C H A P I T R E 𝟷 𝟻




Le rouge du sang coulait.

Le rouge des portes l'égouttait.

Le rouge au sol pavanait.

Mais c'était le rouge de Kirishima Eijiro qui l'envahissait.

Est-ce que Katsuki se sentirait mieux s'il se décidait à lui crevait les yeux ? Ou au contraire, il faudrait qu'il les matte encore et encore pour se sentir soulagé ?

Il se demandait, s'interrogeait. Réfléchissant au problème comme si cela résoudrait tous les siens. Comme si Eijiro était le moyen d'enfin obtenir un dénouement à toutes ses emmerdes.

— Pourquoi est-ce que tu me butes pas ?

Le cendré recracha la fumée de sa nicotine, ses pupilles figées sur le liquide pourpre qui parcourait le sol élimé. De ses jambes repliées, il était assis sur le trône des toilettes, dans la cabine située tout au fond. Ses doigts égratignés et déchirés, tremblaient de ce simple mouvement qu'était de coincer sa cigarette dans sa bouche. Il consumait son tabac au gré des battements de son cœur, le filet blanc qu'il échappait d'entre ses dents sillonnant son espace acrimonieux et impacté de son châtiment houleux.

Il avait mal aux mains, et mal à la tête aussi — la migraine le rattrapait toujours à chaque fois qu'il se défoulait trop, qu'il en faisait trop. Comme si son cerveau lui intimait qu'il commençait à s'approcher d'une limite qui n'avait pas à être franchi.

En aucun cas.

— Moi, je t'aurais buté, Yo continua, ses syllabes molles et noyés sous la marre de sang qui coulait de ses lèvres déjà enflées.

Katsuki l'ignora plus à cause de son esprit éperdu, qu'intentionnellement. Les paroles de Yo brouillaient dans ses oreilles, sifflaient, comme un écho lointain inondé par des milliers. Minimiser au centre de ses pensées vacantes, gambadant au rythme de la fumée qu'il expulsait.

— J'pensais pas que t'étais aussi rancunier, le terminal toussa durement, j'pensais que t'avais compris pourquoi je t'avais fait ça, et que t'étais passé à autres choses, il se mit à rire amèrement, l'animosité trahissant sa réplique sympathique.

Katsuki regardait une partie de ses bracelets qui s'étaient pétés et avaient fini submergé dans le liquide carmin. Ses yeux dérivèrent sur ses bras moins couverts, camouflés du monde. Ses cicatrices grignotaient tellement sa peau qu'il avait l'impression qu'elles rongeaient également l'intérieur de sa chair et marquaient le cartilage de ses os, telle une malédiction fataliste et calamiteuse qu'il s'était infligé à lui-même. Toutefois, sa chemise, retroussée jusqu'aux coudes où quelques points écarlates parsemaient la couture, cachait le pire. Ce pire qu'il n'avait même pas montré à Kirishima.

"Même pas." Alors qu'il ne montrait rien à personne.

Quelle ironie.

Les cicatrices du collège, les petites et légères qu'il avait laissé le rouquin apercevoir —même s'il avait plus été attiré par ses mutilations— , s'évanouissaient une par une. Tandis que les celles qu'il s'était infligé, elles, demeureront à vie. Jusqu'à son dernier soupir.

Il s'était mutilé pour combler la douleur des coups, mais les coups fanaient de son épiderme, tandis que les siens persistaient.

C'était du putain de foutage de gueule, hein ?

Bakugou se mit à rire à la constatation. D'un rire cru d'émotion mais vibrant d'une infinie faiblesse.

Il se leva des toilettes, balança son rouleau dans la cuvette, et sorti de la cabine. Juste devant lui : Shindo gisant au même endroit où il l'avait laissé. Il s'était adossé au carrelage du mur froid et miroitant du désastre que le cendré avait causé.

Shindo avait l'air pathétique.

Plus que lui.

Et c'était cool.

Le cendré peigna de sa paume légèrement tremblante et ensanglantée sa crinière, et s'approcha du terminal pour s'accroupir. Il colla ses doigts entre eux, signe de réflexion, avant de déclarer simplement :

— J'te casse la gueule encore un peu, j'te prends en photo comme trophée personnelle, et après ça, on est quitte.

Le blond leva les yeux vers le brun, qui avait un petit rictus au lèvre. Il avait l'air de le haïr, d'avoir un profond dégoût pour sa personne.

Et c'était parfait.

Les rôles s'inversaient.

— Ça te va ? Senpai.




✧✦✧



Bakugou s'était fait exclure.

Et bizarrement, c'était un peu comme si la boucle avait été bouclé. Dire que Kirishima avait été surpris aurait été un mensonge, mais déclarer qu'il s'y attendait aurait été un autre.

Bakugou avait dépassé les bornes, et la sanction avait naturellement suivi la gravité des choses.

C'était ce que la raison du carmin pensait sincèrement. Mais son cœur, toujours plus indulgent pour les belles perles roussâtres du blond, voulait démentir, contredire. Réfutez cette décision logique mais écrasante.

Sur ce monologue intérieur honteux et pathétique, Kirishima avait continué à écouter poliment Utsushimi s'extasier sur la plus grosse bêtise que Bakugou avait fait, à sa connaissance, de toute sa vie. Il se rencontrera bien vite à l'arrivée de Monoma et Shinso.

Ils étaient venus avec assez de nonchalance et très peu perturbés, comme si ils n'avaient pas tout deux passés des longues minutes barbantes, installés sur les chaises inconfortables du bureau du provisoire. Rien de concret n'avait été trouvé, donc prouvé pour les blâmer ou les accuser de complicité. Katsuki avait bel et bien envoyé à lui tout seul Yo à l'hôpital, même si cela pouvait surprendre certains.

Mais quel élève de Yuei avait été vraiment ébahis à la nouvelle ? Katsuki se trouvait être une brute, et Yo était connu pour être un salop. Sans même prendre connaissance de leur passé commun, la totalité des étudiants auraient pariés qu'ils se fritteraient un jour.

Yaoyoruzu et Kendou (que Kirishima rencontra à la minute où elle apparut devant lui) les avaient toutes deux rejoint dans leur conversation animée, suite à la demande express de Monoma, qui d'après lui, auraient des choses interessantes à leur dire. Après les salutations banales, et une petite chamailleries entre Kendou et Monoma. Ils attaquèrent le plus important.

— Ce n'est pas totalement sûr que Bakugou soit exclu, la brune avait alors déclaré.

— Notre proviseur est un incompétent, Kendou avait ajouté avec beaucoup de flegme à son tour, il a tellement l'habitude de se reposer sur Sir Night, qu'il est même pas en mesure de gérer une procédure d'exclusion tout seul.

— Normalement, Yaoyoruzu avait poursuivit, on renvoie pas directement chez lui un élève, et surtout, on ne vire pas des élèves sur commande.

— Malgré la gravité de l'acte de cet imbécile, il doit avoir un genre de conseil de discipline pour juger sa "punition".

— Vu qu'on est toutes les deux représentantes des premières années, on est parti voir le proviseur pour lui en parler.

— Il a carrément paniqué, la rousse s'était moqué, peut-être parce que des élèves connaissaient mieux son taf que lui.

— Du coup à la hâte, il a décidé que le sort de Katsuki sera décidé à la rentrée des vacances, quand Sir Night reviendra.

— Mais bon, l'autre ado avait ajouté, faut pas rêver, déjà que si on part du principe que même si Momo et moi on tente de le défendre, y'aura aussi Iida qui, lui, fera tous pour le démonter. Et de toute façon, il y a 90% de chances qu'il se fasse virer, ou il connaîtra la sanction du siècle.

— Et même si ils lui donnent une dernière chance, il faudrait que Bakugou écrive une lettre d'excuse à la fois au lycée, mais aussi à Shindo...

— Et ça c'est-

— Mort, Eijiro avait interrompu, il ne s'excusera jamais auprès de Shindo.

Ce fut ainsi que tous les espoirs du rouquin avait fini par être annihilés sans même avoir eu le temps de fleurir, et qu'il en était revenu à son même point départ :

Yuei, c'était fini pour Bakugou Katsuki.

À la fin de leur conversation, il avait demandé l'adresse du blond à ses deux compères, car plus qu'une simple envie, Eijiro ressentait carrément le besoin de voir Katsuki.

Le fait que le première était viré se trouvait être un sujet déjà assez remarquable à lui tout seul, mais de savoir comment il se sentait après s'en être enfin pris à cette personne qui avait l'air de l'avoir brisé de l'intérieur, en était un autre. Il fallait alors qu'Eijiro voit son état. Analyse ses mots, et ses gestes. Juste pour s'assurer qu'il allait bien. Qu'il allait mieux.

Ça devenait vitale.

— J'te rappelle que t'es privé de sortie, Aki avait déclaré avant qu'il passe les portes de sa maison.

— Dis à maman que j'traine chez Tamaki !

— T'es chiant.

Ouais. Il était chiant. Il se saoulait tout seul à force, se sentant un peu dépassé par son propre esprit trop téméraire. Il avait l'impression d'être submergé dans un tourbillon tellement virulent que la seule solution pour y survivre, était d'y rester.

Pendant tout son trajet, où le Soleil commençait à roupiller dans le ciel, et où la chaleur suivait son énergie dans son somme, il appréhendait sa conversation avec le blond.

Que dire ? Comment le dire ? Pourquoi faire ? Comment interagir ?

Et est-ce que ça sera la dernière fois ?

Sans qu'il n'arrive à l'estomper, une certaine panique frétillait dans sa tête.  Il se mordait sa lèvre plus que d'habitude, bougeait étrangement ses mains pour combler sa soudaine envie de bouger, et faisait des têtes étranges, son cerveau trop occupé pour contrôler son faciès.

En autres mots, Kirishima était affolé.

Ni Shinso, ni Monoma, ni Utsushimi. Personnes ne semblaient alarmer de l'exclusion de Bakugou, alors que lui avait l'impression qu'il était au bord de l'implosion, qu'une partie de lui se déchirait lentement rien qu'à l'idée insufflée de ne plus voir le blond. Cette simple constation l'agitait encore plus.

Parfois, il regrettait.

Il regrettait d'avoir apporter à Bakugou tant d'importance, tant d'estime, et tant d'émotion. N'aurait-il pas mieux valut qu'il s'en tienne à ses regards discrets et agités ? Que voir Bakugou ne soit pas plus que le bonheur d'une fin de journée épuisante. Que malgré ses tonnes de questions qui remuaient dans sa tête, que cela n'ailles pas plus qu'une curiosité singulière, et résultat d'un bas égard de soi-même.

Même s'il était trop tard, Kirishima regrettait.

Il se sentait asphyxié par sa propre soif de réponse, et son hallucinante compassion.

Si seulement...parfois il se disait.

Et maintenant comme pour le punir de ne pas avoir autorisé son esprit à se libérer de l'emprise de Bakugou, il subissait la tristesse de son départ. Tous ça mêlés à ce fichu sentiment d'impuissance, et ce regret profond de ne pas avoir interféré entre Katsuki et Yo. Eijiro avait finit par en être fou de rage.



✧✦✧



Les lumières fluorescentes, qui brillaient sur le trottoir proie au manque de Soleil, épousaient le visage confus et très peu assuré du rouquin. Son air troublé trahissait sa certaine appréhension, et le mouvement de foule happait sa concentration.

Rien à voir avec une baraque familiale, il s'était retrouvé devant le Plus Ultra.

Une équation s'était malheureusement rajoutée au problème : D'après le message de Shinso, Bakugou avait décidé, après son exclusion (qui ne semblait pas le toucher plus que ça apparemment), de quitter sa piaule pour traîner dans l'enseigne quelques jours.

Autrement dit, il avait fugué de chez lui.

Kirishima relut le message, ne sachant pas franchement comment réagir. Et en se demandant — comme sa sœur l'avait suggéré la dernière fois, si le cendré n'avait pas finalement quelques soucis de famille.

Le rouquin rentra alors dans l'enseigne sans plus de chahut. C'était à l'intérieur, de toute façon, qu'il détiendra des réponses.

Si Bakugou daignait à lui en fournir.



✧✦✧



L'escalier qui menait au premier étage du Plus Utra, semblait plus à l'étroit que d'habitude. Comme si les parois se rapprochaient un peu plus à chacun de ses pas, Kirishima avait soudainement besoin de plus d'air. Plus de courage.

Son avancée hésitante était camouflée derrière le bruit de la masse de monde dans l'établissement. Le rouge aurait pu parié qu'il n'avait jamais vu autant de monde à l'intérieur depuis la première fois qu'il y avait mis les pieds.

L'effet de fin d'exams, peut être ?

Il aurait pu, lui aussi, profiter des extasies de ses fins d'examens, se prélasser de son cœur enfin calmé, et profiter un peu plus de ses camarades avant les vacances qui approchaient.

Mais non, à la place, le rouquin arriva enfin au seuil de la porte du premier étage du Plus Ultra, se confrontant à la carrure blindée et imposante de celle-ci. Il déglutit alors, posant sa paume sur la surface froide de la poignée.

Mais l'enleva aussitôt, pas très confiant.

Peut-être qu'il valait mieux qu'il vienne un autre jour, à une autre heure ? Quand Hitoshi et Neito seront là de préférence. La dernière fois qu'ils s'étaient retrouvés à discuter avec Katsuki, Eijiro s'était mis à dire des trucs bizarres. Et il ne voulait absolument pas que cela se réitère.

Demain, il hocha la tête pour lui même, ça sera sûrement mieux demain.

Il fit alors demi-tour, sortant mécaniquement son téléphone pour éviter de penser à l'acte lâche qu'il était entrain d'effectuer.

Mais on l'arrêta.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Le rouquin sursauta. Une voix petite mais pénétrante, un ton lourd et édifiant. Pas de doute à avoir.

C'était monsieur Aizawa.

Kirishima tressaillit rien qu'au moment où il rencontra ses petits yeux perplexe. Ses bras étaient croisés sur son torse, et la moitié de sa tête était dévorée par sa grande écharpe blafarde. Le lycéen n'était pas sûr pourquoi (peut être parce qu'il avait des airs cadavériques, qu'il se déplaçait aussi bruyamment qu'une ridicule souris, et qu'il était persuadé qu'il s'agissait en réalité d'un cousin éloigné de Dracula) mais Aizawa Shota le terrorisait.

— Pourquoi est-ce que tu descends ? Tu m'as demandé si tu pouvais monter pour voir Katsuki, non ?

— Euh...oui, le garçon se massa la nuque, mal à l'aise.

— Alors, est-ce que votre entrevue est finie ?

— Non...pas vraiment, il admit.

— Est-ce que votre entrevue a commencé ?

— Non plus, Eijiro marmonna, détournant le regard.

— Alors ouvre cette porte.

— Oui monsieur...

Aizawa détenait un genre de pouvoir maléfique, ou juste une assurance perturbante, qui permettrait sûrement de faire s'avachir la reine d'Angleterre elle-même. C'était comme un sortilège bizarre qui l'accompagnait en permanence, et forçait quiconque à avoir une forme de respect envers lui.

— J'suis sûr qu'une bonne discussion vous sera tous deux bénéfiques, il ajouta.

Mouais.

Kirishima n'était pas très convaincu, mais les vampires étaient des créatures dotées de bonnes intuitions, non ? Et de toute façon, c'est pas comme si Katsuki allait le manger.

Sur ces pensées plus ou moins réconfortantes, il ouvrit alors la porte, captant du coin d'œil l'homme redescendre des escaliers.

Est-ce qu'il était venu jusqu'à ici pour s'assurer que le carmin ne fasse pas marche arrière ? Est-ce qu'il ressemblait tant que ça à un looser ?

Si son moral ne s'était déjà pas préparé à affronter le monstre qui se trouvait derrière la porte, Eijiro aurait pu faire la tête pendant des jours entiers juste à cause de cette supposition.

L'ado se reconcentra pour se tourner vers la salle dont il venait de libérer l'accès. Il vit alors un jeune garçon aux mèches platines, assis à même le sol, lunettes à la branche noire sur le nez, entrain de lire un livre, adossé au pied du canapé.

Le rouquin eut un mouvement de recule.

Il ne connaissait pas cette homme.

Enfin, il avait plutôt zappé la tête de Bakugou lorsqu'il se la jouait intello.

Cette clairement pas la facette du blond à laquelle il s'était préparé à opposer, mais il n'allait pas non plus s'en plaindre...

Il faisait sombre à l'intérieur de la pièce, la télé, le frigo, le baby-foot et le reste des meubles étaient recouverts d'un empreint foncée, victimes de la nuit qui s'annonçait. Cette obscurité contrastait avec ce faisceau de lumière qui s'échappait de la fenêtre pour illuminer son acteur principal. Bakugou en était alors illuminé, resplendissant autant de sa beauté naturelle, que la beauté que le monde faisait tout pour ressortir.

Les carreaux de ses lunettes s'associaient parfaitement à son nez souvent retroussé, épaississant ses cils courts et recourbés, et rendant profondément plus rouge ses iris déjà vermeil. Il portait un large tee-shirt couleur corbeau, dont les manches s'arrêtaient à la limite de ses coudes. La plupart des accessoires qui enjolivaient ses bras avaient disparu, laissant à découvert ses erreurs regrettées.

Salut, avait voulu dire Kirishima. Mais il se freina d'un coup déstabilisé, prit dans un soudain ébranlement, comme si il venait de se remémorer du certain charisme du blond, de nouveau frapper pour la première fois de son charme bouleversant. Le même qui rendait ses émotions instables, il y a quelques mois de cela, lorsque son wagon était bourré de monde mais que ses pupilles ne pouvaient échapper à ce type envoûtant.

Salut, semblait alors d'un coup trop simple, trop facile. Pas assez conçue et convenue pour saluer Bakugou.

Donc, à la place, il rentra dans la pièce silencieusement, sa cervelle finalement peut-être pas encore tout à fait prête à combattre. Mais cela importait peu, car combler sa volonté de partager un (peut-être) dernier moment avec le deuxième année était plus fort que tout dorénavant. En refermant la porte derrière lui, il se déchaussa alors rapidement.

Il s'installa en tailleur face à l'autre garçon, un sourire gêné et moins radieux qu'il aurait voulu prenant possession de ses lippes. Il dévisagea pendant des longues secondes le visage de l'adolescent, se demandant jusqu'à quand il fera semblant de ne pas le voir. Après presqu'une minute, Eijiro se demanda si le blond ne l'avait vraiment pas remarqué, ou si il était juste très bon pour déporter son intention.

— Elle est où ma bouffe ? Katsuki demanda abruptement, d'un timbre plus aiguisé que d'habitude.

Il ne bougea pas d'un poil, et ne lança même pas un regard sur sa personne, captivé par sa lecture. Est-ce que c'était vraiment ce mec qui avait peté une dent à son camarade ?

— J'suis à sec, le rouquin déclara tout aussi promptement, jouant avec le bout d'un fil s'échappant de sa chaussette, je t'en achèterait la semaine pro'.

Même si le marché ne tiendrait plus vraiment si Katsuki se faisait virer.

Le deuxième année laissa Eijiro seule avec ses pensées comme réponse, continuant à parcourir les lignes de son ouvrage posément. De son côté, le rouquin glissa son regard sur l'épiderme tailladé du blond, gêné de revoir avec tant de facilité ces marques que Katsuki s'était efforcé à dissimuler.

— Utsushimi m'a montré la photo de Shindo que tu lui avais envoyé, tu l'as vraiment massacré, le rouge tenta, détournant ses yeux sur les verres limpides du garçon.

Le cendré ne réagit toujours pas.

Génial, il l'ignorait.

Est-ce que c'était mieux que lorsqu'il lui gueulait dessus pour un rien ? Pas sûr.

C'était moins rassurant d'une certaine façon. On pouvait encore moins deviner ce qui lui passait derrière la tête. Peut être qu'il avait juste besoin d'être seul ? Mais est-ce qu'il ne lui ferait pas comprendre si c'était le cas ?

Kirishima s'approcha un peu plus de Bakugou, raclant le sol de son bermuda vert kaki.

— Est-ce que tu vas bien, au moins ?

Silence.

Le rouge, plus embêté que réellement irrité, s'avança alors de quelques petits centimètres de plus, faisant discrètement ramper ses doigts sur le dos de la couverture rugueuse du livre du blondinet. Il attrapa audacieusement la tête de la tranche des pages, pour abaisser le bouquin.

— Casse toi, Bakugou délia enfin la langue, déjà agacé, tentant d'enlever l'objet des phalanges de l'autre garçon.

— Comment tu vas ? le rouquin nullement impressionné se répéta.

Il descendit encore plus le livre, le libérant presque des mains du blond. Et il approcha son visage de façon à ce que Bakugou n'eut d'autre choix que de le regarder lui.

Uniquement lui.

— Réponds juste à ma question mec, après promis, je me tire.

Le rouquin souffla sincèrement, assez en paix avec cette supposée fin de discussion. L'avoue du ressenti du blond suffirait quelques peu à choyer son cœur assoiffé d'émotion.

Katsuki leva les yeux sur lui, contrairement à leur teinte atypique, ils étaient froids, glaciales, aigres et apathique. Sa joue était éraflée, le coin de sa lèvre prolongé, et une de ses arcades sourcilières était pansé.

Shindo ne s'était pas laissé faire apparemment. Quoi plus de normal après tout. Néanmoins, cette expression courroucée que Bakugou arborait, ayant lui pour destinataire, ne rentra pas dans les critères de normalité de Kirishima.

— Quoi ? le rouquin lâcha alors, exaspéré.

Le blond ne répondit pas, observant cet abruti à la touffe rouge, aux yeux rouges, et au stupide teeshirt rouge.

Rouge, rouge, rouge.

Cette couleur lui brûlait les yeux, lui rappelait son regard noyé sous ses larmes de mauviette au collège, s'apparentait aux sangs qu'il faisait couler spécifiquement de ses veines.

Le rouge.

Il venait décidé qu'il en avait vu assez pour la journée. Qu'il en avait assez vu pour le reste de sa vie.

Qu'il en avait assez vu de Kirishima.

Il arracha alors des mains, dans un élan féroce, le bouquin dont ils partageaient la prise pour le balancer au loin.

— Tu me rends fous, c'est ça le truc ! Je te supporte pas, connard !

Il hurla tellement fort que Kirishima se surprit à reculer.

— Okay...je comprends que t'es encore sur les nerfs mais-

— Ferme là !

Les veines du blond, ressorties de sa peau claire, sculptaient son cou tremblant. Ses mots hachés par sa haine, lui avait comme coûté de l'air, haletant. Et ses pupilles luisaient tellement que ça devenait accablant.

Le rouquin croisa son regard, trop sérieux, trop échauffé. D'un coup, l'audace le prenait par le cou, il a besoin de moi mais il ne le sait pas encore, avait-il dit. Comment a-t-il pu déclarer un truc pareil, alors qu'ils avaient du mal à communiquer ?

— Pourquoi ? Eijiro articula alors doucement, épris d'une déroutante honte, une voix beaucoup plus tremblante qu'il ne l'aurait voulu, je comprends pas.

Il n'était blessé par les mots de Bakugou, où en tout cas pas plus que d'habitude. Le cendré venait de se faire virer, et il était parti de chez lui pour il ne savait quel raison. C'était normal d'être dans en un état aussi fébrile. Son comportement était à peu près justifier aux yeux du rouquin.

Et il discutait, c'était déjà ça.

— Y'a rien à comprendre, je te déteste c'est tout, Bakugou répondit, ses yeux pourpres défiant les celles d'en face, comme si il s'attendait à ce que le carmin lui balance à la figure le même venin que le sien.

— Peut-être que si tu m'expliquais pourquoi tu me détestes, je te laisserai tranquille, l'autre ado haussa les épaules, posant son menton sur un de ses genoux repliés, soutenant les pupilles léthifères du platine.

Eijiro avait balancé cette réplique tout simplement, d'une banalité tel que Katsuki se demandait ce qui n'allait pas chez lui. Ce qui tournait pas rond dans son foutu crâne. Il aurait pu lui gueuler dessus encore plus dans d'autres circonstances mais il ne sentait pas de le faire.

C'était pas le moment.

Son cœur était calme, relativement calme. D'un débit plus tolérant que lorsqu'il foutait des coups à Yo, ou lorsque sa mère lui avait proposé la porte et qu'il n'avait pas hésité une seconde pour la franchir. En la présence d'Eijiro, qu'il aurait tant aimé blâmer pour importuner son apaisement, il se sentait douloureusement mieux. C'était exactement ce qu'il avait besoin après s'être autant défoulé, vidé. Toutefois, il ne pouvait laisser sa faiblesse abandonner la barrière qu'il luttait à entretenir entre lui et l'autre garçon.

— Pourquoi ? le carmin chuchota de nouveau.

Son expression était neutre mais sa voix dénonçaient ses émotions. Un certain chagrin ? Bakugou ne savait pas, il était toute façon nul pour ça.

— Pourquoi...est-ce que tu me détestes ? Kirishima poursuivit en attente d'une justification.

Son regard planait sur lui, comme si il s'attendait que par un simple coup d'œil, il détiendrait la réponse. Qu'il comprendrait le mécanisme chelou, qui servait de cerveau à Bakugou.

Tch. Ses yeux intrusifs le dérangeaient toujours autant.

Le cendré baissa alors la tête, enlevant d'un même mouvement ses lunettes qui marquaient la naissance de son nez. Il passa sa langue sur ses lèvres, ennuyé, et massa ses paupières pour empêcher ses yeux à subir le regard discrètement attristé du rouquin. Ses yeux de chiots, de chien battus, tous ce que vous voulait. Un regard à faire peiner n'importe quel cœur.

Pourquoi est-ce qu'il le détestait ? Est-ce que ce crétin réfléchissait ? Si il le savait lui-même, il le lui aurait déjà tout balancer à la figure.

— Je comprends...le rouge repris, pensif lui aussi, j'veux dire, il serra ses deux paumes entre elles, laissant les pouces en l'air, je sais même pas ce que j'aime chez toi...il accentua sa phrase d'un petit rire.

Bakugou se redressa, pantois, n'ayant pas envisager cette réplique de sa part. Même si cela lui ressemblait. Du Kirishima tout craché. Un schéma de pensée qui avait tellement peu de chances de traverser son cerveau à lui, qu'il se penchait à contrecœur sur ses dires, les analysants.

Ce qu'il aimait chez lui ?

La notion d'aimer n'était pas quelque chose de courant dans le dictionnaire hors norme du langage de Bakugou Katsuki. Les seules fois où ce mot, cette idée, parcouraient son esprit, c'était lors de ses devoirs de philos, ou de littérature. Quelque chose de toujours très formelle, impersonnelle. Ne se sentant pas harponné par cette émotion qui faisait pourtant tourner le monde. Ce n'était pas un terme dont la considération prenait place dans sa tête. Juste un verbe comme un autre.

Aimer.

Qu'est-ce que lui aimait ?

Les cheeseburgers ? Ouais.
Son poisson rouge décédé la semaine dernière ? Aussi.
L'athlétisme ? Parfait pour le moral.
Se battre ? Une relation tordue.
Hitoshi et Neito ? Quand même un peu.
Aizawa ? Il le saoulait comme un daron mais ouais.
Son vrai daron ? Il ne pouvait pas le nier.
Sa mère ? Compliqué.

Et Kirishima ?

Il leva ses pupilles vers lui. Délicatement, calmement, peur à l'idée de croiser le regard de ce connard. De sentir ses yeux fondre sous les siens. Mais le rouquin avait les orbes fixées sur le sol tapissé, absorbé par ses propres pensées tumultueuses et mélancoliques qui avaient l'air de l'aspirer autant son énergie, que son euphorie.

Bakugou soupira alors bruyamment, vaincu.

Il lança un regard à son bouquin, à moitié ouvert et retourné sur ses pages repliées, regrettant autant de l'avoir jeté que les futurs mots qu'il s'apprêtait à prononcer.

Il savait pertinemment qu'il ne haïssait pas ce gros bouffon.

— Tu parles trop, t'es con, et t'es envahissant, Katsuki souffla de façon très chagriné, comme si on lui infligeait un supplice, voilà ce que j'aime pas chez toi...

Eijiro ouvrit les grands yeux, surpris mais d'un coup très attentif au lippes de son vis-à-vis, bizarrement heureux d'entendre cette énumération de défauts.

Pendant que les yeux du rouquin commençait à resplendir d'une certaine joie, le cendré hésita à poursuivre sa réplique, sûrement tiraillé par sa fierté.

Il fallait croire que finalement défoncé Yo avait affaibli son mental.

— Mais..., il racla sa gorge, ses iris collés au sol, dérangé par son soudain désir de vérité, je te déteste pas...pas complètement...connard.

Il souffla, il avoua. Et à ces simples mots, Bakugou se retrouva allégé, curieusement allégé. D'un poids qu'il n'avait remarqué, mais qui traînait avec son organe depuis bien trop longtemps.

Kirishima se figea, surpris, déconcerté. Le temps que l'information parcourt la totalité de ses veines. Et le blond détourna le regard, craintif, abattu, vers la petite fenêtre à sa droite divulguant le ciel aussi pourpre que les pupilles qui l'observaient. Une part de lui se sentant un peu...humiliée ? Rabaissée ? Il ne savait pas trop. Se la jouer sentimentale c'était pas pour lui.

— J'en était sûr !

Le plus âgé se retourna vers l'autre ado, excédé, désarçonné. Alors que l'expression de Kirishima s'était revigorée, son sourire évasé, et ses iris éclatant d'une nouvelle lueur, comme si il s'agissait de la chose la plus gentille qu'on lui avait jamais dites.

Mais c'était la chose la plus gentille que Bakugou lui avait dit.

Il se mit alors à rire comme l'idiot qui l'était, pendant que se fut autour du blond d'être stupéfait du comportement de cette abruti. Il l'allait vraiment se contentait de ça ? De cette réplique aussi morose que pessimiste ? C'était ridicule, tous ce qui était en lien avec Kirishima était ridicule de toute façon. Son sourire trop béat, ses mèches trop volumineuses, sa logique illogique, son cœur trop aimant.

Malheureusement, ouais, il ne détestait pas ce con, mais il ne l'aimait pas non plus pour autant.

— Peut-être que je te déteste pas, mais je devrais, salop.

Spécialiste en "rabat-joietisme", le cendré rajouta, autant pour faire taire les ricanements de ce crétin que pour ne pas flouter la limite qui flotter entre eux.

— Quoi ? Pourquoi ? le carmin s'affligea, troquant son expression allègre pour une confuse.

Presque blasée.

Il ne comprenait décidément rien. Pourquoi est-ce que Katsuki s'efforçait autant à le repousser ?

— Parce que j'ai envie de te détester, c'est tout.

— Pourquoi t'as envie de me détester ?! J'suis un type cool ! Enfin...c'est ce que mes potes me disent...

— Tes potes te mentent.

— Tu penses ?!

Le cendré leva alors péniblement les yeux vers lui, plus saoulé que réellement contrarié.

— T'es putain de chiant.

— C'est ce que ma sœur m'a dit tout à l'heure, le rouquin sourit alors, trop rayonnant pour se sentir mal par rapport à cette insulte.

Katsuki, ignora la réponse, épuisé, se laissant glisser un peu plus sur le sol, et enfonçant ses mains bandées dans ses poches. Il n'avait pas le temps. Pas le temps de faire copain-copain avec Eijiro. Il s'était fait viré parce qu'il n'avait pas su se contrôler, et avait jouer au con ; il s'était engueulé plus fort que d'habitude avec sa mère, parce qu'elle était incapable de discuter sans gueuler, et à part des reproches elle ne savait rien déblatérer. Et maintenant, il se retrouvait immergé dans ce trop plein de problèmes sans solution.

— Pourquoi est-ce que t'es venu ? il abrégea alors, d'une voix trop basse, balançant sa tête en arrière sur le bout du canap'.

— Parce que je m'inquiétais pour toi ! le seconde répondit comme une évidence, sa moue d'enfant prenant le dessus sur son sérieux.

Il se repositionna en tailleur, massant sa nuque de sa grande main. Il jeta un œil à l'interrupteur derrière lui, hésitant à l'allumer pour mieux distinguer le visage de son interlocuteur. Il abandonna finalement pour se reconcentrer sur ses dires.

— J'veux dire...Shindo n'était pas n'importe qui, et tu te retrouve tout seul ici...

— Me prends pas en pitié ! le blond s'insurgea, en demandant si tuer cette l'idiot, là, maintenant ne serait pas la bonne chose à faire.

À ce stade là, Katsuki ne le regardait même plus, il inspecta le plafond, saturé, assez émoussé de cette longue journée chaotique et merdique. Au moins, il était persuadé d'avoir réussi ses exams haut la main.

Même si ça ne servait plus à rien.

— J'ai pas pitié de toi ! Enfin...peut-être que si, un peu...mais je le fais pas exprès, je te jure.

Kirishima balbutiea un peu, ses paroles prient entre le choc des mots employés plutôt par Bakugou, et cette sensation galvanisante qu'ils arrivaient enfin à quelque chose. Que leurs conversation avaient finalité qu'il les ferait enfin tous deux avancés.

— Je m'inquiète juste pour toi, c'est normal...lorsqu'on apprécie une personne, il continua, hochant la tête pour faire paraître plus convaincant ses propos.

— Mais ferme là...

Le cendré aurait voulu en vomir de cette foutu sincérité, de son ennuyante honnêteté. Il aurait aimer que le rouquin est plus de défaut à relever. Mais comme d'habitude, il agissait en bonne personne.

C'était vraiment la chose qu'il ne supportait pas chez lui, sa bonté le dégoûtait, et son optimisme l'abattait.

Toutefois, malheureusement, il se souvenait que c'était la première chose aussi qu'il avait attiré chez lui, au milieu de ce foutu wagon, il y a un peu moins d'un an maintenant.

Ses grandes joues encombrées par son sourire trop grand, son uniforme noir débrayé et froissé, sa sacoche de sport mal renfermé en plus de son sac scolaire qu'il plaçait entre ses jambes, son expression semi-irritée semi-amusée dû aux commentaires de son ami qui le charriait souvent, et cette combattante mèche noir qu'il remettait encore et encore derrière une de ses oreilles.

Rien d'exceptionnel.

Et pourtant Katsuki aurait cette image de cet abruti un peu plus jeune que maintenant, sûrement toute sa vie. Pas de la jalousie, mais pas non plus du fantasme, il s'était souvent demandé, en observant cet inconnu, comment il aurait vécu ses années de collège, s'il avait été juste un tout petit peu comme lui.

Si on lui retirait sa foutu grande gueule, qui l'avait entraîné dans ce calvaire dont il en souffrait encore aujourd'hui.

Cette question lui avait trotté souvent l'esprit, lorsqu'il était enfin passé au lycée, que ces traumas avec Shindo s'était un peu estompé, mais pas encore tout à fait remplacé par de la haine.

Qu'est-ce ce type aurait fait s'il avait été à sa place ? Qu'est-ce que ce collégien qui avait l'air d'une clémence démesurante aurait fait face ce salopard de Shindo ?

Bakugou se redressa jettant un œil à Kirishima.












Pourquoi pas lui demander maintenant ?

——-

C'était pas facile ce chapitre, j'en pouvais vraiment plus 😭

Mais je l'aime quand même bcp parce qu'il y a enfin une évolution notable entre Bakugou et Kirishima (il était temps).

Bref, j'essaierai de poster la suite rapidement (avant mes partiels de préférence) !

Ah et j'espère que ce chap vous a plus !

BYE!

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