I. Sirius

L'obscurité l'étouffait. Il ne faisait ni froid, ni chaud, un simple condensé d'air irrespirable gorgé d'humidité. Il ne voyait rien non plus. La seule source de lumière se trouvait des mètres plus loin, mais seulement présente en des petits traits blancs caressant des roches suintantes. Sirius voulut crier, appeler à l'aide, mais c'était comme si on lui avait arraché les cordes vocales. Aucun son ne franchit le bord de ses lèvres. Il était seul. Il le serait toujours.
Il trébucha et étouffa un gémissement. Le sol était terriblement glissant et paraissait pentu, ce qui l'inquiétait grandement. Par Merlin, comment était-il arrivé ici ? Quel était cet endroit ? Cela ressemblait à une grotte, mais il n'était pas sûr. Un brouillard s'était immiscé dans son esprit et l'empêchait de réfléchir correctement. Il trébucha une deuxième fois et cette fois-ci parvint à échapper un cris.
Mais ce n'était pas parce qu'il s'était fait mal.
Il toucha un corps. Froid, immobile, inerte. Mort.
Le cœur de Sirius s'emballa. Un rayon de lumière arriva vers lui et éclaira le visage de l'inconnu. Et alors, Sirius sentit son sang se glacer.
Régulus.
Ses boucles noires tombaient mollement sur son front. Ses paupières étaient fermées, fermées pour toujours, scellées par la mort elle-même. Et sa peau était si blafarde qu'il aurait pu se fondre dans le paysage comme un fantôme errant. Sirius ouvrit la bouche pour hurler, mais rien ne vint. Il fut condamnée à garder son désespoir pour lui, sentir la culpabilité lui griffer les entrailles et la tristesse lui brûler les yeux. Son frère, son petit frère, il ne pouvait pas être mort, non, pas lui...

-Sirius !

Il ne savait pas d'où provenait cette voix mais s'en fichait pas mal. La seule chose qu'il voyait était Régulus, reposant inerte dans ses bras, froid comme la glace, son petit frère...

-SIRIUUUUUUS !

Le Gryffondor poussa un hurlement en se redressant brusquement sur son lit. La sueur lui donna l'impression de sortir d'une douche froide. Ses yeux divaguèrent quelques secondes devant lui, sans comprendre comment il était passé d'une grotte à son lit. Et Régulus ? Où était le corps de Régulus ? Il ne voulait pas l'abandonner, non, plus jamais, son petit frère...

-Où... où est Reg ? Où est-il ? balbutia-t-il, tremblant de froid.

-Eh, Patmol ! Eh, eh regarde-moi !

Ses yeux gris rencontrèrent ceux de James Potter. Le retour à la réalité lui fit l'effet d'une gifle.

-Putain, t'étais obligé d'être aussi brusque ? s'écria-t-il en repoussant la main de son meilleur ami.

-J'ai hésité entre le seau d'eau et la trompette mais Lunard m'a dissuadé des deux, sourit-il, fier de lui.

Sirius poussa un grognement mécontent, l'envie d'envoyer valser James à l'autre bout de la pièce le saisissant brusquement. Ce dernier le ressentit et changea de position.

-Qu'est-ce qu'il y a ?

-Où sont les autres ?

-Dans la Salle Commune. Tu vas répondre à ma question ?

-Non.

Il s'essuya le font avant de se lever et s'empara de ses affaires pour aller vers la salle de bain. Il se força à ne pas laisser toutes ces images l'assaillir, cette grotte humide, son frère, son petit frère... un frisson le traversa.

-Sirius, dis-moi ce qu'il y a...

-Laisse-moi.

Et il claqua la porte de la salle de bain.
Sirius avait toujours été ainsi. Dès qu'un élément extérieur ou des rêves lui rappelaient l'existence de sa famille, il se renfermait sur lui-même et refusait de prononcer un seul mot. C'était pire lorsqu'il s'agissait de son frère. Régulus était un sujet si sensible que personne n'osait prononcer son nom de peur de s'attirer les foudres de l'aîné Black. Il resta un quart d'heure sous la douche puis se décida à sortir, ne souhaitant pas sauter son petit déjeuner. James releva la tête. Au plus grand désespoir de Sirius, il l'avait attendu assis contre le lit, les genoux ramenés vers sa poitrine.

-Je...

-C'est quoi que tu comprends pas dans la phrase « Laisse-moi » ?

-Sirius, arrête ça tout de suite. Tu as peut-être passé une mauvaise nuit mais ce n'est pas une excuse pour me parler comme ça.

-Mais apparemment, c'est la seule manière pour que tu comprennes.

Le visage de James se contracta mais il ne répondit rien. Les deux garçons sortirent de la chambre dans un silence glacial. La Salle Commune était presque vide, et il ne restait que Rémus avec un livre dans la main -rien de surprenant venant de sa part- et Peter qui terminait en exprès un devoir de métamorphoses.

-Comment se porte notre Belle-au-Bois dormant ? sourit Rémus sans détacher ses yeux du livre.

-Notre quoi ? demanda Peter.

-Laisse tomber Lunard, Sirius est de mauvaise humeur ce matin, marmonna James, les mains dans les poches.

-Qu'est-ce que tu lui as fait encore ?

-Pourquoi est-ce qu'il faut toujours que je fasse quelque chose pour qu'il soit fâché ?

Sirius n'entendit même pas la fin de la conversation car il sortit de la Salle Commune et s'engagea dans le couloir, seul. James ne pouvait-il pas le laisser en paix lorsqu'il le lui demandait ? Non, il fallait toujours qu'il insiste, le suive sans arrêt jusqu'à le faire sortir de ses gonds. Et alors il le regardait avec pitié comme s'il y avait écrit sur son front « Je n'ai pas de famille, plaignez-moi ».
Sirius entra dans la Grande Salle, le visage fermé. Plusieurs élèves le dévisagèrent mais personne n'osa lui demander pourquoi les autres Maraudeurs ne le suivaient pas. Il s'assit à sa place mais ne mangea rien. À la place, ses yeux se figèrent sur la porte et il demeura telle une statue, aussi immobile que s'il était fait de marbre.
Une minutes passa. Puis deux. Puis trois. Il ne bougea pas. Son cœur se mit à battre plus rapidement. Une goutte de sueur coula le long de sa tempe. Quatre minutes. Cinq. Chaque fois que des élèves apparaissaient, une lueur d'espoir dansait dans ses pupilles grises mais elle disparaissait aussitôt qu'il les reconnaissait. Le temps lui parut interminable. Il défit les premiers boutons de sa chemise. Cinq minutes. Ce n'était pas normal. Régulus était ponctuel. Il entrait toujours à la même heure, tous les jours, sans une exception.
Sauf aujourd'hui.
Et s'il était réellement mort ? Et si son rêve n'en était pas vraiment un, qu'il s'agissait d'une projection de la réalité ? Et s'il l'avait vraiment abandonné ?
Sirius n'arrivait plus à respirer. Il défit sa cravate sous le regard intrigués des Gryffondors. Il allait défaillir. D'un instant à l'autre. Le visage blême, ses yeux divaguèrent devant lui, vérifiant si son frère n'était pas déjà assis à la table des Serpentards. Mais non. Rien. Alors qu'il sentit le désespoir l'envahir, une silhouette familière déboula dans la salle.
Une vague de soulagement traversa le corps de Sirius qui, par la tension et la surprise, se leva brusquement.
Régulus tourna la tête. Leurs yeux se rencontrèrent. Le temps se suspendit.
Il y eut un moment durant lequel Sirius voulut se précipiter vers son petit frère et l'enlacer pour s'assurer qu'il n'était pas une illusion. Le serrer fort contre lui, lui die qu'il ne l'abandonnerait jamais, plus jamais. Cette envie désespérée fut si soudaine qu'il s'apprêtait à le faire quand le Serpentard rompit le contact. Il se dirigea de l'autre côté de la salle, le corps raide. Sirius se rendit compte que tous les regard étaient braqués sur lui, aussi leur adressa-t-il un regard noir et sortit précipitemment.

-Sirius !

Évidemment, le hasard fit qu'il rencontra les Maraudeurs dans le couloir qui se dirigeaient justement vers le lieu qu'il avait fuit. Il voulut passer à côté d'eux d'un air indifférent mais c'était sans compter l'insistance de James Potter. Celui-ci le retint par le bras aussitôt qu'il arriva à sa hauteur.

-Pas si vite, Patmol.

Rémus et Peter décidèrent de les laisser tandis que le Gryffondor entraînait son ami dans un angle du couloir.

-C'est quoi le problème, mec ? Tu me parles comme si je n'étais qu'un désagrément, tu nous fuis et tu passes à côté de nous sans même nous adresser un regard !

La colère commençait à affluer dans les veines de James. Sirius pria pour voir quelqu'un arriver et rompre cette conversation qui n'avait d'ailleurs aucun sens, mais il n'y eut personne.

-Laisse tom...

-Et non, je ne laisserai pas tomber ! s'exclama-t-il vivement en frappant du plat de sa main la pierre contre laquelle était appuyé le brun. Ce dernier sursauta mais ne se laissa pas intimider.

-Je n'ai pas envie d'en parler, tu peux respecter ça ?

-Non, parce que je sais que ça concerne ton frère et que tu as honte de t'inquiéter pour lui.

Son ton s'était légèrement radouci mais il toucha le point faible. Sirius sentit toute sa tension s'évader et sa vue se flouta. De pas cligner des yeux. Ne surtout pas cligner des yeux ou la larme gagnerait contre sa volonté.

-Je... il...

Il était mort, voulut-il dire, mais ces mots ne purent franchir ses lèvres. À la place, il détourna la tête et cligna des yeux. La larme coula, discrètement, furtivement.

-Sirius, arrête de détourner la tête quand tu pleures.

-Je ne pleure pas, souffla-t-il d'une voix cassée.

-Pleurer n'est pas une honte, et s'inquiéter pour son frère même si on prétend qu'on la renié l'est encore moins.

-Je l'ai abandonné, James, craqua Sirius. Il aurait pu mourir que je n'en aurait pas eu la moindre idée...

Un sanglot naquit dans la poitrine et l'obligea à lâcher prise. Ses larmes inondèrent ses joues et durant un instant, son regard se perdit, noyé dans les souvenirs de son affreux cauchemars. James l'attira contre lui et le serra fort, pour lui rappeler que lui, il était là, et qu'il serait toujours là, quoi qu'il arrive.

-Tu n'es pas un lâche. Tu as fait ce que tu pouvais et c'est à lui à présent de faire ses propres choix. Tu n'as abandonné personne, tu m'entends ?

Le Gryffondor se détacha et lui tourna le dos pour sécher ses larmes James trouva cela ridicule mais  s'abstint de tout commentaire. Il connaissait la pudeur du jeune homme et l'avait assez côtoyé pour savoir que Sirius faisait toujours tout pour ne pas montrer ses faiblesses aux autres. Même si lui ne considérait pas cela comme une faiblesse, mais c'était ce que s'obstinait à croire son meilleur ami. Ce dernier se retourna et le fixa, légèrement remis. Ses yeux restaient rouges mais il avait repris de l'assurance.

-Désolé. Pour ce matin.

-C'est déjà pardonné, lui sourit-il.

-Et merci.

-On est là pour ça, Patmol.

Ils retournèrent ensemble vers la Salle Commune, l'esprit en paix En passant les grandes portes, une jeune brune de leur promotion se dirigea vers eux à grands pas et James rigola.

-Encore une de tes admiratrices ?

Sirius ne put s'empêcher de sourire lui aussi. Il s'agissait d'une Gryffondor aux cheveux bruns ondulés, une qu'il avait déjà vu avec la bien aimée de James, Lily Evans.

-Salut, lança-t-elle une fois arrivée à leur hauteur.

-McKinnon, non ? tenta Sirius.

-Ravie que tu te souviennes de moi.

Il fronça les sourcils. James sentit que la suite ne le concernait pas et il s'éclipsa discrètement.

-Comment ça ?

-On... on s'est embrassé en troisième année, dit-elle accompagné d'un petit rire nerveux. Mais bon, je suppose que ça ne doit pas être facile pour toi de se rappeler de tous les noms quand on a embrassé la moitié de Poudlard.

-Je suis désolé, j'aurais du...

-Non, ne t'en fais pas. C'est du passé.

Son sourire illumina entièrement son visage et une mèche brune tomba devant ses yeux noisettes.

-Je voulais juste te voir pour te demander si tu pouvais te mettre avec moi en Astronomie. Tous ceux qui ont pris cette option ont déjà un partenaire.

-Je... oui, pourquoi pas. On a un devoir à faire ?

Elle éclata de rire.

-Ce soir à 21 heures alors, lança-t-elle en repartant. À plus !

-Attends ! Ton prénom ?

Elle se retourna vivement et dit :

-Marlène. Marlène McKinnon.

Sirius sourit. Ce prénom là, il se promit de ne pas l'oublier.

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