées. C'était la première foi qu'ils échangeaient un véritable regard. La petitesse dans les yeux de Yavel avait laissé place à de la détermination, Three se noya dans l'abysse de ses iris marrons aux reflets dorés. Il était totalement paralysé, transporté loin de cet univers. Il voyait des choses qu'il ne comprenait pas. Un vide emplit de milliards d'émotions, de paysages. Il restait silencieux, impatient d'en savoir la raison, mais incapable de parler.
- Je ne te connais pas, tu m'emmènes je ne sais où, qui sait si je peux te faire confiance. Nous sommes dans un quartier d'affaire, le soir. Il n'y a donc personne. C'est le lieu idéal pour ne pas être surpris en plein acte illégal. Le fleuve à ma gauche emportera ma dépouille. Je te préviens que je ne suis pas totalement ignorante. Je reste sur mes gardes, je sais me défendre.
Elle ne contrôlait pas vraiment ce qu'elle disait. Il lui semblait que c'était sa conscience qui parlait à sa place. Three voyait la vie reprendre possession du corps de cette merveilleuse inconnue.
- Malgré tout, emmène moi. Peu m'importe de vivre. Je voudrais simplement me reposer. Mais si tu as quelque chose à faire, fais le vite je t'en pries, je manque terriblement de patience.
Elle était essoufflée, la détermination dans ses yeux était partie, il ne régnait plus que le vide. La vie était partie. Une lutte intérieur avait lieu, le désir de se battre contre celui de se laisser aller. Three était devenu aussi triste que Yavel, il voulait qu'elle lui fasse confiance, qu'elle sache qu'elle ne risquait rien. Il avait étudié son cas bien avant son arrivée en ville, il pensait la connaître. Mais il se rendait compte que non. Comment peut-il prétendre connaître quelqu'un qui ne se connaît pas soit même. Il voulait lui donner goût à cette nouvelle vie, lui offrir l'occasion de vivre pleinement, il voulait l'aider.
Il lui sourit tendrement en penchant la tête :
- Laisse toi faire.
Il attrapa son poignet et la tira doucement. Et Yavel se laissait faire.

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