Sakura était dans la pièce d'observation la plus exiguë de l'histoire de l'humanité. Ce poste était un gîte posté bien après les radars. La jeune femme y avait comme rôle de rester auprès des talkiewalkies, à l'affut du moindre signe d'attaque, dans l'urgence du moment. Konoha démantelait les traîtres et la mission commençait très tôt ce matin. Cinq heures et elle était déjà dans la petite salle qui n'accueillait que sa personne, une modeste chaise rouillée très inconfortable et une table de fer où se retrouvaient ses appareils pour communiquer autant Kakuzu et Asuma, que la base entre Konoha et Suna. Cet abri se trouvait à quatre heures de course du quartier général.

Le rôle de Sakura consistait à prendre des nouvelles de ses coéquipiers, qui se trouvait sur le terrain, toutes les quinze minutes, et de faire des rapports à Temari et Lee. D'un ennui infernal. Elle qui voulait être dans l'action, c'était tout sauf le cas. La rose comprit que Gaara avait fait resurgir son côté protecteur, bien malgré lui. Elle était plus affectée aux risques de cette mission que Lee et Temari, mais elle restait quand même loin du terrain où se déroulaient les attaques possibles. C'était d'une frustration monstre.

Sakura mit de côté sa consternation et se concentra sur le travail qu'elle devait accomplir. Elle occupait un poste tout aussi important que les autres. Elle se le répéta toute la journée, au point de garder les yeux rivés au plafond, au lieu d'observer la petite vitre qui avait une vue imprenable sur la clairière gorgée de vert et de dorés.

Les heures s'enchaînèrent, sans aucun changement significatif.

— Sakura à Kakuzu et Asuma ? demanda-t-elle pour la centième fois.

Elle entendait déjà la future réponse criarde dans le haut-parleur de son appareil électronique : « À l'écoute, Sakura. RAS de notre côté. » Elle soupirerait de nouveau et reporterait son attention sur ses kunai inutiles. Elle les ferait tourner et les planterait un à un dans le plafond. Petit jeu stupide, mais bien plus alléchant que de contempler les poutres en bois de la solive.

Sakura ferma les yeux, dans l'attente. Mais rien ne vint. Son siège bascula vers l'avant et elle se releva, aux aguets, surprise par le silence radio de ces comparses. Qu'arrivait-il ?

— Kakuzu et Asuma, à l'écoute ?

Aucune réponse. Une tranquillité à réveiller un mort imprégna l'atmosphère. Sakura inspira, comprenant qu'il y avait un problème. Elle changea de fréquence pour contacter la base et leur fit son rapport.

— Attends quelques minutes, ils sont peut-être en train de faire caca, tout en se faisant la jasette.

—Tu es stupide... Vous faites vraiment ça entre mecs ? répliqua Temari, une mine probablement dégoûtée déformant son visage.

Sakura rit à se l'imaginer.

— Ils auraient dû me contacter depuis sept minutes, maintenant. Ça doit être gros comme spécimen alors.

Lee ricana à l'appareil et Temari baragouina une insulte dans sa barbe. Sakura adorait plaisanter avec son ami, mais elle se reprit en main. La situation était sérieuse et plus le temps s'égrenait et plus ses soupçons se confirmaient.

— Quel est le protocole si on subit une attaque ?

Silence radio du côté de la base et Sakura en fronça les sourcils, agacée.

— Allo ? demanda-t-elle, excédée.

— Gaara à l'appareil.

Elle soupira de soulagement. Enfin, elle discuterait sérieusement de la situation qui se déroulait.

— Tu as ordre de revenir au quartier général. C'est ça le protocole en cas d'imprévu.

Ce fut à son tour de ne pas prononcer le moindre mot. Gaara patienta, compréhensif, mais c'était le tonnerre dans la tête de la rose. Elle ne pouvait pas prendre ses jambes à son cou et abandonner ses coéquipiers. C'était impensable. Même pour elle. Elle se mordit la lèvre inférieure.

— J'attends encore un peu, le temps de faire le point sur cette situation. Je vous recontacte bientôt.

Elle coupa la communication, le cœur tambourinant contre ses tempes. Lee comprendrait ce qu'elle s'apprêtait à faire. Elle n'attendrait pas une minute de plus pour aller secourir Kakuzu et Asuma. S'ils étaient en danger, ils auraient besoin de renfort et elle était présente. Elle ne se défilerait pas, peu importe que les radars ne puissent aller plus loin et qu'elle soit à découvert. Si elle prenait ses jambes à son cou et que ses collègues couraient vraiment un danger, elle s'en voudrait très longtemps.

Sans plus de considération, elle attrapa son appareil électronique, le calla contre la ceinture de sa hanche, où se trouvaient déjà maintes armes, agrippa sa gourde d'eau, but quelques gorgées, l'enfonça dans son sac à dos et pris la fuite. Le petit gîte était si bien caché qu'il ne se voyait pas même à quelques mètres. Dissimulé par la végétation alentour, on avait l'impression qu'il s'agissait du prolongement de la forêt. Elle l'observa quelques secondes, se questionnant sur ce qu'elle s'apprêtait vraiment à faire.

C'était stupide. Elle devrait attendre les renforts. Rejoindre la base et repartir avec plus d'équipiers sur le terrain.

Seulement... Il faudrait quatre heures pour arriver au lieu d'origine et encore plus pour revenir avec des secours. Et bien des choses pouvaient se produire en quatre heures...

Un très mauvais pressentiment la tenaillait, lui démangeant la peau. Un frisson obscur fit irruption, remontant de son dos jusqu'à sa nuque et Sakura entrouvrit ses lèvres pour prendre une grande gorgée d'air. Elle comprit. Sa partie sombre la prévenait. Il y avait un danger imminent, tapi dans l'ombre. Elle en était certaine et si elle faisait marche arrière, ses coéquipiers mourraient, ou pire encore.

Elle tenta de nouveau d'appeler Kakuzu et Asuma. Encore une fois, elle n'eut aucun retour. Elle sentit une rage froide remonter, et elle la repoussa, la laissant pantelante. Elle espérait être en état de se battre. Elle luttait déjà contre sa propre nature, alors des ennemis en plus dans le décor ne seraient d'aucune aide.

Sakura prit sa décision et força ses jambes à avancer. Elle se munit d'un couteau aux bouts acérés dans une main et gardait la seconde proche de son dos où se trouvait shuriken et des petits ninjas-tô. La kunoichi s'obligea à ralentir la cadence pour observer son emplacement, chaque détail comptait. Le lieu du rendez-vous était vide, elle s'y attendait. Pas de Kakuzu et d'Asuma en vue.

Grinçant des dents, elle saisit que pour les pister et comprendre ce qu'il s'était produit en ces lieux, il fallait qu'elle laisse la partie sombre en elle envahir son corps et faire le travail. Elle n'en avait pas envie, mais le choix ne lui revenait pas. Son impression de danger s'amplifiait plus le temps avançait et la gorge nouée, elle ferma les yeux pour inspirer profondément. Elle devait rester calme, en tout point, et ne pas perdre le contrôle. La chose s'emparerait de son corps, mais pas de son esprit. La rose l'avait déjà fait, plusieurs fois. Elle pouvait le refaire sans amener sang et enfer. Elle le sentait.

Son organisme se crispa et la sensation de chaud qui remontait le long de son dos reprit. Le cœur au bord des lèvres, la respiration sifflante sous la concentration, elle sentit le changement s'opérer. Puis, l'ataraxie. Impavide, elle se sentait toujours ainsi quand ce démon maîtrisait sa chaire. Ses yeux rouverts, d'une couleur tirant sur le mauve-gris, Sakura observa ses mains, les pensées ailleurs. Il fallait qu'elle déploie une grande part de son énergie pour voir les évènements passés. Et pour se faire, il était nécessaire d'avoir en sa possession un morceau de l'individu en question. Son regard s'accrocha à la gourde à moitié vide d'un de ses coéquipiers. Il n'y avait pas de trace de sang.

La fleur sourit en s'approchant de la bouteille. Elle appartenait à Kakuzu, elle le sentait. L'idée en tête, l'objet dans la main droite, elle procéda.

— Je veux découvrir ce qu'il s'est produit avec Kakuzu et Asuma.

La force de cette demande se transforma en une grande bourrasque, lui giflant le visage, la nature l'avertissant que ce qu'elle verrait ne lui plairait pas. Sakura s'en ficha. Il fallait qu'elle sache. Maintenant.

Ses yeux brillèrent de mille feux et sa supplique fut écoutée. Le décor devint vert et noir, flouté. Sakura y vit Asuma et Kakuzu, dans un lieu inconnu, discutant avec tranquillité, tout en restant à l'écoute des bruits alentour. Quelque chose de sombre s'échappait des pores de leur peau. Étrange. La kunoichi écoutait toujours ses instincts depuis que cette part obscure avait fait ravage dans sa vie et elle n'aimait pas ses types. Ils étaient troubles dans sa vision et un vent grisâtre tournoyait au-dessus de leur tête.

Un craquement retentit. Puis, des bruits et des rires. Des enfants, et une femme, grande au regard bienveillant émergèrent d'entre les arbres. Alors que Sakura tentait de comprendre le sens de cette apparition, les couleurs chatoyantes se changèrent en rouge et en brun bistre. Kakuzu venait de jeter un œil en biais à son coéquipier, prit un kunai, caché dans un tronc d'arbre, dans une discrétion mortelle et projeta son arme contre la mère. La lame se ficha dans la gorge de la femme, qui poussa un râle, suffoqua et s'écroula par terre. Il y eut une pause. Puis le chaos s'ensuivit, passant des hurlements des gamins, de leur course folle, des craquements d'os et des giclées de sang.

Il ne resta que le silence d'une lourdeur dantesque. La forêt respirait la mort. La Parque était passée, laissant dans son sillage le désastre flapi de corps disloqués de vie. Sakura observa chaque visage, les mémorisa, les larmes s'échappant de ses yeux mauve-gris. Elle voulait hurler de douleur, de colère. Harassée, elle déposa genoux contre terre et contempla le reste de la scène.

Asuma venait d'abattre deux adolescents avec son katana, la mine impassible, ses cheveux noirs couvrant sa figure par le bruissement du vent. Il s'était relevé, puis avait rejoint son coéquipier qui essuyait tranquillement son arme. Leurs effets personnels remis dans le creux du tronc, invisibles aux vues des passagers, Sakura sentit la bile lui monter à la gorge.

Leurs vraies armes restaient accrochées à leur ceinture en cuir, inutilisée. Pas de preuve, ils restaient innocents aux yeux de tous. Leur sac noir ouvert, ils y piochèrent vêtements et se revêtirent. Cachant leurs méfaits.

La rancœur tapait férocement contre sa peau et Sakura sentit qu'elle devait couper sa vision, si elle ne voulait pas perdre le contrôle. Mais elle tint bon et serra les dents.

Les corps furent emmenés dans les fougères hautes, des centaines de mètres plus loin, puis à l'aide d'un briquet, une flopée de flammes embrasa la chair des enfants. L'odeur de dépouilles humaines brûlées régna en maître dans l'air. Répugnante.

Mais Kakuzu et Asuma restaient stoïques. Ils prirent place dans l'herbe, sans plus, avec une légèreté légendaire et fouillant une nouvelle fois dans leur besace, sortirent des bandeaux aux insignes de villages rayés. Lorsque l'on tirait un trait sur son bandeau, c'était que soit on était un hors-la-loi, un mercenaire ou un rescapé. Et ses coéquipiers déposaient ces fronteaux sur les lieux du crime, placides.

— Blesse-moi, ordonna Kakuzu. Il faut qu'elle croie qu'il y a eu une lutte acharnée.

Asuma ne fit pas le moindre mouvement, puis pris d'un ictus, saisi un de ses couteaux et le planta d'une violence terrible deux fois dans le ventre de son collègue. Kakuzu encaissa, le sang coulant d'entre ses lèvres. Un râle plus tard et sa vision s'alourdit, les couleurs s'effritant, annonçant la fin de l'apparition. Ses yeux reprirent une teinte verte. La brutalité du changement la fit trembler comme une feuille. Elle comprit qu'ils arrivaient et qu'elle devait faire semblant de ne rien savoir. Seulement, elle demeura là, figée. Que devait-elle faire ? Revenir sur ses pas ? Attendre l'inévitable ? Et espérer qu'ils ne comprendraient pas qu'elle savait ?

L'image des corps sans vie lui arracha une plainte. Elle ne pouvait pas laisser passer ce qu'elle avait vu. Ces gens méritaient vengeance et justice. Mais elle ne pensait pas être en mesure de l'apporter. Une voix la sortit de sa torpeur, grincheuse sous la douleur. Son talkiewalkie. Elle fouilla dans ses vêtements à sa recherche, les membres frémissants d'épouvante.

— Asuma à Sakura ?

— À l'écoute, répondit-elle d'une voix où ne transperçait pas la moindre émotion.

Elle était encore sous le choc, mais elle devait rester maître d'elle-même. Le doute restait. Avait-elle imaginé toute cette scène ? Venaient-ils vraiment de tuer une femme et ses enfants de sang-froid, sans aucun scrupule ?

— Nous avons subi une attaque.

La voix était faible et une quinte de toux suivit. Kakuzu. Elle grinça des dents, terrifiée.

— Il y a des blessés ? chuchota-t-elle.

— Oui... une mère et ses gamins. Un des traîtres est mort. Un adolescent dans la tranche d'âge de quinze à dix-sept ans, je dirais. Ces complices se sont enfuis...

Sakura resta silencieuse une bonne minute, analysant les informations reçues. Devait-elle les croire ou faire confiance à sa partie sombre ?

— L'état de votre équipe ?

La jeune femme se dégoûta de rester autant de marbre. Question professionnelle était de mise, mais des enfants venaient de se faire assassiner ! Et elle connaissait les tueurs. Elle devait être vigilante et pourtant, elle trémulait de peur.

— Mal au point, grogna la voix et elle reconnut l'intonation de Asuma. Kakuzu a besoin de soins en toute urgence.

On entendit un bruit sourd de corps qui s'effondre. Sakura déglutit avec difficulté.

— Feu vert pour donner votre position, ligne sécurisée, commanda-t-elle.

Asuma parla de nouveau.

— J'arrive sous peu, fut les dernières paroles de la fleur.

Elle connaissait déjà l'itinéraire avant que Asuma ne lui dise et elle était catastrophée de découvrir qu'elle avait raison. Quelques longues minutes passèrent. Le paysage défilait sous ses yeux, muet face au danger imminent qu'elle encourait. À son arrivée, les corps étaient toujours déchiquetés par les flammes, et Kakuzu restait étendu au sol, inconscient, du sang rougeoyant son torse massif. Asuma l'observa faire son entrée entre les arbres, les membres tremblants.

Sakura vit clair sans son jeu. Elle ne laissa rien paraître et posa ses mains contre les blessures de son coéquipier. Il respirait faiblement, ses signes vitaux faibles. Une lumière verte s'échappa de ses paumes et les tissus de l'épiderme se refermèrent avec lenteur. Plus une goutte de sang ne s'échappait de la plaie après une minute. Il s'était fait poignarder deux fois en plein ventre. La sueur coulant de son front, elle le remit sur pieds, puisant dans les sources de son chakra.

Sakura savait qu'elle pouvait le guérir complètement, mais elle n'en fit rien. Il garderait une posture et une respiration haletante. Le temps qu'elle trouve un moyen de tout expliquer à ses coéquipiers, ils s'enfuiraient et iraient tout annoncer à Tsunade.

Comme si Asuma lisait dans ses pensées et son doute intérieur, il lui demanda si elle se portait bien. Elle hocha la tête, faisant tout son possible pour garder un jeu d'acteur impeccable. Elle misa sur le choc émotionnel de découvrir le corps des enfants mutilés.

—C'est vraiment horrible... vous êtes sûr qu'il s'agissait de l'implication d'adolescents dans ce massacre ?

Elle ne put s'en empêcher. De douter. Elle dévisagea Asuma et Kakuzu qui se relevaient difficilement, une grimace défigurant leurs traits. Asuma la fixait, semblant furieux. Une rage froide irradiait de son corps et Kakuzu posa une main contre son bras.

— Calme-toi, mon ami. (Il lança un regard d'entente avec son comparse et se détourna pour poser ses yeux sur sa personne) Tes doutes le mettent en colère. Il est très secoué de constater qu'un gamin a osé tuer cette maman sous sa surveillance, alors qu'il tentait de protéger les petits. Trois autres individus se sont approchés et l'ont pris par surprise. Je suis allé l'aider et j'ai fini comme du steak haché. Deux des traîtres étaient des hommes mûrs... de forte carrure et excellents au combat. Le plus jeune manquait clairement d'entraînement (son regard erra vers un des corps flamboyants de feu). Les autres se sont enfuis, malgré qu'ils soient en surnombre.

— Ils n'avaient sans doute pas prévu de se faire repérer. Ils auraient pu nous tuer. (Asuma réfléchit, tête penchée vers l'arrière, les sourcils froncés) Ils t'ont entendu aussi parler au talkiewalkie. Ils ont dû croire que tu amènerais des renforts.

Asuma soupira, se passant une main dans les cheveux, tremblants. Sakura douta de ce qu'elle avait vu, quelques secondes. Seulement... La rose ne devait jamais remettre en question son don, même s'il était malfaiteur et qu'il était une malédiction pour l'âme de l'hôte. Cette capacité lui avait maintes fois sauvé la vie. Et en avait tué par centaines aussi.

La réponse surgit d'elle-même. Elle n'avait pas appelé sur son talkiewalkie depuis belle lurette. Ne faisant plus le moindre commentaire, elle ramassa les effets personnels des deux hommes pendant qu'Asuma aidait son coéquipier à marcher.

— Les ordres de Tsunade sont stricts... j'aimerais qu'elle nous donne plus d'effectifs.

Asuma murmura ses paroles, la tête baissée, tout en jetant des coups d'œil en biais à son ami. Ils se dévisageaient en cachette, tendus. Amener Tsunade dans la conversation ne l'aidait pas. Sakura se doutait qu'il essayait de la faire marcher. D'autant plus qu'ils voulaient aussi la piéger. Elle en eut la preuve dans les minutes qui suivirent.

— Ce serait bien que tu rentres dans l'équipe. En plus, tu es une bonne guérisseuse, ce serait d'une grande utilité.

— Je pense que Tsunade à d'autres plans pour moi, répliqua-t-elle d'une voix forte, où transperçait la froideur, malgré son sentiment de malaise intérieur. (Elle comprenait le danger imminent qu'elle courait.) Je lui passerais le mot, car c'est important d'assurer ses arrières. Surtout dans des situations aussi étranges.

Sakura ne cachait pas sa crédulité pour cette opération et elle savait que c'était benêt de sa part. Elle risquait beaucoup en agissant ainsi. Mais elle s'en ficha sur le coup. Elle voulait les voir mourir pour ce qu'il avait fait. S'ils l'attaquaient, elle ne ferait qu'une bouchée d'eux. Elle se le promit. Elle le souhaitait presque. Mais ils se contentèrent de hocher la tête, et de clopiner ensemble vers leur repère. La jeune femme fronça les sourcils en voyant que Kakuzu avait autant de difficulté à marcher. Ça ne devrait pas être le cas, mais elle passa outre. L'importance du moment était de contacter ses amis.

Sakura fit de son mieux pour garder une voix calme lorsqu'elle prit la parole pour son rapport au quartier général. Lee lui répondit, soulagé.

— Espèce d'imbécile ! J'ai cru que tu étais morte, on n'a plus de nouvelles de toi depuis une heure !

Asuma se figea, les pieds enfoncés dans la terre, et la rose retint sa respiration. S'ils n'étaient pas sceptiques à son encontre, c'était différent maintenant.

— Et les benêts qui ne répondaient plus, ils sont vivants ?

Lee en parlait comme s'il s'en fichait et Sakura esquissa un sourire imperceptible. Elle souhaitait être avec son ami en ce moment, car elle se doutait qu'un combat allait s'enchaîner après cette conversation. Elle chercha support, inconsciemment, et les larmes lui montèrent aux yeux sous la peur, bien malgré elle. Ça faisait longtemps qu'elle ne s'était pas mise dans une situation aussi merdique. Et sa vie encore une fois, ne tiendrait qu'à un fil. Elle ne voulait pas miser sur son côté incontrôlable, noir. Elle voulait rester en possession de son esprit. L'affolement prenait source dans son corps. Mais elle détacha chaque mot, comme si elle était imperturbable et s'en félicita.

— Ils sont là, tout va bien maintenant. Il y a eu une attaque et ils sont blessés. Je suis présente avec eux pour le retour. On risque de passer la nuit dehors...

— Ne bougez pas, fit savoir Gaara d'une voix grave. J'arrive avec ce qu'il faut.

On entendit en fond le timbre de Lee qui s'écriait « Une attaque ?! » et Temari qui enchaînait « Tout va bien de votre côté ? ». Gaara resta professionnel et calme, ce qu'elle admira. Ses yeux se fermèrent sous le coup de la reconnaissance. Il venait de lui donner la force de continuer et de ne pas baisser les bras.

— Comment se porte l'équipe ? Vous pouvez vous poser en sécurité ou il est d'urgence que vous rentrez à la base ? Et toi, Sakura ?

— L'ennemi n'est plus. Il n'y a que nous trois. Kakuzu est blessé, je l'ai remis sur pieds, mais pas complètement. Le retour sera juste plus pénible. Et ça va. (Sa voix s'écorcha à ses mots.)

Elle tenta de rire, avec difficulté. Elle espérait que Lee comprendrait le sens caché de ses paroles. Elle ne rétablissait jamais à moitié une personne. Il connaissait sa faculté extraordinaire de guérison et il trouverait ça étrange. Elle l'espérait.

— Gaara, ne fait pas le voyage pour nous, on se porte comme sur des roulettes, grogna Kakuzu.

Ses espoirs tombèrent à l'eau. Le talkiewalkie se déplaça encore et une sueur s'écoula du dos de la fleur, qui paniquait.

— On va s'installer un campement pour cette nuit. On se voit demain matin, ajouta Asuma avant de couper la communication.

Sakura resta silencieuse, les mouvements plus lents que d'habitude et se pencha pour rattraper son gros sac noir qu'elle avait fait tomber sous le mouvement brusque de Kakuzu pour prendre son appareil de transmission. Elle ne vit pas venir le poing de ce dernier. Il s'abattit sur le haut de son crâne et un éclat de lumière perça ses yeux, puis ce fut le noir complet.