Chapitre 3
— Je n'ai jamais rien vu de similaire, dit Jungkook en reposant délicatement le bijou sur le velours.
Pris de remords face à ma réaction excessive, je lui avais demandé de nous rejoindre dans mon bureau. Je leur avais raconté mon étrange rencontre avec Jung Hoseok que j'aurais pu avoir rêvée si le médaillon n'était pas la preuve flagrante de son passage.
Jungkook l'avait pris dans ses mains après m'avoir interrogé du regard et l'avait examiné sous toutes les coutures. Malgré ses connaissances en joaillerie, il avait été incapable de lui donner une origine quelconque.
— Je ne sais pas qui a fabriqué ce pendentif, mais une chose est certaine, c'est qu'il maitrisait des techniques dont je n'ai pas connaissance. La qualité des pierres est exceptionnelle. Elles sont si pures qu'elles semblent changer de couleur à chaque mouvement.
J'acquiesçai à son analyse, car j'en étais venu à la même conclusion.
— Que vas-tu en faire ? demanda Namjoon. Je suppose que, dans les conditions de son acquisition, tu ne peux pas le vendre.
Je retins un sourire. Mon meilleur ami faisait toujours preuve d'un pragmatisme très mercantile.
— Il n'est référencé nulle part et, dans l'absolu, il appartient toujours à Jung Hoseok, à part le mettre au coffre, je ne vois pas ce que je pourrais en faire.
Je jetai un coup d'œil vers le coffre-fort qui occupait un coin de la pièce. Il s'agissait d'une antiquité qui datait de l'ouverture de la boutique par mon grand-père. Il était si lourd que nous n'avions pu le déplacer lors du réaménagement des lieux.
Il était resté posé sur le parquet de bois brun, touche anachronique au milieu du bureau que j'avais fait redécorer dans l'air du temps.
Les vieilles armoires de chêne bancales avaient été remplacées par une bibliothèque noire et le bureau sur lequel je dessinais à la sortie de l'école, étant enfant, avait fini sa vie dans une association caritative.
À la place trônait une table de verre qu'ornait un ordinateur dernier cri.
Les murs avaient été repeints dans un gris perle que je trouvais apaisant. Un pan était occupé par des écrans plats qui retransmettaient les images de surveillance de la boutique. J'avais fait installer un système d'alarme particulièrement performant, cependant, rien ne me rassurait plus que d'y jeter un coup d'œil pour savoir ce qui se passait dans le magasin.
New Haven était une ville paisible, néanmoins, cela n'empêchait pas la criminalité.
Je fus tiré de ma réflexion par Jungkook qui dessinait un croquis du bijou sur le carnet d'esquisses qui ne le quittait jamais. Son trait de crayon était assuré et, en quelques minutes, les détails du médaillon prirent vie sous mes yeux.
— Ou alors, tu le portes comme il te l'a demandé, dit-il sans lever la tête de son vélin.
— Tu crois vraiment que cela le mènera vers sa destinée ? demanda Namjoon, moqueur. À mon avis, c'était un illuminé ce mec.
Jungkook posa son crayon et lui jeta un coup d'œil torve.
— Certes, mais cela n'explique pas comment il s'est retrouvé avec un bijou pareil entre les mains.
— Et si l'on faisait des recherches sur Internet ? Peut-être qu'on pourrait le retrouver. Son nom doit bien être référencé quelque part.
— Bien sûr, si c'est un voleur, il a certainement décliné son identité complète sur toutes les plateformes de revente de bijoux, répondit Jungkook avec un sourire sarcastique.
Namjoon lui jeta un regard meurtrier.
— Ne me cherche pas, gamin !
— Et toi, arrête de dire des conneries plus grosses que toi, vieillard.
— Bon, ça suffit, intervins-je avant que les deux ne rentrent dans l'une de leurs joutes verbales sans queue ni tête qui me filaient un bon mal de tête à coup sûr.
Namjoon n'avait que quelques années de plus que Jungkook, mais son caractère posé et réfléchi, le faisait paraitre bien plus vieux, ce que ne manquait jamais de souligner ironiquement le plus jeune.
— Force est de constater que vous ne m'êtes d'aucune utilité sur ce coup-là, dis-je en me levant et en reprenant le bijou.
— Tu es dur là, répondit Namjoon.
— Je dirais plutôt « réaliste ». Seokjin ne va pas s'inquiéter de ne pas te voir revenir ? demandai-je pour la forme.
Mon meilleur ami se leva aussitôt.
— Pourquoi j'ai la vague impression que tu me fous dehors ?
— Peut-être parce qu'il y a un peu de ça...
Jungkook se leva à son tour.
— Et du coup pour le bijou ?
Je resserrai ma main autour du médaillon et me levai pour le remettre dans ma poche alors que la logique aurait voulu que je l'enferme dans ce maudit coffre.
— Je n'en sais rien, j'y réfléchirai plus tard. Je crois que la porte d'entrée t'appelle.
Jungkook eut un soupir.
— J'y vais... dit-il en mettant son cahier sous le bras et en sortant en trainant la patte.
Namjoon le suivit, après un signe de la main à mon intention.
Je regardai sans les voir les images de leur progression dans la boutique. Jungkook s'installa derrière le comptoir. Le carillon de la porte tinta quand mon meilleur ami sortit pour rejoindre le café.
Je me laissai retomber dans mon fauteuil.
Cette histoire était rocambolesque et, si l'on me l'avait raconté, je n'étais pas sûr que j'aurais pu croire en sa véracité.
Je décidai d'oublier tout cela pour l'instant et ouvris un tiroir pour sortir mes livres de comptes. L'exercice ne me plaisait guère, je préférai le contact avec la clientèle, pourtant, aujourd'hui, je ne me sentais pas d'humeur sociable.
Je m'attelai à régler les factures sans vraiment réussir à me concentrer.
La boutique marchait bien et je vivais confortablement de ses revenus, cependant, cela ne m'empêchait pas d'être très rigoureux quant à sa gestion.
Jungkook me rapporta une salade de chez Seokjin à midi que je grignotai sans appétit, le nez plongé dans la paperasse. Lui profita de sa pause pour aller surfer sur Internet et repérer un énième site d'urbex à explorer.
Ni lui ni moi ne reparlâmes du médaillon.
Vers seize heures, je décidai de fermer la boutique. Nous n'avions eu qu'un seul client dans la journée. Un vieux collectionneur qui souvent n'achetait rien, mais qui déambulait dans les allées de la boutique à la recherche de nouveautés. Le temps maussade incitait les gens à rester chez eux et j'eus la brusque envie de faire de même.
Je libérai Jungkook qui détala comme un lapin et repris le chemin de ma maison qui se trouvait non loin de là dans une rue adjacente.
Je vis Noah qui descendait du bus le ramenant de l'école, il vint m'embrasser et se dirigea vers le café devant lequel Seokjin l'attendait avec un sourire de fierté parental sur le visage.
Il m'adressa un signe que je lui rendis avant de reprendre mon chemin.
Je m'arrêtai faire quelques courses dans le petit supermarché qui faisait coin avec ma rue.
Les jours raccourcissaient et la nuit commençait à tomber quand je franchis enfin le seuil de ma maison.
Je l'avais acheté quelques années auparavant. Elle était petite, mais elle possédait un charme dont je ne me lassais pas.
Elle était en bois comme la majorité des demeures de la région. Elle se constituait de deux étages et était posée sur un petit écrin de verdure que je cultivais avec amour.
Une pièce unique occupait le rez-de-chaussée, il comportait un salon et une grande cuisine qui se prolongeait par une véranda. Un escalier en bois menait à l'étage où se trouvaient une grande chambre, une salle de bains et une pièce que j'avais aménagée en bureau et qui s'était très vite transformée en capharnaüm.
Je posai mon sac de courses et allai allumer la cheminée. La maison était équipée du chauffage central, mais rien ne me satisfaisait plus quand venaient les jours froids que d'entendre crépiter le feu dans l'âtre.
Je laissai mes mains se réchauffer au-dessus des flammes pendant quelques minutes et montai à l'étage pour prendre une douche.
Je sortis le bijou de ma poche et le posai sur la table de nuit de ma chambre. J'en écartai le tissu et l'observai un moment avant de me détourner avec un soupir.
Une fois douché, je redescendis au rez-de-chaussée pour me faire à manger. Je m'installai devant la cheminée avec un plateau-repas et un bon livre, pourtant, je dus bien vite me rendre à l'évidence que j'étais incapable de lire plus d'une ligne sans devoir recommencer.
Je finis par le poser et pris mon ordinateur portable pour entamer des recherches.
Les heures passèrent sans que je m'en aperçoive et je finis par m'endormir.
Le lendemain matin, je me réveillai courbaturé, l'écran de veille de mon ordinateur faisait défiler des photos de paysage issues d'un voyage en Islande.
Le feu s'était éteint, je jetai un coup d'œil à l'horloge qui décorait le mur et m'aperçus que j'étais en retard.
— Et merde ! m'exclamai-je, en sautant du canapé pour rejoindre l'étage.
Je m'habillai en quatrième vitesse et me coiffai.
Je posai le pied sur la première marche et fis demi-tour pour aller prendre le médaillon et le mettre dans ma poche.
J'avais passé la nuit à chercher des informations sur Jung Hoseok, mais je n'avais rien trouvé, mis à part quelques homonymes sans aucun lien avec l'homme que j'avais rencontré.
Je ne savais toujours pas quoi faire de ce bijou, pourtant tout me hurlait de ne pas m'en séparer même pour quelques heures.
La pluie s'était arrêtée et avait été remplacée par un vent glacial qui me tira un frisson. Je remontais la rue au petit trot pour me réchauffer quand Seokjin me héla à travers la vitrine du café. Il tenait à la main un gobelet de café qu'il agitait dans ma direction.
Mon estomac se rappela à moi au même moment, il était près de dix heures et je n'avais pas pris la peine de déjeuner avant de partir.
Je jetai un coup d'œil dépité à ma boutique et me dirigeai vers le café de mes amis.
— Je ne suis plus à dix minutes près, marmonnai-je en poussant la porte.
Seokjin se précipita aussitôt vers moi, il me colla le gobelet dans les mains et me poussa vers un tabouret avant même que je puisse reprendre ma respiration.
Il fit le tour du comptoir et s'y accouda, le menton posé dans la main.
Ses yeux brillaient d'un éclat qui ne laissait rien présager de bon. Je jetai un coup d'œil à Namjoon à travers la parole vitrée. Il me lança un sourire hésitant et je compris. Il avait tout raconté à son mari et j'allai devoir entendre ses théories farfelues alors que je n'avais pas un gramme de caféine dans le sang.
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