𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 5 : 𝑼𝒏𝒆 𝒔𝒆𝒄𝒐𝒏𝒅𝒆 𝒅𝒆 𝒕𝒓𝒐𝒑
"Little by little, what you've become will naturally become important to you. What you need at the start is a little bit of curiosity."
Kiyoko Shimizu
– Bouge, on va être en retard !
Mahiru fronça vivement les sourcils en détournant les yeux de son portable, accordant son attention à la silhouette frétillante de sa cousine s'activant autour d'elle depuis une dizaine de minutes déjà.
– Ça te va bien de faire la morale aux gens tiens ! grinça la brune d'un ton cassant, passablement agacée par le gâchis de sommeil dont elle tenait Ayaka pour responsable.
Elle reporta ses pupilles sur son smartphone et jeta une œillade brève à l'adresse que Shimizu Kyoko lui avait indiqué la veille, laissant glisser ses orbes grises sur les chiffres scandaleux luisants sur le recoin gauche de l'appareil.
– Il est sept heures vingt, on est sûres d'arriver à l'heure si on part dans dix minutes alors par pitié, arrête de me secouer alors que je fais l'effort de me lever aux aurores pendant les vacances.
– DIX MINUTES !?? sa partenaire tomba des nues. Et avec ça c'est quand que tu te lèves et que tu déjeunes ??
Mahiru haussa les épaules avec désinvolture et s'extirpa du confort de son lit, ignorant royalement sa colocataire de fortune en la dépassant pour atteindre son placard. C'était un renfoncement mural encadré par deux portes que l'adolescente fit coulisser dans un crissement sourd, si bien que leurs roues légères manquèrent de déloger des rails sur le passage abrupt de la jeune fille. Elle remua les amas de textile quelques secondes ; en sortit une paire de sous-vêtements charbons précédant un débardeur de même couleur, lui-même assortit au long short de lin qui finit projeté à l'autre bout de la pièce dans le même temps qu'une ceinture de cuir au fermoir argenté.
Il ne fallut qu'une poignée de minutes à la lycéenne pour revêtir le tout. Elle parfit l'ensemble d'une chemise azurine trop large de quelques longueurs non négligeables, que ses mains investirent en plongeant dans les pans du tissu.
La brunette arrangea sa chevelure d'un ébrouement hâtif, rejeta la tête vers l'arrière pour dégager son champ de vision et administra à sa cousine une tape légère sur l'arrière du crâne, fin prête.
– Voilà, c'est pas si compliqué, déclara-t-elle. T'as déjà mangé je suppose, donc j'ai juste à sauter dans mes baskets et m'attraper un truc a graill au passage, puis on s'arrache.
Sa comparse aux mèches brunes et blanches geignit en se massant la tête l'air contrarié, décochant un regard mauvais à l'encontre de son hôte à défaut de pouvoir la contredire.
– Ouais, ouais, ouais. Franchement, t'est insupportable à toujours avoir la réponse à tout, j'te jure. Bref, prends mon sac pour qu'on range le déjeuner dedans avant de partir, et on y va.
Mahiru n'eût pas le temps de retenir la jeune artiste que celle-ci dévalait déjà les escaliers comme si sa vie en dépendait, laissant sa pair en plan au milieu de la pièce.
L'adolescente soupira en se glissant prestement au travers de sa trappe, agrippant le sac militaire de sa cousine au vol en hélant celle-ci depuis le haut des escaliers :
– Quel déjeuner ?? J'nous paierait un truc à la supérette, on a pas le temps de faire ça maintenant !
– Parce que tu crois que je t'ai attendue pour m'en occuper ? La bonne blague ! J'ai préparé des bentos hier soir quand tante Yuri est revenue des courses !
La lycéenne s'activait depuis la cuisine élégante des Asano, brandissant fièrement leur repas enveloppé par un sac plastique tandis que le frigo se refermait dans un claquement sec.
– Pour moi aussi ? La retardataire questionna en arrivant à sa hauteur.
– Faut bien, tu sais pas pas te nourrir toute seule. Je t'ai fait des gyozas exprès !
Si la jeune fille fût tentée de rétorquer quelque chose à la taquinerie -pas vraiment infondée- ses yeux se remplirent immédiatement d'étoiles reconnaissantes à la mention des raviolis de l'Est.
– Vraiment ? Ooooh Ayaka, merci tu gères !
– Je sais Mai, je sais. Ça fait plaisir de te voir admettre mon génie, mais prends ça et passe la seconde, exhorta la cuisinière en lui tendant le sachet.
Mahiru s'en empara d'un air satisfait puis saisit une pâte au haricot rouge cachée dans le fond d'un placard, enfila ses baskets depuis le gekan aux côtés de sa cousine et fuit le foyer familial pour de bon, rabattant la porte d'entrée derrière Ayaka et elle-même.
Il était encore tôt, aussi une légère brise effleurait la peau des lycéennes avec douceur ; c'était suffisant pour les protéger de la chaleur pré-estivale et les brunettes en furent bien gré.
Brioche à la bouche, la retardataire consulta brièvement l'écran de son smartphone tandis qu'elles quittaient le quartier résidentiel, filant en direction de la modeste gare de Shikama.
– Trente-deux ! Tu vois, on est large pour chopper le train de quarante.
– Bof, j'aurais pas parié sur le fait que tu te lèves si je t'avais pas secouée, lâcha l'autre d'un ton sceptique. -Miiince, j'ai zappé les gourdes !
Un sourire narquois fleurit sur le visage de Mahiru en réponse à la complainte de sa partenaire, et, ne ratant pas une si belle occasion, la brune railla son homologue en la dépassant de quelques pas, bousculant malencontreusement la jeune artiste au passage.
– Problèmes de génies je suppose ? C'est ça d'avoir le cerveau surstimulé en permanence, il paraît.
elle marqua une légère pause.
Ou peut-être pas en fait, peut-être que t'es juste bête. Ouais, ça doit être ça.
Ayaka fronça vivement les sourcils et s'élança pour assaillir l'adolescente, mais celle-ci l'avait vue venir. Railleuse, elle lui fila entre les doigts d'une esquive habile puis s'empressa de rétablir une distance sécuritaire entre elles.
– Si j'étais toi j'irais pas plus loin, averti Mahiru. Ça serait dommage qu'il me reste plus assez de sous pour payer une deuxième bouteille d'eau à Miss Fauchée, t'es pas d'accord ?
La mine de sa cousine était épouvantable. La jeune artiste se pinça l'arrête nasale d'énervement, tellement fort qu'on pouvait y apercevoir une marque rouge lorsqu'elle en retira ses ongles, laissant un long grognement étouffé s'échapper de sa gorge.
– Tu caches bien ton jeu, hein. En fait c'est pas moi l'intenable de la famille, tu te fais toujours oublier mais t'es vraiment infernale quand tu t'y mets.
Le sourire mesquin de la concernée s'accentua dans un accès de ravissement, et ses yeux se plissèrent tandis qu'elle répondait :
– Haha, mais y'a qu'avec toi que je me lâche, Aya. Te méprends pas, c'est parce que je t'aime.
– Mmhhhh, avisa sa cousine d'un air sceptique. C'est difficile de savoir quand tu parles sérieusement et quand tu blagues, mais si c'est vrai alors vaudrait p't'être mieux que tu me détestes.
– Pfff -Mahiru lui assena un coup de coude dans les côtes- aller va, je te paye ce que tu veux au distributeur mais on s'active, sinon on va vraiment finir par le rater, ce train.
Ayaka failli s'étouffer avec sa propre salive.
– C'est toi qui dit ça ??!!!!
⁂
Le gymnase aux contours désormais familiers s'imprimait sur la rétine des deux jeunes filles, et si Ayaka s'y jeta sans hésiter; armée de son entrain habituel, ce fût une autre affaire pour l'antisociale du duo qui rejoint ses pairs lycéens à reculons.
C'était le dernier jour de la Golden Week, et cela en faisait déjà cinq qu'Ayaka l'avait rejointe. La mère de Mahiru avait prétendu l'inviter pour que sa fille ne se retrouve pas seule toute la semaine, mais l'adolescente la soupçonnait d'utiliser l'enthousiasme de sa cousine pour alléger l'atmosphère.
Toujours est-il qu'après deux jours de divertissement intense - remplis des sorties imposées par la plus jeune des Asano - les adolescentes avaient choisi de consacrer leur fin de semaine aux volleyeurs de Karasuno.
Mahiru regarda l'étudiante d'arts saluer les sportifs dans un mélange d'incrédulité admirative, fascinée par la capacité de celle-ci à s'intégrer parfaitement au sein de n'importe quel milieu social.
Elle était dans son élément, bloc-notes à la main, décochant encouragements et sourires radieux à chaque volleyeur qu'elle croisait. Gratifiant les dénommés Tanaka et Nishinoya d'un check amical sous l'œillade brûlante de sa cousine, qui contemplait l'ironie de la situation d'un détachement dont elle faisait preuve ces derniers temps plus que d'ordinaire.
Mahiru ne sait pas à quoi elle pensait lorsqu'elle avait laissé échapper la proposition de son professeur de lettres au détour d'une conversation, erreur qui l'avait conduite à cette situation précise. Évidemment qu'après cela, Ayaka l'entrainerait dans le repère des volleyeurs de gré ou de force.
Et voilà maintenant que la jeune fille semblait plus légitime qu'elle à se tenir sur les parquets du gymnase.
La brune soupira d'un air las.
Elle salua d'une courbette son enseignant assis en compagnie du vieux corbeau fraîchement désigné coach de l'équipe, trottina vers l'entrepôt du gymnase et disparut dans ses ténèbres.
Elle y trouva Shimizu Kyoko, occupée à tracter les poteaux jusqu'aux terrains encore vierges.
L'adolescente s'empressa d'assister la jeune femme, empoignant l'une des extrémités du chariot sur lequel reposaient les poutres pour le tirer à reculons.
Son aînée la remercia d'un sourire entendu, et Mahiru lui répondit d'un hochement de tête
– Ça va comme tu veux, Shimizu-san ?
La terminale hocha la tête.
– Plutôt, oui. Elle désigna le groupe d'adolescents d'un coup de tête. Ils sont bouillonnants, ce matin.
Mahiru leur jeta un coup d'œil frigide par-dessus son épaule.
– C'est sûrement l'effet Nekoma, ils en parlent non-stop depuis qu'on vous a rejoint, Ayaka et moi.
Les yeux de Shimizu semblèrent pétiller aux travers de ses lunettes.
– J'ai hâte de voir ce que ça va donner, murmura-t-elle plus pour elle-même que pour sa cadette.
Elle reporta tout de même son attention sur la jeune fille, et questionna :
– Tu te plais, ici ? Le courant passe bien avec les garçons ?
La brune lui offrit un sourire hésitant avant de formuler sa réponse.
– Ça me change, commença-t-elle. L'ambiance est agréable et tout le monde est très gentil, mais je suis pas très douée avec les autres. Disons qu'il me faut du temps pour me sentir à l'aise, pas comme elle, conclut la lycéenne en désignant sa partenaire du regard.
La jeune femme scruta Mahiru de ses grands yeux bleu marine.
Elle lui décocha un sourire, oh, un sourire dont la tendre sincérité suffisait à faire chavirer des cœurs.
– Tu me ressembles, Asano-san. Je ne suis pas bavarde non plus, et je ne connaissais personne lorsque j'ai rejoint le club. Mais tu verras, le temps passe vite, et aujourd'hui je suis très proche des autres terminales. Tu t'en sors très bien, vraiment.
La jeune fille fut prise de cours et ne sût pas quoi répondre.
– PREMIER !!!
Deux voix tonitruantes s'élevèrent simultanément dans les tours du gymnase tandis que leurs silhouettes essoufflées se profilaient à l'horizon, tignasse rousse et chevelure noire émergeant des battants de métal sombre dans un éclat de lumière.
– Haha, la victoire est pour moi, Kageyama !
– Dis pas n'importe idiot, je suis arrivée une seconde avant toi !
La brune se retourna vivement sur les deux piles électriques de Karasuno, soustrayant les paroles de la manager à ses pensées.
Un sourire amusé ourla ses lèvres alors qu'elle partait à la rencontre du duo, sincèrement réjouie de la présence des jeunes hommes.
Si ses interactions se faisaient hésitantes avec le reste de l'équipe, la lycéenne avait tout de suite adopté le rouquin. Peut-être parce qu'il semblait bien plus jeune, que son entrain lui rappelait celui de sa cousine, ou bien simplement qu'il était ce genre d'individu impossibles à détester; toujours est-il qu'en deux jours à peine, le jeune homme avait su briser sa coquille.
– Yo, Shoyo-kun ! Elle l'interpella avec légèreté. Prêt à jouer contre les chats ?
– Ooohh, Asano-sempai !! S'extasia-t-il, déjà prêt à assaillir son aînée de "boom" et de "fschaaa" décrivant son excitation.
– Lui saute pas dessus ! Kageyama l'arrêta d'une mandale sur le crâne, tirant un gémissement d'agonie au plus petit du duo.
Et commence pas à t'exciter, où t'auras plus de force pour le match, abruti !
Le nabot lui décocha un regard noir doublé d'une grimace affreuse, et finit étripé par le brun tandis que celui-ci s'excusait platement auprès de Mahiru.
– Excuse-le Asano-sempai, il sait pas se tenir.
La brunette se fendit d'un sourire narquois en avisant le passeur, qu'elle ne considérait pas non plus comme un exemple de savoir-vivre ; mais elle retint sa langue.
– Pas la peine de faire des manières, assura l'adolescente dans un haussement de sourcils. Et toi, Kageyama-kun, la forme ?
Son cadet hochait vivement la tête lorsque l'activité habitant le gymnase fût interrompue par le cri fébrile du libéro de l'équipe :
– NEKOMA EST LÀ !!! J'AI VU LEUR CAR !!
Instantanément, les joueurs se rassemblèrent à l'appel de leur coach et sortirent du gymnase en file indienne, Kyoko, Mahiru et Ayaka sur les talons. La lycéenne croisa les pupilles remplies d'étoiles de sa cousine et lui fronça les sourcils, intimant tacitement à cette dernière de se tenir tranquille lors du débarquement des Tokyoïtes.
Son avertissement délivré, elle se plaça en retrait du groupe et observa froidement les deux équipes, alignées face à face, le visage désireux de vaincre caché sous des masques de cordialité factice.
Et ses orbes grises, comme elles savaient si bien le faire, sondèrent l'inconnu de leur éclat calculateur.
Elles coururent sur le visage d'un rouquin aux yeux perçants, puis remontèrent la silhouette d'un excentrique à la crête couleur pissenlit. Dévisagèrent le visage intelligent d'un lycéen aux mèches bicolores, avisèrent le teint basané de l'un de ses partenaires. S'arrêtèrent sur un chat plus haut que les autres, dont les épis indomptables parsemaient le pelage ébène.
Attirant les pupilles orageuses qui ne purent s'en détacher pendant une seconde fugace, une seconde de plus que le reste. Une seconde suffisante pour que le grand félin en éprouve la caresse.
Peut-être une seconde de trop.
Après toute cette attente, il est enfin là !! C'est à partir de maintenant que les choses sérieuses commencent x)
J'ai hâte de vous dévoiler la suite !
À plus
Yuu
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