III. Sirius

Sirius n'aimait plus regarder les étoiles. Il les détestait même. Ce n'était pas parce qu'il les trouvait laides ou quelque chose du genre, mais elles lui rappelaient sûrement trop de souvenirs mauvais. S'il avait pris l'option Astronomie, c'était seulement pour Rémus qui ne voulait pas se retrouver seul, sachant que James avait pris Divination pour Peter. Sur le moment, il n'avait pas pensé à ce qu'ils étudieraient. Il y avait les planètes, les mouvements de la lune, du soleil, les météorites, tellement de choses à découvrir. Malheureusement, la professeure Sinistra adorait les étoiles. Pour son plus grand désespoir. 
Des pas se firent entendre dans les escaliers de la Tour d'Astronomie. Sirius, alors appuyé contre la rambarde, se retourna. Marlène McKinnon apparut. Sa queue de cheval brune se balançait de gauche à droite, dégageant son visage lumineux. Elle tenait dans ses mains un ensemble de plumes, parchemins vierges et deux livres d'Astronomie.

-Tu déménages McKinnon ? se moqua-t-il.

-J'ai prévu le coup, Black. Je me doutais bien que tu allais venir les mains vides.

-Perspicace.

Elle déposa le tout au sol et se redressa, posant ses mains sur ses hanches.

-Je t'avoue que je te pensais être avec Lupin. Tu m'as étonnée quand tu as accepté ma proposition.

-Rémus n'a pas osé dire non à Finnigan.

-Dommage pour toi. Tu vas devoir me supporter.

-Ça, c'est ma réplique.

-Eh bien maintenant c'est la mienne.

Son regard brilla de malice.

-Je te préviens, reprit-elle, si tu ne fais rien, je te jette du haut de cette tour.

-C'est une menace ?

-C'est une condition.

-Tu n'oseras pas.

-Tu veux une démonstration ?

Décidément, cette fille avait du caractère. Sirius était monté ici avec un moral assez bas mais elle lui donnait envie de travailler. Ce qui était un très mauvais signe chez lui.

-Tu fais quoi, là ? demanda-t-elle en voyant qu'il ne réagissait pas, alors qu'elle préparait ses notes.

-Tout doux McKinnon, on a toute la nuit.

-Justement, j'aimerais bien dormir.

Ils s'assirent par terre et commencèrent leur devoir. Sirius n'allait pas dire que le sujet le passionnait beaucoup, aussi se contenta-t-elle d'écrire tout ce que la jeune Gryffondor disait. Et à son goût, il le faisait plutôt bien.

-Rédacter.

-Oui, et quoi ?

Elle releva un sourcil, le fixa lui, fixa de nouveau le parchemin, le tout avec un air très sceptique.

-Ce verbe n'existe pas, trancha-t-elle.

-On dit bien une rédaction. Donc le verbe de rédaction c'est...

-Oui mais non. C'est rédiger.

Un immense sourire éclaira le visage de Sirius.

-Je faisais exprès, McKinnon.

-Mais bien sûr.

Elle soupira et après l'avoir corrigé, replaça son œil devant la lentille du télescope. Il profita de son silence pour la contempler. La lumière de la lune éclairait sa peau pâle et il se surprit à la trouver jolie. Très jolie même. Ses lèvres charnues se pinçaient sous la concentration, ses sourcils fins et parfaits se fronçaient. Il imagina ses pupilles noisettes se perdre dans l'immensité de l'univers, ces pupilles qui rendaient son regard si craquant. Non mais quelles pensées. Depuis quand il trouvait ses yeux craquants ?

-Black ?

-Oui ?

-On rédige un devoir sur le ciel, pas sur moi.

-On rédige.

-Ouais, on rédige.

Même si son ton paraissait neutre, il la vit sourire.

-Oh ! s'exclama-t-elle brusquement.

-Quoi ?

-Je vois la galaxie d'Andromeda !

-Ah super, marmonna-t-il, soudain très déçu.

Il s'attendait à un truc beaucoup plus excitant.

-Mais c'est génial ! se réjouit-elle, soudain heureuse. Tu imagines ? Voir une autre galaxie depuis notre propre galaxie ! Viens voir !

-Non, merci.

-C'est quoi le problème, Black ?

Elle se retourna vers lui, les mains sur les hanches, pour changer. Elle semblait aimer mettre ses mains sur ses putains de hanches, rondes à la perfection, assez pour capter toute son attention.

-C'est quand tu veux tu réponds.

-C'est pas quelque chose qu'on doit inclure dans notre devoir, non ?

-C'est la curiosité.

-Eh bien je ne suis pas curieux.

-Tu es désespérant, soupira-t-elle. Je ne vois pas le problème de poser un œil devant un télescope.

Il haussa les épaules, s'intéressant soudainement à une des plumes qu'il avait dans la main.

-Attends, s'exclama-t-elle comme si elle s'était rendue compte de quelque chose d'essentiel. C'est à cause du nom de la galaxie ? Andromeda ?

Il ne répondit pas. Non pas que l'envie lui manquait, c'était juste qu'il ne voulait pas s'étendre sur ce sujet.

-Non mais sérieusement, lâcha-t-elle accompagné d'un petit rire. Pour ça ?

-Ça te paraît peut-être être un détail anodin pour toi, mais pour moi ça porte tout son sens.

-Et quel sens ça porte ?

Avec un goût amer dans la bouche, il prononça :

-Ma famille.

Il y eut une minute de silence. A quoi s'attendait-il, au final ? C'était toujours ce qui se produisait à la mention de la Noble et Ancienne Maison des Black. Le silence. La crainte. Le dégoût, pour certains. Et lui qu'on incluait dedans, malgré ses protestations.

-Je sais ce que c'est.

-Ah oui, vraiment ? répliqua-t-il, sarcastique.

Elle s'avança et s'assit en tailleurs devant lui.

-Mon frère et moi sommes les seuls à être contre les idées de nos parents. Mais j'avoue qu'être deux est plus facile que seul.

-Tes parents sont Mangemorts ?

-Non, mais ils sont du côté de Tu-Sais-Qui.

Un second silence s'installa. Le malaise se faisait ressentir.

-On a un point commun au moins, sourit-elle, se voulant rassurante.

-Je ne crois pas, non. Ma famille n'a rien à voir avec la tienne. Mon dos en témoigne.

-Ton dos ?

Son sourire se décomposa. Sirius s'asséna une gifle mentale pour mentionner sa honte principale.

-Oublie.

-Non, ça m'intéresse.

-Ça ne devrait pas.

-Tu ne devrais pas en avoir honte.

-Ah oui, s'agaça-t-il en se redressant. Comment ne peux-tu pas avoir honte de t'être soumis à ses propres parents, à t'être laissé faire, comporté comme un lâche devant les coups !

-J'appelle ça du courage, répondit-elle calmement.

-Crois-moi, je suis loin d'être courageux.

-Alors que fais-tu à Gryffondor ?

-James m'a déjà déballé ce discours des millions de fois, merci.

-Alors si les discours n'ont aucun effet, montre moi. Les cicatrices sont des choses qui émerveillent les filles, tu sais.

-Dans tes rêves, McKinnon.

-S'il te plaît Sirius.

-On passe aux prénoms maintenant ?

-J'essaie de te mettre en confiance.

-Marlène ?

-Oui ?

-Rien, je voulais juste savoir comment ça faisait de prononcer ton prénom.

-Et ça fait quoi ?

-C'est doux.

-D'accord, si tu veux.

Il haussa les sourcils, surpris. Elle lui répondit d'un sourire hypocrite.

-Ces genres de choses ne marchent pas avec moi. Maintenant tourne-toi et montre moi ton dos.

-Je gagne quoi ? Si je cède.

-Le droit à une nuit par semaine sur cette tour.

Il ouvrit la bouche de surprise avant de la refermer immédiatement. Cela valait-il le coup ? Oui. Après tout, il était Sirius Black, non ? Il se pinça la lèvre intérieure, hésitant. Ces marques faisaient partie de son passé, d'un passé encore récent et qu'il voulait cacher même à ses meilleurs amis, même si ses tentatives jusque là avaient été vaines. Échangerait-il son passé contre une fille ?

-Je suis juste intriguée, dit-elle d'une voix douce. Et puis la meilleure façon d'accepter son passé est de le montrer. L'accepter.

Puis après un moment de silence :

-S'il te plaît.

Il aurait pu croire qu'elle avait lu dans son esprit. Mais cela eut le mérite de lui faire ôter son pull et sa chemise, offrant sa peau nue à une nuit brillante. Marlène se plaça derrière lui et passa son doigt sur chaque de ses marques, une à une, doucement. Sirius eut comme l'impression qu'à chaque passage de ses doigts, sa peau se guérissait, redevenait nette, lisse, comme il aurait voulu toujours l'avoir. Il ne put la voir, mais son silence et ses gestes témoignèrent de sa fascination.

-Tu te rappelles de l'histoire de chacune ? demanda-t-elle d'une voix apaisante.

Il n'y avait aucun jugement dans sa voix, juste de la curiosité. De l'intérêt. Et étrangement, il se sentit bien.

-Quand on a ces genres de traces sur le corps, on oublie jamais vraiment comment elles sont arrivées.

-Il y en a énormément, souffla-t-elle. Tu m'en raconte quelques unes ?

-Tu vas trop loin.

-Désolée. C'est juste... Tu ne devrais pas en avoir honte. Elles font partie de toi, comme ton bras ou ta jambe. Elles portent chacune le nom de Sirius Black et du courage qu'il t'a fallu pour les endurer. Tu devrais en être fier.

-Si tu le dis, marmonna-t-il, mal à l'aise.

Il n'avait pas vraiment l'habitude d'entendre ces genres de choses. Ça l’incommodait, et il préférait l'éviter. Parce que pour lui, il était un lâche, un traître, un point c'est tout. Rien de courage ou de bravoure. Il avait défendu son petit frère parce qu'il était l'aîné et qu'il l'aimait, c'était ce que tout grand frère aurait fait à sa place. Puis un an auparavant, il l'avait abandonné pour son propre égoïsme et portait l'emblème de Gryffondor avec ce sentiment de ne pas le mériter. Lorsqu'il n'y avait que les coups et la douleur, tout était plus simple, au final.

-Tu sais, reprit Marlène, je ne peux pas t'aider seulement en regardant ces cicatrices et essayant de deviner le sens qu'elles portent. J'ai envie de connaître chacune d'elle.

Un silence. Puis dans un murmure :

-Et de te connaître, toi, étoile du ciel.

Et à partir de ce moment, tout changea.

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