— Je n'ai jamais eu de relations sexuelles.

L'Uchiha était persuadé qu'elle était une fille facile. Sakura se mordit la lèvre inférieure.

Il ira de surprises en surprises, le petit nigaud.

Kyra fut la première à boire. Elle donna même un coup de coude à son copain, rieuse, mais il ne lui accorda pas un seul regard. Non, toute son attention était posée sur la jeune femme. Il la fixait, elle et son verre. Elle avait forcément couché avec une personne. Gaara. Il savait que le roux l'avait poursuivie après la dernière soirée, ils avaient dû finir en catimini, collés dans un lit. Rien que cette pensée l'écœurait profondément.

Les deux autres couples de la soirée suivirent le mouvement en riant, les voix perchées et joviales. Lee haussa des épaules, et s'enivra de plusieurs gobelets, sous les yeux rieurs de Sakura, qui ne touchait toujours pas au sien. Lee était devenu le petit coureur de jupons, ces dernières années. Avec son corps d'athlète, il enchaînait les nuits sans lendemain. Quand Hinata et Naruto suivirent le mouvement, le silence prit place dans la salle.

— Quoi ? s'exclama Temari.

Hinata, qui se tortillerait normalement de gêne, fixait avec un air de défi toutes les personnes dans la terrasse, s'arrêtant sur Sakura. La belle lui offrit un sourire en coin, suivit d'un clin d'œil en retour et la brune s'empourpra, prenant conscience que la jeune femme avait toujours été de son côté.

— Quand-... ? Vous deux ?

— Mais qu'est-ce qui vous fait dire que... nous avons... hum, les deux ? balbutia Naruto.

Lui, embarrassé ? C'était une première. Sakura cacha un fou rire derrière ses paumes et le blondinet lui lança un regard furieux. Elle leva les mains en l'air en signe de trêve. Elle n'avait pas craché le morceau.

— Laissez-les tranquille, s'ils ne veulent pas en parler, le choix leur revient, déclara-t-elle par la suite, posant un regard bienveillant sur le nouveau petit couple qui était en train de se former.

— Mais non, allez on veut savoir, insista Ino, en claquant des mains. Racontez, bande de cachottiers !

Piégés. Ils l'étaient. Naruto lui lançait des œillades, la frayeur lui tordant les boyaux. Il était reconnaissant de son commentaire précédent pour essayer de sauver la mise, mais il était quand même coincé, la corde au cou. Hinata venait de s'éclaircir la gorge. Toute l'attention se porta sur elle. Le blondinet la guettait avec un trac apparent.

— Oui, on a couché ensemble. Si vous vous demandez quand... eh bien, une heure avant notre départ pour la soirée. Naruto devait m'accompagner et...

— La scène d'entraînement a commencé sur l'îlot de la cuisine et a fini dans la salle de bains, déchirant tout au passage ?

Temari venait de prendre la parole, grand sourire aux lèvres. Ses yeux brillaient étrangement et tout le monde la toisait avec une certaine inquiétude. Shikamaru, son petit ami, se frotta les cheveux, ne se sentant pas à sa place.

— On peut dire ça, conclut Naruto, grattant ses tempes de ses doigts.

— Et pourquoi vous ne nous avez rien dit ? demanda Sai, sourcils relevés.

— Ok, hum ... Naruto se tortilla mal à l'aise. Je me voyais mal t'envoyer un message de suite après l'acte pour te dire : devine quoi ? Je suis un homme comblé.

Une tonitruante explosion de rires tinta. Hinata se cachait derrière ses paumes, pataugeant dans son embarras, alors qu'un torrent de railleries surgissait dans la terrasse. Le blondinet ne savait plus où se mettre, il venait de gaffer. Voilà pourquoi il ne voulait pas qu'on lui pose cette question. Quand une explication franchissait ses lèvres, c'était toujours la catastrophe assurée. Sakura aplatit sa main contre son visage, désespérée. Il fallait vraiment être un imbécile pour relater ce genre de récit ainsi. Sasuke ne partageait pas l'hilarité générale, les sourcils de surcroît froncés. Avant même que Naruto puisse s'expliquer ou du moins, se rattraper sur sa bourde, celui-ci répliqua, une hargne nouvelle dans la voix :

— Tu n'as pas oublié de boire, toi ?

Une pique. Ses yeux onyx se plantèrent dans les perles émeraudes de la jeune femme. Il voulait vraiment une réponse. Alors, elle lui en offrit une.

— Non, du tout.

— Tu vas nous faire croire que tu es vierge ?

Sasuke fronçait les sourcils, dubitatif.

— Absolument.

Sakura se força à cacher son agacement. Et sa gêne apparente par la même occasion. Exposer son intimité sexuelle aux yeux de tous était gênant au possible, surtout en sachant qu'elle avait gardé sa virginité pour la personne qui la croyait menteuse.

Des changements devaient être opérés.

Avant même de s'en apercevoir, elle avait lâché une grosse bombe.

— Peut-être plus pour très longtemps.

Nouvelle exclamation. Temari ricana dans sa main sous la provocation de son amie. Gaara, quant à lui, venait d'avaler de travers, la main portée contre sa gorge. Une quinte de toux le prit et Sakura, inquiète, passa sa main avec tendresse dans son grand dos massif. 

Si l'étouffement de Gaara avait calmé les tensions dans l'air, Sasuke n'était pas en reste. Il bouillait de fureur, crispé dans une posture près à en découdre. Sakura se détourna de cette vision, satisfaite. Qu'il se morde les doigts, c'était bien fait pour lui. C'était définitif, elle n'attendait plus rien de l'Uchiha. Une dernière conversation était nécessaire, puis la jeune femme tournerait la page. Avec bonheur et délivrance.

Sa tête lui tournait moins. Des idées pêle-mêle plein la tête, une main posée contre sa tempe, Sasuke s'était réfugié à l'étage depuis quelques minutes. Il avait le besoin pressant de s'isoler. Il avait remarqué les regards pointilleux et lourds de sous-entendus de Naruto. Son ami n'était pas si stupide. Il avait fini par comprendre l'attirance que le brun éprouvait pour la jeune femme. Et s'il n'avait toujours pas fait de conclusion sur la chose, il restait néanmoins suspicieux. Sasuke avait trop attiré les regards par son intervention avec Sakura, quelques minutes plutôt. Kyra lui avait pincé la cuisse, déchaînée d'une colère froide. Sa fureur, il l'approuvait. S'il ne ressentait pas un si grand besoin d'attirer l'attention d'une autre femme, Kyra ne lui en voudrait pas autant le soir quand il rentrait chez lui. Une situation plus qu'incommodante pour lui et sa copine.

Son attirance pour Sakura le rendait déraisonnable et ganache.

Il s'était exclue du groupe pour refroidir ses ardeurs. L'alcool lui faisait encore tournoyer des idées saugrenues et il avait besoin de respirer de l'air sans sa présence à elle. Il la détestait. De le faire se sentir si dépendant de son essence, de son odeur.

Il se mentait encore une fois.

C'était les yeux de la jeune femme, fulminant d'une grande animosité, de gêne, mais aussi de douleur qui l'avaient poussé à se soustraire de sa vue. Surtout. La culpabilité le ravageait. Presque.

Il était pitoyable. Il le savait.

L'Uchiha, depuis qu'il était revenu au village de Konoha, ne causait que douleur chez la jeune femme. Il savait qu'elle réussirait à passer à autre chose. Qu'elle tournerait la page.

Dans les bras du roux.

Il voyait bien comment Sakura le regardait. Elle le dévorait des yeux, sans retenue même. Ses dents grincèrent. Il ne le voulait pas. La perdre. Mais avait-il déjà pris soin d'elle ? Avait-il déjà été reconnaissant de toute la tendresse et de tout l'amour qu'elle lui avait donné, sans crainte de se faire arracher le cœur ? Parce qu'au fond, Sakura le savait déjà. Qu'il la rejetterait. Et pourtant, elle avait continué de lui offrir son palpitant, démunie et vulnérable.

Il avait été horrible avec elle. Et Sasuke sut qu'il ne se rattraperait jamais. À quoi bon de toute façon ? Il ne l'aimait pas, c'était tout. Qu'elle fasse la paix avec sa douleur. Il avait hâte qu'elle le laisse tranquille. Que la belle cesse de se faufiler dans ses rêves pour le garder éveillé jusqu'au petit matin, les pensées torturées par sa présence insidieuse.

Elle était vierge.

Sasuke avait eu de la difficulté à assimiler et à digérer la nouvelle. Comment ? Les mains dans les cheveux, à se les tirer sous la nervosité, une flopée d'images l'assaillait, distrayante. Elle était là, toujours, à malmener son esprit.

Sasuke grogna. Les mains plaquées contre le lavabo, le serrant au point de le fissurer, il essayait de reprendre ses esprits. En vain. Elle l'obsédait. Et même Kyra en bas, n'arrivait pas à lui faire oublier l'ardeur qu'il avait de prendre Sakura dans ses bras et de s'enfuir avec elle, n'importe où. Mais loin.

— Fais chier.

Son reflet dans le miroir le laissait sans voix. Les yeux dilatés d'un désarroi pharamineux, les cheveux noirs en désordre complet, sa chemise défaite et sens dessus dessous, l'Uchiha ne se reconnaissait plus. Qui était cet homme abîmé qui lui renvoyait un regard perdu ?

Pas lui.

Il rabaissa son visage vers le sol, furieux. Furieux contre lui-même. Contre Sakura et le reste du monde. Pourquoi avait-il fallu que ce soit elle en particulier qui l'attire ? Pourquoi Kyra n'arrivait pas à combler tout ce vide qui l'étouffait de l'intérieur ? Le brun bâillonna sa douleur avec son poing contre sa bouche. Il écarta sa main, devenue tremblante. Il était fort, que lui arrivait-il ?

— Pourquoi tu me rends aussi faible ? se questionna-t-il, désemparé.

— Tu n'as jamais été faible, Sasuke.

Cette voix d'une pureté sans équivoque. Le sang venait de quitter son visage. Les épaules du brun tressautèrent. Il était mortifié. Elle était là, avec lui, dans cette pièce si exiguë.

Sakura.

Il se retourna pour affronter son regard et déglutit avec anxiété. Il savait ce qu'il avait à faire et à dire. Une conversation. C'était inéluctable. Et Sasuke sut qu'elle serait fatale, coercitive et douloureuse.

Surtout pour la jeune femme.