Troisième acte
C'est le simple claquement de la porte suivi de pas traînant sur le plancher qui vient de réveiller YoonGi. Surement son colocataire qui rentre encore d'une nuit bien arrosée. Il le suit vaguement du regard, supportant difficilement les quelques grincements du parquet ancien à cause d'un mal de tête fraîchement arrivé. Il le voit rentrer dans sa chambre puis s'avachir sur son lit. Dans quelques minutes à peine il dormira, c'est certain. Le jeune homme se redresse lentement, ses articulations craquant à plusieurs reprises. Il n'aurait pas dû dormir recroquevillé dans ce canapé miteux maintenant son dos lui fait ressentir. Un grognement de douleur puis il masse ses épaules. La veste de l'inconnu est toujours sur ses genoux, humide. Lui qui appréciait tant de l'avoir dans ses bras il y a encore quelques heures n'en veut plus. Le tissu est lourd, froid. C'est désagréable.
Il se lève et la pose sur sa chaise qui est là, près de la fenêtre aux rideaux épais d'un bordeaux délavé. Étrangement ils se marient bien avec la peinture beige qui couvre tous les murs de l'appartement. Il a l'habitude de regarder le monde et ses nombreux spectacles depuis cet endroit faisant parfois des commentaires. Il aime bien, cela lui change les idées et il peut faire une pause dans ses textes. Cette vieille chaise en bois ne bouge plus depuis qu'il l'a placé ici. Quand il doit manger YoonGi s'installe à même le sol, face à la table basse pour poser son bol de nouilles. De toute façon ils ont dû revendre celle de la cuisine pour payer les courses. Il avance d'à peine cinq pas et le voilà face à l'évier où quelques bols traînent ainsi que leurs baguettes. La gazinière est propre comme au premier jour. Ils ne l'utilisent que très peu. Dans un coin, quelques bocaux d'épices mélangés à des boîtes de thé sont là. Le jeune homme se met sur la pointe des pieds et ouvre le placard, fouillant entre les paquets de biscuits et les plats instantanés quelque chose de sympathique à grignoter. Rien.
Son regard balaye une nouvelle fois la pièce en quête d'une sucrerie quelconque. Le sachet blanc en plastique attire son attention. C'est vrai qu'il l'avait balancé sans délicatesse dans un coin hier soir. Il s'en approche et déverse son contenu sur la table basse qui pour une fois est propre, vide de papier, de post-it et de boîtes vides. Rien de bien extraordinaire mais c'est assez. Il attrape un paquet de pocky et l'ouvre. Pendant qu'il mange, YoonGi tri. Un côté pour lui, un autre pour son colocataire. Il ne veut pas garder uniquement pour lui sachant parfaitement que l'autre est dans la même galère. Il ne serait pas dans cet appartement si ce n'était pas le cas. Il se serait trouvé un petit nid sympathique avec une personne bien plus agréable et souriante que lui. Pourtant il a l'impression que cela lui convient. Une fois terminé, il prend les friandises ainsi qu'un verre d'eau et se dirige vers la chambre de son ami.
Il s'est endormi sans même retirer ses vêtements, ni prit une douche. Ses cheveux sont encore humides et une fine couche de sueur couvre son visage. Silencieusement, il dépose les boîtes sur le petit meuble à côté de lui, les empilant correctement les unes sur les autres ainsi que le verre. Ensuite, il le couvre d'un plaid usé pour qu'il n'attrape pas froid. La porte se ferme dans un grincement qui ne fait pourtant pas bouger l'homme. YoonGi lui adresse un regard d'incompréhension avant d'aller dans sa chambre. Constitué d'un simple lit et d'un bureau dont on ne voit même plus le bois tant il est recouvert de partitions et de cahiers en plus de quelques crayons. Au-dessus, une fenêtre sans double vitrage. Le bruit de l'extérieur n'est jamais filtré. Pour lui qui déteste cela c'est parfois un enfer d'essayer de dormir mais il n'a pas le choix. Le lit est défait, les couvertures traînant sur le sol poussiéreux. Il cherche avec espoir un jean mais dans cette pauvre pièce de quelques mètres carrés à peine, il en a vite fait le tour. Tant pis, il piquera à son colocataire.
YoonGi repasse dans le couloir et fouille dans les sacs remplis de vêtements avant de trouver un t-shirt et un pantalon troué aux genoux à cause du temps passé. Pas grave, c'est à la mode. Pas besoin d'une ceinture il est aussi mince que son ami. Il se dirige sur sa droite et avant d'entrer déposer ses vêtements propres. La salle de bain est comme le reste de cet endroit. Un lavabo où traînent leurs brosses à dents ainsi que le dentifrice qu'ils se partagent. Sur le carrelage quelques tubes de savon, shampoing. Le pommeau de douche n'est même pas sur son support qui ne tient plus très bien à cause de l'usure. Il se déshabille et ouvre l'eau chaude qui rapidement perd sa couleur transparente pour du bleu électrique. Sa coloration s'en va et il ne pourra surement pas en refaire une par manque d'argent. Ses pensées vagabondent et il finit par se rappeler de cet inconnu à l'arrêt de bus. L'image de son visage, son regard lui revient en tête et un frisson le parcourt. Il secoue la tête et refuse de s'en souvenir. Pourtant il faudra l'affronter à nouveau, il doit lui rendre cette fichue veste.
Le jeune homme s'assoit sur sa chaise, un thé à la main. Ses cheveux sont encore couverts d'eau mais peu importe. Il tire les rideaux pour laisser passer les rayons du soleil et apporter un peu de chaleur dans leur appartement tandis que les bruits de la ville s'installent dans les pièces. Jamais ce n'est silencieux ici. Leurs voix sont rares mais le brouhaha constamment finit par créer une mélodie de fond, plus ou moins désagréable selon les moments. Ils n'aiment pas s'adresser la parole pour des banalités et s'économisent pour les longues conversations sur n'importe quel sujet tant qu'il peut s'exprimer sur leur peine et leurs maux de coeur. Parfois, on n'a même plus l'impression à un monologue, un dialogue de sourd aussi. Ils ne s'écoutent pas vraiment racontant juste leur douleur.
Malgré tout, il est rassuré que son colocataire soit rentré ce matin. Ce n'est pas toujours le cas et ça l'angoisse. Il n'aime pas le savoir avec des inconnus qui pourraient s'en prendre à lui. Il ne mérite plus de souffrir. YoonGi ne comprend pas non plus pourquoi il sort toujours autant et boit. Jamais il ne pourra oublier, ni faire disparaître ses problèmes et encore moins ses souvenirs. Lui l'a bien compris et depuis il vit avec. Comme dans une pièce de théâtre tout est écrit et on ne peut plus effacé. On peut griffonner dessus, ignorer mais jamais on ne pourra retirer ce qui a existé. Dans tous les cas, c'est dur. Sa tête se pose contre le mur et il ferme les yeux. Une voix lui revient en tête. Un être souriant qui l'encourage mais tout comme cet inconnu à l'arrêt de bus il refuse tentant d'échapper à ses pensées. Il fixe l'extérieur qui est déjà éveillé depuis une ou deux heures pour se changer les idées. Et comme son colocataire il n'arrive pas à avancer à cause de ceci et ça le ronge depuis longtemps. Il aimerait s'en détacher mais n'y arrive pas. Il est prisonnier et même en extériorisant il reste bloqué. YoonGi prend la veste maintenant sèche et la regarde longuement avant de l'enfiler. Peut-être qu'une issue de secours existe. Il devrait tenter, on ne sait jamais.
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