𝘊𝘩𝘢𝘱𝘪𝘵𝘳𝘦 𝟓 ~ 𝑹𝒆𝒕𝒐𝒖𝒓 𝒂̀ 𝒍𝒂 𝒓𝒆́𝒂𝒍𝒊𝒕𝒆́
Petit à petit, Emilia fut réveillée par des voix avec en fond quelques gazouillements d'oiseaux mélangés à des bruitages de circulation lointains. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle découvrit un ciel orangé émergeant de la nuit, et elle sentit la douce fraîcheur d'été du petit matin.
Appuyé contre elle, le corps de Luka lui donnait une agréable sensation de réchauffement. Ce dernier était en train d'échanger quelques mots avec Audrey qui se tenait dans l'encadrement de la porte qui menait à l'intérieur.
— Et Pierre, il est où ?
— Il est rentré tout à l'heure. Il travaille aujourd'hui, répondit l'adolescente.
Mais alors que sa vision venait à peine de se rétablir, Emilia décida de se mêler à la discussion :
— Qu'est-ce qui se passe ?
— Salut la belle au bois dormant, déclara Audrey avec une pointe de sarcasme. On doit s'en aller, il est six heure du matin et si par malheur quelqu'un nous voit sortir du magasin comme des voleurs, il est possible que Delphine ait de gros ennuis.
Soudain, une pensée traversa l'esprit de la jeune fille.
— Le parc, tu sais le grand avec les arbres et la grande allée, tu sais à quelle heure il ouvre ? demanda-t-elle à la jeune femme.
— Le parc Châteaubriant ? Sûrement dans une heure, annonça cette dernière.
— D'accord, merci. Luka ? Je crois qu'il faut qu'on y aille, dit Emilia à son ami.
Le jeune homme acquiesça, et Audrey ne posa pas plus de questions que ça.
Il était évident que les deux adolescents n'avaient aucune envie de rentrer à leur époque, mais malheureusement, ils savaient que sans identité ni argent, ils ne feraient pas long feu dans ce monde.
Par conséquent, ils savaient très bien que leur retour vers le futur était inévitable. Néanmoins, ils espéraient au moins pouvoir revenir dans le passé. Juste pour pouvoir à nouveau échapper à leur dure réalité.
Ainsi, après être descendus du toit, Audrey, Emilia et Luka se retrouvèrent avec les autres devant la porte d'entrée de la salle d'arcade.
— J'espère que mon père ne se doutera de rien... souffla Delphine tout en verrouillant la porte vitrée.
— T'en fais pas, dit son amie en posant une main sur son épaule. Il n'en saura rien.
— Et puis, s'il y a le moindre problème, tu nous appelles ! déclara Eric.
— Ouais, on inventera un truc, ajouta Greg en allumant une cigarette. T'inquiète pas.
La blonde baissa la tête et acquiesça sans trop d'assurance. Ensuite, après quelques secondes de réflexion, elle leva la tête en direction d'Emilia et Luka et leur lança :
— Alors, est-ce que nous vous reverrons bientôt ?
Les deux adolescents échangèrent un regard.
— Peut-être, ça dépendra de sa grand-mère, mentit Emilia en désignant son ami.
— Je croyais que c'était chez sa tante que vous étiez en vacances ? demanda Eric.
— Oui c'est ça, c'est juste que c'est mon arrière-tante, c'est pour ça qu'Emilia a parfois du mal avec ça... enchaîna Luka.
La jeune fille approuva et poussa un soupir de soulagement. Elle remercia intérieurement le jeune homme d'avoir rattrapé sa boulette. Parfois, il était vrai que cette dernière avait du mal avec les mensonges inventés à la dernière minute, car se problèmes de concentration ne l'aidaient pas à retenir les petites informations d'une discussion...
Pourtant, avant, elle y arrivait bien. Mais depuis que la mélancolie s'était emparée de l'adolescente, elle avait du mal à y voir clair dans sa tête. Son esprit s'égarait sans cesse dans des pensées sombres et négatives...
Par conséquent, avant de se séparer d'eux, les adolescents donnèrent à Emilia et Luka un petit bout de papier sur lequel il y avait une adresse.
Cette adresse était celle de l'appartement d'Eric. Il organisait une soirée le lendemain, et il les avait invité à les rejoindre pour s'amuser un peu. « Plus on est de fous, plus on rit », avait complété Greg avant de jeter sa cigarette. Sous l'insistance des jeunes, les deux adolescents avaient fait croire qu'ils s'y rendraient peut-être, puis avaient fini par s'en aller.
Ils devaient à tout prix savoir si le portail s'était ré ouvert et aucun cas ils ne devaient manquer son ouverture, car autrement, ils allaient devoir trouver un moyen de survivre pour les prochains jours, et ils n'avaient aucune envie de tomber dans la misère des années quatre-vingt.
Alors, ils retracèrent tout le parcours qu'ils avaient fait depuis leur arrivée en sens inverse et demandèrent plusieurs fois leur chemin avant d'atterrir devant le fameux parc Châteaubriant. Figés devant la grande entrée, les deux adolescents se prirent par la main.
— T'es prête à rentrer dans notre monde ? demanda Luka à son amie.
— Non, mais il le faut, répondit la jeune fille avec un air impassible.
— Moi aussi j'aurais aimé rester ici... C'est tellement nul là-bas, déclara le jeune homme.
Emilia soupira, puis conclut :
— C'est sûr.
Après ça, ils contemplèrent les environs une dernière fois avant d'entamer leur marche à l'intérieur du parc. Il y avait déjà quelques personnes à l'intérieur, des personnes toujours aussi colorées avec leur style rétro digne des plus grands films des années quatre-vingt. Des coureurs, des vieillards, des maîtres qui promenaient leur chien...
Tout avait l'air meilleur dans leur monde. Un monde sans toutes les technologies nous pourrissaient le cerveau, un monde avec des styles atypiques, un monde avec des interactions sociales bien plus faciles que de nos jours.
Emilia et Luka allaient regretter ce monde, et ils le savaient. C'était comme s'ils avaient été dans un rêve pendant les douze dernières heures, et que là, ils commençaient à peine à se réveiller et à revenir à la réalité.
Mais malgré tout, il y avait retrouvé certaines choses qui n'avaient pas évolué à leur époque actuelle, comme l'alcool et les cigarettes, ou bien les violeurs comme Claude... Un vieillard qui aura à jamais marqué l'esprit de la jeune fille, et quelqu'un qu'elle voulait à tout prix effacer de sa mémoire.
Heureusement pour elle, il n'avait pas eu le temps d'émettre quelconque contact physique avec elle.
C'était donc avec le cœur lourd que les deux adolescents se retrouvèrent à l'emplacement exact où ils s'étaient retrouvés en sortant de la petite forêt de boulots du parc. Soudain, un ils entendirent un bourdonnement. Le même qu'ils avaient entendu la veille avant de traverser le portail.
Sans plus tarder, Emilia et Luka attendirent que la voie soit dégagée pour pouvoir s'enfoncer dans entre les feuillages face à eux. Lorsqu'ils pénétrèrent à l'intérieur, les deux jeunes se retrouvèrent sur le terrain d'herbe. Au milieu de celui-ci, ils repérèrent le même air remué qui constituait le portail qui les avait transporté ici.
— J'ai pas envie d'y retourner... lâcha Emilia avec une voix tremblante tout en laissant couler quelques larmes sur ses joues.
— Ça le faire, je te lâcherai pas, la rassura son camarade tout en la serrant contre elle.
— Merci...
Alors, après quelques secondes, Luka décida de s'avancer vers le portail avant de se retourner et de tendre sa main vers son amie. Cette dernière la saisit avec réticence avant de se laisser entraîner. Ainsi, le contact avec le portail les assomma net. Il eut un flash blanc, puis plus rien.
*
Au moment où Emilia rouvrit les yeux, elle se retrouva au milieu de la forêt près de sa maison de vacances. C'était exactement le même endroit que là où elle s'était retrouvée première fois où elle avait traversé le portail qui l'avait mené à l'autre monde.
Derrière elle se trouvait le même grand arbre, et à côté, son ami venait à peine d'émerger. Elle eut alors une petite pointe de déception en réalisant qu'elle venait de rentrer. Au moins, ici, elle n'avait pas à s'inquiéter de trouver un toit et de la nourriture pour survivre.
En revanche, la jeune fille savait qu'elle allait retrouver tous ses problèmes.
— Ça va ? lui demanda Luka en voyant son regard vide et perdu.
— Oui. Allez, il est temps de rentrer... répondit-elle tout en se relevant.
Le jeune homme acquiesça, puis les deux adolescents se mirent en route vers leurs logements respectifs. Une fois qu'ils furent arrivés devant la maison d'Emilia, ils se mirent face à face et se tinrent les mains.
— Je reviens te voir dès que je peux, d'accord ? promit le jeune homme.
— D'accord, répondit la jeune fille avec la tête baissée. Dis, t'as pas remarqué quelque chose de bizarre ?
— Quoi ?
— Le ciel, il fait jour... dit-elle avec un air ébahi. comme si c'était le matin. Tu crois que le temps a avancé ?
— C'est ce qu'on va bientôt savoir, répondit Luka en tournant la tête vers l'entrée de la maison.
Soudain, la porte s'ouvrit sur un Aymerick nerveux avec des yeux cernés.
Lorsqu'il vit sa sœur, il l'attrapa par le bras et l'entraîna à l'intérieur tout en avertissant le jeune homme de ne pas revenir de si tôt. Une fois que la jeune fille fut à l'intérieur, elle se retrouva face à ses parents et son deuxième frère. Sa mère était en larmes, son père se tenait les bras croisés et la tête baissée, et Eliott se tenait les poings serrés avec un air furieux.
De plus, il avait d'énormes poches sous les yeux. Derrière elle, Aymerick avait posé une main sur son épaule, comme pour l'empêcher de s'enfuir. À cet instant, Emilia eut un coup de chaud. Elle savait qu'elle allait passer un sale quart d'heure. En revanche, elle priait pour que ses frères n'aient pas averti ses parents de ce qu'elle avait essayé de faire trois jours plus tôt.
— Putain mais t'étais passée où pendant toute une nuit entière !? hurla Eliott dans toute la maison.
— Fils, calme-toi ! s'écria le père en levant un doigt vers le jeune homme.
— Et c'était qui ce mec avec toi devant la maison ? demanda Aymerick.
— Tu nous as fait si peur ! s'exclama la mère à travers ses sanglots.
L'adolescente baissa la tête. Elle ne voulait pas leur parler, et de toute façon, personne ne la croirait si elle disait la vérité.
— T'es allée baiser avec lui c'est ça !? poursuivit son second frère.
Emilia sentit des larmes de rage monter à ses yeux. Elle ne pouvait pas croire qu'il pouvait penser ça d'elle...
Certes, elle avait eut des histoires à cause des garçons, mais elle ne donnait pas son corps au premier venu !
C'était si humiliant...
Cette remarque la blessa tellement qu'elle se mit hors d'elle. Personne n'avait été là pour elle lorsqu'elle en avait besoin, et maintenant qu'elle n'avait plus besoin de personne, ils étaient tous là pour l'embêter...
C'était à cet instant que ses pensées commencèrent à défiler à toute allure dans sa tête. Elle n'arrivait plus à réfléchir correctement, elle ne savait pas quoi inventer. La jeune fille était prise au piège.
— J'en étais sûr !
— Putain mais te faire foutre ! hurla-t-elle à Eliott.
L'adolescente tenta de se jeter sur lui, mais son frère aîné la retint.
— Tu crois vraiment que je suis une pute moi !? C'est ça que tu penses vraiment de moi, hein !? lui cracha-t-elle avec hargne tout en se débattant. Putain, t'as jamais été là pour moi quand il le fallait, et là quand enfin j'ai plus besoin de toi tu viens me surveiller et m'emmerder ? Combien de fois t'es sorti le soir pour aller faire la fête et baiser avec des inconnues ? Hein ? Et après t'ose venir me dire ça !
— Emilia, calme-toi ! lui cria son père tant dis qu'Eliott tentait tant bien que mal de contenir sa haine. Ton frère s'inquiète pour toi ! T'as quand même tenté de te suicider !
À ces paroles, la jeune fille s'arrêta net. C'était comme si son père avait prononcé des mots qui avaient eu le pouvoir de la désactiver. Un flot de larmes se mit alors à couler de ses joues. Alors, brusquement, elle se dégagea de l'emprise d'Aymerick avant de courir monter à l'étage et de s'enfermer dans sa chambre.
Elle pleura tellement qu'elle en eut mal au cœur. Jamais elle n'avait été autant humiliée devant ses parents et ses frères...
Emilia avait l'impression de vivre dans un vrai cauchemar. À cet instant, elle souhaita retourner dans l'autre monde et y rester pour toujours. Elle ne pouvait plus supporter le monde actuel, les gens l'avaient détruit, et aujourd'hui, c'était au tour de sa famille de la trahir. Les images dans sa tête défilaient aussi vite que les battements de son cœur, et l'adolescente commença à avoir des difficultés respiratoires.
Soudain, quelqu'un toqua à sa porte.
— Emilia, je peux entrer s'il te plaît ? fit Aymerick depuis l'autre côté de la porte.
— Dégage ! articula-t-elle à travers ses sanglots.
— S'il te plaît, je vais pas t'engueuler, ni te faire la morale... promis. Je veux juste comprendre ce qui s'est passé, expliqua-t-il avec un ton apaisant.
La jeune fille était tellement surpassée par tous les événements qu'elle finit par lui obéir. Elle avait besoin de soutien, elle ne pouvait pas rester seule contre tout le monde, et elle ne supportait pas que tout le monde soit contre elle.
Par conséquent, elle ouvrit la porte et laissa son frère entrer. Cette dernière ne pouvait empêcher les larmes de continuer à couler le long de ses joues, mais lorsque Aymerick voulut s'approcher d'elle dans le but l'étreindre, elle fit un pas en arrière.
Suite à cela, le jeune homme soupira et s'assit sur le lit de sa sœur pendant qu'elle lui fit face et croisa les bras tout en continuant de sangloter.
— Qu'est-ce que tu veux putain... demanda l'adolescente d'une voix complètement brisée.
— Juste que tu me dises ce qu'il s'est passé cette nuit, répondit-il en appuyant ses coudes sur ses genoux. Tu sais, on a rien dit aux parents et on t'a cherché toute la nuit dehors, et c'est en réveillant les voisins qu'on a découvert que le petit-fils d'une mamie avait disparu lui aussi... J'imagine que c'était ce Luka. On savait que si t'étais avec lui il ne t'arriverais rien... Mais on savait aussi que t'étais un danger pour toi-même, c'est pour ça qu'on a décidé de prévenir papa et maman ce matin.
Soudain, Emilia arrêta de pleurer et se vida complètement.
— Qui est-ce qui a décidé de leur dire ?
Aymerick resta quelques secondes dans le silence, puis il finit par répondre :
— J'ai retenu Eliott toute la nuit de leur dire, et quand je ne t'ai pas trouvé au levé du soleil, c'est là que j'ai décidé qu'il fallait les avertir. C'est moi qui leur ai tout raconté.
Le visage de la jeune fille devint se ferma, il était si bouillonnant de colère que le jeune homme commença à avoir peur de sa propre sœur. Il ne l'avait jamais vu dans un tel état, c'était comme si ce n'était plus elle depuis quelques jours... Il ne la reconnaissait plus.
— Dégage, articula-t-elle avec un ton glaciale.
— Quoi ? fit Aymerick avec un air abasourdi.
— Je. Veux. Que. Tu. Dégage, répéta l'adolescente.
Voyant qu'il lui serait impossible d'avoir quelconque discussion avec elle, le jeune homme se leva, puis s'en alla. Une fois qu'elle eut refermé et verrouillé la porte, Emilia se laissa glisser contre cette dernière. Elle était sous le choc de tout ce qui venait de se passer. Elle était complètement désemparée.
Alors, la mort revint dans ses pensées. Les idées noires n'arrêtaient de se bousculer dans sa tête, et elle dut se faire violence pour penser à autre chose. Alors, lorsque l'image du garçon qui lui avait sauvé la vie lui revint en tête, toutes ces pensées s'envolèrent afin de laisser place à la colère. La colère contre sa famille.
Mais alors que la jeune fille se releva pour ouvrir la fenêtre et prendre un peu d'air, son regard se posa sur le téléphone qui se trouvait sur sa table de chevet.
— Tout ça, c'est de ta faute ! s'exclama-t-elle à l'égard de l'objet.
Alors, dans un excès de colère, cette dernière s'empara de l'appareil numérique et le balança contre la fenêtre qui se brisa en mille morceaux.
Les gens et la technologie, c'était ce qui lui avait le plus pourri la vie.
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