L'escroquerie, le vol, le tapage et la tromperie. Ces mots sonnaient presque comme une mélodie, douce, mais sifflante de souffrance à ses oreilles. Il n'y avait pas pire résolution que de retomber dans ses péchés capitaux et profonds. Faire le sale travail ne lui accordait aucune onde de plaisir, juste un goût âcre et douloureux de rancœur. Dérober. S'incruster dans la vie des gens. Cette mauvaise habitude qu'elle avait délaissée revenait au galop.

Un grognement s'échappa de ses lèvres rouge sang.

La contrariété démangeait ses membres, au point de lui arracher des tremblements de fureur. Quel dégoût que de fureter dans les papiers d'une femme aussi insupportable que Sakura Haruno ! Et pourtant, elle était là aujourd'hui, penchée contre la petite table de nuit en bois franc, à observer chaque tiroir, à enfoncer ses doigts dans la moquette du plancher et à fouiller les murs dans l'atteinte d'un objet tant attendu, d'une preuve. Mais rien.

Soit la jeune femme s'avérait être vigilante, soit elle n'avait rien à se reprocher.

Un rire rocailleux de frustration s'échappa de sa gorge. Elle en avait marre. Sakura n'était pas innocente. Elle pouvait en mettre sa main au feu tellement les cloches de sa conscience s'agitaient en pensant à la rose. Son crâne cillait, et son corps se crispait rien qu'à l'observer. L'Haruno lui donnait envie d'expulser son déjeuner par terre. Sa haine pour cette fille était sans limites.

Seulement, elle se trouvait là, accroupie sur le sol, à démanteler une quelconque implication de cette perfide chose dans le village de Konoha. Kyra s'en doutait. Tsunade aurait pu dénicher un autre cobaye pour faire cette basse tâche, mais son choix s'était porté sur elle.

La chef du village avait l'humour fin.

La jeune femme eut envie de hurler de colère. Pour calmer son état d'esprit, elle s'empoigna plusieurs mèches de cheveux et tira fort dessus. Grognant de frustration, Kyra fonça vers le simpliste placard de l'Haruno. Ses yeux passèrent au peigne fin des étoffes douces aux vêtements rugueux d'entraînement et de combat. Les initiales contre une veste attirèrent son attention. Elle fronça les sourcils et s'empara du bien, l'enfonçant dans son gros sac, telle une voleuse.

Elle détestait sa tâche. Bon sang ! Il n'y avait vraiment rien ici. Sakura était blanche comme neige.

— Rien de très surprenant en soi, maugréa-t-elle aigrement.

L'hôtesse des lieux se situait à l'hôpital même, trop occupée à prendre soin de Nihiko ou elle ne savait qui ! Kyra s'en foutait. Elle avait pris congé pour inspecter la maison des parents de la jeune femme. Elle n'y avait rien trouvé et elle avait fini sa recherche dans son précieux appartement aux allures sophistiquées de blancs crème et de noirs. Classique. D'un banal horripilant qui lui donnait envie de vomir.

Comment Sasuke pouvait-il lui démontrer le moindre intérêt ? À elle ? Sakura n'était en rien spéciale, maigre comme un clou, des yeux vitreux horribles, des doigts tordus et des cheveux sales comme si elle avait passé la dernière année dans une grotte avec un ours. La fleur n'était rien et ne méritait certainement pas la présence plus que dominante et forte de l'Uchiha.

Kyra n'avait presque plus de ses nouvelles. Deux semaines qu'elle n'était plus autorisée à côtoyer son lit, la rendant presque dingue de colère. Comment pouvait-il la repousser ? N'avaient-ils pas une mission à accomplir, ensemble ?

La bile remontante, Kyra grogna encore une fois. Bouillante de rage, elle arracha dans un mouvement brusque les manches de son dû volé, après l'avoir sortie de sa besace pour l'observer de nouveau.

— Merde ! jura-t-elle.

Elle écarta les filets, s'alarmant de son impulsivité. Elle espérait que l'insigne resterait intact. En bougeant sa marchandise pillée, une pochette s'effondra à ses pieds. Surprise, elle s'abaissa, empoigna la trouvaille et tourna plusieurs fois entre ses doigts le sachet gris. Les mêmes insignes que sur le vêtement de combat. Une fleur blanche et rose y était brodée, suivie de trois petites lettres, si minuscules que Kyra plissa des yeux pour les déchiffrer.

— D.V.H. souffla Kyra, les sourcils froncés.

Brusquement, un bruit se fit entendre de l'autre côté de la pièce. Avalant sa salive de travers, Kyra comprit qu'elle était dans le pétrin. Coincée dans la chambre de l'Haruno, elle ne pouvait rien faire. Ne prenant pas le temps d'observer sa découverte, elle l'empocha dans son sac, fit demi-tour, ouvrit la porte coulissante de la salle et jeta ses attributs. Alors qu'elle s'apprêtait à passer une jambe par-dessus la balustrade, une voix l'interpella.

— Qu'est-ce que tu fais ici, dans l'appartement de Sakura ?

Kyra ne fit plus le moindre geste, les membres immobilisés. Elle reconnaissait cette voix. Il s'agissait de Shikamaru Nara. En tournant son visage vers sa personne, elle put confirmer sa présence. Le nouvel arrivant était un grand type, les cheveux noirs attachés en une couette haute, des yeux foncés et un brin de paille coincé entre les dents. Il semblait toujours indifférent à tout. Cependant il ne fallait pas s'y méprendre. Cet homme débordait d'intelligence et pouvait égaler sa ruse avec un chat. Les seuls instants d'égarement qu'il avait se trouvaient en la présence de sa petite amie, Temari.

Dangereux de se faire prendre dans cette condition, par un tel personnage, répliqua sa conscience.

Kyra tenta de feindre la stupeur.

— Tiens, tiens, Shikamaru, quelle surprise !

Le désigné fronça les sourcils et tendit sa main vers son dos, où devait se trouver un possible couteau. La brune ne présenta pas le moindre signe d'hésitation ou de peur. Restant sûre d'elle-même, elle fit marche arrière et s'approcha du dénommé Nara, un sourire aux lèvres.

— Qu'est-ce que je fais ici ? Je pourrais pareil de toi. Tu m'as tout l'air d'une personne qui n'a pas été invitée.

— Et toi, tu le serais ? grimaça le brun.

Il venait de remettre son arme en place et étendit ses bras, dans une posture d'étirement, feignant le dédain à son égard.

— Dis-moi la vraie raison et je n'alerterais pas Tsunade, claqua froidement Shikamaru.

Kyra éclata de rire.

— Je suis ici sous ses ordres, sa voix monta et ses yeux pétillèrent d'amusement. Il faut admettre que Sakura ne se trouve pas dans le cœur de toutes les personnes de son entourage. Quel dommage d'ailleurs, que la chef ait si peu confiance en elle, j'avoue que je ne m'en relèverais pas si je l'apprenais.

Un nouveau ricanement franchit la barrière de ses lèvres. L'intonation débordait d'une joie indicible. Sakura souffrirait tellement de cette méfiance et rien que de l'imaginer, Kyra en ferma les yeux. Shikamaru était resté de marbre tout au long de son discours, se contentant de la dévisager, austère.

— Et toi, petit Nara, quelle peut donc être la raison de ta venue ici, dans les appartements de la chère amie de ta copine ?

Sa mâchoire se contracta une minuscule seconde, mais cela n'échappa aucunement au regard de la brune, qui sourit de cette constatation.

— On est nerveux, Shikamaru ? C'est vilain d'explorer ainsi, tu sais ? Quel méchant garçon tu fais !

Shikamaru lui tourna le dos, parcourut les lieux quelques minutes, sans lui adresser la moindre considération. La tension monta dans la pièce et Kyra sentit bientôt son stress gravir en flèche. Elle espérait qu'il ne regarderait pas à travers le balcon, sinon il verrait qu'elle avait volé des biens à Sakura. Il continua encore longtemps, s'amusant à l'observer trembler d'inquiétude, puis revint au pas de la porte d'entrée.

— Garde une chose en tête Kyra, si tu m'as menti, je le saurai d'une façon ou d'une autre et j'espère pour toi que ce n'est pas le cas. Un accident peu si vite arriver, souffla-t-il d'une voix rauque, en touchant presque avec fascination son couteau.

Relevant ses iris vers la jeune femme, qu'il incendia des yeux, sourire dérangeant accroché au coin des lèvres, il franchit la porte et disparut, ne laissant aucune trace dans son sillage.

Kyra expira, puis sauta de l'étage pour récupérer son sac. Elle se força à garder son calme. La jeune femme obéissait aux ordres, elle ne voyait pas en quoi elle faisait quelque chose de mal. Ses membres prirent du temps à répondre à son appel. Enfin, elle s'élança vers le bureau de Tsunade, sans se douter qu'elle venait de signer l'arrêt de mort de la fleur.

L'épuisement. La consternation, la confusion. Tout était présent dans les méandres de son esprit. Ses mains étaient trempées de sang, le sien. Sa tête sillait de douleur, les battements contre ses tempes s'accéléraient trop rapidement, au point de lui donner une migraine. Elle savait qu'elle s'était fendu le crâne. Elle aspira une grande goulée d'air et ouvrit difficilement les yeux. Son œil droit était si enflé qu'elle choisit de le garder fermé.

La peur. Elle n'avait pas connu ce sentiment depuis des lustres. Pas comme maintenant. Une sueur froide s'écoulait le long de son dos. Des spasmes agitèrent ses membres et du sang s'échappa d'entre ses lèvres. Elle se sentait fiévreuse, malade, détruite.

Elle ne comprenait rien. Son œil gauche continuait d'observer et d'analyser les lieux, mais sa vision obscurcie par la noirceur restait la même. Elle était enfermée. Plongée dans la pénombre, des menottes entravaient ses poignées et ses chevilles. Elles étaient faites de fer massif, qui brillait d'un rouge argent lorsqu'elle essayait d'utiliser son énergie pour s'évader, la brûlant au passage. 

Prise au piège.

La confusion.

La douleur.

Le souffle au bord des lèvres.

Ses yeux se levèrent vers le plafond. De la poussière y siégeait, épaisse, mais elle n'étouffait pas. Préoccupée, elle tenta de se rappeler des dernières heures avant sa capture.

Elle revenait de l'hôpital, épuisée et traversait une ruelle. En arrivant dans sa demeure, elle fut prise d'assaut. Une vision perça violemment ses sens, lui arrachant un cri de souffrance.

Une seringue qui s'illuminait avec le reflet de la lune, de grands yeux bruns, un sourire aux dents limées et une lame transperçant son ventre de part en part, trois fois.

La jeune femme écarta ses doigts avec lenteur, une grimace défigurant ses traits marqués de fatigue, et relevant avec douleur son t-shirt, elle découvrit trois déchirements dans sa chaire. Le sang continuait de couler. Les plaies étaient profondes.

La captive poussa un gémissement de douleur et du liquide rouge afflua contre ses lèvres. Les larmes perlant au coin des yeux, elle commença à comprendre sa condition. Elle allait mourir. Enfermée, menottée et capturée dans son propre village.

Elle ne saisissait pas.

Qu'avait-elle fait ? Pourquoi croupissait-elle comme un scélérat dans une salle aux barreaux d'acier et où la moisissure siégeait jusqu'à la faire éternuer ? Son souffle ralentit et bientôt la noirceur accompagna ses dernières pensées lugubres.

L'étau de son destin se refermait, les barricades de sa prison restaient infranchissables et la douleur la maintenait au sol. Sakura sentait la vie s'échapper de ses doigts comme l'eau qui tombait du ciel. Elle était perdue.