quatorzième acte ; petit lapin | pt1
Lorsqu'il était petit, Jimin était un peu joufflu. Ses joues rebondies lui attiraient les moqueries des enfants de son âge, et c'était vite devenu pour lui une source de honte. Il n'avait pas vraiment d'amis, les enfants de son école riaient de lui et refusaient d'apprendre à le connaître. Cela ne lui faisait pas vraiment mal, il était habitué à être seul. Néanmoins, il avait espéré se faire un jour des amis avec qui jouer après les cours. Il s'était longtemps demandé pourquoi les autres ne l'aimaient pas et le rejetaient sans cesse, alors qu'il ne faisait rien de méchant. Il souriait toujours, était gentil avec ses camarades et disait oui lorsqu'il était question de partager quelque chose. Il était un peu timide, certes, mais il ne faisait de mal à personne. Il avait beau réfléchir, il ne comprenait pas pourquoi les autres le dévisageaient et le montraient du doigt en murmurant derrière son dos. Peut-être était-ce parce qu'il n'avait pas assez d'argent pour s'acheter de nouveaux habits ? Ou peut-être était-ce parce qu'il venait à l'école, des blessures sur le corps. Les enfants pouvaient être si méchants parfois, ils ne savaient pas différencier le bien du mal. Mais Jimin, lui, il subissait toutes ces moqueries et ces rires qui poignardaient son cœur à chaque fois qu'il entrait en classe. Mais il se taisait et ne disait rien, le visage baissé, ses yeux larmoyants cachés par ses mèches noires. Il n'osait pas en parler à son père, son modèle. Au fond, ce n'était pas si grave, n'est-ce pas ? Peut-être que c'était de sa faute, il ne méritait juste pas d'avoir des amis. Il ne pouvait s'empêcher de se dire que, si les enfant étaient si méchants avec lui, c'était parce qu'il avait dit ou fait quelque chose de mal. C'était forcément de sa faute.
« Park Jimin ! »
Le noiraud se retourna, son petit visage fendu par un sourire scintillant. Ses petits poings étaient serrés autour de la peluche qu'il tenait dans ses mains, il était heureux qu'on lui adresse la parole. Devant lui se tenait une petite fille, son visage rond ressemblait à un visage de poupée. Ses grands yeux marrons étaient cachés derrière de belles lunettes et ses longs cheveux noirs étaient attachés en une tresse reposant sur son épaule droite.
« Je voulais juste te donner ça. »
Sa voix fluette réchauffa le cœur de Jimin qui gonfla ses joues, son visage soudainement rougi. Lentement, il s'empara du papier que la jeune fille lui tendait. Cette dernière tourna les talons et s'éloigna de lui en courant. Jimin cligna des yeux plusieurs fois avant de baisser son regard sur le papier qu'il tenait entre ses petits doigts, puis il sourit une fois de plus avant de reprendre son chemin jusqu'à sa maison. C'était la première fois qu'un autre enfant lui donnait quelque chose, ou lui adressait la parole sans se moquer de lui. Il était heureux.
En rentrant chez lui, il rejoignit directement sa chambre sous le regard de ses parents puis se jeta sur son petit lit pour déplier le papier. Une écriture maladroite difficile à lire et bourrée de fautes d'orthographe se dessinait sur le bout de feuille. Ses lèvres s'ouvrirent légèrement, il avait oublié que c'était aujourd'hui, Halloween. La petite fille dont il ne connaissait toujours pas le nom lui demandait de la rejoindre ce soir au parc pas loin de chez lui pour partir ensembles chercher des bonbons. Fou de joie et les yeux presque larmoyants, Jimin serra le papiers entre ses petits doigts puis s'empressa de rejoindre ses parents, les joues rosies. Sa mère tourna la tête vers lui, un tendre sourire étirant ses lèvres. Il accourut vers elle, posa ses mains sur ses genoux, puis planta ses yeux brillants dans les siens, sautillant sur lui-même.
« Maman, Papa ! Est-ce que je peux aller chercher des bonbons avec une amie ce soir ? C'est Halloween aujourd'hui ! »
Sa mère fronça les sourcils, le visage inquiet, et tourna le regard vers son père qui haussa les épaules, n'y prêtant pas vraiment attention. Elle soupira, sourit une nouvelle fois et vint poser sa main sur la joue rebondie du petit garçon.
« Une amie, mh ? Où dois-tu retrouver cette amie ?
- Au parc, juste à côté ! Dis-oui, s'il-te-plaît ! J'y suis déjà allé tout seul ! Plein, plein de fois !
- D'accord, d'accord rit-elle doucement en ébouriffant ses cheveux. Mais si il y a le moindre problème, tu reviens directement ici, et tu ne rentre pas trop tard. »
C'est ainsi qu'il se retrouva en route pour le parc, habillé de son déguisement de pirate, un petit sac en forme de citrouille dans la main. Il n'avait jamais fêté Halloween avec d'autres enfants, seulement avec sa mère, son père se disant trop occupé pour les accompagner. Son père n'avait jamais vraiment été proche de lui, et au fond, Jimin pensait qu'il ne l'aimait pas. Peut-être n'avait-il pas voulu d'enfant.
La nuit tombait doucement sur la ville, et le parc était éclairé par plusieurs lampadaires qui illuminaient l'aire de jeu. Il fouilla le parc des yeux, à la recherche de la fillette qu'il désignait comme sa nouvelle amie, mais ne la trouvant pas, il alla s'asseoir sur un banc pour l'attendre. Les jambes battant dans le vide, les mains sur les genoux, il gonflait ses joues, regardant autour de lui. Il ne voulait pas accepter la possibilité qu'elle se soit moqué de lui, qu'elle n'avait aucune intention de venir. Il ne voulait pas qu'elle soit comme les autres.
« Park Jimin ! »
Il releva la tête d'un geste brusque. Elle se tenait là, souriante, déguisée en chat. Il sauta du sur le sol puis courut pour la rejoindre. Les yeux pétillants, il s'apprêtait à la saluer, lorsqu'il vit derrière elles, trois silhouettes sortir de l'ombre. Il ne mit pas longtemps à les reconnaître, il s'agissait de trois enfants de sa classe. Trois garçons qui passaient leur temps à se moquer de lui, à le pousser, à lui faire de mauvaises blagues. Peu à peu, il sentit la peur s'emparer de son petit corps tremblant alors que la fillette reculait de quelques pas, un sourire maintenant narquois au visage.
« Tu as vraiment cru qu'elle voulait devenir ton amie ?
- Tu n'es qu'un bébé, Jimin.
- Halloween c'est pour les bébés, Jimin.
- Est-ce que tu es un bébé, Jimin ? »
Le noiraud ne répondit pas, bien trop tétanisé. Il s'était dit que pour une fois enfin, il s'était fait une amie, quelqu'un avec qui jouer, avec qui passer ses journées. Mais il avait tort. Peut-être avait-il vraiment fait quelque chose de mal. Il se sentait si inférieur, si petit face à ces trois grands monstres qui le fixaient de leurs yeux rouges. L'un d'eux finit par perdre patience et le poussa violemment. Il trébucha puis tomba au sol, ses mains s'éraflant contre les cailloux alors qu'il essayait de se rattraper. Il gémit de douleur, les larmes roulant sur ses joues. Il voulait juste avoir des amis.
« Tu ne réponds pas, Jimin ?
- Jimin !
- Jimin ! »
« Jimin ! »
Il sentit une vive douleur dans son ventre, puis une deuxième, une troisième. Il pleurait à chaude larmes, hurlait, serrait les poings tellement fort qu'il en saignait. Les trois garçons pas plus vieux que lui enfonçaient leurs pieds dans son ventre, dans ses côtes, dans son dos, riant à gorge déployée. Leurs rires lui parvenaient tel le son des enfers, horriblement bruyants. Il ferma fortement les yeux, ses cris étouffés lui irritant la gorge. Ses pleurs résonnaient dans la nuit noire, mais personne n'était là pour lui venir en aide. Alors il se roula en boule pour essayer au mieux de se protéger des coups que les enfants lui portaient, son petit corps endolori n'ayant plus la force de faire le moindre geste. Il était faible. Et les voix dans sa tête revinrent une fois de plus, le paralysant de peur.
« Jimin, ne te laisse pas faire. »
Lorsque Jimin ouvrit les yeux, il sentit dans son corps une sensation de vide, comme si quelque chose avait changé en lui. Il se redressa lentement, le corps endoloris, et baissa le regard sur ses mains. Ses petits doigts étaient tâchés de sang, de vrai sang. Doucement, il sentit la panique le gagner et ses yeux se remplirent de larmes. Il avait peur, il ne comprenait pas. Il ne se sentait vraiment pas bien, il voulait juste rentrer chez lui. La seule chose dont il se souvenait, c'était de s'être évanoui alors que les trois enfants le frappaient. Il pouvait encore entendre leurs rires et leurs mots. Mais maintenant, le parc était silencieux, seul ses sanglots étaient audibles dans le calme nuptial. Il se releva difficilement, son déguisement couvert de poussière, et c'est là qu'il le vit. L'un des trois garçons gisait là, inconscient, le visage méconnaissable à cause de tout ce sang qui recouvrait sa peau. Jimin se mit à pleurer de plus en plus fort, ne comprenant pas ce qu'il se passait. Il avait froid, il avait peur. Il trébucha sur ses pieds et retomba par terre, ramenant ses genoux contre lui pour enfouir sa tête dans ses bras. Une petite main se posa doucement sur son genoux, le faisait sursauter. Ses pleurs se firent plus forts, plus incontrôlables. Doucement, de petits doigts se faufilèrent dans ses cheveux pour l'apaiser, et une étreinte chaude enveloppa son petit cœur tremblant. Une douce voix fit écho dans la nuit, l'apaisant instantanément.
« Ne t'inquiète pas petit lapin, murmura la voix qui avait tout l'air d'appartenir à un enfant, tout va bien maintenant. Tu leur a fait comprendre à quel point tu étais fort, ils ne viendront plus t'embêter maintenant. »
Jimin ne comprenait pas. La seule chose qu'il avait fait, c'était de rester allongé sur le sol, pleurant à chaude larmes en espérant que les coups s'arrêtent avant de finir par s'évanouir. Mais la voix était si chaleureuse et réconfortante, il se demandait encore si elle venait de sa tête ou si elle était bel et bien réelle. Mais ces bras qui l'entouraient lui prouvaient bien qu'elle était réelle.
La chaleur disparut, et cet apaisement qu'il avait ressentit s'évapora. Encore apeuré, il mit du temps avant de se décider à relever la tête. Mais il n'y avait personne. Le petit garçon à qui appartenait la voix avait disparu.
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041119
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