XII. Régulus
La porte d'entrée claqua et tout le monde releva la tête, aux aguets. Druella partit vers le vestibule et des voix se firent entendre, puis s'approchèrent du salon. Lucius Malefoy apparut dans l'encadrement de la porte du salon, ses cheveux blonds presque blancs plaqués sur sa tête, mais dont certaine mèches s'étaient échappés du à la pluie et au vent. Dehors, c'était une véritable tempête. Un temps qui allait bien avec les événements.
Cygnus alla à sa rencontre. Le jeune homme était plus pâle que la mort, renforcé par l'héritage de sa pâleur familiale. Il parut essoufflé, comme s'il avait couru des kilomètres pour retrouver sa femme le plus vite possible. Si beaucoup disaient que Lucius Malefoy était un homme sans cœur, ce dernier venait de démontrer ce fait par sa seule présence.
-Elle est en haut, entendit-il murmurer son oncle à son gendre.
-Elle a perdu beaucoup de sang ?
Un silence.
-Trop.
Régulus baissa la tête et la cacha entre ses mains. C'était sa faute. Il aurait du l'empêcher de sortir la nuit, faire plus attention à elle. Elle avait perdu son enfant par sa faute. Tout était toujours sa faute.
Lorsqu'il se redressa, il trouva la pièce vide. Tout le monde devait se trouver à l'étage avec Narcissa. Avant qu'il ne se décida à s'enfermer pour sa chambre pour se culpabiliser encore une fois, des pas se firent entendre dans les escaliers centraux et Druella l'appela depuis la porte.
-Régulus ? Elle demande à te voir.
Abattu, il suivit sa tante jusqu'à la chambre de la jeune fille. En passant, il avait vu Lucius fumer sur un des balcons, fixant le vide comme s'il songeait s'y jetait dedans. Bellatrix était assise en face de la porte, endormie. Régulus entra en toute discrétion. La pièce était bien plus sombre que la nuit de dehors ; des rideaux empêchaient la lumière de la pleine lune de s'immiscer entre le cristal des fenêtres. Une frêle figure était allongée sur le lit. Il eut du mal à reconnaître sa cousine. Elle qui d'habitude respirait la joie de vivre, portait son sourire éternel, elle n'était que l'ombre d'elle-même. Le contour de ses yeux étaient rougis à force d'avoir pleuré, ses cheveux s'étendaient autour de son visage comme une auréole pâle et malade. Il aurait voulu lui hurler de se redresser, de se reprendre, que ce n'était un fœtus et qu'elle réessaierait plus tard, mais le choc de la voir si brisée le fit taire. Il s'assit à côté d'elle. Lorsque le grincement du lit résonna dans le silence de la chambre, elle ouvrit lentement ses paupières et inséra sa main dans la sienne.
-Je suis fatiguée... chuchota-t-elle.
Sa poitrine se soulevait avec difficulté. Ses lèvres tremblaient pour avoir parlé. Régulus aurait volontiers accepté de prendre un peu de sa douleur pour la décharger de tout ce poids qui semblait l'écraser.
-Repose-toi.
-Non... je suis fatiguée de lutter... fatiguée d'essayer, je n'en peux plus...
Un sanglot parut la briser en deux. Une larme discrète coula sur la joue de Régulus. Sa main serra celle de sa cousine. Dans ce geste, il parut lui dire « tu vas y arriver ».
-Tu sais... tu sais comment j’appellerai mon fils quand j'en aurais un ?
Un petit sourire se dessina sur ses lèvres desséchées.
-Drago. C'est une constellation, comme tous les membres de la famille Black. Tous sauf moi.
Il vit qu'elle pleurait, mais en silence. Narcissa pleurait toujours en silence.
-Je n'aurais peut-être pas un nom de constellation, mais mon fils si. Il reposera éternellement dans le ciel, à sa mort.
Il ne sut si elle parlait de tous les bébés qu'elle avait perdu, ou de celui qu'elle voulait avoir.
-Tu n'as pas besoin d'avoir un nom d'étoile pour vivre éternellement, Narcissa. Tant qu'il y a des personnes qui se souviennent de toi, tu vivras en eux.
-Tu crois que je vais mourir ?
-Je crois que tu vas te relever, et que tu vas continuer de vivre, comme tu l'as fait déjà à plusieurs reprise. Je crois que tu es forte, cousine.
-Mais je suis fatiguée d'être forte.
Elle avait lâché cela dans un souffle, comme si dans ses mots se trouvait tout le désespoir d'une vie. Il y eut un silence, presque solennel. Les mots lui manquaient. Que dire face à une tristesse si profonde. Les mots ne pouvaient guérir toutes les blessures qu'elle avait accumulé, alors autant économiser sa salive. Tout ce qu'il pouvait lui offrir, c'était sa présence, son appui.
-Parle moi de Victoria. J'ai besoin de penser à autre chose.
Alors il lui raconta comment s'était déroulé leur promenade dans le labyrinthe, toutes les émotions qu'il ressentait en sa présence, combien ses lèvres étaient douces, ses yeux chargés d'émotions. Il décrivit sa passion pour elle, cette attraction qu'il ressentait et qui l'amenait à lui pardonner ses moindres erreurs. Il lui raconta ses craintes d'être dépendant de quelqu'un, sa peur de devoir faire confiance à une personne sans savoir si un jour tout aller revenir à sa face. À la fin de son récit, elle s'était endormie, le sourire aux lèvres. C'était peut-être tout ce dont elle avait besoin. D'une autre histoire que la sienne.
Il sortit de la chambre deux heures plus tard. Cygnus lui dit que Lucius l'attendait dans son bureau et Régulus s'y rendit, se demandant ce qu'il pouvait bien lui dire. En entrant, il nota une forte odeur de tabac. L'héritier Malefoy était appuyé contre la vitre, une cigarette entre les mains. Ses yeux étaient injectés de sang, mais son visage était aussi glaciale qu'un mur de glace.
-Monsieur ?
Il y eut un silence, durant lequel Régulus se demanda s'il l'avait entendu ou pas.
-Qu'est-ce qu'un homme brave d'après toi ? finit-il par lui demander.
Sa voix était rauque et cassée. Il semblait aussi brisé que sa femme.
-C'est... c'est un homme qui sait surpasser les obstacles de la vie sans laisser paraître sa douleur, sans jamais se plaindre.
Il eut un petit rire, puis écrasa sa cigarette dans le cendrier avant de s’asseoir à son bureau et inviter Régulus à faire de même.
-C'est ce que ton père t'a enseigné, je suppose.
-C'est ce que j'ai compris tout seul.
Lucius fut surpris de sa réponse mais finit par hocher la tête.
-Et d'après toi, un homme brave a-t-il peur ?
-C'est la peur qui le rend brave.
Un petit sourire s'étira sur ses lèvres.
-Te considères-tu brave ?
Cette question fit apparaître milles pensées dans son esprit. Lui, brave ? Se voyait-il correspondre à la définition que lui-même avait donné ? C'était tellement facile de dire des choses, mais une fois que ces mots se retournaient contre soi-même... Rien n'était plus pareil. On voyait les choses autrement.
-Je ne crois pas.
-Pourquoi ?
-Parce que tout le monde me voit comme un lâche. Alors c'est ce que je suis.
-Un lâche...
Il sembla méditer sur ces mots, tout en faisant tourner une plume entre ses doigts.
-J'ai connu beaucoup d'hommes lâches dans ma vie. Certains se réfugiaient derrière des livres pour observer les gens de loin, sans jamais oser s'avancer vers eux et mettre à exécution leur envie. D'autres se noyaient dans l'alcool et fuyaient lorsque le danger approchait. Mon propre père était un lâche. C'est tellement facile de tirer les ficelles, mais une fois que les ficelles s'accrochent à nos poignets... Puis j'ai vu des hommes admirables. Des hommes qui n'ont pas hésité à sacrifier leurs biens les plus chers pour obtenir ce qu'ils voulaient. Des hommes qui se sont imposés, en dépit de ce que pouvaient penser les autres. Ce sont ces hommes là qui ont réussi. Ces hommes qui se sont battus au nom d'une idée, et qui ont triomphé.
Il comprit alors où il voulait en venir. Régulus changea de position sur sa chaise, mal à l'aise.
-Je sais que mes parents veulent que je me positionne dans les rangs du Seigneur des Ténèbres mais...
-... mais tu as peur ?
Régulus hocha la tête. Oui il avait peur. Vraiment peur. Il savait ce que cela supposait. Donner sa vie pour une cause à laquelle il ne croyait pas vraiment, se mettre en danger en échange d'un peu de gloire et de fierté.
-Vois-tu, Régulus, tu seras un homme courageux si tu te soumets au Seigneur des Ténèbres. Tu le serviras et tu te battras pour lui. Tu seras un héros de notre monde lorsqu'il triomphera. Et lorsqu'on te demandera si tu es un homme brave ou non, alors tu seras fier de dire que oui.
Régulus baissa la tête et tritura le bout de la manche de sa chemise. C'est ce que son père voulait de lui. Son père, et sa famille entière. C'était ce à quoi Sirius avait renoncé. Un héritage, certes, mais aussi un devoir envers les Black. Il se rappela alors du propos de Avery, lors de leur première discussion devant le Choixpeau. « Les Black sont un peu comme la famille royale », avait-il dit. Il n'y avait rien de plus vrai en ce monde. Il ne portait peut-être pas de couronne, ni se devait de faire appliquer des lois, mais au nom de sa famille il devait servir un sorcier. Il devait représenter les Black et porter sur ses épaules le poids d'un héritage entier. Était-ce ce qu'il voulait ? Non. Mais lui demandait-on son avis ? Non plus.
-Je sais que tu n'es un jeune garçon qui aspire à plus de libertés et moins de sérieux. Je sais aussi que ton frère t'a relégué tout cela contre ta volonté, et qu'à présent c'est toi qui te retrouves sans choix, quand ce devait être lui qui devait faire honneur à ta famille. Mais je vais te poser une seule question, Régulus : dans toute cette histoire, qui est le brave, et qui est le lâche ?
-Tout dépend du point de vue.
-Non. Tout dépend de nos origines et ce pourquoi nous vivons. Tu es un Black. À ce jour, c'est la seule chose qui doit te faire faire tes choix. Et qui veux-tu être ?
-Le brave, monsieur.
-Bien. Alors tu sais quoi faire.
Régulus déglutit difficilement et se leva. Il s'apprêta à partir quand il se retourna au dernier moment.
-Que retiendra l'Histoire de tout cela ? Qui décidera-t-elle de nommer brave ?
Un petit sourire brisa l'expression glaciale de Lucius.
-Dans une guerre, lors d'une victoire, chacun nomme lâches ceux qui ont perdu, et braves ceux qui ont gagné. Mais l'important n'est pas ce que l'Histoire retient, car l'Histoire retient toujours ce que le vainqueur veut qu'elle retienne. L'important c'est ce que les gens que tu aimes retiendront de toi.
Il hocha la tête, les mots se répétant inlassablement dans sa tête. Il n'avait jamais entendu de telles paroles auparavant, et pourtant, il n'y trouva rien à contredire. Il n'était pas en train de faire une propagande, mais il le soumettait réellement à un choix en tentant de lui inculquer quelques leçons importantes. Et il se pouvait qu'il ait réussi à le convaincre. Pourquoi ne pas sortir de l'ombre de son frère, pour une fois ? Pourquoi ne pas devenir un homme d'honneur, un soldat au service du sorcier le plus puissant de toute l'histoire, pourquoi ne pas être ce que son frère n'était et ne serait jamais ?
-Je crois que j'ai pris ma décision.
-Réfléchis encore. Ce n'est pas le genre de décisions à prendre à la légère. Une fois décidé, fais-le savoir à Bellatrix si c'est positif. Si c'est négatif, mieux vaut que tu te tournes vers moi, auquel cas je te promet de ne pas montrer un seul signe de colère ou de déception. Rappelle-toi qu'il s'agit de toi, et non de ce que pensent les autres de toi.
-Merci.
Lucius le salua de la tête et le regarda silencieusement se diriger vers la porte. Mais au moment où Régulus toucha la poignée, sa voix grave parvint jusqu'à lui.
-Ma femme est fière d'être née Black. J'espère qu'elle aura la satisfaction de voir sa famille prospérer entre tes mains, Régulus Black.
Alors ses épaules s'affaissèrent encore un peu plus du poids de son héritage, et il délaissa la pièce avec ce sentiment désagréable qu'un jour, il suffirait qu'on le bouscule pour qu'il laisse tout cela se fracasser au sol.
I know I know, ce chapitre est génialissime, pas le peine de me le dire *petit sourire orgueilleux *. En réalité, j'ai eu beaucoup d'inspiration pour les mots de Lucius et je pense que c'est ce qui fait que Régulus se met du côté de Voldemort. J'ajouterai d'autres aspects dans son prochain chapitre qui j'espère vous feront comprendre le pourquoi de son choix (même si j'ai laissé entrevoir cet aspect dans ce chapitre, mais il sera plus approfondi dans le prochain). Régulus est vraiment un personnage complexe difficile de traiter, mais c'est le plus intéressant de tous.
Je voulais aussi faire apercevoir dans la question de « qu'est-ce qu'un homme brave » la réponse que voulait entendre Lucius pour savoir s'il l'était ou non, en pensant à lui-même et à sa tristesse d'avoir perdu son bébé, avant de l'amener vers Voldemort. J'espère que ça s'est ressenti, et si ce n'est pas le cas, dites-moi afin que je le retravaille:)
Merci en tout cas à tous ceux qui votent et qui commentent, en particulier à Ptit-Mangemort et always8pure , mes fidèles lectrices
Kisses à tous
--Lyanna
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