Cʜᴀᴘɪᴛʀᴇ 6 - ᴬᶰᵈʳᵉ́ - Été 1943

♫ : Bring me the horizon - Can you feel my heart ?

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Chapitre 6
Point de vue d'André

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Été 1943.

Je suis arrivé au camp peu de temps après Joseph. J'ai rapidement remarqué sa présence et j'ai vite décidé de lui cacher la mienne. C'est beaucoup trop risqué pour lui de me voir.

J'ai un triangle rose inversé avec un triangle jaune, formant l'étoile de David. Je suis une cible pour tous et je ne veux pas que Joseph le devienne par ma faute.

Cependant, un jour ensoleillé, son regard croise le mien. Il fronce les sourcils en plissant les yeux, n'étant sûrement pas certain que cela soit moi. Je me détourne discrètement mais il se lève pour venir jusqu'à moi et lorsqu'il me reconnaît, il me saute dans les bras.

André ! S'exclame-t-il d'un mélange entre peine et enchantement. Mais qu'est ce que tu fais là ? Me questionne-t-il, ne s'attendant pas à voir ici.

Il est heureux de me retrouver et de savoir que je vais plus ou moins bien - tout du moins d'avoir de mes nouvelles - mais il est attristé par le fait que je sois aussi bloqué dans cet endroit déshumanisant.

Jo... Soufflé-je tristement.

Des applaudissements se font entendre. Joseph se décolle de moi et on regarde tous les deux autour de nous afin de connaître l'origine de ces derniers.

Bravo, c'était si émouvant que j'ai failli pleurer, dit ironiquement Friedrich Weimer, un gardien, en continuant de taper dans ses mains pendant quelques secondes.

L'Allemand reprend ensuite son sérieux et nous toise avec mépris.

Je parie que vous êtes amants. Et dire que l'un de vous d'eux a failli échapper à notre maille de filet réservée aux pédérastes... C'est si bête pour vous, vous vous êtes dénoncez tous seuls.

Ce n'est pas mon amant. C'est mon frère, répliqué-je pour éviter qu'il s'en prenne davantage à Jo.

Le visage de Friedrich se durcit davantage, visiblement énervé de s'être trompé quant à son hypothèse.

Un juif terroriste et un juif pédéraste... Les chiens ne font définitivement pas des chats. Que de la vermine.

Je serre les dents pour éviter de créer davantage de problèmes.

Je pense qu'il faut vous punir pour ça, n'est-ce pas les autres ? Demande-t-il, un sourire aux lèvres, aux autres détenus qui s'empressent d'hocher la tête pour ne pas l'être à leur tour.

Je suis le seul à devoir l'être, Monsieur, répliqué-je dans l'espoir qu'il laisse mon frère tranquille, les yeux rivés sur le sol.

Le garde sourit davantage d'une façon mauvaise tout en s'approchant. Il soulève mon menton à l'aide de sa cravache pour m'obliger à le regarder dans les yeux.

Comme c'est mignon. Un amour fraternel... Puisque c'est comme ça, il va rejoindre ton bloc. Tu verras, il y sera aussi bien traité que toi et tes camarades, je t'en fais la promesse.

Je comprends vite que Joseph va devenir la risée de tous et qu'il devra fournir deux fois plus d'efforts pour survivre. Je m'en veux de lui faire subir cela... J'aurais dû faire plus attention pour qu'il ne m'aperçoit pas.

J'ai eu l'expérience, pendant le mois qui a précédé mon arrivée, d'avoir été repéré par l'un des gardes - en l'occurrence Friedrich Weimer - pour mon tempérament intérieur. En général, cela les amuse de voir les personnes avoir peur. Alors, quand ils sentent qu'elles vont bientôt se rebeller, pour survivre ou pour montrer leur indignation, ils en profitent pour les briser complètement.

Je me suis donc retrouvé à faire des choses dont je ne me suis jamais senti capable auparavant. J'ai essayé de lutter contre cela, acceptant et encaissant les coups qui m'ont été donnés contre ma désobéissance. Cependant, blessé à cause d'être frappé, j'ai fini par céder et me soumettre à leurs ordres, bien que cela soit terriblement humiliant.

Friedrich a décidé de faire de moi son souffre-douleur à partir de ce moment-là. Il m'a fait léché ses bottes, m'a privé de nourriture, m'a même fait léché mon repas à même le sol...

Mets-toi à genoux, m'ordonne-t-il.

J'ai envie de ne pas bouger et de le défier du regard mais je n'en fais rien, ne voulant ni aggravé mon cas ni celui de Joseph. Je me contente d'obéir, à contre cœur.

La seconde d'après, ma tête se retrouve arrosée et je tente de rester calme en comprenant que ce n'est aucunement de l'eau qui coule sur moi. L'Allemand d'une quarantaine d'années a uriné sur moi. Je me retiens de pleurer car je ne veux pas lui montrer à quel point je suis faible.

Honteux, je me relève avec le peu de fierté qu'il me reste et essuie mon visage avec dégoût tout en évitant tous les regards. Je peux sentir celui de mon frère sur moi et j'ai peur de ce qu'il peut en penser. Ce qu'il peut penser de moi.

***

Après cet épisode, je l'ai ignoré bien qu'il ait intégré mon bloc et qu'il ait essayé de parler avec moi à plusieurs reprises. J'ai préféré l'éviter ou rester muet. C'est lâche mais je ne me sens pas prêt à devoir tout lui expliquer.

Nous sommes séparés des autres déportés détenus pour une autre raison que la nôtre - le fait d'être gays - et nous n'avons pas le droit de nous approcher entre nous, entre homosexuels.

Les règles sont simples : aucun contact. Pour éviter que l'on se touche entre nous - à croire que nous sommes des bêtes perverses - on nous oblige à garder les mains en évidence sur notre propre torse la nuit.

C'est l'été. La chaleur nous épuise beaucoup plus vite mais aucun sursis de travail ne nous est accordé. Le travail à l'extérieur est éprouvant. Les gardes crient sur les personnes qui ne sont pas assez rapides et les frappent jusqu'à ce qu'elles se relèvent, ce qui n'arrive que rarement.

Nous ne pouvons même pas retirer notre chemise car, d'après nos bourreaux, on chercherait à exciter et pervertir les autres. Ils prétendent que nous sommes ici pour nous soigner, pour redevenir des hommes. Et si l'on ne guérit pas, voire si l'on refuse de guérir, ils se débarrassent définitivement de nous...

Trempé de sueur, je suis exténué par les travaux de terrassement. Soulever des pierres et les déplacer pour les empiler dans un coin est physique, beaucoup trop par rapport à notre temps de repos et la quantité de nos repas. Ils veulent nous faire mourir dans d'atroces souffrances...

Je sais que je suis destiné à périr mais je veux que cela se fasse le plus tard possible.

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Quels sont vos avis ? Friedrich est vraiment un connard, hein ?

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