Cʜᴀᴘɪᴛʀᴇ 10 - ᴬᶰᵈʳᵉ́ - Année 1941

♫ : Avril Lavigne - Complicated

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Chapitre 10
Point de vue d'André

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Année 1941.

Ma mère revient souvent avec peu de nourriture.

Depuis l'automne 1940, des cartes de rationnement ont été instaurées, suivant un système qui fournit de 1 200 à 1 800 calories par jour et par personne, selon l'âge, les activités et le lieu de résidence.

A Paris, avec ses tickets de rationnement, un adulte peut acheter 275 grammes de pain par jour. Par semaine, il peut acquérir 350 grammes de viande avec os, 100 grammes de matières grasses et 70 grammes de fromage. Par mois, ses tickets lui donnent droit à 200 grammes de riz, 500 grammes de sucre et 250 grammes de pâtes.

Les queues s'allongent quotidiennement devant les magasins et les épiciers. Les boutiques sont vides mais les arrière-boutiques, souvent pleines, en profitent.

Pour s'en sortir, beaucoup de Français pratiquent le marché noir, qui est strictement interdit par la loi. Ceux qui s'y livrent achetent au prix fort, sans ticket de rationnement, les aliments qui manquent le plus comme le beurre, le café, les fruits ou la viande. Mais tous n'ont pas les moyens nécessaires pour profiter de ce trafic... De plus, il y a une hausse considérable des prix.

En octobre 1940, il y a eu le premier statut des Juifs : les citoyens juifs français ont été exclus de la fonction publique, de l'armée, de l'enseignement, de la presse, de la radio et du cinéma. Les Juifs « en surnombre » ont été exclus des professions libérales.

Mon père, qui a longtemps été enseignant, a trouvé un autre travail, chez un juif : il est apparenti mécanicien. Ma mère et moi, nous sommes toujours respectivement chanteuse et pianiste. Ma soeur Rachel travaille comme couturière. Quant à mon frère Jo, il est blanchisseur.

Cependant, malgré nos revenus, nous ne prenons aucun risque à nous livrer à de la contrebande. Nous ne voulons aucun problème et préférons être discrets.

Un soir, alors que nous sommes en train de dîner tous les quatre comme à notre habitude, le lieutenant Wagner entre silencieusement dans la pièce. Nous ne mangons jamais avec eux : ils se nourrissent principalement sur le lieu de leur travail ; ce qui n'est pas plus mal.

Nos assiettes sont peu remplies. Nous voulons faire quelques réserves parce que nous n'avons que très peu d'aliments. Il l'a sûrement remarqué car, le lendemain, il est revenu avec un panier rempli de mets qu'il a posé discrètement sur la table de la cuisine. Et il l'a fait très régulièrement ensuite.

Les aliments sont sûrement des produits réquisitionnés ou issus du marché noir. Nous ne manquons plus de rien. Il y a des légumes et des fruits, du pain, de la viande, de la farine, des œufs, du sucre... Même du chocolat.

Je ne le haïs plus comme avant, je le tolére, notamment à cause de ses attentions envers nous, même si je ne connais pas exactement ses raisons.

Peut-être que les Boches ne sont pas tous mauvais, si ?

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Je suis allongé dans le canapé du salon, Sarah blottie contre moi. Nous sommes seuls à la maison.

Elle passe ses mains sous ma chemise et mon corps se tend. Je sais ce qu'elle veut. Elle commence à déboutonner ma chemise tandis que je la laisse faire à contre cœur. Elle fait de même avec sa robe. Lorsqu'elle commence à s'attaquer à mon pantalon, je lui attrape les mains pour la stopper. Je n'ai pas envie d'elle.

Arrête, Sarah.

— Pourquoi ? Tu ne me trouves pas assez belle ? Se plaint-elle.

Ce n'est pas ça... Je ne suis pas d'humeur.

— Je suis certaine que si cela avait été une autre fille, tu aurais accepté. Moi, j'ai toujours envie de me marier avec toi... me chuchote la brune dans mes bras.

Sarah... essayé-je de la couper.

Oui, je sais ce que tu vas me dire : que tu ne m'aimes pas. Mais moi, je t'aime André. Je ne me vois pas vivre sans toi.

Je me redresse en la lâchant. Voyant mon manque d'envie de parler, elle continue :

Mes parents et les tiens sont d'accord. On pourrait se marier rapidement... On serait heureux. Je serais une femme aimante. Je pourrais même porter tes enfants...

Ça suffit Sarah, supplié-je en fermant les yeux, passant mes mains sur mon visage.

Je ne veux pas continuer cette conversation.

Mais quoi ?! Tu aimes une autre femme, c'est ça ?! Je ne supportera pas de te partager avec une autre !

Elle se trompe sur toute la ligne. Simplement, lui avouer la vérité est beaucoup trop dangereux...

Face à mon mutisme, elle me gifle violemment, en me traitant de salaud, avant de se rhabiller en vitesse avant de partir en courant, les yeux remplis de larmes.

Jäden fait son apparition sur le pas de la porte du salon, étant sans doute arrivé à l'instant ou il y a peu. Je me doute qu'il ait tout entendu.

Je me redresse, me mettant assis, réanfilant ma chemise en vitesse, un peu gêné qu'il ait assisté à ça. Est-ce qu'il se serait montré si elle et moi... ? Je sache rapidement cette pensée de mon cerveau.

Il s'installe un peu plus loin sur le canapé sans un mot. Il sort une cigarette qu'il allume. Après quelques minutes, il se tourne vers moi.

Vous avez brisé le cœur de la pauvre fille qui sortait de la maison lorsque je venais d'arriver, n'est-ce pas ?

Je suis un peu surpris qu'il s'intéresse à cela. Il n'a pas tendance à me parler de manière générale.

— Oui.

— Oui ?

— Oui, répété-je simplement, ne souhaitant pas tout dire.

— Vous avez été voir une autre fille ?

— Non ! Me défends-je, à la fois étonné et en colère.

Vous l'avez repoussé alors que c'est une très belle fille...

Ma mâchoire se contracte un peu et je hausse les épaules. Je ne compte pas m'aventurer sur ce terrain là, lui dire qu'elle ne me plaît pas parce que je suis homosexuel.

Elle est jolie mais elle ne m'intéresse pas. Elle est trop collante. Et surtout, je ne suis pas un salaud pour profiter d'elle et l'abandonner ensuite.

L'Allemand a un léger rire qu'il retient un peu et sourit, amusé par moi. Il reste ensuite muet.

***

Au printemps et en été 1941, de nouvelles mesures ont été prises par le régime de Vichy contre les Juifs comme : le durcissement de l'interdiction de certains métiers, la nomination d'administrateurs provisoires pour les entreprises, immeubles et biens meubles appartenant aux Juifs, hormis les locaux où ils habitaient, le bloquage des avoirs juifs ne permettant que de retirer des sommes nécessaires à la vie courante...

Le 13 mai 1941, les premières rafles de Juifs étrangers, organisées par la préfecture de police ont eu lieu. Nous ne sommes pas concernés, étant de nationalité française.

Les Juifs redoutent l'avenir. Beaucoup commencent à fuir malgré le peu de moyens qu'ils ont à cause de toutes ces interdictions. Ma famille et moi, nous avons décidé de rester.

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J'attends vos commentaires avec impatience...

Pensez-vous que Jäden se doute de quelque chose pour André ?

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