Cʜᴀᴘɪᴛʀᴇ 19 - ᴶᵒˢᵉᵖʰ - Automne 1943

♫ : RayanDan - Tears of angel

_____

Chapitre 19
Point de vue de Joseph

_____

Automne 1943.

Le passage à l'infirmerie a été plutôt calme. On m'a soigné et on a attendu que je sois apte à remarcher. Je sais que j'ai beaucoup de chance puisque tous ceux qui s'y rendent sont pour la plupart tués ou renvoyés directement au travail forcé s'ils ne sont pas transformés en cobaye pour les expérimentations.

On m'a ensuite rétabli dans mon bloc, celui des homosexuels. Je n'ai jamais aucun eu contact avec l'un d'eux, sauf mon frère lorsqu'il était encore là. Cependant, j'ai réussi à discuter - ce qui n'est pas une mince affaire puisque nous sommes quasiment tout le temps surveillés - avec deux d'entre eux, qui me semblent déjà amis.

- Nous ne pensions pas te revoir ici, avoue le plus âgé des deux.

- Tu as disparu pendant plusieurs jours... Continue l'autre détenu.

- J'étais à l'infirmerie. Je m'étais ouvert le genou.

- T'as de la veine d'être resté là-bas et de revenir comme une fleur plus tard.

Je hausse les épaules.

- D'ailleurs, comment cela se fait que tu sois encore dans ce bloc alors tu ne portes même pas ce putain de triangle humiliant ?

- Je ne sais pas... C'est une sorte de punition, je crois.

Au fil du temps, je me suis lié d'amitié avec eux. Le plus jeune se nomme Louis Martin et l'autre Jean Morel. Tous les deux portent le triangle rose. Le premier comme le second ont été arrêtés en raison de leur homosexualité, vivants en Alsace, territoire annexé par l'Allemagne et appliquant ainsi le paragraphe 175.

Le temps me paraît moins long avec eux et nous nous soutenons mutuellement discrètement. Je peux dire que nous nous entendons plutôt bien.

***

Au travail, nous sommes répartis en une quinzaine de travailleurs et mes amis font partie de mes camarades. Nous devons pousser des wagons remplis de pierres pour les transporter ailleurs, déblayant au maximum les carrières.

Si d'habitude ils nous surveillent en hauteur et d'assez loin, les gardiens s'approchent de nous d'un pas déterminé après avoir discuté avec un autre garde. Cela ne semble pas être une bonne nouvelle...

Nous poursuivons notre tâche jusqu'à ce qu'ils arrivent à notre hauteur. Ils attrapent brusquement Jean qui se débat. Tout le monde s'arrête de travailler pour observer.

- Toi. Il paraît que tu te tapes un Kapo.

- Quoi ? Mais non ! Se défend-t-il.

Les yeux écarquillés, je me demande ce qu'il se passe, ne comprenant pas ce dont on l'accuse.

- Il a tout avoué. Tu lui offres ton cul de cochon et, en échange, tu reçois ses bonnes faveurs.

Jean reste silencieux. J'en déduis donc que l'Allemand raconte la vérité. Je n'ai pourtant jamais soupçonné quoi que ce soit...

D'autres gardiens amènent entre temps un autre homme que je ne connais pas ; je suppose qu'il est le Kapo en question.

Les Kapos possèdent sur le bras gauche des brassards noirs avec une inscription blanche. Ce sont principalement des verts - des déportés de droit commun -, même s'il y a une bataille contre les rouges - des opposants politiques -. Les Kapos se distinguent par leur grande violence physique à l'encontre des déportés. Certains postes permettent à des détenus d'augmenter ou de diminuer les chances de survie des internés, comme ceux des kapos des cuisines ou de l'infirmerie.

- Vous autres, arrêtez le travail un instant. Vous allez voir ce qu'on fait à ceux qui persistent et ne veulent pas changer.

Tous les déportés sont alors placés en ligne pour assister au spectacle qui va suivre. Nous ne devons pas manquer une miette, selon les Boches. Interdiction de détourner les yeux. Cela doit nous servir de leçon.

Le Kapo est mis à nu rapidement. Est placé ensuite sur sa tête un grand seau en métal. Tout se passe très vite. Les chiens sont lâchés et se jettent alors sur l'homme pour le dévorer vivant. Les cris sont amplifiés par le récipient. Cela se passe très vite, même si nous avons l'impression que cela dure des heures. Jean ne peut s'empêcher d'hurler et de tomber à genoux en voyant la scène effroyable, les larmes aux yeux.

C'est ensuite son tour. Dans son plus simple appareil, ils lui mettent un grand sac en joute sur lui, enfilé sur le crâne et descendant jusqu'à la moitié de son corps. A l'aide d'une machine, ils l'aspergent d'une puissante flamme qui l'embrase en quelques secondes. Brûlé vif, sa plainte résonne un moment.

Lorsque tout cesse enfin, mon corps tremble, complètement sous le choc. J'ai du mal à déglutir. J'ai la nausée tellement ces manières sont barbares et inhumaines - les Nazis font toujours preuve de créativité pour blesser et tuer -. Je crois que Louis semble dans le même état que moi.

- Quiconque qui continuera ses penchants pervers sera immédiatement exécuté. Vous êtes ici pour guérir. Montrez-vous récalcitrant et vous en payerez le prix.

Main sur la bouche, je m'écarte légèrement du groupe pour vomir mes tripes - ou plutôt de la bile à cause de mon estomac vide -.

Je n'ai pas la force de pleurer tellement mes larmes ont coulé les premières semaines de mon arrivée au camp. Et puis, je ne veux pas montrer davantage ma faiblesse aux ennemis...

Nous reprenons directement le boulot après cet avertissement. Les cadavres - pour le peu qu'il en reste - sont laissés à nos côtés. Cela nous oblige à les regarder encore et encore, nous rappelant sans cesse nos obligations.

Nous sommes destinés à mourir ici. Nous n'en sortirons jamais. Seule la mort nous libérera. Ils promettent la rééducation pour les homosexuels pour pouvoir sortir ; ce n'est que baliverne.

***

Les jours suivants, pour éviter tout ennui, Louis et moi discutons moins. Nous nous montrons plus discrets, conservant tout de même notre amitié.

Lui aussi, d'après ses dires, n'a jamais été mis au courant de l'aventure de Jean, avec le dit Kapo, avant le jour du décès de ces deux derniers. Nous avons été tous les deux bouleversés par ce sauvage événement, perdant un ami cher à nos yeux.

Nous nous sommes demandé pourquoi Jean a cherché à se rapprocher de cet homme.

Les viols sont nombreux dans le camp bien qu'ils soient cachés, commis par des détenus ou des gardiens. Je n'en ai encore pas subi et j'espère de tout cœur que cela ne m'arrive jamais.

Je me rappelle alors d'André. J'ai rapidement deviné qu'il en a été victime dans le camp, en le voyant revenir à chaque fois en boitant. Cette pensée me fend le cœur. Mon grand frère...

Même entre hommes, il n'est en réalité pas rare qu'un prisonnier se place sous la protection d'un Kapo ou d'un garde pour avoir plus de nourriture, posséder certains objets, obtenir des médicaments, et avoir tout un tas d'autres avantages, en échange de partager sa couche. Cependant, il peut souvent arriver que ce ne soit pas consenti.

Il est presque évident que Jean a passé un pacte et est finalement tombé amoureux.

Amoureux...

_____

Chapitre dur à écrire... Mais certainement pas le pire.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top