XVII. Sirius
-J'ai vu Lily aujourd'hui.
Sirius releva la tête de son journal et fixa Marlène avec surprise.
-Où ça ?
-Sur le Chemin de Traverse. Elle promenait Harry.
-Ah.
Elle était assise sur le sofa, ses cheveux bruns retombant sur son épaules en de belles ondulations. Le feu brûlait dans l'âtre à quelques centimètres d'elle, mais la chaleur qu'il dégageait ne semblait pas la déranger. De son côté, Sirius avait chaud. Il retira son pull et passa une main dans ses cheveux. Puis il reprit son journal, mine de rien. Au bout de quelques secondes à sentir le regard insistant de sa compagne, il rebaissa sèchement les pages.
-Quoi ?
-Il est mignon.
-C'est un bébé. Tous les bébés sont mignons, soupira-t-il.
Il sentait la discussion revenir en force et il n'allait pas le supporter. Pas une nouvelle fois. Pour montrer son manque d'enthousiasme à parler, il cacha son visage avec le journal. Ses yeux parcoururent les lignes sans en saisir le sens.
-Je veux former une famille, Sirius.
-Et moi je veux passer une soirée tranquille.
-Pourquoi tu refuses ?
-J'ai déjà donné mes raisons.
-C'est justement tes raisons que je ne comprends pas !
-Et qu'est-ce que tu ne comprends pas dans le mot « guerre » ! tonna-t-il en reposant avec violence le journal. Des gens meurent ! Et toi tu veux mettre au monde un enfant, te marier comme si de rien n'était !
-Mais si tout le monde faisait comme toi alors on ne vivrait que dans la peur et l'ennemi gagnerait ! C'est cela qu'ils veulent !
-Ce qu'ils veulent c'est tuer ! Et je refuse de donner vie à un être en sachant qu'on pourrait la lui reprendre tout de suite après.
-Et sur le mariage ? Qu'est-ce que tu as à dire ?
-Ce n'est pas une période pour se marier.
-Ton frère s'est fiancé.
-Mon frère est de leur côté bon sang ! Sa fiancée est une foutue sang-pur aussi riche que lui, je me demande même si tout n'est pas arrangé ! Lui n'a pas à craindre qu'on débarque à son mariage pour lui réclamer sa vie !
-James et Lily se sont mariés discrètement ! explosa Marlène. Ils ont eu un fils et...
-Ouais, et regarde où ils en sont. Ils doivent se cacher constamment parce qu'ils ont peur pour la vie de leur fils.
-Parce que Tu-Sais-Qui les recherchent eux. Nous, personne ne nous recherche.
-Je suis un Black, Marlène. Un traître à son sang. C'est une raison suffisante pour me tuer, toi avec si tu deviens ma femme.
-J'assumerai. Je serai une Black, je mourrai avec toi.
-Hors de question.
-Dis-le. Si tu ne veux pas te marier. Dis-le qu'on en finisse.
-Quoi ?
Ses yeux brillaient de crainte à la lueur du feu. Sa respiration s'était faite plus rapide. Sirius aurait voulu lui dire qu'il aurait aimé de tout son cœur, qu'il la demanderait en mariage après toute cette guerre, mais ces mots ne franchirent pas ses lèvres. Il garda le silence.
-C'est ça en fait ? La guerre n'est qu'un prétexte.
-Non.
-Alors qu'est-ce que ça coûte de me demander en mariage ? On pourrait se marier après. L'important c'est la promesse.
Mais c'était justement ça le problème. Chaque fois qu'il avait formulé une promesse, il n'avait jamais pu la tenir.
-Désolé, répondit-il en baissant la tête.
-Désolé de quoi ?
Il se mordit la lèvre. La dernière chose qu'il voulait était lui faire du mal. La blesser, faire couler des larmes. Marlène ne méritait pas de pleurer. C'était ce qu'il s'était répété des années, et il s'y tenait. Pourtant, ce soir, tout le conduisait à penser qu'elle allait pleurer par sa faute.
-De ne pas m'aimer comme j'aimerais que tu m'aimes ?
Il releva la tête. Le contour de ses yeux étaient rougis. Ses doigts s'étaient crispés au sofa, comme si dans ce geste elle y transmettait toute sa frustration et sa colère.
-C'était bien parti toi et moi, dit-elle soudainement avec une si petite voix qu'il eut de la peine à l'entendre. Je pensais que ça allait bien se terminer.
-Tu as toujours voulu voir le meilleur en moi. Sauf qu'il n'y a pas de meilleur. Il n'y a que le pire.
-Non. Non tu te trompes. Je te connais.
-C'est justement ça le problème. Tu aurais dû savoir que tout se termine mal avec moi.
Il jeta le journal sur la table avec haine et se releva vivement.
-Je t'interdis de fuir, ordonna-t-elle avec une voix grave.
-Tu n'as pas d'ordres à me donner.
-Regarde-moi au moins dans les yeux ! Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que tu ne veux plus de moi ! Agis comme un Gryffondor pour une fois !
Il se retourna vivement, piqué par ses mots et s'approcha d'elle d'un air menaçant.
-Tu me traites de lâche ?
-Tu as passé ta vie à te répéter que tu en étais un, alors pourquoi sorti de ma bouche ça te touche autant ?
-Parce que je me connais, pas toi.
-Ah oui ? Vraiment ? Aurais-tu oublié toutes les soirées que nous avions passé sur la Tour d'Astronomie, à parler de ton passé, de tes erreurs ! J'ai fais de mon mieux pour guérir toutes tes blessures ! J'ai reconstruis les morceaux un par un et maintenant c'est moi que tu brises !
Plusieurs larmes surgirent de ses yeux noisettes.
-Ce n'est pas que je ne t'aime pas, Marlène. Je t'aime. Mais ça s'arrête là.
Il sentait sa colère prête à exploser mais partit du manoir avant de lui faire du mal involontairement. L'air glacial de décembre lui fouetta la peau. Prêt de leur demeure il y avait un petit village où Sirius transplana, plus précisément face à un bar certes miteux mais qui avait le mérite d'être là. Il s'assit au comptoir et demanda un verre de Whisky Pur Feu, en espérant que le feu qu'il ressentait au passage de l'alcool atténuerait celui de son cœur. Pourtant, au bout de trois verres, c'était toujours son nom qui revenait sur ses lèvres. Il lui faisait du mal et s'en voulait à mort. Mais comment lui expliquer que cet avenir enchaîné dans les promesses d'amour lui faisait peur ? Il était un esprit sauvage, libre qui refusait d'être limité à des choses comme le mariage. Pour ce qui était de l'enfant, il s'agissait aussi qu'une chaîne à une vie qu'il refusait de vivre. Ce qu'il avait besoin c'était de l'extraordinaire. Des voyages partout dans le monde, profiter des petits instants de la vie, rencontrer d'autres personnes, s'ouvrir aux autres. Il avait pensé que Marlène serait comme lui. Mais Marlène était comme toutes les autres jeunes femmes. Elle voulait une maison bien aménagée, une jolie famille dans un terrain où elle vivrait jusqu'à sa mort. Tout le contraire de la liberté.
-J'vous sers un autre verre ?
-Non, merci.
Il paya avec ses gallions restants le barman et revint chez lui, plus fatigué que saoul. Cela faisait tellement longtemps qu'il buvait qu'il s'était habitué aux effets. Alors qu'il avançait dans l'allée gravillonneuse, il s'aperçut qu'il venait de passer le portail sans même avoir eu à l'ouvrir. Pensant qu'il avait oublié de le fermer en sortant, il avança encore quelques mètres. Soudain, son cœur se mit à battre à cent à l'heure. La porte d'entrée était entrouverte, la poignée explosée au sol. Lentement, il sortit sa baguette de son menton et s'approcha à pas doux du palier. Tout était silencieux. Trop silencieux.
Il poussa la porte grinçante. Ses semelles écrasèrent les morceaux de verre qui jonchaient misérablement le sol. Quelqu'un était entré en son absence et s'était battu. La première chose qui traversa son esprit fut le lieu où se trouvait Marlène. Elle s'était sûrement cachée. Oui, elle était intelligente. Jamais elle ne se serait laissée faire par de vulgaires intrus.
-Marlène ? C'est moi, Sirius.
Il n'y eut que le sifflement du vent à travers les fenêtres brisées du salon qui lui répondirent. Les rideaux se gonflaient légèrement, dans un rythme lent. Le journal qu'il avait tenu quelques heures auparavant était au sol, déchiré. Sirius déglutit difficilement.
-Marlène, répond.
Une ombre bougea à sa droite et il se retourna vivement, aux aguets. Mais ce n'était qu'une branche de la cour intérieure qui s'inclinait derrière le cristal des fenêtres.
-Marlène !
Alors il la vit. Allongée au sol, fixant sa main molle reposée sur le bois. Un filet de sang coulait d'entre ses lèvres entrouvertes. Ses yeux étaient ouverts, vides.
Vides.
-Non ! hurla-t-il.
Il se jeta à ses côté et lui prit son visage entre ses mains, dans l'espoir fou de la voir reprendre conscience.
-Marlène, répond-moi. Je t'en prie, répond...
Mais ses pupilles étaient dirigés vers le plafond, inanimés. Son ventre n'en était plus un, massacré par des coups de poignard acharnés. Une flaque de sang recouvrait le sol. Non. C'était impossible. Ce devait être une erreur. Une erreur de quoi, il n'en savait rien, mais une erreur.
-Je t'aime.
Même ces mots ne lui redonnèrent pas vie. Elle était morte.
Morte.
-Je t'aime... dit-il dans un sanglot qui sembla lui arracher ses poumons.
La douleur qu'il ressentit fut alors une des plus atroces qu'il n'ai jamais vécu. Comme une lame qu'on lui enfonçait doucement dans le cœur, comme si le bonheur était quelque chose d'irréel, d'impossible, de faux. L'impression que tout s'écroulait, la vie, l'espoir, les murs qui l'entourait. Un abyme qui l'entraînait toujours plus au fond, toujours plus loin de la lumière. Marlène ne pouvait pas mourir. Et n'était pas censée mourir. Lui oui, mais pas elle.
-S'il te plaît, répond...
Il posa son front contre sa poitrine et fut parcourut de tremblements. Les derniers mots qu'il lui avait dit achevèrent de le ruiner. Il n'était qu'un misérable lâche à présent. S'il était resté, il aurait pu la défendre. Il s'était promis de la défendre. Mais visiblement, les promesses n'étaient pas son fort.
Il voulut lui attraper sa main inanimée pour l'attirer contre lui quand quelque chose brilla dans son champs de vision. Aussitôt, il s'en empara et détailla l'objet sous la lumière de la lune.
Une pierre noire, aussi noir que le ciel. L'emblème des Black qui la soutenait, ces arabesques trop bien connues de Sirius. Une bague qu'était censée porter une seule personne. Il la serra dans son poing couvert de sang frais.
Narcissa.
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