C H A P I T R E 𝟷 𝟾 ᵖᵗ ¹
Bakugou Katsuki était putain d'obsédé par Kirishima Eijiro.
Cette épiphanie n'en était pas vraiment une. Elle était affligeante et désolante, mais ce n'était décidément rien de nouveau. Il avait juste fini par l'admettre. Accepter cette délirante réalité.
Pourtant il n'appréciait pas, il n'aimait toujours pas tant que ça Eijiro. Ces termes étaient de toute façon trop symboliques, trop purs pour lui. Katsuki ? Aimer ? Il parierai que sa mère s'en étoufferait.
L'obsession, ça, ça lui ressemblait bien. Ça lui allait mieux. Plus vulgaire, moins accueillant, moins charmant. Une caractéristique dérangeante, perturbante. Que la plupart des gens trouvaient odieuse, anormale. Une spécificité sous appréciée qui lui allait très bien. À merveille.
Ce garçon, dont les pupilles rouges étaient à la recherche des siennes, le rendait dingue ; et c'était comme ça.
Ses cheveux tirés en arrière lui donnait un air différent, plaisant visuellement. Mais ses épis vermeils s'échappant de sa ridicule queue de cheval, en plus de ce petit sourire qu'il esquissait à chaque fois que quelqu'un le saluait, lui conservait ses traits juvéniles, naïfs.
Malgré la pénombre, nuancée par des lumières pourpres, dans laquelle étaient plongés toutes les pièces de la gigantesque baraque des Monoma ; l'entrée, elle, était bercée de douce lumière. Permettant seulement à Neito de distinguer de vue que pas trop de gens se tape l'incruste chez lui. Mais servant également à une partie des fêtards qui étaient branchés à côté de la gigantesque porte, à juger la marchandise.
Établir furtivement si l'individu qui venait de débarquer était un élève du lycée, et si oui de quelle classe. Mais surtout à jauger d'un rapide coup d'œil si ce nouvel arrivée en valait la peine, tous ces regards détournés.
Sans surprise, Kirishima le valait plutôt bien. Il avait fait tourné les têtes cinq secondes de plus que les trois autres tocards arrivés avant lui. Sous les feux des projecteurs pendant un temps si minimal qui ne l'avait sûrement pas remarqué, mais assez long pour que le blond, lui, l'aperçoive. Qu'il se rende compte que depuis le début de la soirée, où il était resté posté à la même place pour ne pas le louper, qu'il avait participé à cette émeute d'œillade. Et qu'il avait été complice de cet acte puéril jusqu'à qu'il soit le dernier à encore l'examiner.
Contrairement au rouquin, Katsuki était bien camouflé, en dessous de son sweat ébène qu'il n'avait pas quitté de la journée, à côté d'autres types habillés en noir qu'il connaissait juste de vue. L'obscurité de la pièce était en sa faveur, mais la musique qui pulsait faisant bouger des tonnes de corps, trahissait sa position de statue qu'il arborait depuis maintenant des heures.
S'être installé à la table des camés devait pourtant lui conférer le fière pouvoir d'être invisible. Personne ne te voyait, et personne ne voulait de toute façon te voir. Mais comme d'habitude, Katsuki faisait pivoter les cous, suscitait les chuchotements et alimentait les brefs conversations. Malgré toutes ses personnes apprêtaient pour l'événement, ses simples yeux rouges dressés à l'attente de croiser celui d'un certain seconde affolaient le monde sans le vouloir. Ses mèches encore plus dans tous les sens, ses gigantesques cernes violettes, et la énième taffe qu'il tirait dans sa bouche, recevaient ce public qui pouvait faire grincer des dents les jaloux.
Il avait une mine degueulasse, comme l'avait fait remarquer Neito, mais apparemment même sous la pire de ses formes Katsuki était toujours convoité. Il mentirait en disant que cela ne gonfler pas un peu son égo. Surtout qu'il se sentait comme une merde en ce moment. Un rat qui se glissait en dehors de son trou rarement.
Ou un peu comme un criminel qui sortait de prison après avoir été accusé d'homicide. C'était ce qui lui avait dit Camie plutôt dans la soirée avant d'éclater de rire : « Des gens pensent que t'as buté Shindo mais que le lycée t'as couvert. » Katsuki était sûr que ces rumeurs s'étaient propagées depuis la photo de Yo défigurée que cette tordue avait posté anonymement sur Insta, mais il n'avait rien dit à ce sujet.
Il trouvait juste que pour des rumeurs pareilles, les gens ne le trouvaient pas si terrifiant. Comme s'ils s'était tous transformés en Kirishima, et que plus rien de Bakugou Katsuki n'était si affolant.
En parlant de lui, il était toujours pas très loin de l'entrée. Il discutait brièvement avec Yaoyoruzu, Kendou, et une petite brune aux reflets violets que Katsuki était sûr d'avoir déjà vu. Eijiro souriait de toutes ses dents, son habituel main sur sa nuque qui perturbait sa coiffure. Il semblait assez excité pour quelqu'un qui ne comptait pas venir. Il s'était changé, troquant son cargo bleue de toute à l'heure contre un jean noir, et portant un simple polo de la même teinte, le tous accompagnés de ses fidèles Converses rouges qui paraissaient tout de même un peu plus blanches. Sa casquette s'était faite la malle, et un collier qui triturait entre ses doigts lui habillait le cou. Cette tenue lui donnait un bout de maturité, en plus d'un grain d'arrogance qui était bizarre sur lui mais qui lui allait pas trop mal. Le voir habillé si sobrement faisait demandé à Bakugou, qu'est-ce que le tout donnerait avec ses naturels mèches de jais.
Sur cette ridicule interrogation, le blond tira une dernière fois sur sa cigarette avant de l'écraser dans un cendrier, et de se lever discrètement entre les gens déchaînés dans tous les coins de la pièce.
— Lève-toi, on bouge.
La langue sur le papier qu'il s'apprêtait soigneusement à rouler, Hitoshi releva ses yeux d'un air consterné.
— Ça fait deux heures que tu veux pas bouger ton cul, et d'un coup ça te démange.
— Ouais.
Avec un sourire narquois, il sortit son portable avant même qu'il se mette à sonner. Timing parfait : L'abruti était écrit en gros sur son écran. Passant une main dans ses cheveux, Bakugou jeta un coup d'œil à Kirishima qui était maintenant entrain de converser avec ce clochard de Todoroki. Pendant qu'il avait son portable posé sur l'oreille droite, il gueulait dans la celle du bicolore simultanément. Entre plusieurs rires, il rappela mécaniquement le blondinet qui était trop occupé à observer tous ses gestes pour décrocher.
Il glissa de nouveau un œil sur son écran, avant de l'enfouir dans sa poche et d'attraper le bras de Shinso pour le lever. Dans un grognement chelou, le violet se décida enfin à le suivre. Tandis qu'ils raclaient les murs pour passer entre tous ses corps effrénés, Bakugou ordonna par dessus la musique :
— Appelle Kirishima et dis lui de nous rejoindre au grenier.
— Tu peux pas le faire toi même ?
— Nan.
Déjà qu'il ne savait pas vraiment ce qu'il lui était passé par la tête lorsqu'il lui avait dit ce « appelle-moi », fallait pas non plus abuser. Il n'allait pas prendre sa main, et danser avec lui bras dessus bras dessous.
En se faufilant entre la masse de monde pour enfin sortir de la principale animation de la soirée, les deux ados entrèrent dans un couloir exigüe où la musique était moins assourdissante mais était, de toute façon, camouflée par les bruits de succion des personnes qui se galochaient — ou plus, dans tous les coins possibles du corridor. Bakugou ne manqua pas de piquer à un verre à une meuf qui était trop occupé à aspirer la bouche de son mec pour le terminer. Il le reposa dix secondes plus tard sur une des commodes vidées de toutes décorations pour l'événement.
Le violet et lui tournèrent deux fois à droite, esquivant de justesse un gars qui gisait au sol entrain de taper sa meilleure sieste au milieu du passage. Pendant que Shinso était encore occupé à parler au tel avec Kirishima, Bakugou foutu un coup de pied au cadavre qui se réveilla de son sommeil à la douleur du geste.
— Neito m'avait dit te dire de buter personne, le cerné commenta à son égard.
Le blond ne s'embêta pas à répondre, enjambant les marches qui menait au grenier.
Il faisait bizarrement sombre à l'intérieur. La salle était légèrement éclairée par une vieille lampe qui avait l'air de vivre ses derniers instants, accordant une ambiance un peu épouvantable ou intime selon les regards. Elle était plutôt grande — rien d'étonnant vu le reste de la maison, mais tous les personnages de cette scène étaient concentrés au milieu, comme s'ils craignaient de délabrer le vieux papier peint déjà jaunis. Des canettes vidées traînaient dans un angle, deux paires de talons dans un autre ; et une différente musique planait dans la pièce. L'odeur de la beuh étouffait l'unique fenêtre ouverte, et la fumée qui allait de pair rendait les choses encore moins visible.
— Salut, les toxicos ! Camie, toute réjouit, les accueillit d'une voix trop aiguë.
Allongée sur le sol comme une dépravée, sa culotte rose était la première chose qu'on apercevait lorsqu'on posait les pieds au seuil de la porte. Sa robe était pas si courte que ça mais elle permettait de voir tous ce qu'il y avait à voir. Elle tenait un pétard entre l'empan de deux de ses doigts, et avait la tête posé sur les cuisses de Yoarashi Inasa, son bestie, comme elle aimait l'appeler quand Aoyama n'était pas dans le coin. Un terminal trop bruyant, rasé de près, qui faisait plus vieux de son âge si on demandait l'avis de Katsuki.
Pas loin, et aussi installés par terre, Neito collé à sa nouvelle copine : Setsuna Tokage. Une première année à la chevelure verte, qui avait été dans la classe de Katsuki l'année passée, et qu'il qualifierait de pas trop chiante. Elle avait une affection chelou pour les reptiles, mais il s'était bien marré en seconde avec elle. C'était déjà la meilleure conquête de Monoma depuis Kendou au collège. Une autre histoire...
Bakugou ne s'effara pas des salutations. Il s'installa en tailleur, contre le mur juste en dessous de la lucarne, il poussa du coude un objet inidentifiable sous un drap blanc. Et alluma un joint que Yoarashi lui tendit. Le temps que le bout du rouleau rougeoie fallut pour qu'il croise enfin le regard tant convoité de Kirishima.
— Salut !
Tandis que le cendré trouva que son sourire était un peu trop rayonnant pour l'heure qu'il était, le rouquin entra, ses doigts coinçant une des ses mèches grenats derrière son oreille, et ses yeux s'égarant comme d'habitude un peu partout. Derrière lui, la tête toujours aussi perchée de Todoroki apparut. Le terminal s'exclama joyeusement en le voyant, ils se connaissaient depuis gosse ou un truc du genre.
— Est-ce que c'est une réunion top secrète ?
Pendant une seconde, tout le monde regarda ce con dont le mot "perchée" n'était finalement pas assez fort pour le décrire. Ses joues rouges, et sa posture plus détendu faisait comprendre qu'il avait tout simplement juste abusé de la bouteille, mais Katsuki aimait bien le traité de tous les noms gratuitement.
— Traduction, Setsuna prit la parole, il demande s'il peut rester.
Pour le bonheur de tous, ces deux là étaient dans la même classe. Donc en plus d'Inasa, la verte avait aussi un genre de dico-Shoto intégré. Utile même en cas de symptômes graves.
— Poses tes jolies fesses vanille-fraise, la terminale tapota le sol, pourquoi est-ce qu'on te dégagerait ?
— On se coltine bien Katsuki, alors on peux te garder sans problème.
— Ta gueule Neito.
— Assis-toi aussi, Eijiro.
Il hocha la tête, jouant toujours avec ce foutu collier. Maintenant qu'il était plus près, Katsuki discernait bien ce petit "E" qui se balançait au bout de sa chaîne d'argent.
Avec Todoroki et le rouquin maintenant installés, ils formèrent un drôle de cercle, compensé par les jambes de la châtaine qui ne voulait décidément pas se redresser. Kirishima était assis entre Todoroki et Setsuna — dont il fit brièvement la connaissance par le biais de Monoma. Utsushimi ne fit pas autant d'effort en présentant Yoarashi d'un simple « Tu te rappelles ? Je t'avais déjà parler de lui. ».
Pendant tous ce bla-bla inutile, Bakugou replia ses jambes contre lui, admirant presque avec fascination la façon dont Kirishima procédait à parfaitement éviter son regard alors qu'ils étaient littéralement face à face.
Le rouquin, de son côté, était plus tendu qu'il ne l'imaginait. Il avait bien fait d'emporter Todoroki avec lui, parfait moyen pour un peu détourner l'intention de tout le monde. Enfin, à part celle de Bakugou qui semblait ne pas le lâcher du regard. Pas sûr, étant donné qu'il n'osait pas vérifier.
Kirishima avait un peu hésité à venir en réalité. Il avait été certes, excité par la proposition de Bakugou, mais surtout inquiet de ce sourire diabolique qu'il avait arboré. Pourquoi toutes les actions de ce type devaient s'accompagner de cette facette peu rassurante ?
Mais bon, le blond là semblait porter son costume d'asocial et ronchonneur. Du coup il était moins bavard, mais quand même plus abordable, alors le carmin se détendit un peu.
Il y avait des chances qu'il passe une bonne soirée.
— Donc...le bicolore commença, quelle est l'animation de cette salle ?
— Setsuna ?
— Il demande qu'est qu'on fout ici.
— Rien, on traine c'est tout, Shinso répondit.
— Pourquoi ici et pas un autre lieu ?
— Tu compte poser tes putains de questions toute la soirée ?
— Non, pas spécialement, mais est-ce que c'est vrai que Yo Shindo est mort ?
Camie et Neito explosèrent de rire, et Hitoshi souffla du nez également amusé. Shoto était vraiment un être à part.
— Nan mec, malheureusement, il est bel et bien vivant, Eijiro lui répondit un sourire au coin.
— Ah oui ? J'pensais que Bakugou était en cavale et qu'il se cachait chez Monoma.
— Ta gueule.
— Tu t'apprêtais à le dénoncer au flic ou quoi ? Inasa railla.
Après une petite réflexion, Shoto haussa tout simplement les épaules qui causèrent l'hilarité générale, sauf de Katsuki qui comprenait pas leur humour claqué.
— Ferme là un peu, et parle nous de ton père : le vrai criminel.
— C'est un crime de faire des détournements de fonds ? Camie demanda.
— Nope, Setsuna rebondit, plutôt un délit.
— Et brûler sa baraque avec ses gosses à l'intérieur ? Katsuki demanda, provocateur.
— Ton père à brûler ta maison ?! Eijiro s'exclama.
— Non, c'était en réalité ma mère, elle ne savait pas qu'on était dedans.
— Comment elle pouvait pas savoir que vous étiez dedans ? Hitoshi commenta d'un marmonnant peu convaincu.
— Pour revenir à mon père, Shoto ignora la question, Bakugou a raison, c'est un criminel qui a encore réussi à échapper la prison. Mais mon frère a repris les choses en main, pour—
— Frankenstein ou la reine des neiges ? Neito le coupa.
— Hein ?
— Lequels de tes frères, la verte fit encore son boulot de traductrice, la rockeur ou le neuneu ?
— C'est quoi un neuneu ?
— Touya ou Natsuo ? Inasa explicita.
— On s'en branle de toute façon !
— T'es jaloux parce ton père est un agneau sans histoire, Camie pouffa.
— Et le tien est inexistant.
— C'est plutôt celui d'Hitoshi, elle jaugea d'un timbre moqueur.
— Me mettez pas dans vos clashs.
Mais trop tard, ils étaient tous les deux mort de rire, sûrement un peu aussi dû à la tonne de choses illicites qu'ils avait ingéré durant cette soirée. Kirishima checka son téléphone : minuit était passé depuis longtemps, qui sait le taux de trucs louches qui devait parcourir leur sang. Ce détail à part, le carmin était surtout agréablement surpris de voir Bakugou se laisser aller, le voir entouré de ses potes était différent de lorsqu'ils étaient seuls tous les deux.
— Kirishima, à ton tour, parle un peu ton père, ta famille, Monoma l'interpella.
— Hein ?
Il sursauta presque à la réplique, décrochant ses iris de l'authentique sourire de Bakugou. Son plan pour passer inaperçu venait déjà de faillir.
— Moi ?
— T'es un peu comme le nouveau de la bande, Hitoshi blagua.
Il décapsula une bière qu'il sortit de nul part pour lui tendre, mais le rouquin la refusa en secouant la tête.
C'était exactement ce qu'il craignait qu'on lui dise. Être le petit première année avait plein d'avantages, mais aussi quelques inconvénients. Pas qu'il n'appréciait pas partager à propos de sa vie banale, il sentait toujours cette dose de sérotonine lorsqu'on y s'intéressait. Mais entouré de tous ses lycéens qu'avaient l'air d'avoir une vie cent fois plus palpitantes que la sienne, lui donnait l'impression d'être carrément ennuyant.
Pour des raisons logiques, il ne voulait précisément pas, non plus, aborder le cas de son père.
— On sait vraiment que dalle de toi, maintenant que j'y pense.
Camie se redressa enfin, comme excitée de savoir la vie de son petit kohaï préféré sur le bout des doigts.
— C'est vrai que même au club, il ne nous dit pas grand chose, Todoroki affirma.
Traître, Kirishima pensa, prenant une grande gorgée de la canette de sprite que Shinso venait de lui donner.
— C'est juste que y'a pas grand chose à raconter, il répondit enfin, se grattant la joue.
Alors que Tokage semblait changer la musique en fonction de son humour, le menton de Neito sur son épaule, et qu'Inasa et Shoto avait une légère discussion à part ; Eijiro, lui, avait l'impression d'être un comique sur scène dépourvu de toutes ses blagues drôles, fondant sous les yeux globuleux de ses spectateurs.
Il jeta un œil au joint que Shoto accepta de prendre à Inasa. Peut-être qu'il devrait tester lui aussi, rien qu'un peu. Juste de quoi se détendre.
Toutefois, avant même de se conforter dans son idée d'un « y'a un début à tout » , il pouvait voir la déception de sa mère si elle apprenait qu'il s'était laissé tenter par ce genre de truc dans une supposée soirée qui ne devait normalement pas dépasser les dix participants.
Il abandonna donc l'idée restant interdit, avec cette impression bizarre que s'il restait silencieux assez longtemps on oublierait sa présence. Mais Katsuki, qui était toujours là à le fixer, interrompit toutes ses réflexions :
— Allez raconte nous ta vie, le seconde.
Être appelé "le seconde" sonnait tellement bien avec les habitudes de paroles du cendré, qu'Eijiro trouva ça un peu bizarre qu'il ne l'ai jamais appelé ainsi auparavant. Il espérait quand même que ça soit juste un surnom de passage : ça sonnait étrangement audacieux, créant une distance absurde entre eux. Comme si c'était la première fois qu'ils s'adressaient la parole.
Mais bref.
On lui demandait de parler de son père, et c'était ça qui devait l'affoler le plus. Pas juste avec sa famille, mais il ne parlait drastiquement de son père à personne. Qu'est-ce qu'il y avait à dire de lui de toute façon ? À part "il s'est pendu y'a cinq ans, ma mère n'arrive pas à s'en remettre et j'crois que ma sœur le déteste".
— Mon père est juste un type banal.
Il lâcha comme une évidence, se convainquant presque de ses propres paroles.
— Du genre abandonner ses momes et sa femme ? la deuxième année ironisa.
— Non, enfin...
Kirishima mordit le bout métallique de sa boisson, d'un coup songeur. Dans un sens, elle n'avait pas tort.
— Il s'est tiré ? Shinso demanda.
— Euh...ouais ?
Bizarre. Sa voix avait monté d'un octave. Il ne mentait techniquement pas, pourtant on dirait qu'il le faisait. D'un simple coup d'œil, se sentant décidément pas à l'aise, il pouvait constater que personne n'avait l'air de l'avoir remarqué.
— Il a trompé ta mère ? Camie ricana, étrangement amusé.
— Euh non...
— Qu'est-ce que t'en sais ? Katsuki scanda, un peu trop attentif au goût d'Eijiro, peut-être qu'il s'est tiré avec sa secrétaire et qu'il a d'autres gosses maintenant. Il en a peut-être même un de ton âge.
Ce rictus qu'il ne lâchait pas, se faisait de plus en plus grand sur ses lèvres un peu roses. Le rouquin n'aimait décidément pas ça.
— Comment s'est possible qu'il ait un enfant du même âge que Kirishima ?
Tout le monde ignora la question pas très futé du bicolore, même le carmin qui répondit d'un sourire gêné à Bakugou :
— Il taffait dans une boîte de mécanos, alors y'avait pas beaucoup de femme dans les parages.
— Alors il se tapait un mec, le cendré haussa des épaules.
Les autres se mirent à rire à ce commentaire, à part Todoroki qui cherchait encore une réponse à sa question, et Bakugou qui analysait toutes les réactions du garçon en face de lui.
— Peut-être que ton père était un de ses mecs qui découvrent leur véritable sexualité genre vingt ans plus tard, Setsuna théorisa tranquillement.
— Ça existe un truc pareil ? le terminal questionna.
— Comment tu peux prendre vingt piges à te rendre compte que tu veux baiser des gars au lieu de meuf ? Camie poursuivit.
— Ou les deux, Neito rectifia.
Tous les yeux étaient tournés vers le rouquin comme s'il détenait toutes les clés décelant les mystères de la sexualité. Eijiro n'était pas vraiment vexé de tous ses commentaires. Mais des questions qu'il ne s'était jamais posées à propos de son père naviguaient dorénavant dans son esprit.
Parfois, il l'avait l'impression qu'il n'avait jamais vraiment existé. Comme une sorte d'entité, qu'il n'était pas réel. Que ses souvenirs avec lui avait été inventé par une tiers personne, que l'homme sur les photos tant chéries par sa mère était un imposteur.
Un type qui l'a fait versé des larmes que même un océan ne pourrait se permettre de débarrasser.
Un type qui avait osé se suicider le lendemain d'une dispute avec sa sœur, comme pour la blâmer de la corde qui s'était mis au cou.
Un type qui était parti sans un mot, sans un signe, dans un mutisme affolant et absolu.
Un salop.
— J'ai envie de pisser.
Et il était sur ses deux jambes la seconde qui suivit. La musique s'était coupée parce que Tokage eut le réflexe étrange de la stopper en regardant le carmin. Sa voix avait été encore bizarre, comme si ses cordes vocales s'étaient emmêlées par des noeuds irritants.
Cette fois-ci tout le monde remarqua.
— Ça va ? Neito se redressa comme s'il s'apprêtait à l'accompagner.
— Ouais j'ai juste...trop bu de canette.
Eijiro conclut sa phrase d'un petit rire car il semblait un peu trop solennel pour quelqu'un qui comptait juste vider sa vessie. Il se dirigea vers la porte, adressant un dernier regard à Katsuki malgré lui.
Il ne souriait plus.
Mais ses yeux le sondait comme si c'était la première fois que le rouge de l'autre se croisait.
— Moi aussi, j'ai envie de pisser.
Bakugou déclara à son tour, se levant et glissant son joint dans le creux de son oreille. Deux pas suffirent pour qu'il soit au niveau du carmin. Ses pupilles ne le quittaient plus, et son rictus était de retour comme si sa disparition n'avait été que le fruit de l'imagination du seconde.
Kirishima le sentait mal.
Le blond lui prit le bras d'une façon à croire qu'il venait d'entendre ses pensées. Ses doigts l'agrippaient presque gentiment, et ses pansements avaient été changé. Bakugou approcha son visage du sien, son nez collant presque la joue du carmin. Pas le temps de réagir que le cendré lui chuchota :
— Bah alors, tu viens.
Sa voix avait été terriblement douce et suave.
Kirishima avait senti les battements de son cœur s'accélérer.
——-
Je poste que la 1ère partie pour l'instant pcq d'après mes rapides calculs vous auriez eu le chap complet dans deux/trois bonnes semaines haha.
Bref j'espère qd même que ça vous a plu !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top