Interlude
-L'élevage des dragons a été interdit par la Convention des sorciers de 1709, lorsque plusieurs moldus virent ces animaux voler dans le ciel en pensant qu'il s'agissait d'une fin du monde. Le cas a été qualifié d'hystérie générale par les médecins moldus, et les mesures ont été prises entre le Premier Ministre moldu et le Ministre de la Magie. De là sont né les différentes règles qui...
-Avery ?
-Oui ?
-Tu veux pas sortir dehors plutôt ? L'examen est dans deux semaines, je pense qu'on a encore le temps.
Avery parut réfléchir quelques secondes puis délaissa finalement le livre sur la table. Ensemble ils sortirent de la Salle Commune pour traîner dans les couloirs, sans avoir autre chose à faire qu'observer le magnifique ciel bleu de mai. Huit mois étaient passés depuis sa dernière discussion avec Sirius. À Noël, il n'avait pas ouvert la bouche, observant un regard encore plus noir que d'habitude sa famille, en particulier Narcissa qui vantait le bon comportement de Régulus à Poudlard. Il lui manquait terriblement, mais n'osait pas aller le voir. Son seul espoir était que lui aussi lui manquât. Savoir cela le rassurerait considérablement.
-Tu es un peu dans la lune ces derniers temps, fit remarquer Avery.
-Quoi ?
-JE DISAIS QUE TU ETAIS UN PEU DANS LA LUNE !
-Ok ça va, pas la peine de me hurler comme ça dans l'oreille.
Son ami éclata de rire devant la grimace du cadet Black.
-C'est les examens qui te mettent dans cet état ? Tu sais, ma sœur m'a dit que ce n'était pas si terrible. Surtout pour les premières années. Si tu sais tes cours, tu auras une bonne note.
-Ouais. Ben heureusement que ta sœur est là pour te rassurer, parce que Bellatrix m'a dit qu'ils demandaient même les choses que les professeurs ont expliqué à l'oral et que si tu te trompais ils te frappaient avec une règle.
-Elle aime bien traumatiser les gens ta cousine.
-Comment t'as deviné ? ironisa Régulus.
Les deux rirent et prirent un tournant à gauche.
-En attendant, déclara Avery, je sais presque par cœur mes cours de potions. Je veux que Slughorn soit fier de moi et de notre maison. La dernière fois il m'a dit que j'étais un de...
Les paroles de son ami sonnèrent bien loin lorsque le regard de Régulus tomba sur Sirius qui riait au loin. Les quatre Maraudeurs étaient là-bas, se courant après tels des enfants, riant à gorge déployé sous un soleil ardent. Il paraissait tellement heureux. La chevalière à son doigt était plus vive que jamais, emplie d'un gris pétillant presque argenté. Ouais, il paraissait tellement heureux. Plongé dans un bonheur dans lequel Régulus n'avait pas sa place et ne l'aurait jamais. Autrefois, c'était lui qui lui courait après, jouait avec lui jusqu'à ce qu'ils soient trop fatigués pour se relever. À présent, Potter l'avait remplacé. Potter, Lupin et Pettigrow, ces trois idiots qui lui avaient volé son frère. Une vive jalousie lui fit monter les larmes à l’œil. Cette image était en train de se graver dans son esprit comme sur une pierre. Son cerveau se chargeait de sa mémoire, faisait en sorte qu'il se rappelle qu'il n'avait plus sa place dans le bonheur de son frère, qu'il n'était que sa douleur, la partie qu'il tentait d'oublier pour retrouver le sourire.
Régulus était un frère indésiré, à présent.
Il fit volte-face sous le regard surpris d'Avery en annonçant :
-Je vais réviser mes cours.
Lui en voulait-il d'être heureux ? Une partie de lui aurait voulu dire que non. Il en avait le droit, après tout ce qu'il avait fait pour lui. Il avait souffert des années pour le protéger, il méritait ce bonheur. Mais la partie plus égoïste de son esprit voulait qu'il se sente triste pour être loin de lui. Comme lui se sentait triste.
Les semaines passèrent plus lentement qu'une limace sur une route ardente. Régulus arrivait à peine à dormir, songeant toujours à ce qu'il avait vu cette après-midi là, à ce bonheur qu'il n'atteindrait jamais. Qu'était sa vie après tout ? Une suite interminable de paroles blessantes, d'espoirs brisés et de désirs insatisfaits. Tout était plus simple en présence de Sirius. Il n'avait pas à se soucier s'il lui avait fait du mal où s'il lui manquait. Aucune déception, aucune larme. Son frère avait été avec lui chaque instant de sa vie, et ce n'était que maintenant qu'il se rendait compte combien il lui était cher.
Il passa les examens haut la main, resta dans sa chambre le reste du temps. Avery tentait de le sortir de là, mais Régulus refusait systématiquement. Un mur était en train de se construire autour de son cœur. À force de le piétiner, le briser, il tentait de le protéger de la manière la plus facile qu'il soit. Il pensa à son frère et repoussa toutes les bonnes pensées qu'il avait à son sujet. Il se mit à le haïr, parce que la haine était bien plus facile à contrôler que l'amour. Lorsqu'il dut retourner au Square Grimmaud pour les vacances, il ne lui adressa aucune parole. Même pas un regard. Ses yeux devinrent froids et vides d'émotions. Quelque part en lui, il espérait que Sirius brise cette indifférence. Qu'il lui rappelle qu'il lui était cher, qu'il l'aimait de tout son cœur et que rien d'autres importait que leur fraternité. Mais Sirius se contenta de l'observer avec un regard triste et s'enfermer dans sa chambre. Alors le mur s'épaissit plus encore jusqu'à ce qu'il ne ressente que la froideur de la pierre battant à la place de son cœur.
En deuxième années, plusieurs filles commencèrent à s'intéresser au dernier héritier Black. Il avait grandi et s'était fait beaucoup plus sombre. Son visage se contractait chaque fois que quelqu'un lui adressait la parole, son regard lançait des jets d'eau froide à n'importe qui s'aventurerait à le fixer dans les yeux. Le seul qui ne subissait pas ce comportement était Avery. Ce dernier avait finit par s'habituer, et agissait naturellement. Il espérait qu'ainsi, il réussirait un jour à ramener la vie dans le cœur de son ami. Peut-être que Régulus ne montrait aucun bonheur apparent à l'entendre dire des blagues ou rire, mais il avait vite compris que tout se passait à l'intérieur de lui. Alors il l'aidait, à sa manière.
En troisième année, Régulus se retrouva être le seul Black à Serpentard. Narcissa avait passé ses ASPICS et s'était fiancée à Lucius Malefoy dans leur amour toujours plus grand. Le couple avait été le leader de la maison. Lucius s'était servi du nom de Narcissa pour accroître son pouvoir, et Narcissa de l'influence de Lucius pour s'imposer parmi les Serpentard. Lors de leur départ, se fut malheureusement Rosier qui prit leur place. Il plaça Régulus dans la liste de ses proies, car les deux garçons avaient maintenu une haine commune depuis leur arrivé à Poudlard. Il monta tout le monde contre lui et Avery, ce qui ne fit que renforcer le caractère repoussant du jeune garçon. Il se renferma plus encore sur lui-même afin de se protéger des autres et de tout ce qui pourrait le blesser. Il leur fit comprendre très vite qu'il était un Black, pas une vulgaire victime mais il resta toujours une légère tension flottant dans la Salle Commune, menaçant les deux Serpentards de remarques désagréables. Ces remarques visaient souvent Sirius et sa traîtrise à son sang, comme on pouvait s'en douter. Alors Régulus haït plus encore son frère. Il ne laissa rien paraître de l'extérieur, mais l'intérieur était rongé de colère et de peine.
La quatrième année fut la pire de toutes. Le Seigneur des Ténèbres commençait à accroître son influence et son pouvoir, sa famille se plia devant lui. Bellatrix s'engagea dans ses rangs et le mari de Narcissa ne tarda pas à la suivre. On lui répéta combien il était important de faire honneur à sa famille, que le futur de leur maison dépendait à présent de lui, puisque Sirius paraissait n'accorder d'importance à aucune valeur. Ces mots répétés inlassablement, les louanges de Bellatrix sur le Seigneur des Ténèbres, les remarques de sa mère sur son comportement, les punitions de Sirius, les sermons de son père, les insultes de Rosier à propos de son frère, Slughorn qui ne s'intéressait qu'à son nom, tout cela fit que Régulus craqua. La pierre qui avait entouré son cœur avait éclaté en mille morceaux. Une nuit, durant les vacances de Noël, il partit. Il avait l'intention de revenir, oui, mais cela personne ne le savait. Il avait pris sa baguette, quelques affaires de rechange et s'était envolé on ne savait où. Loin de toute cette pression, toutes ces petites choses qui lui rappelaient son frère et la douleur que lui procurait le souvenir de leur enfance.
Cygnus et Orion commencèrent à faire des battues. Lucius rechercha de son côté des traces de transplanage ou de poudre de cheminette au Ministère et Bellatrix s'aventura dans tous les endroits où son cousin était susceptible de se rendre. On questionna Avery, Rosier, tous ses camarades de classe sans le trouver. Même Sirius commença à interroger des personnes, avec l'aide de James. Puis Narcissa eut la merveilleuse idée d'aller arroser ses plantes dans la maison de vacances des Malefoy, au bord de la plage et le trouva là-bas, assis sur le sable à fixer l'horizon comme s'il pouvait se confondre au paysage par un simple regard. Il était arrivé à entrer dans la maison par une fenêtre et occuper une chambre dont il prenait soin. Il y avait trouvé dans ce lieu la paix et la vie, l'espoir d'une existence dénuée de devoirs et d'obligations. La nature sauvage avait guéri ses blessures les plus profondes. Le souffle du vent dans ses cheveux avait redonné un peu d'éclat à ses yeux verts, le frottement du sable contre sa peau lui avait redonné le sourire. Régulus avait retrouvé espoir.
Narcissa passa quelques jours avec son cousin, sans prévenir pour autant sa famille. Ce furent les plus beaux moments qu'ils passèrent ensemble, loin de toute civilisation et de remarques sur ce qu'ils pouvaient dire ou faire. Il n'y avait aucun elfe de maison pour leur faire à manger ou le ménage, mais le faire eux-mêmes leur procurait beaucoup d'amusement. Ils avaient tous deux un esprit libre, presque sauvage, comme la nature qui les entourait. Il y a des moments comme ça où la vie nous offre un moment de paix, une opportunité de se retrouver soi-même et c'est ce que trouva Régulus durant ces quelques jours au bord de la mer.
Ce fut le cœur léger et l'esprit en paix qu'ils retournèrent à Londres. À son arrivé chez lui, Sirius le serra dans ses bras si fort qu'il crut étouffer.
Régulus n'avait jamais pleuré. Pas une seule fois depuis son arrivé à Poudlard. Pourtant, ce jour là, une larme tomba de son œil. Non pas parce qu'il était triste, mais parce que c'était ce qu'il avait rêvé depuis si longtemps. L'attention et l'inquiétude de son frère. Un contact avec lui. Un simple contact comme celui-ci.
Tout se remit en ordre. Régulus retrouva son sens de l'humour, Avery son ami. Sirius lui envoyait parfois des mots, certains complètement dénués de sens mais cela importait peu. Il se sentait revivre. C'était quelque chose de précieux. Revoir l'amour autour de soi, se sentir bien. Pour une fois.
Mais les bonnes choses ne durent jamais longtemps. Sirius fêta ses seize ans. Et avec cet événement, tout vola en éclat.
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