𝑪𝒐𝒏𝒕𝒓𝒆𝒑𝒐𝒊𝒏𝒕




Ô combien l'amour que portait sa servante à Phèdre était puissant, personnage majeur dans le déroulé de cette histoire, il est tout de même bien trop sous-estimé par l'entièreté du royaume. Car c'est pourtant sous ses conseils avisés qu'elle conduira Phèdre à la folie et entrainera avec elle, sa propre perte. Tout organisation aussi puissante soit-elle se doit d'avoir deux choses : un représentant fort, pouvant mener la nation et dissimuler le cerveau qui est celui lui soufflant toutes ces idées de beaux discours aux vers si mélodieux. Le beau bête et le laid intelligent a toujours été un duo très tendance à travers les siècles.

Pouvait-on apercevoir sur le téléphone de la professeur de danse classique de la classe du défunt. Elle venait précédemment d'achever un énième lecture de la pièce et de son scénario afin que ses collègues puissent une fois de plus juger de sa "valeur éthique".

L'idée de maintenir ou non le ballet de fin d'année avait été longuement débattu dans les anciennes salles de réunions humides du nouveau conservatoire de musique. Le chef d'orchestre rejetait l'excuse du : "ce ne serait pas éthique" prôné par les professeurs de moderne jazz et salsa, la jugeant insuffisante pour justifier l'annulation d'un projet aussi coûteux.

Se droguant aux cafés, la professeur de danse contemporaine paraissait délirer seule dans son coin en s'adressant au professeur de basson qui cherchait par tous les moyens à lui échapper en quémandant l'aide muette du professeur de trompette qui lui, au contraire, semblait intéresser par la chorégraphie funéraire avancée par la jeune institutrice à l'odeur forte de tabac qui empestait la salle.

Plongé dans un silence fermé, une réflexion profonde froide et peu attrayante, ce fût la professeur de classique de Yangyang qui trancha la question en se proposant pour en discuter avec les parents voire le maire au besoin. Tous approuvèrent et à la suite d'un court appel de quelques minutes entremêlés de sanglots mal dissimulés, la famille du défunt accepta sans joie, expliquant qu'il n'y accordait pas personnellement d'importance mais que pour le simple souvenir de la passion que portait leur fils à ce sport ils seraient présents à la représentation.

Ainsi fût clos ce débat insupportable qui enlisait le fonctionnement des deux conservatoires depuis un mois et demi déjà. L'enquête de police avait provoqué la fermeture totale du conservatoire de danse pendant deux semaine, puis avait autorisé sa réouverture partielle. Cependant après un tel drame l'établissement n'était pas à l'abri du flot de désinscription des plus jeunes qui fusèrent sur leurs bureaux poussiéreux et déjà bien trop encombré des employés. Enfin les débâcles interminables avec l'avenir de leurs projets communs avec le conservatoire de musique avait achevé de retarder leur programme annuel.

C'est pour cela surement que Donghyuck se retrouvait à auditionner seul en cette mi-Novembre. Ayant cesser de s'adresser à Renjun pour leurs opinions opposés, il avait ainsi été contraint d'appliquer le même traitement à Shotaro qui semblait en être violemment affecté. Son cours ne réunissant pas d'autres de ses amis, il se retrouvait avec lui-même pour s'entrainer durement. Danser l'aidait à oublier et faire le tri dans ses pensées. Son âme et son corps ne faisaient qu'un pour former une silhouette emplie d'une énergie gracieuse, hypnotisante et déroutante qui condamnait quiconque y posait les yeux, à y rester fixé sans pouvoir jamais s'en défaire avant la fin du ballet merveilleux.

En ce jour de stress intense il était plus près que jamais. L'impression d'être seul contre tous le gagnant à chaque instant, il savait que la symbolique du rôle dépassait bien leur simple représentation, derrière la façade d'Hyppolite se dessinait deux potentiels visages qui s'offrait un combat enragé. Celui qui remporterait ce rôle serait celui inconsciemment désigné par le hasard pour remporter la victoire. Cela, Renjun l'avait parfaitement compris et tandis qu'il fixait ses cheveux avec de la laque, il jeta un coup d'œil au corps finement taillé de son adversaire, parvenant à entrapercevoir dans un recoin du miroir son regard plus déterminé qu'il ne l'avait jamais vu lui porter. Un frisson parcourut le chinois qui reporta son attention sur ses mèches réticentes, peu serein quant aux résultats de cette audition.

"Bien messieurs, nous allons procéder aux auditions pour le rôle d'Hyppolite. Que chacun se place en ligne et attende patiemment son tour, Shotaro tu commence." les interrompit Hyo en mettant fin à leurs derniers préparatifs d'un ton sec et tranchant qui permettait de communiquer à chacun l'humeur massacrante dans laquelle elle paraissait se trouver. Le chinois envoya un petit sourire d'encouragement à son ami japonais qui ne pût lui répondre, blanc comme un linge, les jambes tremblantes. Tandis qu'il s'avançait vers le centre de la salle il se récitait mentalement une dizaine de prières qui, il l'espérait, lui permettrait d'échapper au déluge de commentaires sarcastiques qui succèderaient son passage laborieux.

"Pas assez travaillé."

"On auditionne pour Hyppolite pas Blanche Neige, trop joyeux."

"Le ballet est tragique pourquoi vous semblez tous si heureux ?"

"Ridicule de pleurer sur scène, ça gâche tout le potentiel, recalé d'office."

"Non n'essaie même pas de passer tu n'as pas la carrure d'un prince, tu fera un garde."

"J'aime pas ta tête, ça colle pas avec toi non plus." s'écria la professeur pendant près d'une heure et demie. Bien qu'elle tentait d'analyser soigneusement chaque passage, décelant les erreurs les plus infimes et jugeant de s'il était possible de parvenir à les corriger en seulement quelques mois. Seulement les passages s'enchainaient et rien ne lui convenait, les élèves n'étant pas de parfait pantins au service de l'art grâcieux qu'elle leur enseignait.

Se mordant les lèvres face à la situation plus que tendu, Renjun vérifia une dernière fois que ses pointes étaient correctement enfilées avant de ne se relever et d'atteindre le centre de la pièce dans un silence anxiogène. Croisant son regard dans la glace il ferma les yeux préférant s'attarder à réguler sa respiration ainsi que prendre conscience du ressentit de son corps afin de ne pas froisser le moindre petit muscle mal échauffé. Malheureusement pour lui la professeur ne semblait pas d'humeur à attendre patiemment qu'il se prépare soigneusement, apercevant son placement en quatrième position elle lança la musique sans crier gare. Elle ne se doutait sûrement pas que le poids sur les deux pieds du garçon n'était pas répartit de façon égale, lui causant une instabilité handicapante pour son départ dont la symbolique de la première impression qu'il représentait était si importante.

Ainsi, malgré un passage plutôt satisfaisant par rapport aux précédents, le jeune homme ne pût donner le meilleur de lui-même. Croisant finalement le regard de la femme il avait directement compris que le rôle venait d'échapper de ses délicats doigts de fée. Déçu et dégoûté, il ne pouvait qu'essayer de se consoler en espérant que le passage d'Haechan soit ruiné par une tempête surprise. Assis au fond de la salle aux côtés de Shotaro, il le fixait sans piper mot, lui envoyant uniquement des regards plus sombre que le plumage des plus noirs corbeaux, retenant secrètement ses larmes. Il ne pouvait s'avouer vaincu aussi facilement, rien que l'idée lui procurait la nausée.

Ici, reclus dans son coin de la salle de danse. Il laissait les sentiments contre lesquels il avait toujours lutter inconsciemment prendre part de lui, le posséder entièrement, lui procurant une rage nouvelle. Sa colère envers le brun, dont il considérait actuellement que leur relation n'était qu'une dispute amicale tumultueuse qui connaîtrait bientôt une accalmie, ne voulait diminuer. Celui-ci en plus de refuser d'admettre ce qu'il leur sautait aux yeux à tous jouait les danseurs modèles devant leur professeur et s'attirait les bravos de toute la classe pour la moindre misérable petite pirouette. Cela Renjun ne pouvait plus le supporter, que ce soit les regards d'admiration que tous lui lançait, les compliments que laissaient échapper les professeurs à son égard ou les gloussements des plus jeunes s'accompagnant de rougissement qui gagnait rapidement l'ensemble de leurs corps lorsque le brun passait dans les couloirs. Oui, Renjun ne pouvait plus supporter cette jalousie, il en crevait. Peu à peu, chaque fait et geste du brun l'agaçait au plus au point et ce conservatoire était devenue le théâtre involontaire de sa lutte contre cette force qui le bouffait toujours un peu plus de jour en jour. Ne rien dire et se taire avait sûrement été la plus mauvaise idée qu'il eût pour tenter de contrer ce problème. Jamais la petite voix dans sa tête ne voulait se taire, elle ne cessait de lui murmurer d'atroces paroles qui le perdait peu à peu.

Contrairement au chinois, Donghyuck se sentait plus calme et sage que jamais. Persuadé de l'innocence de Jaehyun il considérait qu'il n'avait donc rien à se reprocher, sa seule combattivité pour le rôle d'aujourd'hui lui provenait de son chagrin. Yangyang, qui, ils le pressentaient tous, aurait dût interpréter le rôle d'Hyppolite, ne pouvant réaliser l'audition, il était donc logique que son âme et son désir soit porté par l'un de ses amis danseur les plus proches. L'audition d'aujourd'hui n'avait rien de commun, si leur professeur leur avait maintes et maintes fois répétés que le danseur était un pantin au service de l'art, Donghyuck découvrait qu'il l'était aussi au service de la vie réelle. Le brun portait en premier lieu le rôle de Yangyang sur ses épaules, pourtant ni lui ni sa vie ne faisait partie d'une quelconque fiction artistique. Prendre la place de Yangyang pour auditionner pour un rôle. Quel défi spectaculaire. Donghyuck adorait cela.

Placé au centre de la pièce, un pied l'un devant l'autre dont leurs pointes étaient chacune tournées rigidement vers l'extérieur dans une parfaite tenue de la quatrième position, le brun s'élança. Se remémorant son ami, ses gestes, son style et ses imperfections. Mêlant dans sa danse l'art de Yangyang et celui d'Hyppolite, un homme seul, triste et délaissé qui au fond, lui ressemblait étrangement. La douleur se lisait dans ses longs mouvements saccadés, néanmoins la douceur de ses traits venait trancher cela et rappeler l'amour merveilleux que partageait le jeune homme et la princesse Aricie. Le tout formait un bien étrange tableaux à la fois mélancolique et animé d'une force puissante, colérique, qui se propageait dans les cœurs de chacun, même celui de la professeur si sévère en les évaluant.

Celle-ci, abasourdie se laissa bercer par les courbes légères qui se dessinait devant elle, tentant de déchiffrer la mystérieuse histoire qu'elles renfermaient. Observant le jeune homme s'arrêter finalement, les joues rougis par l'effort et la respiration légèrement essoufflée, elle ne pût s'empêcher d'être traversé par un puissant sentiment d'admiration qu'elle n'avait pas ressentit depuis une dizaine d'années aussi loin qu'elle s'en souvienne. Donghyuck était parfait, il avait sût reprendre de Yangyang les gestes si spéciaux qui le caractérisait et en avait usé pour interpréter ce personnage si particulier en y ajoutant son propre style ainsi que ses sentiments personnels.

La professeur sourit, ravie. Renjun s'en mordit les doigts, crevant de jalousie.

*****

Mark se tenait à son bureau, sourcils froncés, ses doigts tapotant nerveusement sur sa table au même rythme que sa jambe droite qui frappait le sol inlassablement dans un mouvement mécanique. Sous ses yeux sombres s'étalaient une dizaine de lettres voire plus, provenant chacune du même auteur : ce cher corbeau. Parcourant les menaces, injures et fausses accusations de maltraitance sur le bun depuis quelques heures désormais, le canadien avait un but bien particulier en tête, ne cherchant pas à s'encrasser les neurones volontairement. Au sein de ces lettres de journaux découpées et collées grossièrement, il cherchait à lire entre les lignes, à comprendre les motivations,  et surtout s'il s'agissait d'une ou de plusieurs personnes cachées derrière ces lettres.

En effet il était aisé de dissimuler son écriture derrière plusieurs autres pour ne pas être découvert, cependant il était plus compliqué de s'éloigner drastiquement de son style d'écriture ou plus difficile encore, d'adopter le même, pareillement, en étant deux personnes différentes.

Face à sa feuilles de notes couvertes de gribouillis et de flèches en tous sens, Mark comprenait désormais le ressentit des personnages de ces séries policières américaines où ils créaient un immense tableau pour retracer l'ensemble de l'enquête et en comprendre les dessous. Quel casse-tête monstre était-ce une affaire de ce genre. Il désespérait de plus en plus d'obtenir des véritables résultats. Cependant la lettre découverte le matin même dans sa boite aux lettres venait de confirmer l'une de ses hypothèses : le corbeau était présent au conservatoire de danse et dans la vie de Donghyuck. Ce n'était pas un banal étranger qui se serait épris de lui au détour d'un couloir.

A cela on pouvait ajouter la malheureuse découverte du mobile du meurtre de Yangyang : "Yangyang a résisté un temps comme toi, il a tenté de s'éloigner, d'oublier, mais il était faible il a voulu parler alors j'ai décidé de faire parler de lui, dans un sens c'est un petit peu la même chose, tout diffère selon le point de vue." En lisant ces lignes écrites si légèrement comme on écrit celle d'une banale liste de course sur le comptoir de la cuisine, le sang du canadien s'était glacé dans ses veines. Bien qu'il lui manquait de nombreux éléments pour mieux comprendre en détail l'affaire, ce corbeau apparaissait naturellement comme quelqu'un de dérangé mentalement et il était évident qu'il cherchait là à lui faire peur pour qu'il s'exécute et abandonne Donghyuck.

Reposant sa feuille, Mark se laissa reposer sur le dossier de sa chaise, repoussant sa tête en arrière en soupirant. Ainsi son amant était la cible de tous ces tragiques évènements et le meurtre de Yangyang n'avait été qu'un dommage collatéral, pire encore, Mark était la prochaine cible. Pensif, le canadien savait qu'il était face à un dilemme des plus difficiles : devait-il en parler à Donghyuck ou laisser les choses intactes et continuer d'agir comme si de rien n'était ? Dans tous les cas il y risquait sa vie, le meurtrier ne semblant pas très à même de le laisser tranquillement fréquenter le brun.

Mark choisi la troisième option : en parler à la police pour protéger Donghyuck, à tous prix.

Je suis désolée le chapitre était près mais j'ai une journée difficile donc je l'ai complètement oublié

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