Chapitre 30
Russie, Aéroport de Moscou
Athalia
Des larmes de frustration me brûlent les yeux lorsque je sors de l'aéroport. Les bourrasques glaciales et tumultueuses de Moscou me giflent le visage, tandis que je traîne des pieds derrière Alexeï.
On est rentrés.
Et cette nouvelle m'abat plus qu'elle ne me réjouit.
J'ai le moral au fond des chaussettes, et le ciel grisâtre qui s'étend au-dessus de nos têtes, à perte de vue, ne m'aide pas à retrouver la joie qui m'animait ce matin encore.
Ou bien était-ce l'après-midi ? Je ne sais plus vraiment avec le décalage horaire.
Avant de rejoindre l'aéroport qui nous avait accueillis il y a près d'une semaine, Alexeï avait souhaité qu'on passe faire un tour au marché local de la ville.
On avait alors pu goûter à divers mets délicieux propres à la Croatie, et me promener avec lui entre les divers étals qui proposaient de nombreux mondes et merveilles gustatives, m'avait procuré un profond bien-être.
J'avais enfin eu l'impression d'être moi-même. De ne plus me cacher derrière le personnage que je jouais au quotidien.
Car même si j'avais fait tomber le masque avec Alexeï depuis un bon bout de temps, lorsque nous étions ensemble en public, je sentais qu'au fond de moi quelque chose me freinait.
Que quelque chose me retenait.
J'avais voulu continuer d'apparaître avec la personnalité que les gens avaient façonnée pour moi. Peu de sourires, peu de libre arbitre.
Mais Alexeï m'avait appris à vivre pour moi, et pour personne d'autre.
Alors oui, ce matin, je m'étais sentie libre comme jamais je ne l'avais été auparavant.
Le marché était situé sur une place en plein air, à l'ombre des palmiers méditerranéens. Il n'était pas très grand et seuls les marchands du coin y étaient venus exposer leur marchandise.
Il n'y avait pas grand monde, sauf quelques personnes âgées, et sous le soleil délicat et matinal qui nous chauffait la peau sans que ça ne soit désagréable, je m'étais sentie comme une personne normale.
Comme lorsqu'enfant, mes mains précieusement blotties dans celles de mes parents qui marchaient à mes côtés, nous nous promenions en été sur les plaines d'un vert pur et printanier du kourgane Mamaïev, à Volgograd.
C'est donc tout naturellement que le bambin qui sommeille en moi, ayant voulu reproduire ce schéma, avait tourné un regard empreint de souvenirs vers la silhouette d'Alexeï à mes côtés.
Et au fur et à mesure des pas que nous faisions, de la distance que nous avalions, nous nous étions tenus le bout des doigts de façon un peu discrète, timide, hésitante.
Alexeï avait plusieurs fois frôlé les miens, comme s'il n'osait pas les enlacer de manière franche. Alors, c'est finalement moi qui avais pris l'initiative d'unir nos mains l'une à l'autre, mon cœur manquant d'exploser quand nos peaux s'étaient enfin touchées pour se compléter.
Nous avions ensuite poursuivi notre chemin, nous échangeant des baisers furtifs derrière l'ombre des arbres quand nous en avions l'occasion.
Mes deux gardes du corps nous avaient évidemment suivis, en restant à une bonne distance derrière nous pour nous laisser de l'intimité.
Je ne m'inquiétais pas de leur avoir ainsi exposé ce que je ressentais pour Alexeï. Après tout, le monde entier serait bientôt mis au courant.
— Attention.
Alexeï glisse sa main autour de mon bras, et me freine un peu quand je manque de louper l'une des marches de l'immense parvis que nous sommes en train de descendre.
La pression qu'il exerce autour de mon muscle me ramène à la réalité, et me tire des délicieux souvenirs que j'étais en train de me ressasser.
— Tout va bien ?
Alexeï m'interroge du regard, un pli soucieux barrant son front. Je lis sur son visage qu'il pense aussitôt à l'émétophobie, et sans même qu'il n'ait besoin de parler, je comprends via son expression qu'il me demande presque si j'ai le besoin d'aller aux toilettes.
Je secoue la tête pour le rassurer, et observe les trois immenses vans noirs qui vrombissent plus loin sur le trottoir collé à l'aéroport.
Des barrières en fer se dressent sur les côtés du parvis, et retiennent bon nombre de nos fans qui, téléphones en main, couvertures sur les épaules, ont fait le déplacement pour venir nous souhaiter un bon retour.
Cette fois-ci, comme j'ai traversé l'aéroport avec une partie du cast, il y avait suffisamment de gardes du corps pour tenir à l'écart les fans venus à l'intérieur du bâtiment, et éviter ainsi tout mouvement de foule.
Mais ici, à l'extérieur, ils sont beaucoup plus calmes. Ils tiennent des pancartes au-dessus de leurs têtes qui nous délivrent des messages encourageants et remplis d'amour, et je finis par sourire en apercevant Jenny et Mickael qui s'avancent pour aller signer quelques autographes et prendre des photos.
Je descends de mon côté les dernières marches du parvis, et resserre les doigts autour de l'anse de ma valise pour la traîner derrière mon dos quand je m'approche moi aussi des barrières.
Le vent frais soulève mes cheveux et dégage ainsi mon visage, et lorsque j'attrape un marqueur pour signer la coque de téléphone d'un jeune garçon qui sourit à n'en plus finir, je les questionne du regard.
— Vous n'avez pas trop froid ? Ça va ?
Le temps que je pose la question, j'ai déjà signé deux coffrets DVD de la saison une de Némésis, et un t-shirt à notre effigie.
Mes gestes sont rapides, précis, et je souris sur les photos qu'on me demande de faire en prenant plaisir à échanger avec eux.
— Non, ça va. Est-ce que tu as passé un bon vol, Athalia ? C'était bien la Croatie ?
Une jeune femme, dont les cheveux bruns tressés sont décorés de fleurs artificielles et de barrettes colorées, s'adresse à moi d'une voix douce et soucieuse.
J'acquiesce alors en lui servant un sourire en retour, tandis que mes doigts s'emploient toujours à dédicacer tout ce qui me passe sous la main.
— Oui merci, je réponds en acceptant une peluche que l'on m'offre, ainsi que plusieurs roses d'un rouge bordeaux très prononcé. C'était super, j'ai beaucoup aimé. Et puis, il faisait très chaud. Ça change de la Russie.
J'applique encore ma signature sur une paire de chaussettes et un casque audio, et m'éloigne ensuite de la foule rassemblée devant moi lorsque Gil, mon garde du corps resté dans mon dos pendant les cinq minutes qui viennent de s'écouler, m'indique qu'on doit y aller.
Je les salue de la main en les remerciant de nombreuses fois pour leur soutien, et regagne ensuite la voiture en serrant dans mes bras la peluche et les différentes roses qui forment à elles seules un bouquet.
Et c'est seulement quand je monte à l'arrière du van pour rejoindre Alexeï, Isaac et Jenny, que je me rends compte que ma valise ne m'encombre plus.
— C'est Alexeï qui l'a mise dans le coffre, m'indique Jenny quand elle s'aperçoit que je la cherche sur le parvis, de l'autre côté de la vitre teintée.
Elle me fait un petit clin d'œil lourd de sens, qui ponctue mes joues d'une légère teinte rosée que je ne peux apercevoir, mais que je ressens avec facilité.
Je lui souris en retour, lui mimant du bout des lèvres que je lui expliquerais tout plus tard, et remercie Alexeï pour son geste, reconnaissante.
Il m'indique que ce n'est rien dans un sourire délicat, et je m'emploie ensuite à m'attacher quand Maxim, installé derrière le volant, nous demande si on est prêts.
Jenny lui renvoie un signe affirmatif, tandis que j'aperçois sur le parvis, Sayn, Mickael, Kira, certains gardes du corps, et d'autres membres de la production, qui se dirigent vers les deux vans garés derrière le nôtre.
Le moteur de la voiture ronronne un peu plus fort quand Maxim appuie sur l'accélérateur, et silencieuse, je viens m'appuyer contre l'épaule d'Alexeï. Ma joue épouse la forme de son bras, et je m'autorise à fermer les yeux une fois blottie et enveloppée dans sa chaleur corporelle.
Sans même avoir besoin de le voir, je sens les regards inquisiteurs de Maxim et d'Isaac sur nous. Je me plais alors à sourire, heureuse de ce sentiment qui m'étreint la poitrine depuis que nous avons franchi ce cap avec Alexeï.
Alors c'est plus sereinement que, l'esprit enfin en paix, je passe le reste du trajet à somnoler contre lui, un bras autour du sien, et son odeur m'enveloppant comme la chaleur d'un plaid en plein hiver.
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