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Petite, en voiture, j'essayais de faire des mots avec les plaques d'immatriculations sur l'autoroute. Maintenant, ce jeu m'est devenu familier. Remettre les lettres dans le bon ordre, c'est devenu machinal.  En même temps, j'ai eu le temps de m'entrainer. 

La tete sur mes genoux, Brioche couine. A chaque fois qu'on déménages, mon père m'offre un cadeau. C'est sa façon de me demander pardon, je pense. A mes 11 ans, j'ai demandé un chat. Il m'a offert un chien. Un Shiba Inu. Alors moi, je l'ai appelé Brioche. 

Je me demande ce que je vais réclamer, cette fois.

- Hélène ? Ca va derrière ? Je ne t'entend plus ! demande mon père en bougeant le rétroviseur, de sorte à voir ma tete.

Je grommelle un "oui". J'en ai marre qu'il me traine  partout.

- Hé, ma puce...je sais que tu m'en veux, mais cette fois, je te promet, c'est la bonne. Oh, mais c'est toujours la bonne, je pense enlevant les yeux au ciel. "On va s'installer une bonne fois pour toute, je te le promet, et... 

- Ooooh, tu promet ! Mais c'est très rassurant, ça ! On est sur de vivre là-bas toute notre vie, alors ! j'ironise.

-... et je sais à quel point c'est difficile pour toi de changer de maisons comme ça, à tout bout de champs. 

Non, il ne sais pas. Il ne sait pas ce que ça fait de devoir arriver dans un collège en milieu d'année. De s'intégrer.  De se faire des amis, alors que les groupes se sont déjà formé. De repartir encore et encore. Et de ne pas savoir pourquoi. En 14 ans, j'ai déjà déménagé 8 fois. Et je n'en connais toujours pas la raison. Mon père doit travailler dur pour subvenir à nos besoins, alors, où que l'ont soit, je ne le voit pas souvent. Il part tôt et rentre tard. Il n'y a a que lui.

Ma mère est morte il y a 11 ans, dans un accident de voiture. Je ne garde d'elle que des photos, des souvenirs et une petite boite à musique. "Elisabeth était une personne formidable" A son enterrement, tout le monde venait me voir et me faisaient des cadeaux. Je ne comprenais pas. "Dis, P'pa, c'est mon anniversaire ? Pourquoi tout le monde y pleure, P'pa ?" Il s'était alors accroupis et m'avait regardé dans les yeux "Je t'aime, ma chérie", avait-il murmuré, avant de me prendre dans ses bras. Surement pour que je ne le vois pas pleurer. 

C'est à partir de la mort de ma mère que nous avons commencés à devenirs "nomades", comme j'aime nous appeler. Mon père préfère "Globe-trotteurs". Sauf qu'on ne fait pas partie de ces gens qui ont des toilettes sèches et qui mangent de l'herbe dans leur camionnette jaune pétant, Papa. Bref. Mon père à toujours fait attention à nos lieux de résidences. Il s'est toujours débrouillé pour m'inscrire dans des écoles et collèges Français. Je suis née à Paris. On a fait Bous, Uzès, Aix-en-Provence, Rome, Zurich, Dejani (un bled paumé en Roumanie)et Lioubertsy. La, on a quitté Ajaccio, après 3 ans. Notre record, haha.

Je l'aimais bien, cette ville. Je m'y était attachée. Les sorties glaces avec ma bande de pote, les promenades sur les rochers avec Audrey, le collège et les profs ennuyeux... Tout ça m'a soudainement été arraché un soir rentrant du collège, prête à regarder ma série et manger des galettes de riz soufflés au lieu de faire mes devoirs. Mon plan alléchant à été ruiné par mon père, au téléphone, dans la cuisine. Dès qu'il m'a vu, il a fait un "Je te rappelle" précipité à l'intention de son interlocuteur et s'est empressé de raccrocher pour m'inviter à m'asseoir. 

- Hélène, déclare-t-il d'un ton important.

- Christophe, je répond avec le même ton, amusée. Mais pas un sourire. Mon père est quelqu'un de jovial. J'essaye de comprendre. Pourquoi être rentré si tôt du travail ? Quelque chose cloche. 

Dans mon souvenir, il ne m'avait pas fallut pas longtemps pour comprendre. Enfin bon, j'avais fini par m'habituer. Mais, malgré moi, j'avais espéré que cette fois, cette fois, peut être y avait-il une infime chance de s'installer. J'avais des amis, de bonnes notes, mon père avait un boulot.... Tout se passait au mieux. Pourtant... 

Mon visage se décompose. Mes bras semblent peser une tonne. 

- On...on va ... on va partir ? je bredouille.

Oh, comme j'aurais voulu qu'il éclate de rire et qu'il me prenne dans ses bras ! "Mais non, voyons, c'est juste que j'ai reçu ton bulletin et que tu as 0,2 de moyenne !" Même ça, ça m'aurait soulagé. Mais non. Il a semblé surpris que je comprenne si vite.  Il a essayé de se rattraper :

- Ma puce, écoute moi, s'il te plait... 

- On...qu-quoi ? On va déménager..? A...après tout ça ? Après tout ce qu'on a construit ? je murmure, sous le choc.

- Je... Hélène, on... on est obligés, on doit parti...

- Punais...punaise, quoi ?

- Ecoyte moi, ma belle, je te jure que...

- NAN ! JE M'EN FOUS ! On est obligés ? On est obligés de rien ! DE RIEN ! On part si on veut ! C'est TOI qui veut toujours partir, TOUJOURS, TOUJOURS, TOUJOURS ! J'EN AI MARRE ! J'AI UNE VIE, UN COLLEGE, J'AIME CETTE VILLE ET TU DOIS VENIR TOUT GACHER ! On peut pas avoir une vie NORMALE ? Po...posée ?J'en...J'EN-AI-MARRE j'hurle, des larmes dévalant mes joues et brouillant ma vue. 

Essayant de rejoindre ma chambre, je m'effondre dans les escaliers . Calmer. Me calmer

- Ne me TOUCHE PAS !  je m'exclame à l'intention de mon père, venu m'aider à me relever. Il ouvre la bouche, puis se ravise. Ne...me...touche...pas. 

Me relevant tant bien que mal, je me dirige vers ma chambre et m'effondre sur mon lit, secouée de sanglots.  

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