Chapitre 59 : G I R L Y

Je quitte les toilettes et observe un instante le couloir, sans être réellement certain de s'avoir si je dois prendre vers la droite où vers la gauche cette maison est tellement immense... Je me retrouve dans le hall au carrelage en damier, noir et blanc. Mes pas raisonnent dans toute l'entrée et j'éprouve un sentiment de solitude maintenant bien familier. A croire que je vais continuer à le trainer avec moi jusqu'à la fin des temps...
Mais en haut de l'escalier, la lumière rose de la chambre de Nuccya reste allumée, comme un phare pour me guider dans la nuit, et je me rends compte que c'est exactement ce qu'elle a été ces dernières semaines -et encore maintenant- un guide et une lumière allumée dans la nuit noire et épaisse qui me piégeait dans sa brume asphyxiante. Je n'arrive pas encore à m'expliquer pourquoi ce fut elle, cette fille contre laquelle j'avais toute les rancunes du monde, et pas Andrea, le garçon qui compte le plus en ce monde, mais je ne suis pas réellement sûr de vouloir savoir finalement. Les choses sont comme elles sont et c'est sans doute suffisant. Tout ce que je souhaite désormais, c'est pouvoir retrouver pleinement Andrea et reconstruire tout ce qui a dû être laissé de côté.

Mais il ne s'agit plus de moi et mes problèmes, les autres on fait leur part pour m'aider, maintenant c'est à moi de les soutenir, tous ceux qui m'ont un jour soutenu, et ça commence par Judy. Parce que depuis toujours c'est elle qui a veillé sur moi. Sans même que je ne m'en rende vraiment compte. Et je ne l'ai jamais remercié comme il se doit. On m'a dit que pour repartir sur le bon pied, il fallait que je fasse table du passé, et que je fasse les choses de manière à ne plus culpabiliser. Alors je monte les escaliers de marbre en courant presque, et une fois arrivé dans la chambre de la jeune italienne, je lui lance sans préambule :

« On sera une de plus ce soir. »

Puis je colle mon téléphone à mon oreille, écoutant les tonalités d'appel.

« Éos ! Éos ! Comme ça me fait plaisir que tu appelles. Mon dieu je suis tellement dans la merde. »

« Mais non, je suis sûr que c'est trois fois rien. Dis, j't'envoie une adresse et tu viens me rejoindre, ça te va ? »

« Euh... Ouais, je pensais pas à quelque chose d'aussi spontané, mais c'est bien. »

Je lève les yeux au ciel et raccroche pour lui envoyer l'adresse par texto.

« Attends, tu viens carrément d'inviter quelqu'un alors que tu n'es pas chez toi ? »

Et paradoxalement, ce n'est pas Nuccya, notre hôte qui s'offusque de cela, mais Aïssah.

Je me tourne vers la métisse et hausse les épaules.

« Ça n'a pas l'air de déranger. » Dis-je en esquissant un petit signe de tête vers Nuccya qui était nonchalamment allongée sur son lit, le regard rivé sur son téléphone.

Aïssah et moi regardons Nuccya, qui, au bout de quelques instants, se sentant surement observée, lève le nez vers nous.

« Hein ? »

Aïssah roule les yeux en soupirant, comme si elle avait l'habitude de cette attitude chez Nuccya.

« Éos vient d'inviter on ne sait qui... »

« Oh, cool. » Souffle-t-elle en retournant à son téléphone.

« Mais Nuccya ! Ça t'arrive de réagir à ce qu'on dit ? »

« Mais j'ai réagi, j'ai dit que c'était cool. »

« Tu ne sais même pas de qui il s'agit ! »

« Non, mais je m'en fiche pas mal, je veux juste passer une soirée tranquille, et de toute façon tu sais que je déteste avoir la maison vide... »

« Mais lâche ce putain de téléphone ! » S'insurge Aïssah.

La jolie italienne lève les mains, laissant tomber l'appareil sur le drap rose de son lit.

« Ok. Ok. Je le lâche. Alors, qu'est-ce que vous voulez faire ? Moi je suis ouverte à tout, mais il se passe pas grand-chose là... »

« Ce que tu peux être provocante. C'est bien un truc de riche ça. »

Elle lève les yeux au ciel en souriant doucement mais répond avec une sincérité un peu déstabilisante :

« Désolé. »

La sonnette en bas retenti -elle a fait vite-, et quand je me tourne pour aller l'ouvrir, Nuccya me retient.

« Le personnel de maison va aller ouvrir. »

Personnel de maison... Bordel...

J'entends des talons claquer dans les escaliers, puis vois le visage ronchon de Judy par la porte entrebâillée.

« Éos, tu m'expliques pourquoi tu me fais venir chez elle ? »

Et elle met tellement de dédain dans son dernier mot que l'on aurait cru qu'elle le vomissait.

D'ailleurs, à son timbre de voix, je comprends tout de suite qu'elle n'est pas cent pour cent lucide, même si elle n'en n'est pas au point d'être complètement déchirée.

« Donc c'est elle que tu as invité ? Bonjour à toi aussi Judy. » Soupire Nuccya pendant qu'Aïssah et moi restons dans l'incompréhension.

La tension est de plus en plus lourde tendis que les deux jeunes femmes se dévisagent toujours.

« J'aime pas passer pour une personne horrible, mais Éos, cette fille est vraiment une salope. Je comprends pas ce que tu fais ici, si tu voulais une soirée tranquille tu pouvais venir chez moi. Mais chez Nuccya ? »

Donc elles ne se supportent pas...

« Hé ! Mais qui te permet ? Tu es venue chez elle pour l'insulter ? » s'insurge Aïssah.

« Non pas elle a pas tout à fait tort, je peux parfois être une salope. » Soupire Nuccya.

« Oh pitié, ne me dites pas qu'elle essaye de se faire passer pour une victime en plus... On n'a ni besoin de martyr, ni de gens dans ton genre qui se prennent pour le bon samaritain. Alors change de registre, ça passe pas avec moi. »

Le ton monte entre les trois filles. J'avais oublié à quel point elles peuvent être chiantes quand on les regroupe.

Putain les filles...

« Éos on peut partir ? » Supplie-t-elle avec un regard de chien battu.

Je ris ironiquement, et regarde Judy :

« Non, on reste ici. Tu prends une chaise, un coussin, n'importe quoi, et tu t'assois. »

« Super... On va passer une bonne soirée. » Se lamente Judy.

« Ça je ne te le fais pas dire. » Souffle Nuccya avec dédain.

« Bon bah voilà, vous êtes d'accord, vous voyez quand vous faîtes un effort. » Dis-je en claquant des mains, fier de moi.

Pitié, on croirait entendre l'une des répliques stupides d'Alix.

« Bon, il n'y a pas des bières pour s'occuper un peu ? Sinon ça risque d'être bien long. » Demande Aïssah en se levant du pouf sur lequel elle était assise.

« Ah non, non, non ! Ça c'est forbidden ! Alors ce soir, c'est jus de pomme pour tout le monde. » S'exclame Nuccya.

Et contre toute attente, elle se lève et descend à la cuisine.

« Attends, elle vient vraiment de se lever pour aller chercher du jus de pomme ? Alors qu'elle a tout une armée de bougres en tailleur et chemise blanche ? »

J'avais oublié à quel point Judy pouvait parfois être coupée du monde réel et avoir des habitudes de bourgeoises, surtout quand elle a bu. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi elles ne s'entendent pas, parce qu'elles se ressemblent vraiment parfois. Sans doutes parce qu'elles se ressemblent trop, sur ce point en tout cas...

« Et pourquoi on ne peut pas boire ? » Interroge Aïssah en s'installant sur le lit de Nuccya.

« Éos fait une cure de désintox, d'ailleurs il a presque fini. Alors ce serait con qu'il replonge maintenant. » Élude Nuccya en revenant avec une bouteille de jus de pomme et quatre bols.

« Attends quoi ? Tu fais une cure et tu ne m'en as pas parlé ? »

« Je voulais le faire, mais tu m'as parlé de tes problèmes de couple alors je n'ai pas voulu t'embêter avec ça. »

« Mon couple est carrément mort a présent, alors ça n'a plus d'importance... »

Alors que je vais pour lui demander si elle veut en parler, elle ajoute, comme s'il n'avait jamais été question de ses problèmes amoureux :

« Donc tu as préféré m'emmener acheter une théière. Oui, après tout c'est si logique... »

« Oh ne te vexe pas. Je voulais pas que tu pense que je t'appelle seulement pour régler mes problèmes alors je ne t'ai rien dit. Et puis la théière était pour les grands-parents d'Andrea. D'ailleurs ils l'ont beaucoup aimé. »

« Mais tu en as parlé à Nuccya, alors que cette fille est juste nombriliste et... »

« Vous pouvez pas juste mettre vos embrouilles de côté pour genre, une soirée ? Qu'on soit posés, détendus, à boire ce putain de jus de pomme ? » Imploré-je presque, parce que la dernière chose que je voulais c'était passer la soirée à arbitrer leur petite guerre.

« Moi ça me va. »

L'italienne hausse les épaules en me tendant un bol.

« C'est pour quoi ? » Demandé-je en avisant le récipient.

« Pour le jus de pomme. J'ai pas trouvé de verres. »

Aïssah lâche un petit gloussement.

« Encore un problème de riche ça, pas savoir trouver les choses dans sa propre maison. »

« Remarque c'est déjà bien qu'elle ait trouvé la cuisine. » Surenchéris-je.

Nuccya, répliqua que nous ne pouvions pas comprendre -et c'était vrai, tout cela était bien hors de mon champ de compréhension- et chose étrange Judy approuva les dire de l'italienne. Alors une ligne se dessina doucement entre Aïssah et moi, les gueux, et Nuccya et Judy, les bourges, comme quoi, on avait réussi à leur faire trouver un terrain détente, et rapidement en plus de cela.

Et c'est sur ces quelques moqueries que la soirée débute réellement, avec du jus de pomme dans des bols en porcelaine, assis en pyjama sur des draps en soie. Parce que oui, évidemment, Nuccya nous a tous forcés à revêtir un pyjama plus ou moins ridicule, car je cite ''ça fait plus girly'' -et je ne suis même pas sûr de comprendre ce qu'elle veut dire par là- mais ce que je sais c'est que je suis entouré de filles, dans un pyjama à l'effigie de Donald Duck -je soupçonne Nuccya de m'avoir refilé le pire truc qu'elle a pu trouver mais ça a au moins eut le mérite de les faire rire- alors que Nuccya porte un ensemble en satin rose poudré aux bordures blanches, le genre de pyjama composé d'une chemise et d'un pantalon que l'on ne voit dans les séries américaines -du moins c'est ce que je croyais-, Judy -qui contre toute attente n'a pas rechigné à porter les vêtement de notre hôte- a un simple short en velours noir et un débardeur et Aïssah une jolie nuisette blanche qui contraste avec sa peau métisse, à croire qu'elle s'évertue à laisser voir plus de peau que nécessaire. L'ennui, c'est que je ne sais pas encore de qui de nous trois elle veut se faire voir.

Tout à coup je pense à ce que penserait Andrea s'il me voyait, avec ces trois filles plus que jolies. Puis je me souviens que l'on s'est dit que le temps des crises de jalousie était révolu, et que lui-même est en soirée, surement aux côtés d'Alix, qui au vu de l'heure doit déjà se trimballer à moitié à poil. Et que vraiment, il n'y a aucune raison d'en faire tout un plat. Je lui fais confiance, il me fait confiance et c'est tout ce que l'on a besoin de savoir l'un, l'autre.

Et je me rends compte que ça fait presque une éternité que je n'avais pas pu affirmer sans mentir que j'ai réellement confiance, en quoi que ce soit. Je crois que c'est bon signe. Que ça veut dire que je m'en sors. Parce que la perte de confiance, de la notion de réalité, est l'un des nombreux problèmes qu'apporte l'alcoolémie.

Et ce soir où je suis juste bien, j'ai envie de profiter. Profiter d'une façon dont je ne l'ai pas fait depuis longtemps. Sans drogue, sans alcool, sans sexe. Juste avec des sourire. Et ça fait vachement du bien.

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Voilà le petit chapitre (pas si petit que cela d'ailleurs, il doit quand même faire dans les 2000 mots ^^)
Vous sentez les choses qui vont aller de mieux en mieux ?
J'ai vraiment envie de vous poster direct à la suite le chapitre 60 parce que je l'aime beaucoup, mais bon, je ne veux pas précipiter les choses alors je ne sais pas encore si vous aurez les deux aujourd'hui 🤷🏻‍♀️

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