Chapitre 17

Isaé fait la tête. Et pas qu'un peu.

Même la présence de Jimin qui est sorti de l'infirmerie ne suffit pas à rehausser l'entièreté de sa jauge de bonheur. Sûrement parce qu'à contrario la simple vue de la silhouette de Jungkook affalé contre la façade du bâtiment, la fait descendre jusque dans les bas-fonds des enfers.

- Elle ressemble à ce nain là, dans Blanche-Neige... Comment est-ce qu'il s'appelle déjà ? Ah oui. Grincheux.

Étant donné que la discrétion n'est pas le point fort de Jungkook, et qu'il ne s'en cache pas, Isaé l'entend avant même qu'on arrive à sa hauteur.

Les pointes de ses cheveux, qu'elle a relevés en une queue-de-cheval haute, frôlent le milieu de son dos et lui apportent une aura plus assidue et stricte qu'à son habitude.

Son visage dégagé me permet d'entrevoir malgré tout la douceur de ses traits, ainsi que la rondeur de son nez et l'arc pointilleux que forment ses lèvres pincées.

Elle ne semble pas si en colère que ça. Enfin, elle aurait sans doute pu l'être plus encore si Jungkook ne venait pas d'engager un pas dans sa direction.

Le menton redressé pour lui témoigner plus de prouesse physique que je n'en aurais jamais, elle attend patiemment tandis que Jimin ouvre les yeux de surprise en cherchant une réponse dans les miens.

Mais je n'en ai aucune à lui apporter. Je ne sais pas ce que Jungkook fabrique.

Cet homme est la définition même du mot imprévisible.

- Je m'excuse d'avoir eu des paroles blessantes envers toi, la dernière fois.

Son ton n'est ni austère, moqueur ou nonchalant. Il est... sincère, pour une fois.

J'en reste pantois, de même que Jimin qui scrute Jungkook comme si c'était une espèce en voie de disparition.

De son côté, ahurie, Isaé a beau y mettre toute la volonté du monde, je vois ses épaules s'affaisser et un sourire discret germer au coin de ses lèvres.

Elle qui est tout le temps sûre d'elle, semble tout à coup faire preuve d'une intense compréhension.

- Je les accepte, je te remercie. Et je... Hm... Je m'excuse aussi d'avoir été aussi directive. Tout compte fait, je crois que j'aimerais en apprendre davantage sur ce que vous avez découvert. J'y ai bien réfléchi, et...

Aussi surpris que moi, Jimin pose une main sur son épaule, la bouche entrouverte, avant de secouer la tête et de sortir son ardoise de son sac pendant que Jungkook lui assure que ce n'est rien.

Ses lèvres s'étirent même doucement, renvoyant vers la jeune femme une onde d'affection qui sème un souffle de tendresse dans l'air.

Les compteurs sont remis à zéro.

« Vraiment ? Qu'est-ce qui t'as fait changer d'avis ? »

Sous le regard inquisiteur de Jungkook, et du mien, Isaé se mordille la lèvre en jouant légèrement avec les bretelles de son sac de cours.

- Je vais étudier dans cette université pendant encore quelques années. Je veux connaître tous ses secrets et savoir de quoi elle regorge. Et l'idée qu'un... cadavre, articule-t-elle avec peine, ait été retrouvé en son sein ne me plait pas du tout, mais je sais que c'est comme ça pour tout le monde.

Ses yeux fuient les nôtres quand elle prononce ce mot avec tant de difficulté qu'elle paraît perdre quelques couleurs sur l'intonation de ses trois syllabes.

Jungkook acquiesce, puis penche la tête de côté pour l'observer avec plus d'intensité.

Lorsque je me concentre pour me perdre dans l'immensité de ses deux iris, j'entrevois une lueur légèrement espiègle qui ne tarde pas à accompagner le ton amusé qu'il prend pour répondre à mon amie.

Et je le soupçonne aussi d'exploiter une telle expression pour détourner l'attention d'Isaé de l'horreur qui semble s'être amarrée à ses pensées tel des ombres visqueuses.

- Donc tu veux mener l'enquête avec nous ? sourit-il en agitant ses sourcils. Ça tombe bien, puisqu'on a découvert autre chose.

Il attise ainsi la curiosité de tout le monde, et encore plus lorsqu'il détache ses prunelles d'Isaé et de Jimin pour les poser sur moi.

J'acquiesce pour toute réponse, et m'appuie contre le mur situé dans mon dos qui forme une petite cavité à couvert des autres élèves, dans laquelle nous nous sommes réfugiés avant le début des cours.

« Par pitié, ne me dites pas que c'est un autre cadavre... »

Jimin, qui recommence à devenir aussi blanc que les nuages, nous montre son ardoise avant de s'appuyer de tout son poids contre la façade comme si ses jambes ne pouvaient plus le porter.

Je m'approche de lui pour le rassurer et secoue la tête avant de m'exprimer, une main sur son avant-bras.

- Hier soir, nous avons surpris une conversation entre deux hommes. Et nous savons que la personne décédée est une femme.

Rapidement, je leur relate ce que nous avons entendu, secondé par Jungkook qui ajoute quelques détails à voix basse.

- Taehyung a reconnu la voix de monsieur Fraser, mais l'autre homme reste à identifier.

- Je... Pardon ?

Un souffle glacial s'empare de l'espace qui nous sépare les uns des autres.

Un ricanement nerveux secoue Isaé, elle qui était pourtant prête il y a quelques instants à faire face à nos côtés concernant les éléments qu'on découvrirait.

Jimin, dont l'épiderme peut aisément se fondre avec la craie que nos enseignants utilisent pour écrire sur le tableau, pourrait presque réhydrater une grande partie des pays chauds si je considère avec attention la sueur qui pointe sous ses mèches d'un brun soyeux, huilant sa peau.

Si je dois être honnête, je trouve leur réaction assez démesurée, même si ça ne m'étonne pas d'Isaé qui voue quasiment un culte à l'ensemble de nos professeurs.

Jimin est pareil, mais je ne pensais pas qu'il l'était autant. Le pauvre a presque l'air de vouloir creuser un trou pour y terrer sa tête, comme les autruches.

« Ils parlaient du meurtre ?»

Je baisse les yeux vers l'ardoise de Jimin et hoche la tête en soupirant, les bras croisés sur mon torse.

- Oui. C'était lui qui accusait le second homme de la conversation. Mais ça ne signifie rien, j'ajoute devant la blancheur de ses lèvres qui se marie presque à celle de son émail dentaire. Peut-être qu'il connaissait la victime et qu'il essaie de mener son enquête de son côté.

Je hausse une épaule, tandis que Jungkook leur rapporte toutes les questions que nous nous sommes posées la nuit dernière. On leur expose aussi nos maigres hypothèses concernant le lieu des travaux et les ouvriers qui sont susceptibles d'être concernés.

Isaé penche fortement pour cette possibilité, ramenant à la surface le motif de la vengeance comme motivation.

- Je suis de ton avis, j'énonce en pensant sans presque le moindre doute que cette femme était celle de l'un des travailleurs.

Je ne peux pas en être certain à cent pourcent pour le moment, mais ça me paraît être la solution la plus plausible et la plus à approfondir.

Je crois fermement que nous tenons quelque chose avec cette piste.

- Il faut aussi noter que le béton était sec quand nous étions sur la scène de crime, avance Jungkook qui triture sa cravate dont un fil s'est pris dans l'aiguille de l'un de ses badges farfelus. Ce qui signifie qu'elle était morte depuis un moment.

- Oui, tout à fait. En plus, les travaux n'ont pas repris tout de suite, prononce Isaé qui se pince le menton en signe d'une grande réflexion, l'épisode de tout à l'heure étant totalement oublié. On nous l'a dit à la rentrée qu'ils venaient de reprendre après plusieurs semaines d'arrêt.

« C'est sûrement le tueur qui les a arrêtés pour faire... ce qu'il avait à faire. »

Jimin peine à s'exprimer sur cette affaire, ce qui me procure encore plus de reconnaissance à son égard.

Je le prends doucement contre moi pour le serrer près de mon cœur, et souris en retour quand il se blottit sur mon buste à la recherche d'un brin de chaleur.

- Sans doute, déclare Jungkook qui sort une cigarette de la besace qui pend contre ses hanches, ainsi qu'un vieux briquet des années 1800.

Il s'acharne dessus pendant quelques secondes, la tige coincée entre les dents.

Malgré mon ventre qui s'agite à la simple vue de ses lèvres pincées autour du bâton immaculée et de ses sourcils froncés qui creusent de légers sillons au-dessus de son nez, j'en viens presque à crier au miracle lorsqu'une étincelle s'échappe de son corps métallique.

- Donc d'après Fraser, ce fameux inconnu serait le meurtrier ? Mais monsieur Fraser ? Ça paraît fou, je ne le vois pas mêler à une affaire de ce genre..., raisonne Isaé, les deux mains en appui sur ses hanches cintrées par le blazer de l'uniforme.

- Personne ici n'a l'air d'être mêlé à quoi que ce soit, mais tout n'est qu'apparence. D'après lui, oui, le coupable serait cet autre homme, mais nous ferions mieux de nous baser sur du vent pour le moment. On ne peut pas pointer du doigt quelqu'un sans preuve, articule Jungkook en tournant la tête pour souffler la fumée âcre ailleurs qu'en notre direction.

Mais malgré ses efforts, un nuage volète vers moi, juste avant qu'il ne l'efface avec sa main pour l'empêcher de m'atteindre.

Je souris légèrement, et reporte mes billes sombres sur Jimin prisonnier de mes bras, qui acquiesce en silence.

« Il a raison. On ferait mieux de se faire notre propre avis de notre côté. N'ignorons pas ce que vous avez entendu, mais gardons le juste dans un coin de notre tête sans que ça affecte le reste. »

- Je suis d'accord avec Jimin. On sait que c'est important, et qu'au moins un de ces deux hommes est concerné de près ou de loin par l'affaire, mais avant de se pencher dessus, on a d'autres chats à fouetter.

Isaé soupire lourdement, comme si elle n'est elle-même pas sûre de ce qu'elle accepte de faire en s'autorisant à rentrer dans les remous de toute cette investigation.

- Laisse Zia en dehors de ça, je la réprimande d'un faux air accusateur.

Un rire lui secoue les épaules tandis qu'elle m'assure qu'elle adore mon chat.

Une faible réticence trône malgré tout entre nous, avant qu'Isaé ne se détourne vers nos deux autres camarades, dont l'un étant plus préoccupé par la fin de sa cigarette qu'autre chose.

- Bon, on y va ?

Jimin range son ardoise pour toute réponse en me servant un regard plein de reconnaissance, pendant que Jungkook écrase son mégot contre le sol avant d'aller le jeter dans une poubelle qui se situe sur notre chemin.

Devant moi, Isaé remet son sac correctement sur son épaule, et s'éloigne vers l'entrée du bâtiment principal aux côtés de Jimin, me laissant seul à l'arrière avec Jungkook.

Nous ne tardons pas à leur emboîter le pas, nos doigts emmêlés aux anses en tissu qui pendent le long de nos hanches.

Je triture les miennes avec un calme tempéré, avant de prononcer un seul et unique mot d'une voix basse qui transmet tous mes remerciements pour les excuses qu'il a offert à Isaé.

- Merci.

La douceur radieuse qui baigne mes lèvres est sincère quand je m'adresse à lui.

Et son sourire semble l'être plus encore.

Jungkook ne me regarde pas, mais moi oui. C'est ainsi que j'aperçois la commissure de ses lèvres qui s'allonge d'à peine quelques millimètres, suffisamment pour gonfler mon cœur d'exaltation.

Elle ne s'étire pas assez pour être exagérément expressive, mais raisonnablement pour me faire comprendre qu'il a choisi la compréhension à l'austérité.

- On se retrouve au réfectoire, ce midi.

Je n'ai pas le temps de lui répondre qu'il a déjà filé, emportant avec lui le chatoiement perçant de ses yeux bleu acier, ainsi que son uniforme volontairement détérioré qui lui apporte tout le charme dont il est pourvu.

Et c'est dès lors que le manque de sa présence se fait ressentir, qu'une ondulation imperceptible vient élargir l'esquisse qui bourgeonne sur mes lèvres, subtile mais triomphante.

***

Monsieur Baker a l'air d'aller encore plus mal que la fois dernière.

Si sa fougueuse passion pour l'histoire Ancienne ne l'a pas quittée, la maladie qui semble le ronger est elle toujours bel et bien présente.

Pendant que je tape sur mon clavier le cours intéressant qu'il nous inculque sur la fondation des institutions à Athènes, je remarque que son teint est plus blanc que le tableau sur lequel il écrit.

- Pourquoi son état ne diminue pas... Ça fait presque deux semaines qu'on a repris les cours, il devrait au moins y avoir une amélioration...

La tablette d'Isaé éclaire une partie de son visage quand elle se penche vers son écran pour murmurer entre nous.

Assise au milieu, elle s'intéresse plus à l'état de notre professeur qu'à tout autre chose depuis que nous avons pénétré dans la classe.

Je l'ai vu dès notre arrivée se focaliser sur lui, passant au peigne fin la moindre de ses actions et de ses quintes de toux comme si elle en connaissait tous les secrets médicaux.

Je me demande si elle en vient à tout analyser depuis qu'elle s'est mise en tête qu'elle allait enquêter à nos côtés.

Ça ne m'étonnerait pas, la connaissant. Isaé ne fait jamais les choses à moitié, et encore moins quand ça peut lui permettre d'apprendre de nouvelles choses.

- Les grosses angines ou les grosses bronchites ne sont pas faciles à évincer, je réponds sans lâcher le texte que j'ai sous les yeux.

« Ou peut-être juste qu'il est comme ces animaux vous savez, ceux qui ont des rhumes peu importe la saison. »

Jimin nous montre discrètement son ardoise, avant de se repencher sur son propre travail.

Depuis sa sortie de l'infirmerie, il a l'air d'aller bien mieux même s'il m'arrive de le surprendre en train de guetter les recoins de chaque couloirs qu'il foule comme si un monstre paraissait prêt à en sortir pour l'engloutir en une bouchée.

- Heureusement qu'on a pas choisi médecine, je chuchote devant notre manque crucial de discernement médical.

Isaé rit tout bas, avant de noter la manière dont étaient votées les lois à l'époque en dessinant un schéma que je lui pique dans la seconde qui suit, le visage à moitié penchée par-dessus son bras.

- D'ailleurs, qu'allons-nous faire désormais ?

Mes épaules se haussent d'elles-mêmes, m'obligeant à cesser un instant ma rédaction.

Dès le moment où j'ai eu quelques minutes à leur accorder à l'abri d'oreilles indiscrètes, j'ai pu leur en dire davantage, même si Jimin en connaît une partie.

L'état des lieux boueux, celui du cadavre en décomposition plus qu'avancer, la discussion détaillée entre les deux professeurs, ainsi que la réunion avec le directeur bien que comme je le soupçonnais, Jimin ai déjà tout dit de cette partie-là à Isaé.

- Il va falloir qu'on fouille, j'interviens d'un octave plus bas. Il faudrait peut-être voir avec...

- Excusez-moi une minute, je vous prie.

Notre enseignant lâche son crayon, son ordinateur, ainsi que le diaporama qu'il nous diffuse depuis une bonne heure déjà.

Il se rue sur la boîte de mouchoirs installée dans un coin de son bureau, et en arrache trois d'un mouvement vif avant de tousser violemment dedans.

Ses quintes de toux, qui ont l'air de lui râcler les poumons, ne s'arrêtent pas avant cinq bonnes minutes. Elles sont si fortes qu'on dirait presque qu'elles vont lui faire perdre l'équilibre, lui qui est déjà excessivement maigre.

La main tremblante, il peine à attraper sa bouteille d'eau et à en vider un quart.

- S'il pouvait mourir avant de nous donner notre première interro...

Des élèves gloussent derrière moi. Mon dos se redresse. Mon esprit se fait plus avisé.

Je tends l'oreille, soucieux de trouver le deuxième interlocuteur du dialogue que monsieur Fraser n'a pas eu tout seul.

On ne sait pas qui il peut être, mais ayant reconnu quelques sonorités de son timbre malgré le vent qui nous soufflait dessus, je suis plus attentif qu'auparavant aux gens qui m'entourent.

Les voix sont plus que des sons pour moi. À présent, elles représentent tout autre chose.

Veloutées, elles glissent sur les syllabes avec une douceur feutrée, comme un murmure effleurant la peau.

En elles, chaque nuance façonne un univers. Chaque inflexion peint une émotion. Ces intonations deviennent des hymnes à la vie ou à la mort. Elles deviennent une empreinte, un souffle d'existence qui marque ceux qui l'écoutent.

J'y suis très sensible, de même lorsque je sens Isaé se tendre à mes côtés, et que j'aperçois du coin de l'œil Jimin qui rentre la tête dans les épaules.

J'apprécie qu'Isaé soit prête à intervenir comme elle le fait si bien d'habitude, ses poings serrés de chaque côté de sa tablette et le bout de son nez rond retroussé, mais aujourd'hui, mon sang boue tellement que je me suis retourné avant même d'y avoir réfléchi à deux fois.

- Depuis quand ambitionner la mort de quelqu'un est la blague de l'année ?

Les sourcils du garçon que je fixe se haussent avec une arrogance que je répugne.

Ses doigts résonnent de manière horripilante quand il les tape en rythme sur son plan de travail, le regard abusif, l'expression rossard.

La fille à ses côtés, dont le chignon parfait et la posture redressée sous-entendent qu'elle ne se prend pas pour n'importe qui, m'analyse de haut en bas comme si je n'étais qu'un chewing-gum sous la semelle de sa chaussure, accentuant davantage le sentiment acide qui entame l'intérieur de mes joues.

Pourtant, je n'en démords pas.

Rire de la mort de quelqu'un n'a rien d'amusant.

- Et notamment dans une école qui a déjà accueilli un premier meurtre, j'ajoute en parant mes iris de leur voile le plus obscur. Avez-vous envie d'être les suivants ?

Isaé, qui suit attentivement notre échange, pose une main bienveillante sur mon avant-bras pour m'intimer de me retourner à l'instant où le cours reprend.

La fille s'offusque dans un ricanement qui ressemble plus au bruit d'une biquette boiteuse qu'à autre chose, pendant que le garçon ne trouve rien de mieux de son côté que de me traiter d'imbécile.

Mais ça n'a rien d'étonnant au vu de sa boîte crânienne aux mesures limitées. Trois pauvres petits neurones doivent se battre à l'intérieur et se rentrer sans cesse dedans.

La respiration hachée, je les ignore comme je peux même si le désir de répliquer à nouveau pulse dans mes veines et au bout de ma langue.

Mais ça ne ferait qu'empirer les choses, d'autant plus lorsque je m'imagine ce qu'il m'attend ce soir quand je rentrerais chez moi.

Ça a au moins le mérite d'être miraculeux ; penser aux rides sévères de mon père et à sa voix gorgée d'animosité fait tout de suite redescendre ma tension d'un cran.

La mine de mon crayon s'écrase contre l'immaculée de ma feuille blanche à l'instant où mon cœur fait une embardée dans ma poitrine.

Comme si je n'étais en réalité qu'un jouet Kinder monté à l'envers, le malaise revient bien plus vite hanter mes pensées quand j'entrevois à ce qu'il y a entre maintenant et ce soir.

La pause du midi.

Jungkook.

Ses yeux perçants, son sourire agaçant et sa silhouette svelte.

C'est là que je comprends que mon malaise n'en est pas un, et que les bulles effervescentes qui agitent le noyau de mes globules rouges jusqu'à en réchauffer mes veines d'impatience sont en réalité de l'excitation.

Une légère tension délicieuse au creux de mon ventre, je m'efforce de contrôler l'allongement de mes lèvres pour ne rien laisser paraître aux yeux des autres, même si Isaé semble surtout focalisée sur notre professeur aux cernes violacées.

Il me faut quelques secondes, mais je prends le temps d'inspirer calmement pour remettre mes idées au clair.

Nous ne nous sommes pas encore retrouvés que Jungkook encombre la totalité de mes pensées.

Il m'arrive de me demander comment c'est possible. Comment sa présence à elle seule arrive à capturer chaque fragment d'attention d'une pièce ou d'un souvenir, pour parvenir à m'égarer du reste du monde comme si je disparaissais dans une brume lointaine ?

Son timbre profond, les senteurs de lavande et de poire qui se glissent en dehors de ses vêtements, la manière dont la lumière rayonnante du soleil caresse sa peau.

Tout de lui n'est qu'une mélodie obsédante qui fredonne à mes oreilles.

Il est trop tard, je sais que je suis envoûté.

Envouté par sa façon bien à lui qu'il a de remplacer ma vie fade et pleine d'amertume par une exaltation nouvelle qui résonne comme une nécessité.

La nécessité d'aller de l'avant, de respirer à nouveau.

Et malgré moi, je découvre que ce mantra est plus ancré en moi que je ne le crois dès que je décale la mine de mon crayon pour y déceler les contours croqués de l'une des prunelles bleu outremer qui hante le plus mes pensées.

Ses longs cils et la teinte dense de son iris sont là pour me chuchoter une seule et même promesse ; que je ne serais plus abandonné.

Et je m'y accroche comme si elle était la dernière étoile brillante de mon abîme silencieux, où les formes se fondent puis s'égarent sans jamais parvenir à retrouver leur chemin.



Est-ce que vous trouvez que les sentiments que commencent à éprouver Tae sont trop vifs, trop rapides par rapport au stade de l'histoire et à sa relation naissante avec Jungkook ? Car j'ai peur de me précipiter mais c'est dur pour moi de m'en rendre compte 😭

N'hésitez pas à me donner vos avis, et à dimanche prochain hihi !

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