Les bruits de pas se succédaient, vifs et discrets. Le temps n'avait eu aucune emprise sur le rythme de ses compagnons et Sakura en était fière. Leur périple sans fin se clôturerait dans moins d'une heure et ils ne s'étaient accordé qu'une mince pause pour ingurgiter de l'eau et se restaurer de biscuits vivifiants. Sakura les avait emmenés avec elle, dans sa trousse de soins. L'importance de ces barres stimulantes était énorme, car elles revigoraient le chakra et l'énergie. Temari et Lee en avaient mâché deux avant de reprendre leur course. Sakura s'était contenté de boire dans sa gourde.

Au bout de quelques heures, les montagnes Rocheuses s'étaient dressées à l'horizon. Le paysage qui s'étalait maintenant sous le regard de la rose collait parfaitement à la personnalité de Konoha et de Suna. Ces villages évoquaient beauté rugueuse, prospérité et donnait la même impression de force indestructible. Une heure de plus de course et ils finiraient dans un désert de sable. Mais ce n'était pas là leur direction.

Les sommets blancs de neige se détachaient dans le ciel bleu. Lee la dépassa pour se poser dans une petite clairière balayée par le vent. Sakura et Temari le rejoignirent jusqu'à la lisière de la forêt, qui suintait de bruits.

La fleur entendit des oiseaux qui chantaient dans les branches. L'air frais sentait bon le sapin, dont l'odeur était mêlée au parfum des boutons sauvages multicolores. La plaine était entourée d'arbres gigantesques. À leurs pieds et dans leurs rameaux, elle distinguait au brouhaha une nuée de petits animaux vaquer à leurs occupations.

Sakura en ferma les yeux, apaisée. Depuis combien de temps était-elle parti en mission, ou avait quitté son village natal pour s'abreuver de la nature extérieure ? Elle ne le savait plus. Konoha avait semblé être une prison d'or ces derniers mois où Tsunade ne voulait plus d'elle dans l'action. C'était une libération de fuir ses problèmes et de respirer l'air frais de la campagne.

— Notre chez nous, pour ces prochains jours, présenta Lee, hilare.

Temari se tourna vers lui, irritée et confuse.

— Arrête avec tes blagues à deux balles, il faut vite rejoindre Gaara. On n'a pas de temps à perdre avec tes conneries.

Le grand brun sourit en retour, mystérieux, et haussa des sourcils à l'adresse de Sakura, qui se contenta de ricaner, amusée de cette situation.

— On est arrivé, Tema. Je ne plaisante pas vraiment, en fait.

— Tu vas me faire avaler que la base entre Suna et Konoha se trouve ici, en pleine cambrousse ?!

Sa collègue venait d'élever le ton et Sakura fronça les sourcils devant sa réaction. Elle comprenait sa colère, Lee avait enchainé sottise sur sottise ces dernières heures — à croire qu'une course particulièrement longue ne l'empêchait pas de déblatérer des sujets sans queue ni tête. Sakura était habituée à son ami et à son caractère insupportable. Temari devait aussi être sur les nerfs, bien malgré elle. Son fiancé se trouvait loin d'elle et la blondinette n'avait jamais voulu de cette mission.

Sakura s'approcha d'elle en douceur et posa une main contre son omoplate, tout en jetant un regard plein d'avertissements à son camarade de groupe.

— Une base d'une importance aussi grande devait se localiser dans un endroit peu commun. Une clairière, qui a une entrée facile d'approche ne serait jamais soupçonnée d'y cacher un quartier général pour nos deux villages.

Temari l'écoutait attentivement, les épaules détendues. Sakura ne la lâchait pas des yeux, jusqu'à ce que la rose soit certaine que son amie était redevenue elle-même.

Lee se gratta l'arrière du crâne, embarrassé.

— Je baragouine plus quand je suis anxieux. Je me doute que tu dois aussi être angoissée, pardon.

Temari souffla, détourna le regard deux secondes, puis lui sourit.

— Laisse, on gère tous notre stress à notre manière, ce n'est pas à moi de juger ta façon de faire. Je ne suis pas en meilleure position pour te critiquer. Tout me met à cran de mon côté.

Sakura, jusque-là silencieuse, à l'écoute de leur échange, fit un simple mouvement du bras pour les sortir de leur rêverie.

— Je sais que vous êtes épuisés, mais on arrive bientôt, gardez le fil.

— Suivez-moi, répondit en retour Lee, reconnaissant des encouragements de sa meilleure amie.

Le grand brun les entraîna dans la forêt. Temari faisait de son mieux pour enjamber les branches mortes et pour éviter la végétation envahissante du sous-bois. L'épaisse canopée empêchait la lumière de filtrer et Sakura restait derrière elle, dans la pénombre, à l'affut du moindre signe alarmant. Ils finirent par arriver devant une paroi rocheuse. Lee posa la paume droite sur la roche, qui s'écarta pour révéler l'entrée d'une pièce secrète, minuscule. Sakura sourit devant la réaction de son amie.

La paroi se referma, les laissant dans le noir complet et Sakura calma sa respiration et détendit ses épaules. Ils étaient au bon endroit. Soudain, une voix grave parla et tout le groupe sursauta.

— Identification.

Lee prit la parole, d'un timbre posé, bien que ses poings restaient crispés sous son stress apparent.

— Je me mets les doigts dans le trou dû...

— Incorrect, répliqua la voix robotisée.

Sakura frappa son ami sur la tête en retour et Temari se calla contre le mur en pierre, dans la noirceur, trop sonnée par son imbécilité. La rose décala Lee d'un mouvement de la main — un peu à l'instinct avec l'impossibilité de voir et s'approcha du mur gelé.

— Codification 7234181.

— Enfin, répondit gaiement une deuxième voix en fond sonore tandis que le sol, servant d'ascenseur, les transportait quelques étages sous terre.

La lumière sur les plaques sous leur pied rayonnait de mille feux, donnant un mal de crâne à la rose, qui détourna son regard vers les parois rocheuses pour calmer sa rétine. Temari souffla bruyamment, alors qu'ils descendaient et Lee éclata de rire.

— J'ai cru faire une crise cardiaque, murmura la blonde, encore sonnée.

Sakura lui tapota l'épaule en retour. Elle n'était même pas surprise de la réaction de son camarade de troupe. Il était prévisible et complètement benêt. Son envie de balancer son poing contre lui la démangeait une nouvelle fois et Lee, conscient de ses pensées intérieures, releva ses bras en l'air en signe de reddition.

— Ils ne savaient pas que c'était nous ? demanda Temari, après plusieurs secondes de silence.

— Ils nous ont repérés dès que nous avons franchi les barrières des radars. Ils savaient notre point d'arrivée depuis plusieurs heures déjà. Le code, c'est juste pour s'assurer qu'il n'y a pas eu d'imprévu et pour impressionner.

— C'est surtout pour s'assurer des intentions des individus, ajouta Sakura, excédée.

Très vite, la cabine s'arrêta et la porte s'ouvrit sur une vaste salle aux murs de granit et de roche métamorphique. Deux hommes montaient la garde devant une immense porte en pierre, quelques mètres plus loin. Leur carrure, leur armement et leurs visages fermés n'avaient rien de rassurant. Mais ils n'étaient pas les ennemis et sourire dans un tel endroit n'était pas une option. Il s'agissait d'un quartier général entre les deux villages les plus redoutables de ninjas. Autant dire que des attaques et des informations, ils en avaient à longueur de journée.

Ils se trouvaient dans ce qui semblait être une salle de conférences aux murs et à la table en granit, pourvue d'une myriade d'écrans plasma. La salle était divisée en deux, un côté écrans et un côté guéridon en pierre. Les chaines étaient peu nombreuses et divers objets occupaient le madrier en quartz. Sakura comprit de suite l'intérêt de cette salle. Il ne s'y déroulait aucune conférence audiovisuelle, mais plutôt...

— Des interrogatoires. Vous les faites ici ?

Un des deux hommes s'approcha sourire aux lèvres, ce qui était étrange vu l'aura austère qu'il dégageait. Il lui tendit sa grosse main gantée. Remarquant que des épines acérées de sang y siégeaient, il s'empressa de s'en débarrasser pour s'emparer de sa petite menotte.

— Tsunade m'avait prévenu qu'une femme à l'intelligence hors pair viendrait nous visiter, c'est un plaisir, Sakura. Cette salle nous sert à interroger les suspects, à la suite de méfaits pris par les caméras. (Il pointa du doigt les écrans qui visionnaient la forêt environnante et compris qu'elle et son groupe avaient été observés au peigne fin depuis des heures.)

La jeune femme hocha la tête en retour et retrouva sa main endolorie, après quelques secondes d'échanges.

— Et vous êtes ? demanda son meilleur ami, en se postant à ses côtés, protecteur.

— Kakuzu, un des gardiens de ce quartier général. Et voici Asuma Saturobi plus loin.

Ses cheveux restaient cachés par une cagoule épaisse grise, seuls ses yeux verts perçants et son sourire carnassier étaient en vue. Sakura le trouvait étrange et se dit qu'elle éviterait tout contact avec lui pour les prochains jours. Le dénommé Asuma, quant à lui, n'était pas inconnu pour la fleur. Il s'agissait de l'ancien sensei de Ino et de Shikamaru. Il était simpliste, drôle et avait un grand cœur. Des cheveux noirs ébouriffés, une barbe de plusieurs jours, épaisse et toujours un cigare entre le coin des lèvres, il était l'image parfaite du professeur sympa.

— Où se trouve mon frère ? demanda Temari en retour, peu intéressée par ces informations.

— Une salle plus loin, il s'occupait de la paperasse jusqu'à votre arrivée. Ça va lui faire plaisir d'avoir un peu de compagnies. Nous, on doit toujours partir en observation.

La blonde haussa des sourcils, mais ne fit aucun commentaire. Il lui tardait de voir son petit frère et de lui poser des questions sur cette base souterraine. Kakuzu plaça la main sur le mur d'à côté, après ses paroles, à la hauteur de sa tête et se tourna vers un petit écran. Le scanner oculaire émit une lumière verte, puis la porte s'ouvrit. Asuma les précéda dans un large couloir. Ils passèrent devant plusieurs pièces fermées, puis s'arrêtèrent devant une porte recouverte d'une couche de roches sédimentaires. Il l'ouvrit grâce à sa paume, et à la suite d'un nouveau scanner, puis invita tout le groupe à entrer.

— Il y a en masse de gadgets ici, chuchota Lee, impressionné.

Kakuzu esquissa une risette à ces paroles.

— Et vous n'avez rien vu.

Deux mètres plus loin se trouvait Gaara, qui épluchait dossier sur dossier, calé contre un énorme bureau d'un blanc opaque. Il releva brièvement les yeux à leur arrivée, clôtura certains papiers et s'orienta dans leur direction.

— Vous avez fait vite, les accueillit le grand roux, sourire aux lèvres. Je ne m'attendais pas à votre venue avant plusieurs heures.

— On n'a pas pris de pause.

— Tu nous manquais trop, susurra Lee d'une voix suave et Sakura éclata de rire devant la mine déconfite de Gaara, qui se frotta la joue, gêné.

— Bon, rabroua-t-il. Installez-vous, il y a de la place pour tout le monde.

D'énormes étagères enrobaient la pièce, blanches ou en marbres et des sièges avec coussins embellissaient le coin bureau. C'était étrange comme décor, lorsque l'on réalisait qu'ils se trouvaient sous terre. Sakura resta méfiance, bien malgré elle. Temari suivit les paroles de son frère, après une accolade avec celui-ci et se campa sans préambule. Lee sauta sur un lit de couverture à l'étoffe épaisse, tandis que Sakura ne savait que faire. Elle avait besoin d'informations, d'être dirigée. Elle avouait être prise de panique par toutes ces nouveautés. Elle connaissait ce refuge et cette planque de renseignements, mais n'avait pas idée de la rigidité de son occupation et de son avancée technologique. Que cachait Tsunade de plus ? Les étagères par dizaines devaient receler de secrets et Sakura se perdit à les étudier au peigne fin.

— Maintenant que vous êtes présents, on va pouvoir commencer le plan A de notre mission.

— La partie B ne s'actionne que s'il y a des imprévus, récita Lee un doigt levé en l'air.

— Exact, confirma Gaara. Nous devons observer les entrées et sorties de Konoha, mais aussi de Suna et les radars seront là pour nous aider. Lorsque ça se saura que des traîtres ont été mis sur pied en prison, la venue de rescapées sera imminente. Il faut donc être prêt à toute éventualité.

Temari hocha la tête, rassurée que son chef se trouve parmi eux. Sakura croisa les bras, reportant son attention sur le grand roux dans la salle, et se força à rester attentive.

— Deux d'entre nous seront postés dans les salles de caméras. Il y aura des changements de nuit, pour que vous puissiez vous reposer. Kakuzu et Asuma seront dans les limites des radars, donc ils verront plus loin que nous. S'il y a une attaque, ils seront les premiers sur le front.

Sakura tiqua à cette nouvelle. Elle préférait protéger ses amis et se retrouver derrière ne lui plaisait guère. Gaara sembla comprendre ses pensées.

— Sakura, tu seras avec eux.

Lee rechigna à cette information, voulant l'accompagner, mais Gaara resta catégorique. Lui et Temari observeraient les allées et venues via les caméras et Gaara s'occupera du remplacement.

— Il y a très peu de chance que l'on doive interagir pour diverses attaques, mais mieux vaut être préparé à d'éventuelles possibilités.

Sakura croisa le regard de Gaara et vit qu'il n'aimait pas particulièrement la mettre hors champ, dans le feu de l'action, et qu'il préfèrerait la savoir protégée à ses côtés, mais elle lui fut reconnaissante qu'il ne se soit pas écouté. Il était crucial qu'elle soit sur le terrain, c'était là qu'était sa place. Elle y serait plus importante. Même si Kakuzu ne lui plaisait pas vraiment, elle ferait fi de cette impression pour se focaliser sur sa mission.

Bientôt, ils rentreraient à la maison.