IX. Sirius

Il retourna la chevalière autour de son doigt d'un air songeur. La pierre verte était pâle, comme fatiguée, ou triste, peut-être bien les deux. Que faisait Régulus en cet instant même ? Pensait-il à lui comme il le faisait lui-même ? Autrefois, il aurait pensé que cela aurait été peu probable. Il se serait dit que son petit frère était comme sa famille, des égoïstes sans âmes adeptes de magie noire. Mais après toutes les discussions qu'il avait eu avec Marlène, il s'autorisa à penser que ce n'était peut-être pas le cas. La jeune fille avait raison. Régulus était habile pour se cacher derrière des mensonges. Il jouait le rôle qu'on lui assignait sans rechigner, tandis que lui avait eu plus de caractère et avait tout envoyé bouler.

Ou alors il se trompait sur toute la ligne et Régulus était réellement ce sang-pur égocentrique adepte de magie noire qu'il méprisait.

Sirius poussa un grognement audible et enfonça sa tête dans les coussins du sofa. Pourquoi devait-il avoir une vie si compliquée ?

-Elle est nouvelle cette bague ? demanda distraitement James qui lisait Le Quidditch à travers les âges.

-C'est pas une bague, c'est une chevalière.

Une lueur d'amusement brilla dans les iris du jeune homme.

-Désolé, je ne suis pas spécialiste en bijouterie.

-Je l'ai trouvé hier dans mes affaires, mentit Sirius.

-Ça m'étonne de te voir porter ça. Tu es plus du genre chaîne en argent et bracelets en cuir. Surtout que je ne t'ai jamais vu porter du vert.

Le vert était la couleur des yeux de Régulus. Le destin avait bien fait les choses en le plaçant à Serpentard, ironisa-t-il pour lui-même.
Il haussa légèrement les épaules comme si de rien n'était.

-Il n'y a que les idiots qui ne changent pas d'avis.

James ne parut pas très convaincu mais il s'efforça de changer de conversation.

-Tu es prêt pour ce soir ?

-Pour être honnête, non, rit-il nerveusement. J'ai l'impression que je m'apprête à la demander en mariage.

-Tu lui demandes juste d'être son petit-ami, Sirius, n'exagère rien.

-On verra quand ce sera ton tour, rétorqua-t-il presque blessé.

Il releva vivement la tête, un sourire idiot sur les lèvres.

-J'ai tellement hâte.

-Embrasse-la déjà, ce sera quelque chose.

Son sourire s'évanouit presque aussitôt.

-Elle veut qu'on reste juste amis.

-Tu connais Lily, James. Elle dit quelque chose puis le lendemain elle fait le contraire.

-J'espère que tu as raison.

-J'ai toujours raison.

Son ami secoua la tête en soupirant.

-Ton égo, Black, ton égo.

Sirius éclata d'un rire qui ressemblait sans surprise à un aboiement de chien et se mit à imaginer toutes les scènes possibles pour la soirée qu'il s'apprêtait à passer avec Marlène. Les parents de James avaient semblé aussi excités que lui à l'idée de le voir aller à son premier rendez-vous amoureux et lui avaient conseillé les meilleurs restaurants du coin. Ils avaient cité tellement de noms que Sirius n'avait retenu que la moitié, mais cela avait suffit pour choisir celui qui lui plaisait le plus. James s'était opposé à son choix en lui disant que c'était bien trop cher, mais il avait répliqué qu'il possédait à ce jour trois coffres à Gringotts et qu'il faisait ce qu'il voulait avec eux. S'il voulait vider la moitié de ses richesses pour Marlène, il le ferait. Au diable l'avis de son meilleur ami.

Vers dix-huit heures, il se revêtit du costume qu'il avait acheté ce matin même sur le Chemin de Traverse tout en s'admirant dans le miroir. Ses cheveux mi-longs étaient correctement coiffés, son nœud papillon lui conférait une allure de noble expérimenté et son regard pétillait d'excitation. À son bras, les bracelets en cuir offerts par chacun de ses amis contrastaient avec le reste, mais que serait Sirius Black sans ses bracelets en cuir. À la vue de la chevalière à la pierre verte, il serra instinctivement son poing. L'idée de l'enlever lui traversa l'esprit comme un éclair mais il s'y refusa. Sa couleur était si pâle qu'elle pourrait très bien se mettre à briller d'un instant à l'autre. Il ne savait pas où se trouvait Régulus en cet instant même, mais il se doutait qu'il profite de ses vacances.

Après avoir vérifié une dernière fois son reflet dans le miroir, il salua les Potter qui s'apprêtaient à se mettre à table, écouta les derniers conseils tout à fait ridicules de James et transplana devant la demeure des McKinnon. C'était un édifice aux pierres grises suintantes d'humidité et recouvertes de plantes grimpantes comme si personne ne s'embêtait à l'entretenir. Marlène lui avait raconté que sa famille avait perdu presque toute sa fortune à cause de son grand-père qui avait passé sa vie à jouer aux jeux d'argent et parier des causes perdues, ce qui les avaient abaissé si bas que sa mère n'avait pas osé acheter un autre elfe de maison après la mort de Mina. C'était ce qui leur permettait en partie de se faire discrets parmi les partisans de Voldemort, même si ses parents se soumettaient tout de même de peur d'être considérés comme des proies.

Il toqua à la porte et fut accueilli par un jeune homme au visage fermé, qui avait l'air d'avoir quelques années de plus que lui.

-Vous êtes Sirius Black ? demanda-t-il d'une voix froide.

-En effet.

-Entrez. Ma sœur devrait être prête dans quelques minutes.

Il laissa passer Sirius à l'intérieur du vestibule et disparut derrière un dédale de couloirs à l'air sinistre. L'intérieur était peu décoré et les quelques horloges en or ou les gravures dans la cheminée du salon qu'il aperçut en entrant dans la pièce étaient les seuls témoins d'une fortune perdue. Même les chandelles paraissaient avoir été achetées de seconde main. Un homme d'un certain âge se leva à son arrivé, le dos voûté. Ses yeux le détaillèrent avec admiration au-dessus d'un sourire qui était tout sauf joyeux.

-Ah, Monsieur Black ! Je suis vraiment enchanté de vous rencontrer !

Mais le visage de Sirius devint aussi froid qu'un mur de glace lorsqu'il le reconnut. Il l'avait aperçu plusieurs fois en compagnie de son père et d'autres sang-pur prestigieux tels que les Malefoy ou les Lestrange, à jouer les nobles raffinés. Il se souvenait de lui comme un homme soumis et sans honneur, à voûter son dos à la moindre réplique cinglante. C'était certainement ce genre d'hommes que Voldemort recherchait dans ses rangs. Des riches déchus, s'inclinant devant la moindre promesse de fortune. Il le dégoûtait.
Il fixa sa main quelques secondes avant de se décider à la serrer, de manière peu agréable. Mais c'était comme s'il ne l'avait pas remarqué.

-Je suis heureux de voir que ma fille fréquente des jeunes hommes tels que vous. Vraiment heureux.

-Des jeunes hommes tels que moi ? répéta Sirius froidement avant de relever un sourcil.

-Oui, enfin des sang-pur et des...

-... traîtres à leur sang ?

Son visage se troubla et son sourire s'évanouit aussitôt. Il semblait qu'il avait considéré que jouer la comédie plus longtemps était inutile.

-J'espère que vous ne tarderez pas à retourner auprès de votre famille pour inciter Marlène à ne plus douter de ses origines.

-Dommage pour vous, Monsieur. Ma charmante mère a déjà brûlé mon portrait sur notre tapisserie familiale.

Son sourire n'aurait pas pu être aussi grand devant l'expression horrifiée de l'homme. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas remis à sa place un homme trop orgueilleux et il devait avouer que cela lui avait manqué.

-Comment osez-vous vous adre...

-Père. Black, Marlène vous attends.

Finn McKinnon se tenait à l'encadrement de la porte, un regard sévère adressé à son géniteur . Marlène lui avait bien dit que son grand frère était également contre les idées de leurs parents aussi Sirius s'empressa-t-il de s'incliner d'un air provocateur devant l'homme et le saluer d'un signe de la tête en passant à ses côtés. Il se sentait de si bonne humeur à présent.

En retournant dans le couloir, il aperçut alors Marlène debout devant la porte d'entrée, un petit sourire malicieux sur les lèvres. Sirius mit du temps à la détailler, mais au fur et à mesure qu'il le faisait, une chaleur étrangère montait jusqu'à ses joues.

-Tu es... magnifique.

Elle portait une robe blanche qui affirmait sa taille et lui tombait avec souplesse sur ses hanches pour s'arrêter juste au-dessus de ses genoux. Le buste était décoré de dentelle délicate et d'une fleur blanche accrochée sur sa clavicule droite. Ses beaux cheveux bruns étaient coiffés en un large chignon qui laissaient échapper quelques mèches devant ses yeux noisettes.

-Tu n'es pas mal non plus.

Elle s'approcha et lui déposa un baiser rapide sur les lèvres.

-Qu'est-ce que tu as dit à mon père ?

-Rien de spécial.

-Menteur.

Mais elle ne chercha pas plus loin et sortit la première de la maison, après s'être recouverte de sa cape bleue marine.
La soirée qu'ils passèrent furent des plus merveilleuses qu'il soit. Les repas étaient bien bons, certes, mais ce qui donnait du pétillant à la soirée était son sourire toujours aussi éclatant et ses yeux brillants. Il adorait lorsqu'elle mordait sa lèvre inférieur pour s'empêcher de rire à une de ses blagues, lorsqu'elle faisait la moue pour une réplique qu'elle avait mal interprété ou lorsqu'elle fronçait les sourcils après avoir goûté un plat à l'allure sophistiquée mais étrange. Quand le dessert arriva, Sirius se décida à se lancer et demanda doucement :

-Marlène, je peux te demander quelque chose ?

-Je t'écoute.

Il inspira profondément pour se donner un semblant de courage. Ce n'était quand même pas une stupide déclaration d'amour qui allait lui faire peur.

-Comment... comment qualifierais-tu notre relation ?

Elle ne fut pas surprise de sa question. C'était comme si elle s'y était préparée toute la soirée. Reposant sa fourchette, elle posa sa main sur la sienne et lui sourit.

-Je t'aime.

-Je t'aime aussi.

-Tu as ta réponse non ?

-Je... alors nous... on sort ensemble ? Officiellement ?

-Oui.

Une vague de soulagement se propagea dans tout son corps. Il avait craint ce moment plus que tout autre. Il l'avait imaginé se braquer et lui dire qu'elle n'était pas prête, ou quelque chose de ce genre mais tout s'était passé tellement parfaitement qu'il en avait du mal à y croire. Il sortait avec Marlène McKinnon. Il avait une petite-amie.
En lui touchant la main, elle se rendit compte de la présence de la chevalière et lui demanda à son tour :

-Ça a un rapport avec ton frère ?

-Ma tante nous l'avait offert après le départ d'Andromeda. La pierre est raccroché à l'essence de vie de mon frère, et lui a la même pour moi. Elle brille lorsqu'il est en danger et le reste du temps, sa couleur s'adapte à son humeur.

-Tu crois qu'il la porte ?

-Je l'ai toujours vu avec.

Régulus n'avait jamais cessé de la porter, même lorsqu'il s'était enfui lâchement de la maison. Son frère avait toujours voulu veiller sur lui malgré leurs différences. Finalement, peut-être qu'il aurait fait un meilleur grand frère.

-Le vert est la couleur de ses yeux. Je suppose que ta pierre devrait être grise.

-Attends, comment sais-tu que les yeux de Régulus sont verts ?

Son visage pâlit aussitôt. Elle retira sa main et fixa son assiette pour détourner son regard du sien.

-Marlène.

-Quoi ? fit-elle en relevant sa tête.

-Tu le vois ? Tu le connais ?

Ses joues rosirent immédiatement. Sirius poussa un juron et passa une main sur son visage. Pourquoi. Pourquoi fallait-il que tout se complique toujours.

-Je lui parle juste de temps en temps.

-De temps en temps ? Ça veut dire quoi ça ?

Sans s'en rendre compte, il avait haussé la voix. Plusieurs personnes se retournèrent sur leur chaise pour les observer avec curiosité, mais Sirius n'en avait rien à faire. La jalousie lui piquait le cœur si douloureusement qu'il sentait déjà la colère affluer dans ses veines. Marlène le pressentit.

-Eh, calme-toi. Ton frère a juste besoin d'un peu de considération, et je suis juste présente pour l'entendre. Tout ce que je t'ai dit sur lui vient de nos longues discussions. Il t'aime mais il ne sait pas comment te le dire.

-Ce n'est pas le problème ! Pourquoi ne m'as-tu rien dit !

Marlène recula légèrement, surprise de sa réaction. Son visage se ferma.

-Arrête ça. Régulus est juste un ami.

-Je vois que tu ne le connais pas encore, lâcha-t-il avec un petit rire. C'est un charmeur qui cache parfaitement son jeu. Il est très bien capable de jouer sa victime pour ensuite t'attirer dans ses bras.

-Tu le critiques mais tu ne vaux pas mieux, Sirius Black. Je pourrais très bien faire ma jalouse pour toutes les filles que tu as attiré dans ton lit depuis le début de l'année.

-C'est différent.

-Oui, tu as raison. C'est même pire. Tout ce que j'ai fait, c'est parler avec ton petit frère pour tenter de remédier les choses entre vous deux. Je l'ai fait pour toi et pour que tu te sentes mieux avec toi-même. Et je ne m'arrêterai pas de parler avec lui juste parce que je sors avec toi. Ma relation avec lui et la même que celle avec James. C'est un ami. Rien de plus.

-N'oublie pas qui il est, Marlène. Un jour, on lui posera la marque sur son bras et tu n'auras pas le temps de te retourner qu'il t'auras déjà visé. Il est un Black. Un sang-pur, un Serpentard.

-Et toi tu es aussi un Black et un sang-pur.

-La différence entre lui et moi c'est que je ne m'abaisserai pas jusqu'à m'incliner devant un monstre sanguinaire et avide de pouvoir.

-Tu est l'aîné, tes parents t'auraient condamné au même sort si tu ne t'étais pas rebellé. Alors arrête de le voir comme un méchant. Le monde n'est pas divisé en deux camps bien distincts. Autant les bonnes personnes que les Mangemorts, nous avons tous de la lumière et des ténèbres à l'intérieur de nous. L'important est juste de savoir à laquelle donner de l'importance.

Puis elle approcha son visage du sien et chuchota :

-Je t'aime Sirius. Toi et personne d'autres. Je t'interdis de douter de moi encore une fois.

Leur front se collèrent au-dessus de la table. Leurs mains s'entrelacèrent lentement entre elles, tandis que les mots de Marlène s'implantaient lentement dans l'esprit de Sirius. Ces mots qu'ils n'oublierait jamais.

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