— Qui viendra ce soir ? demanda curieusement Gaara, posté à ses côtés.

Il poussait doucement un petit chariot, rempli de bonnes choses, tandis que Sakura regardait les rayons, se demandant quoi prendre en plus, son petit panier dans ses mains déjà plein.

— Il y a toi, Naruto et Hinata normalement, si elle peut se présenter. Puis, Sasuke et sa copine... Et quelques autres.

— Avec ce qu'il s'est passé hier soir ?

Sakura se crispa sous les paroles quelque peu cinglantes de son compagnon. Les dires de son ancien ami lui revinrent en tête et elle se força à détendre ses épaules et à inspirer par le nez pour ne pas se laisser aller à des émotions trop fortes.

Le roux se sentait agacé pour une raison obscure. L'Uchiha était un pur imbécile et sa petite amie collante était sans doute pire. Comment pouvait-elle les inviter ? Il se sentit mal après, parce qu'il lui faisait sans doute revivre un souvenir douloureux, mais... Il n'arrivait pas à comprendre. C'était plus fort que lui, la jalousie prenait aussi part de son esprit. Bien qu'il sache que Sasuke était un parti pris en plus d'être un pur et dur imbécile, il ne pouvait nier le fait que la jeune femme restait irrémédiablement amoureuse de lui. Il fut un temps où ils étaient proches.

Gaara aurait voulu connaître ce sentiment d'être entouré et aimé, voire admiré. Sakura avait toujours tout donné à l'égard du brun, alors qu'il n'était qu'un égoïste, emprisonné dans sa colère et sa vengeance irrationnelle. Peut-être avait-il changé ? Le roux n'en savait rien, mais l'idée qu'il puisse reconquérir le cœur de la belle le mettait à cran. Sasuke ne la méritait pas.

— Pourquoi ?

La question franchit le rempart de ses lèvres avant qu'il n'en prenne conscience. C'était plus fort que lui. Il voulait savoir la raison de sa bienveillance à l'égard de ceux qui lui causaient du tort. Il lui suffisait pourtant de dire non.

— Parce qu'il est le meilleur ami de Naruto et... parce qu'il était aussi le mien avant.

Gaara resta silencieux face à ses paroles, pensif, et ils continuèrent leur avancée dans la petite épicerie. Il se força à ne pas la questionner quant à la présence de Kyra dans la soirée et se contenta de rester muet comme une carpe. Il avait déjà entrevu la douleur à travers ses paroles. Il ne creuserait pas plus profondément, par respect pour la jeune femme.

Se positionnant en file d'attente, ils ne remarquèrent pas tout de suite Sasuke un peu plus loin derrière eux, qui avait tout entendu, la mâchoire crispée au maximum. Lorsque son regard noirâtre croisa celui de la jeune femme, Sakura se figea. Puis se reprenant, elle lui offrit un mince sourire. Le brun détourna ses iris en se pinçant les lèvres. Un nouveau rejet. Inspirant par la bouche, elle sentait déjà les larmes se rapprocher. Mais secouant la tête, elle se reprit en main. Un homme qui ravageait autant son coeur méritait-il vraiment autant d'attention ? Ne lui avait-elle pas donné assez de pouvoir sur sa personne ? N'avait-il pas assez fait de dégâts à son palpitant ? Se triturant les doigts, elle se força à cesser cette manière qu'elle avait de se laisser abattre par les rejets constants du brun. Est-ce que cela avait changé depuis le passé ? Non. Pourquoi continuait-elle d'espérer alors ? C'en était ridicule, soupira-t-elle.

Fronçant les sourcils, ses yeux balayèrent les alentours avec attention. Ino, un peu plus loin, essayait de capter son regard. Le départ précipité de son amie l'avait aussi mise dans un émoi profond. En voyant un grand roux posté aux côtés de la jeune femme, qui la couvait d'un regard doux, un sourire espiègle fendit le visage de la blonde. Sakura leva les yeux au ciel, comprenant déjà comment l'esprit de son amie venait de disjoncter. Elle lui mimât le mot « non » à distance, mais sa camarade fit semblant de ne rien comprendre et continua de sourire bêtement, au plus grand damn de la jeune femme. Toute scintillante, la blondinette fit son entrée en scène, roulant des hanches pour se faire un passage jusqu'à eux.

— Mes deux célibataires préférés ! S'écria-t-elle, toute joie à découvert.

Sakura se claqua une main sur le front, dépitée, alors que Gaara affichait un visage amusé. Eh bien, s'il s'était attendu à ça.

— Quelle surprise, Ino, commenta celui-ci, jetant un œil moqueur à sa compagne.

— Oui, quelle surprise, grinça Sakura à sa suite, avertissant d'un regard la blonde de ne pas franchir la ligne interdite et dire des choses absurdes.

Ino n'en fit quant à sa tête. Encore.

— J'imagine que la soirée d'hier soir s'est bien finie alors, hein ?

Le clin d'œil que son amie venait de lui adresser était aussi discret que les regards insistants des vieux dans l'hôpital où elle travaillait. Côté discrétion : zéro. Ino ricana devant la mine gênée de sa meilleure amie.

L'enfoirée, pensa Sakura, néanmoins amusée.

— C'était génial, c'est vrai, renchérit Gaara. Malheureusement, ma danse avec la belle à mes côtés n'a pas su la convaincre complètement. Je compte bien l'emmener déjeuner avec moi pour qu'elle tombe dans mes bras.

Sakura hoqueta de surprise et donna du coup au roux qui partit dans un grand éclat de rire.

— Surtout, ne l'écoute pas Ino, maugréa-t-elle gentiment. Je n'ai pas encore donné confirmation.

Le roux plissa des yeux et il eut comme réponse de la belle sa langue sortie et ses yeux taquins.

— Pas encore. Donc, c'est pour bientôt alors.

Sakura n'aurait jamais cru voir Gaara jouer un jour des sourcils. Comme quoi, la vie réservait beaucoup de belles surprises. Son rire cristallin fendit le décor.

— Bien, j'aimerais beaucoup assister à votre échange de baisers fiévreux, mais Sai m'a filé entre les doigts et je dois quand même le retrouver. Il se cache toujours quand je lui propose d'acheter du poisson, ce petit imbécile.

— Après tout ce temps, je pensais que tu avais compris la leçon, rit Sakura en évitant de porter attention à ses précédentes paroles. Il déteste ça, tu ne risques pas de le voir avant plusieurs heures.

Ino maugréa en réponse dans sa barbe des insultes mélodieuses. Sakura capta le regard amusé de Gaara et dût retenir le fou rire qui tentait de sortir de sa gorge. Se tournant de nouveau vers la concernée, elle lança :

— Tu feras quand même partie de la soirée ce soir, n'est-ce-pas ?

—Oh, je ne manquerais ça pour rien au monde. Espérons seulement que ce cache-cache ne dure pas trop longtemps.

Après un dernier échange de regards amusés, son amie se détourna, son chariot plein de poissons et ses yeux vagabondant à la recherche de son copain.

Quant à Sasuke, il avait disparu quand les deux orbes grises de la belle se posèrent sur l'emplacement où il se situait quelques minutes plutôt. Il refit son apparition avec les mêmes emplettes qu'auparavant. Sakura comprit qu'il avait voulu les éviter, espérant qu'ils passent rapidement à la caisse. Peine perdue. Gaara qui le vit venir lui adressa la parole d'une voix amicale, mais les yeux perçants. Ils discutèrent des bribes plus que banales. Alors que la jeune femme s'apprêtait à parler, croisant le regard de son ancien ami, Sasuke crispa soudainement sa mâchoire et regarda obstinément la caissière.

Gênée et confuse de cette réaction, elle se détourna et coinca une de ses mèches derrière son oreille. Ses yeux lui piquaient, mais elle supporta cette révulsion qu'il éprouvait pour sa personne avec difficulté. Gaara, spectateur de ses émotions, se rapprocha d'elle, et s'empara de son menton avec ses doigts. La chaleur se répandit sur sa chaire et levant les yeux vers sa chevelure auburn, elle vit à quel point il était beau. Penché ainsi vers elle, ses yeux la questionnant sur son bien-être, elle ne peut s'empêcher d'en être touchée. Un petit sourire naquit ses lèvres, discret, et le jeune homme lui embrassa la tempe en retour.

— Si j'achète du poisson, tu penses que cet imbécile s'enfuirait aussi en courant ?

Trop choquée par ses paroles, elle écarquilla les yeux, puis pouffa, fort. Elle rougit de gêne, n'arrivant pas à se contenir et plaqua une main contre sa bouche, les yeux écarquillés. Son cœur battait à cent à l'heure et, inconsciemment, ses prunelles glissèrent vers Sasuke, espérant qu'il n'ait rien entendu. Il continuait de fixer droit devant lui, tel une statue de glace. Gaara ricana de sa réaction.

— J'espère que cette lopette m'a entendu, sourit-il avec nonchalance, alors que Sakura était hilare.

Se forçant à prendre une expression sérieuse, la jeune femme articula fermement :

— Gaara.

— Ok, j'arrête, lâcha-t-il en levant les bras en l'air, encore plus moqueur.

Sakura se décala de lui de plusieurs centimètres et arbora une petite grimace pour cacher son allégresse. Son compagnon voyait très clair dans son jeu et continua de ricaner dans sa barbe, aussi discret qu'un éléphant. Sasuke, loin d'être sourd, avait les jointures si blanches sous la pression, qu'il n'hésiterait pas à balancer son droit à la première personne venue. Il était à cran. Sakura était bien plus proche du roux qu'il ne le pensait. Son regard glissa sur sa silhouette un bref instant, puis détourna de nouveau les yeux.

Non, définitivement, elle n'est pas aussi féminine que Kyra, raisonna-t-il.

Pourtant, le brun ne put s'empêcher de regarder à nouveau son magnifique visage et ses yeux de dériver vers ses longues jambes fines. Il grogna imperceptiblement. Gaara venait de passer un bras autour de ses hanches pour la plaquer contre lui, le regard néanmoins fixé sur sa personne. Ils se dévisagèrent pendant quelques instants, puis une voix résonna fortement, coupant tout contact visuel :

— Caisse numéro 2, à vous !