Sakura observait le ciel bleuté qui lui chuchotait des promesses à venir chimériques d'un œil troublé. Des vœux d'amour bordés de mensonges, voilà ce que lui renvoyaient les nuages ou alors c'était son esprit bien trop maussade pour une journée comme aujourd'hui. Sur la place centrale de Konoha, elle guettait le moindre signe. L'attente au bord des lèvres, maladive : il s'agissait d'une sensation que la jeune femme éprouvait depuis le départ de Sasuke à la suite de la Grande Guerre.

La lutte, pensa-t-elle.

Elle avait duré deux longues années, où les Territoires du Nord tentaient de renverser ceux du Sud. Madara était un des précurseurs de cette effroyable bataille. Dans l'histoire, on décernait toujours une nation gagnante et perdante, en discriminant celle qui avait osé prendre les armes dans une quête de pouvoir. Les pertes... elles n'étaient jamais vraiment abordées. Sakura se plaisait de croire que les raisons derrière cette guerre étaient bien plus larges que ce qu'on pouvait penser.

Lorsque le combat s'était achevé, les habitants envoyés sur le front revinrent chez eux. Sasuke Uchiha avait repris place dans ses quartiers d'enfance, seul, avec le deuil d'une famille entière décimée. Le massacre avait laissé assez de dégâts pour marquer la population. Meurtri et dégouté par cette boucherie collective, Sasuke s'était isolé une année dans le but d'une rédemption et de pardon. Sakura avait escompté de ses nouvelles comme un oiseau espérait son envol. Il lui avait fait une promesse. Il reviendrait pour elle. Alors, elle en était là aujourd'hui, accompagnée de son meilleur ami, Naruto. À l'attendre. Encore.

Elle accéléra le pas pour rejoindre la frontière de Konoha. D'énormes arches faites de béton encadraient les bâtisses. Sakura se prenait à penser qu'elles avaient plus un but de cloison que de protection. Les grandes portes de la bourgade restaient closes. Son regard pailleté de vert et d'or observait chaque détail dans l'air, passant des feuilles voltigeant sous le vent aux visages de chaque villageois présent. La foule était dense, elle ne voyait pas grand-chose. Sasuke pouvait faire son entrée à tout moment. Il avait envoyé une lettre au quartier général quant à sa venue. Et postée dans la cohue, en compagnie de Naruto, Sakura sentit son cœur tambouriner contre ses tempes.

Les membres tremblants sous l'émotion ravageuse qui l'assaillait, elle se surprit à retenir son souffle. L'appréhension guettait chacun de ses à-coups. Elle se détourna, la bile au bord des lèvres pour une raison inconnue et capta la lueur d'inquiétude dans le fond des iris bleus de son ami. Sous son geste brusque, sa petite robe fleurie blanche et jaune, cintrée à la taille, flotta autour d'elle. Sakura détestait les robes.

Aujourd'hui serait une exception, se répéta-t-elle en boucle, le souffle erratique.

Mais parfois les jours d'exception n'apportaient aucun bonheur. C'est ce qu'elle comprit lorsque Sasuke fit son apparition.

Malgré l'attention écrasante des habitants de Konoha pour son premier amour, personne ne capta les effluves d'odeurs ni les mouvements subtils apposés comme elle put les observer. Le temps s'était ralenti, tout comme l'horloge de son cœur.

Sa grande silhouette large et musclée qui s'avançait et se dégageait des autres personnes aux alentours. Ses cheveux noirs, pendant négligemment dans ses yeux, ses orbes profonds et sa cape sombre laissant derrière lui l'image floue d'un héros discret. Sakura avait senti ses joues chauffer, son cœur palpiter sous l'émotion, puis enfin l'arrêt complet. La respiration hachée, les membres crispés, elle ne savait que faire. Un second profil prenait forme. Un individu de plus petite taille, menue. Une femme. Grande et élancée, aux cheveux tout aussi ébène, coupés court et à la peau diaphane, pure. La nouvelle venue l'accompagnait d'une démarche gracieuse, où tempérait la force et la douceur. La tête haute, elle observait chaque habitant d'un sérieux légendaire, presque calculateur, jusqu'à ce qu'elle pose ses pupilles d'un brun cacao sur sa personne. Douche froide. Sakura venait de comprendre.

S'approchant à petites foulées, ne formant presque qu'un, la jeune femme déglutit avec difficulté pour réprimer sa douleur sous cette vision. Naruto fut le premier à les saluer, d'une accolade hésitante, suivi d'un regard peiné pour sa personne. Sakura évitait tout contact visuel, le ventre retourné par cette nouvelle. Elle ne voulait pas l'apprendre ainsi. Et pourtant la vérité se trouvait sous ses iris.

L'inconnue lui tendit la main, ses yeux perçants, le toisant, austère. Bien malgré elle, Sakura détacha son regard de son visage pour l'apposer sur sa carrure délicate, la détaillant au peigne fin, trop chagrinée pour être subtile. La compagne de Sasuke ne sembla pas s'en formaliser et arbora un sourire moqueur. Ses vêtements, très minces, ne cachaient pas grand-chose et avec une fausse légèreté, Sakura baissa les yeux sur sa robe de petite fille.

Kyra. C'était le nom de la copine de Sasuke.

Elle le retiendrait longtemps avec un goût amer dans la bouche. L'Uchiha avait à peine posé ses yeux sur elle et Sakura en avait fait de même avec lui. De l'indifférence pure. Voilà ce à quoi elle avait eu droit.

Elle se sentait trahie, piétinée. Sa promesse d'amour n'avait été que du vent. Ravalant sa peine, elle resta droite comme un « i », observant les échanges plus que platoniques avec son meilleur ami blond, luttant contre le torrent d'émotions qui s'apprêtait à la noyer de toute son âme. Elle ferma les yeux forts, et compta jusqu'à vingt. Ce fut le petit effleurement contre son bras qui la fit rouvrir ses paupières.

Ils étaient partis.

Elle souffla, reprenant de l'oxygène. Naruto était resté posté à côté d'elle, tel un chevalier, ne disant pas un mot et comprenant sa souffrance intérieure. Il savait son besoin d'être seule et de se replier sur elle-même et quand ce fut le temps de partir, il n'essaya pas de la retenir. C'était mieux ainsi.

Elle s'était trompée. Elle regrettait son innocence. Il n'y avait jamais eu d'espoir pour eux. Jamais. Sakura avait éloigné tout prétendant, se gorgeant de cet amour illusoire et de promesses soporifiques.

Ses poings se serrèrent sous le choc.

Elle l'avait cru.

Fatalement.