Chapitre 65 : P A T A T O È S

Le café proposé par Alix dura jusqu'après 19h00. Alors d'un commun accord, nous nous dirigeons vers un petit fast-food, fréquenté par tous les collégiens et lycéens du coin. Nous sommes rejoints par d'autres garçons, connaissances d'Alix dont je n'ai pas retenu les noms, et j'ai même proposé à Judy de nous rejoindre, et contre toute attentes, elle est venue avec Aïssah et Nuccya. Visiblement, elles ne se quittent plus toutes les trois, leurs querelles incessantes semblent bien lointaines. Ça, je n'y aurais jamais cru. Mais elle est aussi venue avec...

« Clothile ? »

« Oh Éos, ça fait un bail. Tu ne me donnes plus aucune nouvelle depuis que tu as déménagé. C'est pas cool. Sans Judy, je ne saurais même pas que tu es encore en vie. »

« Maintenant tu le constates par toi-même. » Haussé-je les épaules. « Et Eliott, il n'est pas avec toi ? »

« Non, il est avec euh... » Elle se stoppe comme si elle allait dire quelque chose qu'il ne fallait pas, et ajoute seulement. « Son... petit-ami... » Elle mord sa lèvre, incertaine quant à ma réaction.

Sans doute se rappelle-t-elle incartade quand Eliott avait voulu me le présenter.

Je pince les lèvres et ne dit rien. Je ne veux pas gâcher cette soirée où tout le monde semble être heureux.

Andrea prend ma main sous la table et je comprends qu'il sait. Il sait que ledit petit-ami d'Eliott n'est autre que son cousin. Et il l'accepte, comme il a accepté de laisser Dwight revenir dans sa vie. Et je dois respecter son choix. Il est grand assez pour faire ses propres choix concernant sa famille en son âme et conscience.

Le repas se passe dans la joie et la bonne humeur générale et Andrea ne fait que rire, ce qui me donne à mon tour le sourire. Je profite de cette soirée tendre avant le lendemain. Je sais que je vais devoir affronter la rencontre avec mon père, et je n'ai aucune idée de la façon dont tout cela pourra se dérouler, je dois avouer que ça m'angoisse un peu.

Au bout de la table, Alix rit à gorge déployée, sa main manucurée, posée sur la nuque d'Élias, comme une habitude. Il est toujours aussi volubile et enjoué. Ça me fait plaisir, parce que mine de rien, j'aime beaucoup Alix. Et je ne veux pas que quiconque vienne ternir sa lumière.

Au bout d'un moment, je me tourne vers Judy à ma droite et lui demande :

« Alors c'est elle, la fille que tu as embrassée ? »

D'un geste de tête discret, je désigne Clothilde qui discute tranquillement avec l'un des amis d'Alix.

Le visage de Judy se pare d'un sourire en coin et elle souffle :

« Peut-être bien. »

« Quoi c'est tout ce que tu vas me dire ? Et ils sont où les détails croustillants ? »

« Tu me les donnes toi quand je te pose des questions ? »

« Bien sûr. »

« Menteur. »

« Bon, aller, crache le morceau. »

« Bah... C'est tout nouveau entre nous. On... On tâtonne sans vraiment savoir où on va. Et puis on attend de voir où ça nous mène. »

« C'est bien. Je suis content pour toi. Clothilde est une chouette fille. Je suis sûr que ça va fonctionner entre vous. Et puis, je ne pense pas qu'elle serait contre une relation plus... ouverte. Si tu tombes encore amoureuse de quelqu'un d'autre. » Ris-je doucement pour l'encourager.

« Ouais. Je ne lui ai pas encore parlé de cela, enfin pas en détails. J'ai peur que les choses se répètent comme avec Valentin... »

« Tu sais, tu ne m'as jamais présenté Valentin, mais je suis persuadé que Clothilde se montrera compréhensive. »

Elle me sourit et me prend doucement dans les bras.

« J'aime la personne que tu es devenue Éos. J'ai toujours su que tu étais quelqu'un de formidable, même quand tu agissais comme le plus gros des enculés que la terre n'ait jamais porté. »

« T'es sûr que je l'avais mérité celle-là ? »

« Hum... Je crois bien que oui. »

Nous rions tous les deux, attirant l'attention de ceux autour de nous, à savoir Andrea, Clothilde et le petit blond qu'Alix a ramené avec lui.

« De quoi vous parlez ? » Interroge mon châtain en posant sa main sur ma cuisse.

« D'histoires d'amour, évidemment ! » S'extasie Judy.

« A oui, vraiment ? » Andrea plonge son regard mutin dans le mien. « Tu aimes les histoires d'amour toi maintenant ? »

Je hausse les épaules un peu mal à l'aise à cause des quatre paires d'yeux posées sur moi et de la question embarrassante d'Andrea. Et je dis du bout des lèvres :

« Depuis toi. »

« Awn ! C'est adorable ! » Soupire Clothilde avec un regard attendri.

Je mords dans mon burger pendant qu'Andrea picore dans mes frites, délassant ses potatoes.

« Pourquoi tu n'as pas pris des frites si c'est ce que tu voulais ? »

« Parce que j'aime les deux. Tiens. Je te donne un peu de potatoes. »

« Mais j'en veux pas de tes patatoès. »

« Attends, t'as appelé ça comment ? Des ''patatoès'', genre comme un cacatoès ? »

Il éclate de rire et son fou-rire est reprit par toute l'attablée. Et peut-être que l'on entends que nous dans tout le petit fast-food. Peut-être aussi que certaines tables alentour nous ont jeté des regards exaspérés, mais franchement, c'était loin d'être mon problème. Je suis enfin heureux, en paix et entouré de personnes qui comptent, même si certains autour de cette table me sont inconnus, et que tout n'est pas encore réglé, je sais que les choses sont en bonne voie. En vraiment bonne voie.

Je passe une main sur la nuque d'Andrea et l'embrasse doucement. Comme ça, devant tout le monde et sans raison, seulement parce que je l'aime et que je veux qu'il le sache. Je veux que la terre entière le sache. C'est surement un peu fou, voire complètement, mais j'aimerais le crier sur tous les toits. Parce que tout le monde devrait le voir aussi beau que moi je le vois.

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