Sakura se trouvait un peu lâche, mais ériger une barrière entre elle et son premier amour était la seule solution qu'elle avait décidé de parachever. Et le dénie faisait partie de l'essence de sa vie, elle n'avait alors pas hésité à s'y plonger de nouveau, faisant la sourde oreille à sa douleur. Sans cesse occupée à l'hôpital ou sur les terrains d'entraînements, c'était à peine si elle se consacrait du temps pour elle-même. Il y avait des choses qui ne changeaient pas. Elle se mordit la lèvre inférieure, perdue dans ses pensées.

— Sakuu, râla une nouvelle fois un garçon d'une voix fluette.

Elle cligna des yeux et baissa la tête. Ses longs cheveux roses s'étalèrent devant son visage. Elle avait décidé de les lâcher aujourd'hui.

— Tu es encore dans la lune.

Le petit bonhomme à la tignasse dorée croisa ses bras et fit un mouvement étrange des lèvres. La jeune femme rit devant sa réaction enfantine.

— Pardon, Niko.

Nihiko était un de ses patients. Sakura passait la majeure partie de ses matinées avec lui, par pur plaisir. Toujours un sujet de conversation, des blagues grotesques pour un si jeune âge — qu'elle lui répétait souvent, et un grand sourire franc. Ses petits cheveux blonds tirant sur le blanc lui rappelaient Naruto, ainsi que son sourire aux trente-six dents. Sakura ricana. Mais ses iris en revanche, noir et profonds étaient comme Sasuke. Déjà, elle se reperdit dans ses pensées, les yeux plongées dans le vague.

— J'ai l'impression de parler à...

Sakura sentant une prochaine et future parole peu flatteuse sortir de la bouche du gamin, agrandit ses yeux, rapprochant son visage du sien et s'élança vers lui dans le but de le chatouiller et de l'empêcher de terminer ses propos. Ça l'amusait toujours beaucoup. Riant aux éclats et se joignant rapidement à elle, Sakura se retrouva à son tour attaquée par ses petites mains. Un bruit de gorge retentit, les coupant dans leur élan.

— Naruto ! s'écriait déjà Nihiko.

S'attardant quelques secondes avec le bambin dans ses bras, son ami releva ses yeux et observa Sakura, les cheveux longs, ondulés, s'avancer petit à petit vers lui. Il savait qu'elle n'avait pas encore remarqué sa présence. Il souhaitait en profiter un peu avant qu'elle ne perde toute cette bonne humeur. Alors il lâcha l'enfant et la serra chaleureusement contre lui sous ses gloussements.

Elle était magnifique aujourd'hui, comme toujours.

Sous sa blouse blanche de l'hôpital où ses initiales de médecin étaient ancrées dans le tissu, elle portait un pantalon noir moulant et une chemisette ivoire aux boutons dorés, mettant en valeur ses belles formes. Naruto ignorait ce que son ami devait ressentir en la voyant ainsi vêtue et riant aux éclats avec un petit malade depuis un an, mais ce qu'il savait, c'était que Sakura allait vite perdre son sourire en le voyant. Et ce fut ce qui se produisit.

— Sasuke, chuchota-t-elle faiblement, abasourdie.

Le dénommé ne répondit pas, mais l'observa toujours d'un œil étrange, voire surpris.

— Je l'ai amené parce que je me suis dit que ce serait bien qu'il voit les changements dans l'hôpital depuis, se justifia le blondinet, soudainement embarrassé.

— Oui, bien sûr.

Nihiko s'était déjà posté à côté d'elle et doucement, la jeune femme avait laissé sa main glisser dans ses cheveux, petit sourire collé aux lèvres.

— Je vous fais visiter si vous voulez ?

Naruto sut à quel point ça avait dû lui coûter de prononcer ces paroles. Sa meilleure amie était généreuse, trop parfois.

— Eh bien, en fait... Naruto se gratta la tête. Hinata nous a déjà fait le tour du bâtiment.

— Hinata ? demanda ébahis Sakura.

— Oui, on l'a croisée à l'accueil et elle... Fin, tu connais la suite.

Mais déjà un sourire plus naturel vint se loger sur ses fines lèvres et ses yeux devinrent taquins.

— Oui, je vois, chuchota-t-elle en lui jetant un regard que Naruto ne manqua pas de lui renvoyer, ponctué d'une moue agacée. Tu voulais me parler alors ?

Elle ne s'adressait pas à Sasuke. Il était resté en retrait et observait la scène, silencieux. Sakura vaquait déjà ses occupations, attrapant plusieurs de ses documents sur le bureau et arrangeant le lit du petit garçon, où il s'assit sagement en lui lançant un regard. Il était évident que son patient éprouvait une profonde attache pour le médecin et elle le montrait bien en retour.

— Oui, je voulais juste te demander à quelle heure tu terminais.

— Ce soir, à 23 h. Pourquoi ?

Sakura l'inspecta du coin de l'œil, suspicieuse.

— J'ai à te parler de certaines choses.

Il haussa les sourcils et se détourna à la hâte pour qu'elle cesse l'examen de sa personne. Elle se passa la main dans les cheveux en soupirant.

— À ce soir alors.

Sakura ignorait la raison de son silence. Il ne souhaitait pas lui faire part de ses maux face à Sasuke. À moins qu'il veuille de nouveau remettre sur le tapis ses entraînements intensifs ? La jeune femme laissa échapper un grognement devant cette simple pensée. Absolument pas ! S'il venait seulement à en faire mention, elle l'enverrait balader. Elle le couperait même en rondelles ! Non. Cette conversation devait avoir un rapport avec autre chose, peut-être quelqu'un ?

Elle ne poussa pas sa réflexion plus loin, elle ne voulait pas réverbérer sur la possibilité de paroles sur Sasuke ni d'imaginer son visage, ou sa voix. Sa présence lui manquait, mais l'éviter était nécessaire. Elle n'était pas encore prête. Elle avait besoin de temps. Il fallait vite passer à autre chose. Pour elle et pour eux. Ressasser du négatif en leur présence ne faisait que péricliter les choses. La solution était simple alors.

Oublie-le.

Sasuke devait aussi le penser.

Ou peut-être pas.