C H A P I T R E 𝟷 𝟺



Le vacarme cafardeux du micro-onde vombrissait depuis la cuisine.


Les pas prévisibles d'Aki, en haut, résultat de ses mauvaises habitudes d'apprentissage, résonnèrent jusqu'au salon où Eijiro se trouvait. Les grésillements de la télévision, volume baissaient à son maximum sur les infos du soir, servaient un peu à cadrer cet environnement banal. Et ses écouteurs, qu'il avait enfin pu se procurer, bourdonnaient sur un coin de la table au bois de palissandre.

Les mèches farfelues du rouge étaient cachées sous le capuchon de son sweat indigo, ses coudes étaient installés sur la surface de la table basse, et ses doigts faisaient tournoyer son stylo.

Toutefois, ses grands yeux écarlates ne parcouraient pas vraiment un sujet de cours.

Il feuilletait le vieille album de sa famille. C'était pas une excuse pour éviter ses révisions (ou peut-être un tout petit peu), mais juste une soudaine envie qui l'avait tiraillé les côtes. Comme un déclic qu'il avait reçu lorsqu'il avait aperçu au loin, sur la commande en dessous de l'horloge, la couverture cuivrée et orangée du modeste album.

Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas recensé le passé, alors fallait bien qu'il y jette un coup d'œil. Juste un minuscule.

Cet accord, pactisé avec lui-même, servait également de petite distraction pour moins cogiter sur un certain blond.

Les photos, qu'il analysait partiellement, avaient toutes des teintes évidés, ou un peu jaunis. Certaines étaient visiblement plus récentes que d'autres, mais aucunes ne frôlaient les moins de cinq ans.

Le rouquin, ses pupilles plutôt dilatées, passa la pulpe de ses doigts sur le plastique d'un cliché un peu flou. Dessus, sa sœur et lui, beaucoup plus jeune. Ils étaient au parc municipal de la ville. Aki était debout sur une balançoire, et ses mouvements avaient été trop rapides pour être capturés. Eijiro, lui, faisait un genre de pirouette, jugée sûrement bizarre par Eiko qui les avait pris tout deux en photo. Ils avaient respectivement onze et sept ans ; le rouquin le savait car sa mère inscrivait toujours leur âge dans un petit coin des pellicules. Et au dos, elle y notait la date et quelques détails sur la journée passée.

"Comme ça on peut encore plus se projeter sur nos souvenirs, on ferme les yeux et hop ! On revit l'instant." Eiko l'avait déclaré il y a quelques années de cela, avec un timbre un peu chaleureux mais tout de même chagriné. Prenant peut-être conscience de la certaine absurdité de ses mots. Aki avait rebondit gentiment en rigolant, qu'elle n'avait juste qu'à investir dans un smartphone.

Mais sa mère n'avait pas tort, les souvenirs sont importants, mais y rajouter des petites broutilles qui semblaient être inutiles et déroutantes : c'est ça qui réchauffait encore plus le cœur.

Eijiro esquissa un sourire, et se perdit un peu plus longtemps sur la photo. En se concentrant un peu, il avait l'impression de pouvoir entendre la jolie voix de sa mère tentant de dissimulé son éclatant sourire, feignant l'autorité. Et le faux désespoir de leur père qui était pris au piège au milieu de cette tornade de rire espiègle et de cris de joie.

Ces journées, où il restaient des heures au parc, se passaient souvent vers le mois de mai. Ou non, plutôt en octobre.

Ouais, en octobre.

Quelques jours après le début de l'Aki, aussi bien l'automne, que les quelques jours qui suivaient l'anniversaire de l'aînée des Kirishima. Eijiro aussi était né en automne. Contrairement à sa sœur, qui participait à l'ouverture de la saison, lui avait connu le monde pendant la période un peu bizarre et blasante. Ou les feuilles jaunies et orangeées tapissées le sol malgré les celles encore vertes qui se berçaient toujours sur les branches ; et ou la météo faisait des siennes, et servait de motifs aux déprimés pour avoir le moral plombé.

Mais la plupart du temps lorsque le rouquin s'y rendait avec sa famille, il faisait très beau.

Enfin, Eijiro croyait.

Plus sûr. Est-ce qu'on aurait pas tendance à enjoliver nos souvenirs ?

Le carmin se mâchouilla la lippe, pensif, avant de poser négligemment l'album. Il s'affala complètement sur la table, dont l'étendu était recouvert de divers cours et machins trucs qui l'aidait normalement à réviser.

Il releva la tête, dont la capuche bleu qu'il la camouflait retomba sur ses trapèzes, en direction d'un petit cadre à la bordure noire qui accompagnait les nombreuses fleurs synthétiques, en haut, sur l'étagère qui surplombait la télé.

Qu'est-ce qui avait été là en premier ? Kirishima s'auto-interrogea.

Cette photo de lui et du reste de sa famille qui datait, et ensuite sa mère avait placé les fleurs pour ne pas éviter du regard ce coin de son salon. Ou, d'abord, elle avait posé les orchidées factices, et après, avait installé ce souvenir qui n'aurait pas dû l'être ?

Il ne s'en rappelait plus.

Ça faisait un bail.

Dessus, il y avait sa mère, toujours aussi belle, ses yeux brillaient et sa longue chevelure ébène encadrée à merveille ses pommettes saillantes. Elle avait pratiquement la même tête que maintenant. Juste à côté, sa sœur, moins mature, à ses tous débuts d'adolescence, elle tirait la langue, dévoilant son jolie piercing dessus qu'elle avait su tenir cacher jusqu'à ce jour-là. Ses cheveux étaient coupés en un jolie carrée, et ses yeux étaient fermés pour laisser place à son expression dramatique. En dessous, Eijiro, ne regardant même pas l'objectif, son visage, plus joufflu, et sa touffe encore noirâtre, était tourné vers Aki. Il imitait sa drôle de mimique, et faisait un drôle de mudra qui provenait à coup sûr d'un jutsu de Naruto. Celui qu'il le tenait par le bassin, c'était un homme.

Son père.

Il avait une courte chevelure noisette, un soupçon frisés. Un grain de beauté, au dessus de sa lèvre, sur son épiderme naturellement bronzée, et des iris rougeâtres qu'il avait transmis à ses deux monstres. Il souriait sur la photo. Le même et grand sourire jovial qu'Eijiro étirait souvent.

Le père des Kirishima avait été le genre d'homme qui était...

Sympa.

Ou cool plutôt ?

Ou plus du genre attentionné, non ?

Kirishima se releva le temps de prendre la photo. Il se laissa cette fois-ci tomber sur le canapé, et fixa simplement l'image, un peu perturbé.

Quel genre d'homme avait été son père ?

Quelqu'un qui riait beaucoup, et de très généreux aussi.

C'est tout.

Tout ce dont il se rappelait vraiment. Ou tout ce que sa mémoire avait voulu enregistré.

Parce qu'il fallait toujours se souvenir du positif des défunts, non ?

— Aaaah, le rouquin poussa un long soupir amer.

Il rejeta sa tête en arrière, ses cheveux encombrant sa nuque. Et débarrassa la photo d'entres ses doigts. Il passa sa langue sur sa lèvre et envoya ses phalanges glissés dans ses mèches massives et carmins.

Des gestes parfaits qu'il avait su tiré inconsciemment de Bakugou.

Le cendré le faisait si souvent lorsqu'ils discutaient ensemble. Est-ce qu'il le remarquait, au moins ? C'était des tiques supers courants, semblables à des tonnes d'individus. Mais ça paraissaient toujours si unique lorsque Bakugou l'effectuait.

L'extrémité de ses doigts commençait par frôler ses tempes, sagement, puis elles effleuraient ses racines blondes. Elles s'aventuraient à travers ses mèches hirsutes et volontaires. Et il pressait quelques secondes son cuir chevelu, pour finalement abandonner le réconfort qui lui rapportait cet acte.

Puis, il y avait ses lèvres, fines mais carnées. Bakugou, passait toujours sa langue dessus, furtivement mais assez longtemps pour que le rouquin ne le remarque à chaque fois.

Kirishima soupira une nouvelle fois, un certain désarroi lui accaparant les poumons.

Est-ce qu'il se reprocherait de Bakugou, si il le comprenait juste par ses mouvements ?

Il aurait aimé. Mais ce n'était clairement pas suffisant.

Comme il aurait aimé avoir détesté être interrompu, hier, au moment où ils avaient discuté ensemble dans les vestiaires. Lorsque les membres du club d'athlétisme avaient déboulé, et que Bakugou avait vite décampé, il s'était dit ouf.

Ouf.

Tant mieux.

Parce que qu'est-ce qu'on était censé faire quand un type qu'on pensait super heureux (à sa façon) vous montrez une de ses "faiblesses" ?

— L'aider, Kirishima chuchota pour lui-même, d'un ton un peu condescendant.

Car c'était évident. Évident qu'il essaye d'aider Katsuki.

Qu'il tente un truc.

— Mais comment l'aider ? il fronça les sourcils, tenant son propre visage en coupe.

— Chepa qui tu veux aider, mais si tu continue à parler tout seul, tu devrais d'abord penser à toi.

Eijiro lança un regard désabusé à sa sœur, vêtue d'un gros sweat léger qu'elle lui avait piqué, qui se tapa l'incruste à la fois dans la pièce à vivre, que dans sa petite crise interne. Elle traversa la salle, une de ses mains tenant un bol qui contenait le repas de la veille, et bouscula sans vergogne les affaires de son frangin sur la table avant de s'y installé en tailleur.

— Maman a dit qu'elle rentrait à quelle heure, déjà ? Elle checka l'heure sur son téléphone.

— J'suis en pleine méga réflexion de la mort, là, Eijiro ignora la question, un peu irrité qu'on le coupe dans ses tracas.

— Et alors ? Fait ça dans ta chambre.

Elle prit ses baguettes de sa main gauche, et son téléphone de l'autre. Pendant qu'elle débuta son repas silencieusement, Eijiro glissa du canap' pour siéger à ses côtés.

— Monte le son de la télé steuplait, j'aime pas le silence.

— Je révise là.

— Je croyais que t'était en super méga réflexion de la mort, elle arqua un sourcil, regardant son frère dans les yeux, un sourire un peu hautain fuitant de ses lèvres.

— J'fais les deux, Eijiro trancha, déjà un peu boudeur.

Quand elle ne l'encourageait pas, sa sœur avait un pénible don pour lui casser en un clic ses délires. Pour affirmer son état d'esprit, légèrement embêté, il poussa ses affaires pour faufiler sa tête dans ses bras croisés.

— Le son, Eijiro.

Le rouquin, son visage toujours immergé entre ses biceps, lui passa juste la télécommande à l'aveugle. Et il fallut moins de cinq secondes, pour qu'il entende une voix indifférente et monocorde parler des mammifères de la savane.

Après un petit temps de réflexion, plus ou moins long, il releva la tignasse pour s'insurger :

— T'aurais pu me servir !

— La cuisine est à deux pas d'ici.

— Quatre !

— Si tu fais des grands pas ça fait deux.

— Mais quand on parle des pas, on parle de la taille moyenne des pas, et avec la taille moyenne des pas ça fait quatre.

— C'est pour ça que je t'ai pas fait d'assiette, elle décréta, prenant une bouchée de son repas.

Eijiro ricana d'un petit "hehe" fière comme réponse, avant de remettre la tête dans les bras.

Y'avait vraiment rien de mieux que de gagner un débat contre sa sœur.

— Et c'est qui que tu veux aider ?

Le rouquin se redressa légèrement, à ce que ses orbes soit la seule chose extérieure à la chaleur de ses membres.

Son aînée arborait une expression un peu curieuse et surtout très attentive. Sa main droite avait quitté son cellulaire, pour permettre à un de ses doigts de s'enrouler autour de son unique mèche vermeille qu'elle s'était teinte pour suivre son idiot de frère. L'idiot de frère en question l'observa sans réel surprise, pas vraiment étonné qu'elle lui pose la question, mais super content qu'elle est fait.

Car Aki avait toujours été sa plus grande alliée.

— T'as dix minutes après je retourne bosser.

— Donne moi cinq de plus le temps que je chauffe ma bouffe ! il lui ne lui même pas un temps de réponse qu'il se dirigea rapidement vers la cuisine.

— C'est encore une histoire de cœur ?! Que je rapporte les pop-corn ! elle se moqua avec dédain.

— Rien à voir !



✧✦✧



— Donc, la brune passa calmement une de ses mèches derrière son oreille, si j'ai bien compris, y'a ce garçon...

— Bakugou.

— Bakugou...qui t'as montré qu'il se mutilait, hier aprem' ? Aki essaya de saisir, ses longs sourcils frôlant sa courte frange.

— C'est ça.

— Et du coup t'es super inquiet ? elle pointa ses baguettes vers lui.

— Oui ! Eijiro hocha promptement la tête.

— D'accord, elle prit une nouvelle bouchée de son plat, un peu perplexe, et t'es sûr que c'est des vrais ?

— Comment ça des vrais ?

— Peut-être que c'est du fake, elle posa sa joue contre sa paume, songeuse, pour recevoir de l'intention.

— Bakugou ? le rouquin s'offusqua presque, impossible, il a pas besoin de ça pour avoir de l'intention, il a déjà un genre de super grande aura surpuissante, le garçon fit de grands gestes avec ses doigts pour illustrer ses propos.

— Okay, j'vois le truc on va dire, mais elles ressemblent à quoi ces cicatrices ? Elles sont récentes ?

— Eh bah...euh je m'y connais pas trop, il se gratouilla la tempe, mais ça avait l'air plutôt cicatrisé.

Eijiro avait observé les marques de Katsuki pas plus de dix secondes : des segments plus sombres et approfondis qui zébraient sa peau cireuse et lisse, et dénudé ces zones de ses cours poils trop clairs.

— Et il te les a montré comment ? J'veux dire...pourquoi il te les a montré ? Dans quel contexte ?

— Bah on discutait et... nos discussions sont toujours un peu chelou alors...bah euh, il pressa ses doigts sur son front, ses yeux posés sur son plat.

Eijiro était assez mal à l'aise à l'idée de raconter les détails de leur dialogue.

— Bref, à la fin son sac est tombé, et y'avait sa chemise dedans...et je lui ai demandé pourquoi il portait son uniforme d'hiver...

— Et il t'as montré qu'il se scarifiait.

— Oui mais c'est bizarre... Déjà je m'en doutais même pas qu'il se faisait un truc pareil, j'pensais juste que c'était un truc de mec rebelle de porter son unif d'hiver. Et j'allais lui faire la remarque pour rire, mais si t'avait vu comment il m'avait regardé...

Eijiro fronça ses sourcils malgré lui, ses lippes aplaties entres elles formant une coupe linéaire. Avec une telle face, on avait l'impression qu'il pourrait se mettre à pleurer. Mais, en réalité, il était juste très immiscé dans ses pensées. Le rouquin tentait de se souvenir, de mettre la bonne émotion sur les iris affligés et affadis de Katsuki.

— Il avait l'air dévasté...chamboulé.

— Et t'as une idée de pourquoi il le ferait ? Tu penses qu'il a des problèmes chez lui ?

— À coup sûr que c'est ce type, Shindo, Eijiro lâcha sa réplique avec tant de venin que cela surpris Aki.

— C'est qui ? elle s'avança, le menton sur la paume, encore plus intéressée.

— Un terminal, c'était son senpai au collège, le rouquin marmonna, et j'crois qu'il lui pourrissait la vie.

— Peut-être que les cicatrices dataient de ce temps là.

— Mouais...

Eijiro entama une nouvelle fois sa nourriture, complètement ailleurs. Aki l'observa, un peu déboussolée de le voir comme ça. Avec un moral si bas. Ce Bakugou l'affectait vraiment mentalement.

Elle tourna la tête vers l'écran de télévision, tentant de se distraire un peu, la conversation semblant touchée à sa fin. Mais lorsque la publicité interrompue le documentaire animalier, sa curiosité prenant le dessus, elle rebondit presque tout de suite pour dire :

— Tu l'avais vraiment jamais vu comme ça ?

Le rouge jeta un coup d'œil un peu morne à sa sœur, avant de répondre.

— Non...Enfin si, je l'avais complètement zappé, parce que ça fait longtemps, et je le connaissais même pas depuis une semaine à ce moment-là. Mais c'était pareil le jour où on n'avait tabassé des mecs, il avait le mêm—

— Vous avez fait quoi ?! elle se redressa, stupéfaite, manquant de renverser son bol.

— C'est une longue histoire, mais t'inquiète tous c'est bien passé au final, il se servit de son riz un peu tiède, se sentant trahis par lui-même d'avoir oublié d'omettre un détail pareil, bref ! Qu'est-ce que je fais ?

— Bah essaye d'être un soutien pour lui !

— Mais j'essaye ! J'essaye déjà...depuis longtemps, même avant ce problème, il joua avec son plat, mais il me repousse sans arrêt. Je dirais pas qu'il me déteste, mais je le dérange. Il n'apprécie pas ma présence et il me le fait bien comprendre et—

— Alors laisse-le.

Pause.

Quoi ?

Eijiro n'osa pas regarder sa soeur, même si il sentait son regard aussi ardent que le sien le dévisager.

— C'est simple dans la vie Eijiro, j'veux dire...oui il a visiblement quelques problèmes, elle passa sa chevelure un peu ondulée derrière son dos, mais si quelqu'un veut pas de toi, tu le laisses.

Le carmin déglutit difficilement.

Laisser Bakugou ?

C'était ça la solution ?

Lui foutre enfin la paix, arrêtez de le coller. Est-ce que ça se serait mieux pour tous les deux qu'il reste juste chacun de leur côté ? Est-ce qu'à force de l'envahir Bakugou allait finir par le haïr plus qu'il haïssait Shindo ?

Il se mordit la lèvre un peu trop fort.

— Mais j'veux l'aider, être là pour lui.

Il continua à se mâchouiller la lippe, n'arrivant pas vraiment à s'imaginer à faire ça. Juste l'envisager, ça paraissait assez absurde.

— Rassure moi, Aki coupa ses ruminement, j'espère que t'es pas aussi déterminé à aider Bakugou à cause de papa.

Le carmin se décrocha de ses pensées, inspectant sa sœur d'un œil intrigué.

— Hein ?

— Ses histoires de mutilations, ça te fait penser à lui, c'est ça ? elle poursuivit simplement jaugeant son petit frère.

— Non ! Pas du tout...

Aki lança un regard furtif à leur album photos qui traînait au coin de la table, pendant qu'Eijro cacha rapidement le cadre noir posé sur le canapé.

— Si tu penses que Bakugou peut se pendre au milieu de son salon, comme notre incroyable paternel et qu—

— Je le pense pas !

Le rouquin se tourna inconsciemment vers la porte d'entrée, terrifiée de voir sa mère surgir au milieu d'une telle discussion. Les mots suicide et pendre étaient des termes bannis sous le toit des Kirishima. Ils parlaient rarement de leur père, mais lorsqu'il le faisait personne ne mentionnait ces points là.

Parce qu'on devait se souvenir du positif des défunts.

Il y a moins d'un an, lorsqu'Aki avait jugé qu'il serait peut-être bon et temps de discuter de leur père, Eiko avait fondu en larme avant même qu'un d'entre eux déclare quelques choses de très pertinent.

C'était la corde sensible de leur mère. Mais a contrario, c'était le sujet auquel Aki était le plus préparée à être confronté depuis plus de cinq ans maintenant .

— Tu penses vraiment que Bakugou ne fera pas ça ?

— Bien-sûr !

— Maman aussi était convaincue que papa ne ferait jamais ça.

— Tu viens de me dire de pas les comparer, Eijiro s'indigna.

— J'avise...c'est tout, elle répliqua haussant les épaules difformes de son hoodie, mais si t'as juste un mini doute c'est pas à moi que tu dois en parler, tu sais ? Mais aux personnels du lycée, ou ses parents, Eijiro.

— Il fera jamais un truc pareil. Il règle déjà ses problèmes à sa façon, et...

— Et ?

— Et... si j'suis là pour lui, il ne le fera pas, le rouquin annonça alors, les lèvres pincées.

— Ah bon ? la jeune femme leva un sourcil, dubitative, t'es sûr de ça ?

Eijiro hocha la tête avec un peu trop de force, tentant autant de persuader sa sœur, que lui-même.

— Il a besoin de moi, mais il le sait juste pas encore, il argumenta d'une moue indéchiffrable, mais un peu plus assuré qu'il y a trente secondes.

— Eijiro... Aki pouffa, mi-amusée mi-épuisée par le raisonnement un peu enfantin de son cadet, aucune riposte en plus.

Malgré qu'elle se doutait que cet abruti avait fait le rapprochement entre leur père et le deuxième année, elle abdiqua.

Son frère connaissait Bakugou, pas elle.

— D'accord d'accord, essaye. Il a peut-être vraiment besoin de toi, on s'en sort jamais tout seul de toute façon. Mais si il passe son temps à te repousser, ça va être compliqué.

— Qu'est-ce que je fais alors ? Eijiro interrogea, ses pupilles brillantes d'espoir.

Sa sœur n'était pas le petit génie de la famille pour rien, allait trouver à coup sûr quelque chose !

— Euh...eh bien...

Au malheur du cadet, la brune resta un moment interdite, chatouillant de son pouce le bas de son jolie visage. Elle commença à comprendre pourquoi Eijiro s'en était mis à en parler à voix haute :

Le cas Bakugou Katsuki était très complexe.

— On va commencer doucement, elle déclara soudainement.

— Doucement. Comment ?

— On va faire un truc basique, t'as son num' ?

— Oui mais je lui ai jamais parlé au téléphone, ou en messages.

— Pourquoi ?

— J'ai peur qu'il me bloque.

Aki se mit à glousser grossièrement, se massant l'arête du nez. Est-ce que Bakugou existait vraiment ou c'était une création diabolique qui visait à tourmenter son frangin ?

Fallait vraiment qu'elle le rencontre un jour.



✧✦✧



Le dernière album de the GazettE faisait trembler les oreilles de Bakugou Katsuki.

Plus fort que ses pensées pesantes et ses nombreux soucis, mais peut-être de niveau égal que les martèlements de son cœur et les mots insensés et incessantes d'un certain rouquin. Cette musique qui grondait ses orifices, lui était inestimable. Pas unique, mais irremplaçable. L'intsru', le rythme et les paroles donnaient à son corps et son esprit ce qu'il avait besoin pour combattre ce monde dont il était la brute :

Du courage.

— Katsuki, j'te paye pas pour glander, même Hitoshi a fini avant toi !

Aizawa Shota, son patron a plein temps, et parfois l'oncle de Shinso — lorsqu'il assumait la responsabilité qu'il détenait sur cet avorton — , avait une voix qui malheureusement arrivait à s'infiltrer dans ses tympans déjà occupés.

Bakugou le toisa silencieusement du regard, avant de tremper le chiffon, qu'il tenait depuis une bonne dizaine de minutes (à cause de sa tête plongeait en plein songes), dans un petit seau bleu qui puait la javel.

— Ça fait plus d'une heure que le Plus Ultra est fermé, bouge toi un peu de nettoyer le reste, l'adulte poursuivit d'un timbre morose, derrière son comptoir.

Ses grands yeux ébènes moins flagrants par ses cernes creuses et génétiques, lui conféraient un côté sévère et parfois même insensible, et cet air mélancolique que renvoyer parfois son regard, donnait à l'impression à Katsuki qu'il avait vécu la guerre. Toutefois, ce tic nerveux et claquant, qui faisait trembler parfois son œil gauche, et ce réflexe rageant où il se grattait les poignets désagréablement, avait fait comprendre au blond, y'a bien longtemps de cela, que le seul combat auquel Aizawa Shota fait face, était celui de l'addiction.

Les lèvres sèches de celui-ci, dissimulés par son écharpe usée et effilée qu'il portait malgré l'été qui commençait à s'affirmer, aggravèrent cette éreintante mine émoussée, qui décrivait, du point de vue de Katsuki, qu'il allait commencer à le saouler.

— Fous moi la paix, tu fais pas chier Hitoshi quand il prend trente minutes à balayer un mètre carré de la salle, il dénonça alors, sa voix un peu trop forte et plutôt moraliste.

— C'est justement parce que t'es plus efficace que lui que je te payes plus, mais si tu préfères, je peux te retirer 8000 yens de ton salaire ?

Le blondinet l'ignora complètement, et augmenta juste un peu plus fort le volume de ses écouteurs.

— Et arrête de râler ou j'te vire.

La menace iconique de monsieur Aizawa.

Il le lui disait ça au moins trois fois par semaine. Comme si il était en réalité un genre de vieille poupée à ficelle qui n'avait qu'un stock limité de phrase barbante.

Mais même quatre ans plus tard, après la première fois qu'il lui avait fait cette menace, Bakugou était encore là à frotter le sol derrière le travail bâclé de Shinso, à jouer l'éboueur sous le regard moqueur de Monoma, et dépoussiérer ces foutus machines qui avait pour jeux des règles trop vieillottes, qu'aucuns clients n'appréciaient mais qu'Aizawa voulait garder malgré tout.

C'est lui qui quittera ce taf de merde !

— Ça bosse dure cendrillon ?

Bakugou n'adressa même pas un regard à Monoma, qui venait de rentrer dans la petite bâtisse pourtant indiquée fermer à l'extérieur.

— Mes clés, quémanda avec lassitude Aizawa.

Le blond qui ne taffait pas dans l'enseigne balança le trousseau de clés à le trentenaire qui les rattrapa en plein vol.

— Tu devrais travailler ici aussi Neito, peut-être que t'aurais enfin de quoi t'acheter ton propre véhicule, l'homme ajouta avec une pointe d'ironie.

— J'ai de quoi m'acheter une voiture, mais j'suis étrangement attaché à la vôtre, une main posée sur le cœur, Neito décréta théâtralement.

— C'est sûr qu'on retrouve un côté émouvant, lorsqu'on se rappelle de toutes les fois où j'ai du la récupérer à la fourrière à cause de toi, et que tu me l'a volait encore l'année dernière.

— Hitoshi l'a volait, moi j'servais de chauffeur, c'est tout, le blond se dédouana, décrochant un rictus à ce souvenir.

— D'ailleurs, les examens sont la semaine prochaine, non ? Va le faire réviser, j'paris qu'il est encore entrain de jouer à ses jeux sans intérêt.

— Venant d'un gérant d'une salle d'arcade, c'est assez cocasse, Monoma enrichit, avant de monter les marches avec un petit rire aigu.

Aizawa garda cette mine plate face à la réflexion de l'adolescent, et se dirigea vers son troisième garnement, qui au lieu de nettoyer, était encore entrain de divaguer. Il lui enleva un écouteur.

— Depuis quand les examens te stress autant ?

— J'suis pas stressé, le cendré lâcha un peu mécaniquement, sans même se retourner.

— Pourrais-je savoir ce qui te distrait autant, alors ? le noiraud croisa les bras contre sa poitrine, inspectant des yeux le nettoyage du blond.

Katsuki, ouvrit sa bouche, malheureusement habituée à se confier à Aizawa, mais la referma. Il arracha son autre écouteur, avant de se gratter de la pointe de son index sa gorge, hésitant.

— Problème...que j'arrive pas à régler, il soupira, malgré lui, complétant le silence en suspend.

— Ah bon ? Shota fit dans un souffle roque, s'adossant au flipper derrière lui, quel type de problème ?

— Un truc, le blond lâcha dans un soupir, j'arrive pas à me débarrasser de lui.

— Donc c'est quelqu'un.

— Il m'insupporte.

— Toute la Terre t'insupportes, Katsuki.

— C'est pas pareil !

Le blond s'était retourné vers son interlocuteur, ses orbes élargies par sa soudaine irritation, et ses lèvres étirées avec mépris comme si il venait de gagner un débat.

Alors qu'il venait de signer pour sa défaite.

— Pas pareil ? Aizawa releva, un peu étonné mais beaucoup plus captivé, qu'est ce qui est différent avec ce garçon ?

Merde. Katsuki resta silencieux. Il venait vraiment de foirer son coup. Il se remit dos à son patron comme réponse, déterminé à ne pas laisser ses coutumes le trahir une nouvelle fois.

Il se mordilla alors la lippe aussi abruptement que ce salop de Kirishima le faisait. Toujours à la mâchouiller à chaque fois qu'il lui parlait. Qu'il l'a bouffe pour de bon cette foutu lèvre ! Ce con le remarquait au moins ?

— Allez, passa moi tout ça, Aizawa capitula, prenant le seau et les produits ménagers qui traînaient, va réviser avec les deux autres.

Bakugou immergea, et déposa son chiffon sans demander son reste. Il se dirigea nonchalamment vers les escaliers, pas aussi soulagé que ça que le brun le laisse tranquille. Il venait de signer son arrêt de mort. Aizawa allait finir par lui reparler de ça.

— Si tu le déduis de mon salaire, j'mets le feu à ta baraque.

Si il osait rementionner un jour cette discussion, il mettra le feu à sa baraque et brûlera Shinso en tant que martyre.

— J'te savais pas pyromane.

Le blond grimpa les premières marches deux par deux, et enfonça les mains dans ses poches pour un peu se ressaisir.

Kirishima n'était pas si différent des autres personnes qu'il ne pouvait pas saquer.

La seule chose dissemblable était la façon dont il n'arrivait pas à l'éloigner de lui.

C'est tout.

C'est tout.

Toujours un peu furax, Bakugou, attrapa son portable qui venait de vibrer, jurant. Il se promit que si s'était encore des images chelous que Hitoshi kiffait envoyé pour se moquer des trucs bizarres que détenait cette planète, il péterait une de ses foutus manettes.

Mais ce n'était pas lui.

Un numéro inconnu.

Le blond arqua un sourcil, montant quelques marches pendant qu'il ouvrit la conversation. Il ralentit la cadence pour mieux lire.

Il retira son autre main de la chaleur de sa poche pour la passer furtivement dans sa tignasse.

Quand est-ce que Neito avait passé son numéro à ce débile ?

Il se renfrogna encore plus, les yeux un peu plissé. Moins contrarié qu'il aurait voulu l'être, mais tout de même très blasé.

21h37
Bonne chance pour les exam' !

21h37
ᕙ(⇀‸↼‶)ᕗ

21h38
C'est Kirishima

21h38
(ton meilleur pote)

21h38
me bloque pas stp _

Aucune émotion descriptible parcourue le visage du blond. Il passa simplement sa langue sur ses lèvres, et replongea son tel dans sa poche.

— Tch.



✧✦✧



Une semaine était passée, on était jeudi et les examens étaient enfin....

— TERMINÉS !!!!

Mina, Eijiro et Denki l'avait gueulé pas moins dix fois chacun.

Après trois jours de supplice, la torture avait enfin prit fin !

Personne n'avait le droit de stresser pour les résultats, et aucuns des élèves n'étaient autorisés à discutailler sur les réponses d'autrui. Car une seule et unique pensée devait régner et dominer :

L'approche des vacances.

Kirishima, de son côté, enfreignait un peu la règle, son esprit n'était pas autant concentré qu'il aurait voulu sur l'arrivé prémédité de leur presque deux mois de repos. Il avait pourtant prévu des tonnes de trucs, comme partir à Tokyo pour voir Tomo, ou aller au parc d'attraction, et à la plage avec ses amies. Mais toutes ses pensées étaient dirigées vers son blond qu'il n'avait pas vu depuis six jours maintenant.

Alors voilà. Cette fin de journée-là, au lieu de rejoindre ses camarades dans leur mini fête post-exam' organisée, il s'était acheminé vers la salle de colle, anticipant de croiser les trois premières et surtout Bakugou.

Juste à la pensée que le cendré avait vu ses messages, et qu'il ne l'avait visiblement pas bloqué. (Aki lui avait dit que ça serait peut-être une manière plus subtile pour se rapprocher un peu plus de lui.) Il était encore plus pressé de le voir.

Mais mauvaise pioche :

Camie était la seule présente, contrairement aux deuxième années qui étaient tous les trois absents.

Eijiro fut surpris de la voir là. Enfin, il était surtout étonné de sa capacité à être en retenue, alors qu'elle avait encore un jour d'exams à passer. Il était un peu déçu de ne pas voir Katsuki, mais fit tout de même un grand sourire à son aînée.

Camie, n'avait même pas prit le temps de répondre à sa salutation, qu'elle s'était jeté sur lui, ses iris pétillants d'une certaine malice et ses lèvres crachant la saveur menthe de son chewing-gum vert.

— Dis moi que t'es au courant de ce qui s'est passé ?! elle cria presque, ses ongles griffant à moitié les épaules fermes de Kirishima.

Le rouquin secoua la tête, complètement désorienté. N'ayant pas la moindre idée de quoi elle parlait.

— Hitoshi et Neito sont québlo chez le dirlo ! Les toilettes des terminales des mecs à le sol recouvert de sang de ce salop ! Et Katsuki a défoncé Yo !

Eijiro exorbita ses yeux, plus surpris par l'annonce elle-même, que le récit inversé de Camie.

— Il l'a fait au lycée ?!

— Oui ! elle s'exclama fortement, un rictus pimpant ses lippes.

— Pourquoi ?

— J'en sais rien ! Mais il l'a niqué ! elle tâta ses poches avant d'attraper son téléphone, ce malade m'a même envoyé une photo !

Elle lui montra son écran d'un peu trop près, et Kirishima se demanda s'il la vrai malade n'était pas Utsushimi pour avoir mis la tête complètement défigurée de Shindo en tant que fond d'écran.

— On le reconnaît presque pas.

— J'me suis dit la même chose !

Comme Camie l'avait dit elle-même, Katsuki l'avait carrément niqué. Et pas juste d'un coup ou deux. La mâchoire de Yo était souillé du sang qui débordait de sa bouche, on avait l'impression qu'une de ses dents s'était barrée, son nez était pété, et ses yeux écrasés par son épiderme gonflé et bleuté.

C'est bon. Eijiro pensa presque un peu trop fort.

Est-ce que maintenant que la vengeance s'était accompli, et qu'il avait vaincu son véritable ennemi, le cœur de Katsuki sera libéré du poids de la haine et de la rancoeur ?

Ou au contraire cela enclenchera un point de non-retour ?

— Il est où Bakugou ? le carmin questionna, le désir de voir le blondinet de plus en plus incontrôlable. 

Utsushimi rangea son appareil, avant de lever un sourcil, amusée de l'innocente question du seconde.

— Chéri, elle posa ses doigts manucurés sur une des bretelles de son sac à dos, j'viens te dire que Neito et Hitoshi sont coincés chez le dirlo alors qu'ils n'ont rien avoir avec ça. Alors à ton avis, il est où ce con ?

— Dans le bureau de Sir Night ?

— Driiinngg ! Mauvaise réponse ! Sir Night est absent, elle articula d'un petit ricanement.

— Bah il est où ? Kirishima plus trop d'humeur à rire, questionna de nouveau, ne saisissant toujours pas.

— Sûrement chez lui, maintenant.

— Hein ? le faciès du rouquin se crispa dans une moue d'incompréhension.











— Ce couillon s'est fait viré.

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Désolée du retard, j'ai mis plus de temps que prévu à bien rédiger ce chapitre.

Mais j'espère que vous avez aimé !

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