Chapitre 37
Athalia
D'un geste de la main, Alexeï jette le torchon blanc qui vient de lui servir pour la vaisselle, sur son épaule. Il pivote ensuite vers moi, au moment où la porcelaine des tasses que je tiens dans les mains raclent le plan de travail de la cuisine.
— C'est vraiment un étrange combo, finit-il par dire en surveillant le gratin de pâtes au fromage qui cuit dans le four.
Il plisse les yeux pour l'apercevoir à travers la vitre légèrement noirâtre, que je n'ai pas encore eu le temps de nettoyer.
— Pâtes au fromage et chocolat chaud ? je lui demande, bien que je sois certaine de la réponse.
Il acquiesce, et revient s'asseoir près de moi en attendant que la cuisson termine tranquillement.
Oui, nous avions mangé il y a seulement quelques heures, mais toute cette situation nous avait de nouveau ouvert l'appétit.
Doucement, un calme plat vient s'implanter entre nous, et gênée, je baisse les yeux vers la légère vapeur qui s'échappe de mon lait brûlant.
Je ne sais pas pourquoi je suis mal à l'aise tout à coup.
Peut-être est-ce parce qu'Alexeï ne me lâche pas du regard. Ses yeux restent agrippés à ma silhouette depuis que nous sommes descendus.
En temps normal, j'aurais adoré laisser mon propre regard se perdre dans le sien, mais là, tout de suite, j'ai surtout envie de faire l'autruche.
Enfoncer ma tête sous terre pour me dérober au flux de ses pensées que je peux presque voir valser dans ses iris, me semble être une bonne idée.
La scène de tout à l'heure, lorsque nous étions dans la salle de bain, que j'ai commencé à me confier à lui, et même avant, quand j'ai perdu mes moyens et qu'une colère intense m'a submergée, tourbillonne en boucle dans mon esprit.
Je m'en veux d'avoir agi ainsi. Je n'arrivais peut-être pas à me contrôler, mais j'aurais aimé que les choses se passent différemment.
Alexeï le comprend, c'est ce qu'il m'a dit lorsqu'à trois heures du matin, nous étions tous deux en train de nous affairer devant la cuisinière pour préparer notre repas tardif.
Il m'a dit que c'était humain de perdre ses moyens ainsi, et qu'il était même surpris que je ne l'aie pas fait avant.
À ses yeux, il faut une assez bonne maîtrise, et surtout beaucoup de courage pour tout garder en soi comme ça et ne jamais exploser.
— Tu vas m'éviter du regard pendant toute la soirée ? finit-il par déclarer, en penchant sa tête sur son épaule droite.
Je sens mes joues prendre une couleur carmin avec la chaleur qui va avec, et secoue la tête en triturant l'anse de ma tasse. Elle est chaude, elle aussi. Je finis par la laisser tranquille avant de me brûler, et inspire en redressant la tête.
— Je ne t'évite pas...
— Ah ? Et tu appelles ça comment, toi ? me questionne-t-il d'une voix où pointe un amusement non dissimulé.
— J'appelle ça être perdue dans ses pensées, je réplique en soutenant son regard, bien que la carnation claire de ses pupilles me déstabilise plus qu'autre chose.
— Oh, je vois. En gros, tu joues à ''celui qui arrête de regarder le plan de travail le premier a perdu ?''. C'est ça ?
Cette fois, un sourire sincère s'installe sur ses lèvres. Ses paupières se plissent, et ses joues à la peau lisse que j'adore parcourir de mes lèvres, s'étirent.
Concentre-toi, Athalia.
Oui, se concentrer. Ce n'est pas chose aisée quand un homme aussi attirant se trouve à deux pas de vous, mais je dois essayer.
Je prends une inspiration tremblante, et esquisse à mon tour un sourire tout en secouant la tête.
— Non, je ne joue pas à ça, j'énonce, hésitante. C'est simplement que j'ai honte de mon comportement de tout à l'heure, je n'aurais pas dû m'énerver contre toi.
— Tu l'as déjà dit, me fait-il remarquer en faisant référence à la discussion que nous avons eu un peu plus tôt, lorsque j'émiettais le fromage râpé sur les nouilles, les cheveux enroulés dans une serviette en microfibre.
En effet, il a raison. Nous avons déjà eu cette conversation. Plusieurs fois, même. Je n'ai pas arrêté de m'excuser depuis que nous sommes sortis de la douche.
Au point où Alexeï s'est même mis à compter le nombre de fois où je le faisais.
— Ça fait exactement la vingt-sixième fois que tu t'excuses, continue-t-il en jetant de temps à autre un regard vers le four allumé, et vers notre repas qu'il contient.
— Une de plus ou une de moins...
Il hausse un sourcil, et je finis par rire en prenant une gorgée de mon chocolat chaud, maintenant qu'il a un peu plus refroidi.
— Je ne sais pas quoi te dire de plus pour que tu cesses de t'en vouloir, Athalia. Tu as le droit d'être en colère.
Il se lève au moment où je rebaisse les yeux vers le plan de travail. Je l'entends se déplacer sur le sol de la cuisine. Ses chaussons, ou plutôt ceux que je lui ai prêtés, raclent le parterre en parfaite symbiose avec les mouvements de son corps.
— C'est brûlant, mais ça sent super bon, concède-t-il en attrapant un gant en tissu pour sortir le plat du four en toute sécurité. Tu avais raison, ça a tout l'air d'un plat réconfortant.
Le fromage crépite sur le dessus. Doré à souhait, croustillant, moelleux. Je peux l'apercevoir facilement de là où je suis. Sa couleur, ainsi que les effluves chaudes et familières qui s'en dégagent, achèvent de faire gargouiller mon ventre.
Même George s'est levé de son panier pour venir jusqu'à nous, dans l'espoir d'obtenir quelque chose à manger.
Je souris, amusée de le voir lever la truffe, et me penche vers lui pour glisser mes bras autour de son petit corps. Je le soulève pour le placer sur mes genoux, et le laisse se coucher en enfonçant avec tendresse mes doigts dans son pelage.
Et tout d'un coup, je ne sais pas ce qu'il me prend. Tel un coup de fouet, une prise de conscience soudaine et brutale, une sensation semblable à un regain d'énergie, d'espoir, vient électriser mon courage pour le dédoubler.
Peut-être est-ce l'ambiance calme et détendue qui flotte dans l'air, ou la perspective de ce repas alléchant que nous n'allons pas tarder à entamer.
Ou bien encore, peut-être est-ce le fait qu'Alexeï se trouve dos à moi, occupé à laver je ne sais quoi dans l'évier, et qu'il ne me regarde pas.
Quoi qu'il en soit, quelque chose se passe. Une chose qui me délie la langue, et qui fait valser les mots en dehors de mes lèvres, sans qu'on ne soit capable de m'arrêter.
— On m'a fait du chantage, il y a de très nombreux mois maintenant.
Interdit, Alexeï pivote d'un seul geste vers moi, et accroche ses yeux aux miens. Une expression pleine de stupeur gorge ses traits, sûrement parce qu'il ne s'attendait pas à ce que je m'ouvre ainsi.
J'en suis moi-même la première surprise. Je pensais faire ça plus tard, dans la chambre, assise confortablement sur le lit, et non pas installée sur le tabouret de la cuisine, George en train de ronfler sur mes cuisses, à me prendre les vapeurs de notre gratin de pâtes improvisé qui repose sous mon nez.
— C'était..., commence-t-il.
— Le styliste ? Oui. Il s'appelait Dimitri, je souffle en sentant ma voix se coincer dans ma gorge.
Ça fait des mois que je ne me suis pas autorisée à dire son nom à voix haute. Je n'en avais pas le courage, ni l'envie. Comme si cette simple appellation pouvait le faire apparaître sous mes yeux.
— Dimitri ?
Alexeï fronce les sourcils en s'approchant du plan de travail. Le torchon pour la vaisselle repose toujours sur son épaule, mais il ne semble pas s'en soucier. Il regarde ailleurs, les yeux troublés.
Je me demande pendant un bref instant si ça lui dit quelque chose, avant de tourner le regard en ne préférant finalement pas savoir.
Il m'a dit n'avoir jamais entendu parler de cette histoire, mais peut-être que ressortir un nom qui a fait scandale dans la presse à l'époque lui ravive des souvenirs.
— Il a pris des photos à mon insu, quand je me changeais et qu'il était avec moi. Quand il me..., ma respiration s'emballe, et se coupe, devenant inaccessible pour mes poumons. Enfin, peu importe... J'étais en sous-vêtements sur ces clichés.
La fin de ma phrase peine à sortir. Je tente d'effacer tous les flashs qui remontent à la surface de mon esprit, et emprisonne mes mains sous mes cuisses pour en faire cesser les tremblements.
C'est du passé, Athalia. Tu peux y faire face.
Un léger sourire m'échappe, et j'acquiesce pour moi-même avant de me redresser pour replonger mon regard déterminé dans celui d'Alexeï, ce dernier brillant d'une lueur inquiète à l'idée de ce que je vais dire.
— Sur la fin, quand j'ai enfin pris la décision d'en parler, d'en parler vraiment, j'insiste en repensant au courage qu'il m'avait fallu pour le dénoncer auprès de l'agence qui gère la série, il m'a menacée avec ces photos.
Je fronce légèrement les sourcils, repensant à de nombreux détails qui viennent s'allier à mes paroles. Il y a des choses dont je ne me souvenais pas avant, quand je me remémore toute cette histoire, ou plutôt, qu'elle s'impose à moi sans m'en laisser le choix.
Mais j'ai l'impression que désormais, tout est différent. Comme si je venais de débloquer un nouveau palier, et que de nouvelles choses flottaient à la surface des limbes de ma mémoire.
Comme par exemple...
— C'était des photos qui n'avaient pas l'air d'avoir été prises par lui, j'énonce en fronçant les sourcils. Maintenant que j'y pense, c'était dans des lieux qu'il n'avait pas fréquentés avec moi, je crois.
Je reste ainsi plusieurs secondes, les yeux plissés, à me remémorer ces clichés abjects qui avaient, malgré tout ce que j'avais mis en œuvre, fuité sur la toile.
Il y en a qui avaient été pris lorsque j'étais chez moi pour certains de mes anniversaires, lorsque je faisais les magasins avec des amis, ou lorsque j'avais été à la plage ou à la piscine avec eux. Bien entendu, certaines avaient aussi été prises dans les loges, en sa présence, mais les autres fois...
M'avait-il suivie ? M'avait-il traquée, comme tous les autres ? Bousculer les barrières de mon intimité ne lui avait pas suffi ? Il avait fallu qu'il me suive aussi dans les activités de ma vie quotidienne ? Les seules que je pouvais encore contrôler ?
Un cri sourd de frustration, de colère, manque de m'échapper. Je ressens la frénésie, la furie, la consternation vibrer sous ma peau comme quelques heures auparavant.
George et Alexeï n'existent plus autour de moi. J'oublie tout ce qui m'entoure, focalisée sur le sang qui bout dans mes veines.
— Chaton.
Ce surnom si doux, murmuré dans le creux de mon oreille, me fait cligner une première fois des yeux. Puis des bras chauds et forts se glissent autour de moi, et un torse se colle à mon dos.
Alexeï dépose son menton sur le dessus de ma tête, et ses doigts calés près de mes hanches y dessinent des cercles imaginaires dans le but de m'apaiser. Et ça fonctionne. Trop bien même. Ma colère s'évapore comme neige au soleil, ne laissant plus qu'un océan de glace fondu dans mon cœur.
Je prends une inspiration tremblante, et laisse mes épaules se dénouer en sentant l'odeur d'Alexeï s'enrouler autour de mes sens. Sa présence à elle seule me permet de me calmer, et me donne l'endurance dont j'ai besoin pour poursuivre mes confessions.
— De toute façon, ce qui est fait est fait, je souffle en posant mes mains par-dessus les siennes, qu'il a remonté en travers de mon buste. Qu'il m'ait suivie ou non pour prendre ces photos, n'a plus d'importance. Il ne peut plus m'atteindre.
J'enserre ses doigts entre les miens, les faisant s'emmêler de manière désordonnée. Alexeï reste silencieux, je le sens à peine acquiescer contre moi. Mais son pouce qui caresse le dos de ma main en dit plus que nécessaire.
— Quand il a commencé à me faire du chantage avec ces photos, j'ai mis Isaac et Sayn au courant, ainsi que le reste de l'agence. Tout est allé très vite ensuite.
Les souvenirs se bousculent dans ma tête, et je tente d'y faire le tri pour ne pas mélanger les évènements, et rester ainsi en accord avec ce que je raconte.
— Isaac surtout, et tous ceux qui géraient en parallèle Némésis, ont tout mis en place pour que la chose ne s'ébruite pas, pour le dissuader de les poster, je lui explique en restant focalisée sur le plat de pâtes fumant, dont la chaleur rejoint celle de nos chocolats chauds dans l'air.
Je secoue ensuite la tête, un goût amer dans la bouche. Dimitri m'avait juré qu'il ne le ferait pas, une fois qu'on lui avait expliqué que s'il agissait ainsi, sa carrière serait beaucoup plus entachée que la mienne.
Pour ma part, je n'avais pas eu peur de perdre mon boulot, ou qu'on ne me prenne plus au sérieux après la fuite de ces clichés. J'étais surtout terrifiée à l'idée qu'ils fuitent sur la toile, et qu'ils soient vus par la moitié de la planète.
Je ne suis pas vraiment en symbiose avec la totalité de mon corps, comme beaucoup de monde, et les photos ne me représentaient pas non plus sous mon meilleur angle, en plus d'avoir été prises sans mon accord.
Et quand elles avaient finalement été postées par un compte anonyme, derrière lequel ne pouvait que se cacher Dimitri, j'avais cru que tout mon monde s'effondrait, pan par pan.
Les notifications avaient presque battu un record. Je me rappelle encore des compteurs sur mes applications Instagram et Twitter qui n'avaient cessé de grimper pendant plus de trois jours consécutifs.
Je m'étais demandé quand est-ce que ça allait s'arrêter. Je l'avais même supplié, quand le soir dans mon lit, les larmes inondant mes joues et mon oreiller, j'avais prié n'importe quelle divinité pour espérer avoir un miracle.
Un miracle inespéré pour que les gens cessent de s'en prendre à mon corps comme si c'était le leur.
Parce que même si beaucoup me défendaient, et étaient tout autant outrés que moi par la gravité de la situation, il y avait toujours ceux qui, en parallèle, se plaisaient à se joindre aux critiques.
— Mais ils ont échoué, murmure Alexeï près de mon oreille.
Sa respiration chaude et volatile percute le grain de ma peau, et la fait frissonner au gré des bercements qu'il exerce avec ses bras sur mon corps blotti contre le sien.
— Ils ont fait de leur mieux, mais ça n'a pas suffi, malheureusement. On a tous sous-estimé la rapidité d'internet. En seulement une minute, les photos avaient été publiées partout à la chaîne. C'était interminable, je soupire malgré l'oxygène qui reste bloqué dans ma gorge et qui me noue la trachée.
Je me tourne alors vers Alexeï, le besoin de le voir prenant le pas sur le reste. À l'instant où nos regards se croisent, ses mains délicates à la température agréable viennent se déposer sur mes joues, qu'il cajole avec la pulpe de ses doigts.
Ses lèvres trouvent refuge contre ma tempe, qu'il embrasse. Il y reste quelques secondes, avant de venir les appuyer entre mes deux yeux, me forçant à fermer ces derniers pour savourer les sensations que son geste m'apporte.
Nous restons ainsi, à peine quelques secondes, avant que je ne me saisisse de son haut de pyjama.
Je le tire doucement vers moi, pour qu'il vienne plus près encore, et me réfugie contre son torse. Il est dur sous ma joue, mais je perçois sans mal les battements de son cœur qui résonnent près de mon oreille.
— On a quand même réussi à faire sauter le compte de Dimitri, et il a été renvoyé, je continue, le nez enfoui entre ses deux pectoraux. Les photos ont continué de circuler pendant toute une semaine, avant que ça ne se tarisse. C'était une période très compliquée de ma vie. Je pensais que j'aurais enfin la paix s'il partait, s'ils partaient tous. Mais il y a eu le chantage et son lot de dommages.
— Attends, comment ça, — s'ils partaient tous ?
Alexeï baisse les yeux sur moi. Un mélange d'inquiétude et de curiosité habillent ses iris.
— Je n'avais plus confiance en aucun d'eux, Alexeï. Même si les autres ne m'avaient rien fait, j'avais peur que quelqu'un ait l'idée de se comporter comme lui, je lui avoue d'une voix faible.
Il acquiesce contre moi. Il semble plus rassuré, ses muscles se détendant autour de mon corps.
— C'est pour ça que je n'avais pas confiance en vous à votre arrivée. En toi.
Les deux derniers mots sortent d'entre mes lèvres en une sonorité étrange.
Avec le développement de notre relation et la symbiose dans laquelle nous nous retrouvons sur plusieurs sujets, j'ai l'impression d'avoir toujours connu Alexeï. Que ce passé où j'étais méfiante envers lui n'a jamais existé.
— Quand tu as commencé à être gentil avec moi, et à m'aider, j'avais peur que ça ne soit que par intérêt. Mais j'ai rapidement vu que tu étais comme ça avec tout le monde.
Un rire lui échappe lorsque la fin de ma phrase résonne entre nous.
— Je ne pense pas avoir été comme ça avec tout le monde, susurre-t-il contre ma tempe. Il n'y a que toi qui m'intéressais.
— Non, mais je ne voulais pas dire ça comme ç... Attends, quoi ?
Mon cœur loupe un battement, mes yeux s'écarquillent. Et le sourire qui naît sur mes lèvres vient de celui qui se dessine sur les siennes.
Il me regarde avec malice, et une certaine fierté marque ses traits.
Il aime me faire perdre mes moyens, cet idiot.
— Respire chaton. Je n'ai énoncé qu'une vérité.
Il chuchote contre ma peau, et cloue ses lèvres près de mon oreille. Il reste ainsi à peine une fraction de secondes, et fait ensuite lentement descendre sa bouche jusqu'à ma jugulaire, qu'il mordille sans retenue.
Une explosion de frissons me secoue les entrailles et le cœur. Mon souffle se bloque, mes doigts se resserrent autour de son haut. Je sens mes jambes devenir fébriles, notamment quand je le sens prendre une longue inspiration contre mon cou.
Il respire ma peau. Le bout de son nez glisse contre les courbes de ma gorge, et remonte sous mon oreille où certains de mes cheveux se rassemblent, comme s'il en convoitait l'odeur, le grain, la douceur.
Il reste ainsi jusqu'à ce que mes genoux s'entrechoquent sous la tension qui électrise mon sang, et dépose ensuite un doux baiser du bout des lèvres sous mon lobe, avant de se reculer.
— Je te déteste, je murmure en papillonnant des paupières.
Je le fusille faussement du regard quand je reviens dans l'instant présent, mais lui se met à rire en contournant le plan de travail pour aller nous servir de bonnes portions de nouilles qui nous attendent depuis un quart d'heure déjà.
— C'est faux, tu m'aimes à la folie, réplique-t-il en attrapant une grande cuillère dans le tiroir.
— Tu es bien trop sûr de toi.
— Mais il y a de quoi. Tu m'as vu ?
Alexeï bombe le torse et relève le menton, le regard fier. Il se pavane comme un paon derrière le plan de travail, et l'éclat de l'ampoule au-dessus de sa tête fait scintiller ses cheveux châtains jusqu'à leur donner une couleur mordorée.
Suivant certaines postures ou déplacements qu'il exerce, on pourrait même presque voir une auréole apparaître autour de sa tête.
— Oui, je t'ai vu, t'es en face de moi, je rétorque en faisant mine de rien.
Je le remercie ensuite du bout des lèvres quand il me donne mon assiette, et baisse les yeux sur George, une patte sur la truffe, qui ronfle légèrement sur mes cuisses.
— Seulement quand je suis en face de toi ? Et que fais-tu des fois où je suis dans ton dos, ou à côté de toi, ou même entre tes cuiss...
— Mon Dieu, stop.
Je manque de m'étouffer avec la fournée de pâtes que je viens d'enfoncer goulument dans ma bouche. Ma réaction lui arrache un rire, puis il s'installe calmement face à moi en me souhaitant un bon appétit de ses lèvres joueuses.
Nous passons le reste de la soirée, de la nuit plutôt, à reparler un peu de mon passé et de Dimitri avec plus de légèreté que précédemment.
Je lui apprends d'ailleurs que l'équipe actuelle a été recrutée par Isaac, Kira étant sa belle-sœur. C'est elle qui lui a assuré que les membres avec qui elle travaillait étaient parfaits pour le job. Qu'ils étaient respectueux, discrets et bienveillants.
Alexeï hoche la tête en silence, et une fois que nous avons terminé de manger, nos ventres repus, nous montons dans ma chambre pour finir la nuit devant un jeu vidéo.
Assise entre les cuisses d'Alexeï, sa mâchoire sur le dessus de ma tête, son dos épousant la forme de mes omoplates ainsi que la chute de mes reins, ses bras autour de mes hanches, et ses mains qui tiennent la manette près de mon ventre, je ne tarde pas à trouver le sommeil.
Même si je sais que mon réveil sonnera d'ici deux heures, et que je serais une larve quand mes pieds fouleront le sol, je savoure ces instants de paix que je n'ai plus ressentis depuis une éternité.
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