Rentrer au bercail n'extirpait pas le moindre sentiment bénin à la jeune femme. Et Sakura ne comprenait pas cette sensation. Oui, des possibles traîtres avaient été arrêtés. Elle reverrait ses proches, mais le silence mortel dans les ruelles n'avait fait que renforcer sa crainte. Qui découvrirait-elle derrière les barreaux ? Des gens qu'elle aimait ?

Une sueur s'écoula de son dos, froide, lui arrachant des frissons inconfortables. La respiration erratique, Lee lui lança un coup d'œil, tâchant de la rassurer. Les yeux noirs de son ami le trahissaient. Écarquillés, la bouche à demi-entrouverte, elle savait. Lui aussi s'inquiétait, paniquait à l'intérieur. Gaara ne produisait pas le moindre bruit, les épaules rigides et les mouvements lents. Il tentait de garder la tête haute pour l'équipe, et Sakura le sentait fragile. Il était fort, et son envie de les protéger tous, de prouver qu'il était présent quoiqu'il arrive n'était qu'une façade. Tout le monde finissait par craquer. La rose, depuis cette mission, portait le roux encore plus dans son cœur et dans son estime. Il l'avait sauvée avec Lee. Elle lui en était reconnaissante. Temari, quant à elle, n'avait pas voulu se rendre chez la chef du village et s'était plutôt précipitée dans les bras de son fiancé, Shikamaru. Elle était émotive après cette mission et du repos, elle en avait besoin.

Sakura la comprenait. Le désastre et les dépouilles d'enfants et d'une mère avaient de quoi retourner l'estomac de n'importe qui. Sa bouche se tordit sous ce souvenir et elle détourna le regard pour tenter d'effacer les images putrides des cadavres. En vain. Elle vivrait avec. Comme les autres horreurs de son passé.

L'équipe franchissait les murs de l'enceinte du bâtiment de la chef du village et l'écho de leurs pas retentissait, tirant un élancement à la jeune femme. Sa tête lui tournait. Elle rêvait de son lit et le silence dans le gratte-ciel ne lui annonçait rien qui vaille. Pourquoi il n'y avait personne ? Tsunade était au courant de leur arrivée. Tenait-elle à les garder sous confidence ? Dans le secret le plus complet sur leur prochaine mission ? Sakura s'en convainquit.

Gaara venait de s'arrêter et l'équipe suivit son mouvement. La grande porte en chêne brut barrait le passage. Derrière se trouvait le bureau de son ancienne préceptrice. Personne n'était autorisé à entrer sans rendez-vous. Sakura s'apprêtait à cogner contre le battant, le poing droit levé vers le haut, quand des cris retentirent. De la colère, du désespoir transperçaient dans les voix.

Elle fronça les sourcils et se tourna vers ses coéquipiers. Plissant des yeux, ses amis se contentaient de s'affronter du regard, aussi surpris l'un que l'autre. Personne ne prononça le moindre mot. Les paroles étaient étouffées par la porte, mais la conversation semblait faire trembler les murs. Le battant craquelait et bientôt, un grand homme à la longue chevelure noire fit son apparition. Des iris opaques et une position rigide, une lueur malveillante déformant ses traits. Sakura compris.

Neji.

La jeune femme serra les poings par automatisme. Lui et elle ne s'aimaient pas. Et ce, depuis quelque temps. Le nouvel arrivant la dévisagea brièvement, les lèvres retroussées, puis marcha à grands pas, la bousculant au passage, tout en maugréant dans sa barbe une insulte à son encontre.

− Meurtrière.

Sakura encaissa la pique avec difficulté. Elle cligna des yeux pour chasser ses émotions vacantes alors que Lee s'apprêtait à prendre la parole et à empoigner cet imbécile colérique. La jeune femme suivit le mouvement et posa la main sur son épaule avec célérité et fit non de la tête.

− Mais, balbutia son ami, en relevant ses bras, désemparé.

Sakura adorait Lee. Il était protecteur, bienveillant, impulsif et drôle. Pas pour rien qu'il était son meilleur ami avec Naruto. Il avait grand cœur et parfois, il se mettait dans de mauvaises situations pour défendre les gens qu'il aimait. Seulement, à cet instant précis, la jeune femme se savait fautive. Elle méritait cette remarque et son meilleur ami ne pouvait le comprendre. Personne ne le pouvait. Et c'était mieux ainsi.

− Il ne m'a pas blessée, lui sourit-elle avec une facilité monstre.

Mentir, cacher ses émotions, nier, c'était aussi aisé que de respirer. Lee lui lança un regard incrédule et elle continua d'esquisser une risette. Penchant la tête de côté, elle en profita pour placer sa main dans les cheveux de son meilleur ami pour les frotter sans ménagement.

− Hey ! s'écria-t-il, outré.

− Tu étais trop beau pour cette vieille peau. Fais attention sinon elle va croire que tu cherches à lui faire la cour.

Jusque là aphone, Gaara éclata de rire. Ses iris brillaient de malice, mais aussi lui demandaient en silence si elle allait bien. Elle hocha la tête, reconnaissante.

− Les dames centenaires, ce n'est pas trop mon truc, répliqua Lee en ricanant.

− J'espère que ce n'est pas de moi dont vous parliez, claqua la voix de Tsunade.

Lee se retourna à toute vitesse, les yeux sortant de leurs orbites et Sakura se contenta d'esquisser une moue amusée.

− Pas du tout, Tsu'. Je n'oserais jamais, voyons, se défendit Lee, dans un petit bruit de gorge où transperçait l'ironie et la peur.

− Bon, assez, souffla la chef. La réunion est reportée. Vous me ferez votre rapport une autre fois. Neji est passé, foutant le boucan dans mon bureau et j'ai bien besoin d'un repos.

Gaara entrouvrit les lèvres pour parler, mais Sakura le devança.

− C'est important.

− Peu importe, claqua Tsunade de sa voix forte et lasse. Vous pourriez bien attendre un ou deux jours de plus, ça ne vous tuera pas. Je dois gérer toutes les emmerdes qu'il y a eu depuis, je n'ai pas de temps à vous octroyer. Bonne soirée.

La chef se passa une main dans les cheveux, leur jeta un bref coup d'œil, accorda quatre mots à la jeune femme, puis referma avec impétuosité sa grande porte en bois. « N'oublie pas ta mission. » Cet ordre n'arracha pas le moindre frisson à la jeune femme. Elle s'y attendait. Pourtant, elle ne put empêcher la grimace qui s'empara de ses traits. Le silence régnait dans le couloir. Lee était consterné et Gaara fronçait les sourcils, véritablement agacé de cette situation.

− On devrait insister, grogna-t-il, la surprenant au passage.

− Non, pas la peine. Elle a raison, on peut bien attendre quelques jours, on ne va pas en mourir.

− Sakura ! reprocha Lee en lui agrippant le bras. Tu as découvert des traîtres dans un quartier général entre deux villages très puissants, et qui occupaient des postes conséquents, il y a eu des meurtres et tu as été capturée. Il faut évidemment en parler, c'est urgent !

− Je suis d'accord avec Lee, appuya Gaara, d'une voix rauque.

− Écoutez (Sakura reprit sa respiration pour se calmer et releva ses menottes en signe de trêve) vous avez entendu Tsunade, elle n'est pas disponible. On ne peut pas lui forcer la main, ce qui a été fait est fait. Cette mission a été un vrai désastre, mais on ne sait pas ce qu'il s'est produit ici, entre-temps. Peut-être que Konoha a aussi été une plaie, donc mettons notre frustration de côté. On peut être patient, non ?

Lee rechigna dans sa barbe et Gaara continua de l'observer, départagé intérieurement. Il voulait la protéger, et prévenir la chef de cette information était capitale. Seulement, Sakura soulevait un bon point. Ils ne savaient pas ce qui s'était produit à Konoha depuis leur départ. Il ne devait pas rajouter de pression à Tsunade qui devait déjà beaucoup en découdre.

Gaara soupira.

− Ça m'énerve autant que toi, Lee, mais Sakura a raison. Ça ne sert à rien d'insister. Restons seulement collectifs. S'il arrive quoique ce soit, il faut promettre que l'on se contactera.

− Affirmatif, répondirent-ils d'une traite.

− Parfait. (Gaara hocha la tête) Maintenant, retournez dans votre lit et reposez-vous, c'est amplement mérité.

Lee ne se fit pas prier, enlaça son amie, puis prit la poudre d'escampette. Il ne restait plus que Gaara et la jeune femme. Le cœur de la rose accéléra la cadence, barbouillant ses joues de gêne. Elle avait peur qu'il l'entende, ce qui était plus qu'idiot. Le roux se passa une main dans les cheveux, agité.

− On peut faire le chemin ensemble, proposa-t-il.

Elle hocha la tête, perdue. Son affection pour lui se renforçait, mais elle ne sentait pas cette étincelle de passion. C'était plus tendre et ça la perturbait. Commençait-elle à développer des sentiments amoureux quant à sa personne ?

L'image fugace de Sasuke plaquant ses lèvres contre les siennes lui arracha un soupir. Elle cogitait trop par rapport à l'Uchiha pour se plonger dans une relation avec Gaara. La jeune femme n'avait pas eu le temps de réfléchir à ce qu'elle devait faire. Couper les ponts ? Alors qu'elle savait qu'elle devait accomplir sa nouvelle mission ? Tsunade lui avait mentionné son besoin de récolter des informations quant à son premier amour. Se détacher du noiraud devenait une tâche bien difficile. Il occupait toutes ses pensées et ce n'était pas juste pour Gaara.

Sakura détendit ses épaules, tout en marchant aux côtés du roux. Ils étaient silencieux, chacun cogitant leurs propres maux, s'efforçant de dénicher une échappatoire à leurs problèmes respectifs.

− Est-ce que tu vas repartir à Suna, maintenant ? demanda Sakura incertaine.

Gaara resta muet quelques secondes et seul l'effleurement de leurs pas retentit dans le bâtiment. Ils traversèrent bientôt les portes et les faibles rayons du soleil se posèrent sur leurs iris. Le grand roux s'arrêta en cours de route, tentant de trouver les mots.

− Je dois partir dans quelques jours. Je ne peux échapper à mes responsabilités éternellement, bien que je préfèrerais mettre tout de côté pour... (il se tut, les yeux plissés et les poings crispés. Sakura retint sa respiration, surprise. Gaara finit par se retourner vers elle, les traits attentifs.) Je sais que tu n'es pas rendu au même endroit que moi, que ce n'est pas le moment pour nous deux, que tu dois encore réfléchir et je te donne le temps qu'il te faut.

La jeune femme sentit les larmes lui monter aux yeux. Pourquoi avait-elle l'impression qu'il s'agissait d'un adieu ? Gaara était un homme si bon. Elle prit conscience de l'importance qu'il avait dans sa vie. Elle avait aussi le droit au bien-être et Sasuke ne pourrait jamais le lui accorder... Elle le savait au fond d'elle. Gaara, c'était différent. Mais comme il disait, elle n'était pas prête.

− Je ne souhaite pas que tu attendes pour moi. Tu peux trouver mieux comme personne entre temps, et je... je ne veux pas que tu fermes la porte du bonheur, même si ce serait avec une autre personne.

Gaara serra les dents, préférant observer l'horizon face aux paroles de la jeune femme. Sakura reprit, d'une voix tremblante.

− Tu ne le remarques peut-être pas, mais j'apprends à me respecter, à connaître ma valeur depuis que tu es dans ma vie. Tu as un impact énorme, même si je ne le montre pas toujours. (Un sourire se dessina sur son visage, en pensant à quel point elle se sentait différente depuis lui. Ils n'avaient jamais été ensemble, mais il avait eu ce pouvoir de la calmer.) Et je suis reconnaissante de ta présence, de ta tendresse et je veux tout te donner en retour, mais...

− Pas maintenant, termina Gaara, les yeux brillants d'émotion. Même si tu me demandes de ne pas t'attendre, de vivre mon quotidien, je risque de te comparer et tu ne le sais pas encore, mais tu es le genre de femme que l'on ne rencontre qu'une fois dans sa vie. J'espère que tu en prendras bientôt conscience, Sakura.

Ses doigts se posèrent contre la joue de la jeune femme, l'effleurant avec une délicatesse suprême. Sakura suivit le mouvement et se rapprocha de lui, tremblante. Gaara se pencha, ses yeux d'un vert rayonnant se fixant sur sa personne et posa ses lèvres contre son front puis se retira avec douceur.

− Je ne pars pas tout de suite. Et ce n'est pas un adieu, Saku. Ça ne le sera jamais.

− J'espère bien, sinon je te poursuivrais.

Gaara ricana, alors que Sakura retenait ses émotions. Elle ne comprenait pas ce qui se produisait, mais avant même qu'elle pousse sa réflexion plus loin, il s'écarta et disparut entre les bâtisses, laissant l'image floue d'un héros discret.

Il était tard. Les néons des ruelles illuminaient Konoha, créant un éclat de pureté entre les grands édifices pointant vers le ciel. Le village avait bien changé depuis ces dernières années. Les fortifications énormes, les travaux et les rénovations. La nation s'était métamorphosée en une cité plus moderne, bien loin des routes de terre qu'il y avait quelques années plutôt. La forêt chatoyante bordait tous les quartiers, comme un mur de protection. Des dizaines de lacs aux alentours, Konoha était connu pour son panorama de merveilles.

Sakura gardait pourtant la tête baissée, contemplant ses pieds, tout en marchant dans une direction bien précise. Le son des criquets, le clapotement de l'eau contre les rochers, le vent qui soufflait dans un bruissement contre les branches des arbres, rien de tout ceci n'attirait son attention. Il y avait un silence en elle, froid, insipide. Les yeux ternes, elle ne voyait plus son village du même œil, à la tombée de la nuit. Non. Son regard ne parcourait pas les moindres détails du paysage, et ce tant qu'elle n'aurait pas rejoint le plus haut sommet de la ville. Là où s'étendait le miroitement des maisons des habitants sur des centaines de kilomètres, là où respirer l'air frais lui apportait sérénité et où scruter le quartier des Uchiha se faisait en toute discrétion.

Arrivée à destination, la jeune femme releva la tête, ses iris vert pomme contemplant les poutres en bois, le terrain terreux et les arbres striés de coupures creuses. C'était ici que ses coéquipiers et elle s'entraînaient pour devenir des combattants de renommée. Avec Naruto et Sasuke. Ses pieds s'enfoncèrent dans le sable, et son cœur qui criait jusque là de douleur se tut. Elle se sentait de nouveau chez elle. Elle souffla et ferma les yeux.

La vie reprit son cours, les grillons qui chantaient, les hiboux terrés dans leurs tanières, les lapins courant à travers les nuées de feuilles. Sakura entendait tout. Son palpitant ralentit encore un peu. Elle ne venait pas pour les mêmes raisons ce soir, trop épuisée pour se déchaîner contre les poutrelles de bois.

La jeune femme se rapprocha du sommet de la colline, là où perçait le vide complet. Une chute de 80 mètres l'attendait. Elle s'assit au bord, détendue et posa ses iris d'un vert vibrant vers le quartier le plus mélancolique du village de Konoha. Depuis que la famille Uchiha n'était plus, presque tous décimée, plus personne ne s'y rendait. Les rénovations n'avaient pas touché cette partie de la ville.

Sakura était tellement occupée à dévisager chaque recoin de cet endroit sombre qu'elle ne remarqua pas tout de suite la silhouette qui était sortie de l'ombre d'un arbre. Les pas lents, furtifs, ne firent pas le moindre bruit en se rapprochant de sa personne. Elle ferma les yeux et souffla pour se donner du courage. La jeune femme ne s'était pas imaginée leur rencontre sitôt. Elle n'arrivait même pas à comprendre ce qu'elle pourrait lui dire. Elle n'avait que cette scène en tête. Lui, l'empoignant par les cheveux, la plaquant contre le mur de la salle de bains, et elle se déhanchant contre son corps musclé.

Sasuke.

Il était là, adossé contre un arbre, les bras croisés, la mâchoire crispée et les membres figés. Il semblait en pleine réflexion, à cogiter de mauvaises pensées. Alors qu'elle se disait qu'il ne l'avait pas remarqué, il tourna ses prunelles charbons vers elle. Elle se liquéfia et le temps se suspendit. Une lueur étrange brillait dans ses yeux, forte. Il fixait ses iris sur sa personne comme un prédateur observait sa proie. Elle déglutit en comprenant l'éclat de ses yeux.

Du désir. Il la convoitait comme cette nuit où il l'avait embrassée.

Son ventre se tordit d'excitation et d'appréhension. C'était le moment propice pour le séduire. Elle devrait agir. Essayer de lui soutirer des informations. Pourtant ses membres refusaient de l'écouter et sa bouche de bouger. Alors elle se contenta de le fixer à son tour, silencieuse, dans l'attente d'une future parole.

Le temps s'éternisait. Mais il n'était en rien gênant. Seule leur respiration faisait écho avec la nuit. Une boule de stress et d'autres choses se formaient dans le ventre de la jeune femme. Alors que Sakura se disait qu'il voudrait mieux qu'elle déguerpisse, Sasuke s'avança vers elle, avec lenteur, les sourcils froncés.

− J'ai entendu ta conversation avec Lee et Gaara après votre altercation avec Tsunade. Tu as été kidnappée ?

Pas de salutations. Sasuke, comme d'habitude, allait droit au but et mettait ses bonnes manières de côté. S'il en avait, maugréa la jeune femme. Sakura pourrait très bien lui demander la raison de sa présence dans le bâtiment de la chef et s'il les espionnait, mais s'abstint de tout commentaire. Elle n'avait pas porté attention au moindre bruit ou détail quand elle et son équipe avaient discuté. Sasuke n'était peut-être passé par là que par hasard.

Sakura tentant de mettre de côté ses pensées, se tourna vers l'Uchiha et surprit un éclat dans les prunelles du brun, en l'observant au peigne fin. Elle retint sa respiration, stupéfaite. Dans les yeux de Sasuke, une autre question se cachait. Il avait toujours été discret dans ses paroles. Il se fichait de la mission et Sakura fut frappée de découvrir la lueur d'inquiétude dans ses orbes noirs. Est-ce que tu vas bien ? Voilà ce qu'il lui demandait.

Elle hocha la tête, trop émue pour répondre à voix haute.

− Il y a eu de la casse après votre départ. Shino a été arrêté avec Tayuya. J'ai encore de la difficulté à croire qu'ils étaient des traîtres, mais j'imagine que ça peut être n'importe qui.

Sakura ne put cacher sa confusion en apprenant cette nouvelle. Le soulagement vint rapidement, ce qui renforça sa culpabilité. Elle restait heureuse que ces amis n'étaient pas des félons. Elle se reprochait son scepticisme. La jeune femme s'empêcha de tergiverser plus en voyant le coup d'œil étrange de Sasuke adressé à sa personne. Elle fronça les sourcils et grinça des dents en comprenant son allusion.

− Est-ce que tu doutes aussi de moi ?

− Aussi ? questionna Sasuke, les yeux plissés.

− Oui, Temari s'est mise à penser que je devais être une taupe, car mon kidnappeur voulait me garder en bonne santé.

− C'est étrange, souffla le brun.

− Je sais ! (Sa voix enfla sous l'émotion, puis se elle reprit, haussant les épaules, les lèvres pincées.) Il se fait appeler Maître. (Elle se frotta les yeux, fatiguée) Écoute, je suis exténuée et je n'ai pas envie de parler de ça.

− Pourquoi venir sur un terrain d'entraînement si tu es épuisée ?

− Et pourquoi cette soudaine curiosité pour ma personne, Sasuke ? riposta-t-elle, agacée.

Le doute. Voilà ce qui tournait dans son esprit. La méfiance aussi. Et si l'Uchiha avait reçu la mission de la séduire, tout comme elle ? Sakura restait dubitative, mais ne mettait pas de côté cette éventualité. Tsunade serait bien apte à faire ce genre de choses. La chef du village n'accordait pas sa confiance facilement et faire surveiller tout le monde était le meilleur moyen de découvrir de possibles traîtres. Peut-être que la traque n'était pas finie ?

Sasuke venait de pencher la tête, l'observant quelques secondes, puis revêtit un masque de pierre. La jeune femme souffla en le voyant faire et reporta de nouveau son attention vers le paysage, détaillant chaque périmètre de la ville à portée d'œil, chaque quartier. Les lumières rayonnaient de mille feux, laissant un miroitement de couleurs rouges, jaunes et orange. Konoha était magnifique.

Sasuke se posta à côté d'elle. Elle le surprit l'observant à la dérobée. Le silence était loin d'être lourd. Plutôt apaisant. La dernière fois qu'il avait eu un moment à eux deux, ils s'étaient embrassés. Elle tenta de refouler le souvenir. Encore une fois. Elle ferma les yeux et laissa le temps s'égrener, emmenant ses peurs et ses questionnements intérieurs de côté. Il le fallait. Pour son propre bien.

− Je ne sais pas pourquoi je suis venue ici ce soir, chuchota-t-elle en rouvrant ses paupières.

Sasuke la contemplait, attentif, un coude replié contre son genou et le visage tourné vers elle. Il la couvait d'un regard où perçaient la curiosité et la douceur. Sakura déglutit avant de reprendre.

− J'ai l'habitude de faire taire mes pensées, ici, sur ce terrain. Je pousse mes limites pour oublier et quand je tombe de fatigue, je regarde... (elle perdit la voix et se détourna pour qu'il ne puisse pas l'observer dans les moindres angles.)

La jeune femme se contenta de garder les dents serrées.

− Tu regardes quoi ? questionna-t-il.

Il aurait pu lui demander ce qu'elle tentait d'oublier, mais le noiraud était certain qu'elle lui aurait encore moins répondu. Elle se serait refermée comme une huître et il souhaitait savoir. Il voulait en découvrir plus sur elle. Les années l'avaient changée et ne pas trouver les mots pour la décrire prouvait à Sasuke à quel point il la connaissait peu.

Sakura venait de relever la tête et de s'humecter les lèvres, prête à prendre la parole. Il se tendit, à l'écoute.

− Je regarde vers là-bas. (Elle pointa du doigt le quartier de la famille Uchiha en déglutissant.) Ça me donnait la force d'avancer, d'espérer ton retour.

Sasuke resta silencieux, le cœur emprisonné dans un étau de douleur. Il inspira avec une lenteur terrible pour se reprendre. Ses mains le démangeaient. Il avait besoin d'agripper quelque chose. Il se sentait pitoyable. Sa mâchoire se crispa sous la colère. Il n'avait pas de contrôle sur la tristesse qu'il lui avait causée parce que le passé était derrière eux. Mais il se promit de ne plus lui susciter autant de chagrin dans l'avenir.

− Et maintenant, à quoi penses-tu quand tu regardes dans cette direction ?

Sakura resta silencieuse devant les paroles de son premier amour. Elle avait vu, pendant quelques secondes, une myriade d'émotions traverser ses iris sombres, puis elles s'étaient volatilisées, comme si elle avait tout imaginé. La jeune femme se détourna du brun pour guetter de nouveau le quartier Uchiha et prit une grande inspiration.

− Je prie pour que ma douleur s'efface. Et avec elle, les souvenirs.