Sakura était perdue.

« Je ne suis pas avec Kyra. »

Cette simple phrase avait suffi à lui retourner le cerveau. La vague de culpabilité, ravageuse, de ces derniers jours, s'était envolée. Sasuke était libre et leur baiser n'avait plus le goût de l'interdit. Seulement...

Sasuke ne lui avait pas donné plus d'explications et avait filé à l'anglaise, tout en discrétion, de jolis mots bariolant sa bouche. Le secret devait rester maître-mot de l'histoire et la rose se demandait bien pourquoi. L'ivresse de cette nouvelle devrait ramener le sourire aux lèvres de Sakura, mais elle en était incapable. Au contraire, elle se sentait déphasée, comme si tout ce qu'elle croyait vrai n'était que poussière. S'il avait pu jouer aussi bien la comédie devant ses amis, que pouvait-il lui cacher de plus ? La méfiance était de mise et l'esprit embrouillé de pensées ternes, Sakura se demanda si elle devrait le reporter à Tsunade. Il s'agissait de sa mission après tout. Pourtant, le doute l'assaillait. Une petite voix lui chuchotait avec candeur de ne rien dire. Elle céda et hocha la tête, songeuse. Il n'y avait aucune utilité à mentionner cette information, surtout si elle ne détenait pas assez de détails pour comprendre ce qui se tramait. Elle ne se désistait pas de ses responsabilités par rapport à sa préceptrice, mais elle attendrait le prompt moment. Et ce n'était pas maintenant.

En se frottant les mains, elle repensa à lui, quand il avait apposé ses doigts contre sa joue, la contemplant avec une lueur d'intérêt inflexible. À ce souvenir, ses pensées s'engloutirent de nouveau dans un torrent d'incertitude.

Sasuke n'était pas avec Kyra. C'était un tel soulagement qu'elle en entrouvrit les lèvres pour prendre une grande goulée d'air. Mais les questions demeuraient. Pourquoi faire semblant d'être en couple ? Étaient-ils en mission ? Et quel genre de mission surtout ? Les secrets entourant l'origine de la dernière année de voyage de Sasuke la perturbaient. Était-il vraiment parti dans une quête de rédemption ? Que lui cachait-il ?

Sakura commençait à mieux comprendre sa fonction. Tsunade devait avoir vu sous les filets de Sasuke. Quelque chose ne tournait pas rond avec lui et elle se promit de découvrir quoi. Même si pour cela, elle devrait fragiliser son cœur. Elle hocha la tête sous son raisonnement. La jeune femme devait élaborer un plan pour lui soutirer des informations et rapidement.

— Sakura ? demanda Tsunade.

Elle revint à la réalité. Elle et son équipe avaient été convoquées. Et c'était à la rose de prendre la parole et de relater les faits. Sa bouche demeura close et ses poings se crispèrent. Respire. Personne ne sait les fins détails. Son mystérieux passé et ses nébuleuses capacité resteraient pour elle. Et bien que Sakura eût appris à mentir comme de boire de l'eau, le goût âcre du dégoût n'en restait pas moins insoutenable. Elle serra les dents, contrariée.

Sakura devra s'abstenir encore une fois de certaines subtilités. Pour son propre bien, mais aussi celui de ses proches. Personne ne devait comprendre qu'elle était une immondice chose, un monstre que l'on aurait depuis bien longtemps dû enfermer.

Détournant la tête et évitant le regard encourageant de son meilleur ami, Lee, pour prendre une grande goulée d'air, elle releva enfin ses iris vert pomme vers son ancienne sensei.

— Je me suis demandé ces derniers jours, pourquoi nous avoir emmené entre les deux campements de deux métropoles puissantes, alors que l'action se déroulait ici même. Et je pense avoir compris.

Elle encra bien ses pupilles dans celles de Tsunade, le cœur débordant de colère refoulée.

— Kakuzu et Asuma sont des traîtres, trancha-t-elle avec froideur. Mais vous le saviez déjà, n'est-ce pas ?

Sakura haussa un sourcil dans une posture de défi et la chef du village ne cilla même pas. Un hoquet de surprise retentit dans la salle. Temari venait de plaquer la main sur sa bouche en comprenant la portée des dires de la rose. Affirmer de telles choses était grave. Elle risquait gros.

— Sakura, reprocha Lee, les yeux écarquillés d'inquiétude pour elle. Qu'est-ce que tu...

— Suffit ! coupa Tsunade d'une voix torve, sa chevelure s'harmonisant avec la pénombre de la pièce.

Elle avait gardé les lumières éteintes pour une obscure raison. Peut-être pour cacher son visage ? Un rire retentit et la fleur ne fit même pas l'esquisse d'un geste en comprenant qu'il appartenait à son ancienne professeure.

— Je serais toujours autant impressionnée par ton sang-froid légendaire et par ta perplexité à toute épreuve, s'enthousiasma Tsunade, les yeux pétillants. Effectivement, reprit-elle. J'étais au courant depuis belle lurette que Kakuzu et Asuma étaient des rescapés. Je les ai surpris en train de revendre des armes au camp ennemi, il y a quelques semaines. Je voulais vous tester.

— Était-ce vraiment nécessaire, Hokage ? Claqua la voix de Gaara, jusque-là silencieux.

La chef haussa un sourcil, agacée et se détourna pour observer le roux.

— Votre ton, Gaara, je suis votre...

— Non. Vous êtes au même titre que le mien et tester ainsi ses compatriotes n'est pas une manière de faire des plus nobles. Il y a eu des meurtres et Sakura s'est retrouvée kidnappée. Était-ce là le but de votre mission ? Nous jeter dans la gueule du loup pour que nous trouvions leur repère ?

Il y eut un silence, si lourd de tension que l'on pouvait observer les filaments électriques et noirs dans la pièce. Sakura se forçait à garder son calme. La force que dégageait Gaara lui donnait envie de participer à la joute verbale. Elle crispa ses poings jusqu'à s'enfoncer les ongles dans la paume des mains pour s'empêcher de commettre un geste irréparable. Tsunade les avait tournés en bourrique. Comme des petits moutons qui écoutent tous les ordres et qui se jettent dans l'enclos de la mort. Quelle naïveté ! Sakura savait très bien que son ancienne préceptrice avait une dent contre elle, mais emmener ses coéquipiers dans sa vengeance infâme, c'était impardonnable.

— Qui est mort ?

Tsunade semblait réellement surprise. Sakura soupira en se frottant la tempe. Alors que Gaara allait reprendre la parole, elle le devança :

— Lors de notre mission, Kakuzu et Asuma ont assassiné une famille complète, les dépouilles ont été brûlées et les proches ne connaîtront probablement jamais la raison de leur abscence. Cette famille traversait la forêt pour se rendre à Konoha.

— Des recherches sur de possibles voyageurs quittant Suna ont été envoyées aux villages voisins. Nous les trouverons, répondit Gaara en lui posant une main sur l'épaule et la jeune femme hocha la tête en retour, apaisée.

— Kakuzu et Asuma ont commis cet acte ? demanda effarée l'Hokage.

— C'est ce que Sakura affirme, chuchota Temari.

Lee se détourna rapidement vers elle, furieux.

— OK, il y a beaucoup plus de conflits dans ce groupe que je ne le pensais, maugréa Tsunade en levant les bras en l'air. Si Sakura soutient que ces meurtres ont été perpétrés par Kakuzu et Asuma, je la crois.

Sakura hocha la tête, reconnaissante.

— Maintenant, je veux savoir. Avez-vous découvert le repaire ? Et pourquoi tu as été capturée, si les traîtres s'avèrent si violents ?

— Nous avons bien trouvé leur planque, il était grand, enfoncé sous terre et...

— Et le mot de passe pour leur ascenseur, c'était salope ! C'était vraiment étrange qui plus est, se questionna Lee, d'une voix où transperçait un profond intérêt benêt.

Sakura se retint de rire. Quel imbécile ! Gaara esquissa un rictus, amusé de la situation, alors qu'il venait de se faire couper la parole.

— Des détails importants, je vous prie ! grommela Tsunade en se frottant les tempes.

— En m'échappant, j'ai entendu plusieurs gardes affirmer que le Maître me voulait en vie. Je n'en sais pas plus.

— Et de toute façon, on ne peut pas retourner au repère, continua Lee, enthousiaste.

— Pardon ? s'écria l'Hokage.

— Gaara l'a fait exploser, termina le brun, les yeux pétillants comme un gamin. 

Sakura se plaqua une main contre son visage, dépitée. La mission avait vraiment tourné au vinaigre. Pas le moindre moyen d'en savoir plus sur les traîtres si le lieu où se logeait leur information était de la chair à canon en décomposition.

Tsunade tenta de garder son sang-froid, même s'il était évident qu'elle voulait frapper dans un mur avec son poing d'acier. Elle se retourna vers la rose en prenant une grande inspiration.

— Sakura, tu as dit le Maître, en es-tu certaine ?

— Oui, chuchota-t-elle. J'espérais que vous en saviez plus et que vous pourriez m'éclairer sur le sujet...

Tsunade la fit taire d'un mouvement du doigt, le regard lointain, semblant dépasser par la situation actuelle. Elle se cala dans son gros siège en cuir en soupirant. Une myriade d'émotions traversait ses traits, dont l'inquiétude, la colère et... l'amusement.

— Il est revenu, chuchota-t-elle en observant le plafond, d'un œil presque indéchiffrable.

— Qui ?

Tsunade resta silencieuse et Sakura serra les poings. Si ses camarades ne se trouvaient pas dans la salle, elle aurait empoigné son ancienne sensei par le collet pour la plaquer contre le bureau, qu'elle soit l'Hokage ou non. Peut-être était-elle trop familière avec Tsunade ? Elle n'en avait cure. La grande blonde dégageait une énergie des plus sombre ces derniers mois et Sakura essayait de nier la chose, mais c'était évident plus le temps s'écoulait. Quelque chose ne tournait pas rond. Tsunade gardait encore des secrets et les loger si profondément entravait bien des conséquences. Sakura le savait.

Peut-être la chef pensait-elle bien faire pour le village ? Mais la jeune femme commençait à en douter. Sa confiance en l'Hokage s'étiolait. Et son besoin de lui prouver qu'elle était mieux que ça se dissipait. Elle n'avait plus envie de faire d'effort. Tsunade s'intéressera ce qu'elle veut d'elle. Si la rose restait une fille incapable à ses yeux, alors il n'y avait rien à faire.

Sakura détendit ses doigts, détourna les épaules et amorça un mouvement vers la sortie. Lee l'observa, choqué.

— Sakura, cette convocation n'est pas finie, aboya la chef.

Elle resta dos à elle, ne prenant même pas la peine de le toiser.

— Cette réunion ne sert à rien. Vous écoutez les informations que nous avons à vous donner, mais les réponses ne viendront pas. Ce n'est pas donnant-donnant, parce que vous n'avez pas confiance en nous. C'est fini ce petit jeu. (Elle se retourna pour planter son regard d'acier dans celui de son ancienne préceptrice) Je ne participe plus à votre chasse à l'homme sans connaître les renseignements cachés. Je ne suis pas une pièce de plus sur l'échiquier.

Puis elle traversa les grands gonds de la porte en bois. Quand Tsunade se retrouva enfin seule, une parole résonna dans l'obscurité, comme un écho.

— Tu n'es pas un pion, Sakura. Tu es l'échiquier.