Sasuke s'était réveillé l'esprit embrouillé, mais léger. Il se rappelait des paroles échangées avec Sakura, sur le terrain de leur ancienne équipe, couchés dans l'herbe, leurs yeux contemplant l'immensité et la beauté du ciel. Elle lui avait dit désirer tout oublier, effacer sa douleur et l'Uchiha avait ressenti un gros pincement au niveau de sa poitrine. Il n'avait jamais voulu que les deux en arrivent là, détruit, perdu, à espérer plus et à tenter de tout fracasser pour décimer l'étau dans leur cœur. Et pourtant, ils se trouvaient au précipice de leur connexion, à admirer les étoiles, dans la noirceur totale, les larmes aux yeux et les émotions au bord des lèvres. Sasuke se revit, la transperçant de son regard. Le souvenir devint si réel qu'il se sentit transporté. Tout se reproduisait comme si c'était hier.

Le vent bruissait contre les arbres, malmenant les feuilles qui s'échappaient des branches au gré des bourrasques. Une brise plus puissante que les autres balaya les cheveux roses de Sakura contre son visage, elle les écarta, les sourcils froncés sous la réflexion. Se retrouver aux côtés de Sasuke la perturbait toujours autant. Il s'était montré avenant depuis le début, ce qui était plus qu'inhabituel. Il lui posait des questions, les yeux bien plantés dans les siens, comme s'il cherchait à percer l'état de son âme. Et Sakura essayait chaque fois de lui fermer l'accès à ses émotions. Il avait perdu ce droit depuis bien longtemps.

—Je prie pour que ma douleur s'efface et avec elle les souvenirs.

Ils n'avaient plus prononcé le moindre mot depuis les dernières paroles de la fleur. Elle ne regrettait pas de les avoir soufflés. Seul Sasuke semblait dépasser par les événements de ses propos. Il gardait les yeux rivés vers l'horizon, la mâchoire contractée, et une mine dévorée de culpabilité striait les traits anguleux de son visage.

— Et c'est quand je reviens que tu veux tirer un trait sur nous ?

— Y a-t-il déjà eu un « Nous », Sasuke ?

Les iris plissées, Sasuke réfléchit alors que Sakura le transperçait de ses orbes émeraude.

— Oui. Je crois qu'un moment, tout aurait pu marcher entre nous deux.

Le temps se suspendit et leur respiration aussi.

— Et qu'est-ce qui a fait faux bond à cette possibilité ?

Ce n'était qu'un murmure, mais Sasuke l'avait entendu et se tordait les doigts, pensif. L'image de Kyra flotta quelques secondes devant ses yeux et une voix intérieure lui martela la vérité : ta mission. Mais il ne pouvait lui dire. Au lieu de cela, il se détourna, espérant que la rose ne sache pas voir entre ses failles. Seule Sakura le rendait aussi vulnérable.

Il choisit alors la demi-vérité.

— Mon égoïsme, mes peurs et bien d'autres choses.

Sakura avait suspendu ses mouvements, les doigts crispés contre ses cheveux, encore choquée. Déglutissant, elle continua son geste pour replacer une mèche derrière son oreille. Sasuke ne put s'empêcher de l'observer à la dérobée, désireux de reproduire ce réflexe.

— De quoi avais-tu peur ?

L'Uchiha inspira bruyamment, puis se tut un long moment. Il s'était refermé, conclut la rose, déçue.

— J'ai toujours voulu prouver que j'étais fort, malgré la perte des êtres les plus importants dans ma vie... (il avala difficilement sa salive.) Et m'attacher devenait inconcevable, car ce serait me rendre vulnérable, mais aussi me laisser la possibilité de perdre une autre personne que j'aime. Et... (Sakura le scrutait si fort qu'il s'arrêta pour planter son regard sur elle.) Tu étais un risque de trop, un risque que mon cœur n'aurait pas supporté si tu venais à disparaître.

Sasuke releva la tête sous l'effleurement léger contre ses doigts. Sakura avait posé sa main contre la sienne, un sourire triste ancré au visage, qu'elle détourna rapidement vers le ciel. Le contact se dissipa, ce qui déplut au noiraud. Ce geste anodin de réconfort lui avait réchauffé le palpitant.

— Et maintenant ? se risqua Sakura, ses menottes entrelaçant ses genoux ensanglantés.

Sasuke voudrait lui donner toutes les réponses qu'elle désirait, mais il ne les connaissait pas lui-même. Et il était un connard. Elle méritait mieux qu'un homme qui irait dormir dans le plumard d'autres femmes.

Sous son silence éloquent, Sakura ferma les yeux pour accepter la nouvelle. Un ricanement lui échappa, faible, mais douloureux. Le brun fronça les sourcils en retour.

— On n'a jamais eu le bon timing, rit-elle, tout en observant de nouveau à cœur ouvert les étoiles brillant dans le firmament.

S'allongeant sur le sol, les iris rivés vers le haut, éclatant de lucidité et de vulnérabilité, Sasuke comprit. Elle cherchait à éviter de croiser son regard. C'était mieux ainsi, il serait moins tenté de l'embrasser autrement. Cette envie le démangeait dès qu'elle franchissait sa vision ou qu'elle ouvrait la bouche. Pas qu'il voulait qu'elle se taise — un peu, mais parce que le goût de ses lèvres était exquis.

— Peut-être que les choses sont faites pour changer.

Sasuke ne sut lequel des deux sursauta le plus. Il ne comprenait pas pourquoi il avait prononcé ses mots et son palpitant venait de faire un marathon dans son thorax.

Sakura le cherchait des yeux, pendant qu'il essayait de reprendre contenance, les membres tendus sous l'émotion. Enfin, il croisa ses iris de jades, ensorceleurs. Il frissonna. Ses orbes lui criaient de lui prouver ses paroles et il le fit.

Sakura, tremblante, inspira son parfum boisé très masculin, alors que Sasuke l'attirait contre lui. Elle le laissa faire et se retrouva collée contre son corps musclé, l'obligeant à lever la tête pour le regarder et posa sans réfléchir les mains sur son torse large.

— Je vais t'embrasser, Sakura, déclara-t-il d'une voix rauque. J'en meurs d'envie depuis la dernière fois.

Elle savait qu'elle devrait s'abstenir et s'échapper de son étreinte. Rien ne lui garantissait qu'il serait prêt à changer et qu'il ne s'agissait pas que d'une attraction physique. Pourtant, Sakura ne refuserait ce baiser pour rien au monde. C'était indéniable. Elle se colla encore plus contre lui et ouvrit les lèvres en une invitation.

Sasuke écarquilla les yeux, surprit et s'inclina vers elle. Il lui frôla les lèvres et Sakura se tendit pour que leurs bouches se joignent. Il ne se retint pas. Il glissa la langue entre ses lèvres et prit possession de sa bouche avec une telle passion que la fleur se serait évanouie si elle ne s'était pas agrippée à ses épaules pour s'ancrer à la réalité. Il referma un bras autour d'elle et planta l'autre contre sa nuque, la maintenant en place, avec avidité.

C'en était fini d'elle. Sasuke embrassait vraiment comme un dieu. Merde alors ! Sa langue la torturait et le dépouillait de toute pensée rationnelle. Elle devrait déjà s'être décollée de lui pour reprendre ses esprits, mais au lieu de cela, Sakura passa ses bras autour de son cou et ne s'aperçut pratiquement pas qu'ils s'étaient roulés contre le sol et qu'il se retrouvait au-dessus d'elle, la privant de toute liberté.

Sasuke remua des hanches et plaqua son bassin contre le sien, amorçant un frottement terriblement sexy. Elle ajusta sa position, et enroula les jambes autour de sa taille en approfondissant son baiser. Elle gémit. Son désir pour lui était si impérieux qu'il en devenait douloureux. Elle lui mordit la lèvre inférieure et ce fut le déclic.

Sasuke gronda et l'empoigna par les cheveux, lui tirant un soupir. Il ôta sa bouche, haletant, et elle ouvrit les yeux. Et ce qu'elle découvrit la laissa sans voix. Sasuke, les yeux rouges, son Sharingan activé, les lèvres gonflées et la tignasse ébouriffée. Une lueur prédatrice brillait dans ses iris, lui arrachant une nouvelle plainte. Elle avait envie de lui demander de poursuivre. Elle voulait qu'il continue. Maintenant.

Une passion brûlante envahit les yeux de l'Uchiha. Jamais il n'avait désiré une femme à ce point. Submergé, il l'embrassa une autre fois. Ses doigts s'enfoncèrent contre les cheveux de Sakura, formant un poing et elle fit rouler ses hanches en retour. La sensation de la tige rigide de son sexe contre son entrejambe le fit grogner et Sakura se cambra pour lui faire comprendre combien elle en voulait aussi.

Bon sang ! Il allait perdre la tête.

Il la lâcha et elle fit de même, à contrecœur. Leur séparation lui donnait une impression de froid et de solitude. Il ne savait quoi dire, mais saisissait qu'il devrait prononcer une parole. N'importe quoi !

— On devrait... je...

— Oui, balbutia-t-elle à la suite de ses propos incompréhensibles.

Très fort, se reprocha Sasuke. Il aurait pu amorcer une conversation plus intelligente plutôt que de bégayer comme un adolescent. Une pause s'infiltra dans l'air et l'Uchiha en profita pour reporter son attention sur la fleur. Elle venait de nouveau de passer sa main dans ses cheveux, la lèvre inférieure aspirer entre ses dents et il inspira fort pour se juguler. Sakura était le péché suprême ! Exquis, mais interdit. Il souffla pour se redonner contenance, se pinça l'arête du nez, se releva tant bien que mal, avec cette impression d'être courbaturée et aida la rose à en faire de même, la gardant toute proche de lui. Elle avait cet effet dévastateur sur lui. Bouillant, mortel. Et il en voulait plus. Même si ça lui était interdit.

Sakura coupa court à ses pensées en posant ses menottes contre son torse. Ses yeux lui imploraient de lui fournir une réponse quant à ce qui venait de se produire. Mais il ne savait pas quoi lui dire. Fais chier ! Il avait encore fait une connerie. L'embrasser, céder à cette tentation, avait été une monumentale erreur. Regrettait-il ? À son plus grand malheur, non. Le referait-il à l'instant ? Absolument. Son cerveau était vraiment au mauvais endroit en ce moment. Avec discrétion, il replaça son pantalon, gêné de se comporter comme un gamin découvrant les premiers effets du désir sexuel pour une jolie fille.

Puis, se passant une main contre le visage, Sasuke souffla, ruminant intérieurement. Il était dans un sacré pétrin.

— Je m'attendais à ce que tu me rejettes encore une fois.

— Je crois que j'en suis incapable, murmura-t-il, presque agacé de ne pas en avoir la force. Pourquoi avoir accepté mon baiser si tu pensais que je te repousserais ?

La rose haussa les épaules en réponse. Elle aurait pu bénéficier de la situation et essayer de collecter des informations sur lui, mais elle le voulait ce baiser, et elle en avait profité.

— Il faut croire que je ne suis pas raisonnable en ta présence.

Sasuke plaqua son front contre elle, soupirant et fermant les yeux. L'atmosphère était légère, détendue et pourtant, Sakura gardait en tête qu'il y avait un obstacle entre eux. Kyra. Et que la vie n'était jamais facile. La magie du moment commença à s'estomper. Mais Sasuke ne semblait pas prêt à la lâcher. Il venait d'approfondir sa prise sur ses hanches, enfonçant ses doigts dans sa chair tendre et sa respiration devint hachée.

S'il continue, c'est moi qui vais l'embrasser.

Les joues colorées par ses pensées, Sakura se força à inspirer avec lenteur. Elle devait être rationnel. Détendre l'atmosphère. Tâter le terrain en douceur.

— C'est mal ce qu'on fait.

Merde. Vraiment ? Elle aurait pu trouver mieux comme approche tendre. Sasuke s'était contenté d'acquiescer.

— Je n'aurais pas dû t'embrasser, répliqua-t-il.

De nouveau un hochement de tête, mais de la part de la rose.

— Et Kyra...

— Je ne suis pas avec Kyra, Sakura.

— Quoi ?

Elle le repoussa, choquée. Et Sasuke perdit tous les mots. Une imbécilité en amenait toujours une autre. Quelle mouscaille ! Il était d'un crétinisme légendaire. Sasuke se rembrunit en sachant à quel point il serait difficile pour lui de recoller les morceaux après de telles paroles. Qu'avait-il fait ? Et comment se rattraper ?

Un peu plus loin, dans le réconfort des ruelles de Konoha se trouvaient plusieurs individus, penchés les uns vers les autres, leur esprit embrumé de colère et de confusion. L'un avait les cheveux dorés et l'autre noir relevés en une haute couette. Le troisième homme, la crinière brune, coupé court et des tatouages sur les joues, gardait la tête baissée, dans une posture de désespoir et d'abandon. Tous pensifs, les yeux plissés, ils observaient les villageois gravissant les sentiers, passant de petits commerces aux grands, leurs rires éclatant dans un écho assourdissant.

Le grand blond grimaça.

— Je n'arrive pas à comprendre. Pourquoi les citoyens continuent d'agir du pareil au même, alors que Tayuya et Shino sont enfermés quelque part, dans les sous-sols humides de la prison de Konoha ?

L'individu à la chevelure haute haussa des épaules, les poings crispés. Il ne trouvait pas d'explication à ce revirement de situation. Il ne comprenait pas comment une telle information avait pu lui échapper. Il était jadis connu par ses compatriotes pour être un fin stratège et débusquer les scélérats devrait être une tâche des plus aisées. Et pourtant, il se retrouvait là, perdu proche de cette foule mouvementée de gaieté, le cerveau en morceau par la perplexité de la conjoncture. Tayuya, belle femme à la tignasse rouge avait franchi ces mêmes ruelles quelques jours auparavant, accrochée au bras de son copain, Shino, un type massif aux cheveux noirs en piques et aux éternelles lunettes fumées plaquées sur le visage. Comment ces deux individus, que les trois hommes avaient côtoyés pendant de nombreuses années, pouvaient-ils être des traîtres ?

Inconsciemment, le grand brun porta son regard vers son ami tatoué, qui avait les traits si tirés de tristesse qu'il en eut mal au ventre pour lui. Tayuya était une femme extrêmement importante dans sa vie, comme une sœur. Et la savoir enfermée sans justification de son emprisonnement pouvait retourner le cerveau de n'importe qui.

— Je suis contre, reprit le jeune homme à la chevelure du soleil. Je ne peux croire qu'ils soient des renégats. Ça n'a aucun sens. Ils étaient tout sauf conspirateurs ou sournois. Ce sont des personnes avec de belles âmes, qui avaient une vie paisible, sans soucis.

— Peut-être n'étaient-ils pas si pacifistes que ça ? Mais sans les preuves nécessaires pour comprendre ce phénomène, je suis de ton point de vue et je demeure sceptique, confirma le brun.

— Qui seraient les réels traîtres à votre avis ? cracha le jeune homme tatoué.

Tous restèrent silencieux. Énoncer qu'il y avait erreur dans le choix des judas était grave, mais parler de l'éventualité que ceux-ci aient été piégés et que les vrais espions soient parmi eux, c'était calamiteux, mortel. Leurs têtes viendraient à disparaître si une personne les entendait. Le grand blond bouscula son camarade qui avait pris la parole.

— Tu es fou d'affirmer de telles choses !

— Je ne les affirme pas ! Mais je remets en question les décisions de Tsunade.

— Je sais que tu étais proche de Tayuya, mais il faut considérer la possibilité qu'ils le soient...

— C'est vrai, ratifia l'homme à la chevelure noire. Il faut se donner le bénéfice du doute. Peut-être sont-ils innocents ? Et peut-être qu'il y a encore des espions ou délateurs parmi nous ?

— Mais... répliqua le blondinet.

— Cesse tes enfantillages, nous sommes seuls. Et nous sommes les mieux placés pour faire mission à part et trouver s'il y a véritablement des imposteurs. Et j'ai ma petite idée d'où commencer.

— Tu ne vas quand même pas...

— Oh oui, tu as tout compris.

Un sourire narquois fendit les lèvres des deux bruns. Seul l'individu à la chevelure ensoleillée restait incertain. Peu importait. Ce qui devait être fait serait fait.