Chapitre 36 : D E S I N T O X
Je gare la voiture devant mon immeuble et remonte rapidement à mon appartement. J'ouvre la porte et immédiatement Pimousse me saute sur la jambe en aboyant.
« Ok. Je suis d'accord, on va se promener. » Souris-je.
Il est vrai que je ne l'ai sorti qu'une seule fois ce week-end, enfin d'ailleurs c'est Andrea qui a été le sortir, pendant que je travaillais.
Je sors une pâté pour Ganesh et laisse la fenêtre ouverte pour quand il se décidera à rentrer. Puis je me tourne de nouveau vers Pimousse :
« Et toi, tu n'aurais pas dû repartir avec Andrea ? Parce que t'es à lui pas vrai ? »
Il me regarde avec ses petits yeux noirs, la langue pendante.
Et me revoilà de nouveau en train de parler à un chien...
Je sors et prend la direction du canal, le petit Loulou trottinant derrière moi. Prendre l'air me fait du bien. Je me surprends à avoir envie de fumer, puis à sourire bêtement en me rappelant que j'ai jeté mon paquet sur une autoroute rien que pour faire plaisir à mon châtain. Et en pensant à ça, je me rappelle de ce qu'il m'a dit à la dernière soirée, fumer n'est pas la seule connerie que je fais, je bois et je me drogue, il faut que je commence à faire le ménage de mon côté si je veux pouvoir repartir sur des bases saines avec lui. Sinon, si nous recommençons chacun avec nos tares et nos secrets, nous repartons droit dans le même mur. Il faut que je me soigne pour ça. Le problème c'est que je n'ai aucune idée vers qui me tourner pour régler ça...
La seule personne que je connais qui a déjà fait une cure de désintox', c'est Phil, juste avant qu'il ne se mette à vendre, au moment où il a rencontré Frantz. Je crois que c'est parce qu'il a comprit qu'il ne pourrait pas l'aider s'il ne s'aidait pas lui-même avant. Et c'est vraisemblablement le moment où je dois en faire de même si je veux protéger Andrea et ses sentiments. Mais je ne suis pas vraiment sûr que Phil soit le mec vers qui se tourner en cas de problèmes, Phil est réglo en quand il s'agit de commerce, quand il s'agit de lui acheter de la conso, mais je ne suis pas sûr que lui demander des conseils pour arrêter et lui faire perdre un client.
J'enlève la laisse de Pimousse et je le laisse vagabonder, se dégourdir les pattes un peu plus loin alors que je m'assois sur un banc et sors mon téléphone.
Oh et puis après tout je ne perds rien à lui poser quelques questions.
Je compose son numéro et colle l'appareil à mon oreille tout en gardant un œil sur Pimousse qui se promène tranquillement à quelques mètres.
« Ouais, c'est qui ? »
« C'est Éos. »
« Oh mon pote ! Quel bon vent t'amène ? »
« Heum... Je... J'ai une question à te poser. »
« Vraiment ? Mais tu sais les questions c'est pas gratuit, tu connais mes tarifs copain. »
« Ouais je sais ça. »
« Alors de quoi tu voulais me parler ? »
« Quand t'as arrêté, t'as fait comment ? »
« La came ? »
« Ouais, la came. Ça et l'alcool. »
« Wouha mais qu'est-ce qu'il te prend ? T'essayes de te racheter une conscience ou quoi, de devenir un bon petit garçon de bonne famille de bourges ? »
« J'veux protéger quelqu'un. Exactement comme ça a été le cas pour toi avec Frantz. Parce que c'est pour lui que tu restes plus ou moins clean maintenant, j'me trompe ? »
« Le p'tit châtain à la bouille d'ange du soir dernier ? »
« Ouais. Le p'tit châtain à la bouille d'ange. »
« Bon... J'suppose que je vais t'donner quelques conseils, que tu vas suivre, ou pas, et que dans tous les cas je serais payé alors ça m'coûte pas grand-chose, hein ? T'as d'quoi écrire ? Parce que j'vais pas m'répéter, tu sais qu'j'ai en horreur d'me répéter ? »
« Ouais, vas-y, j'écoutes. »
« Déjà, première étape, non négligeable, fini les soirées, on éloigne la tentation. Les party, les anniversaires, les sorties au bar entre potes, tout ça, t'oublies. Et tu te trouves un truc pour remplacer, que ce soit les cachetons, l'alcool ou autre, il ne faut pas seulement combattre le produit et ses effets, faut aussi combattre l'habitude que t'as d'les prendre. La baise. C'est l'truc le mieux pour remplacer. Ça t'fais penser à autre chose, vraiment. Ça t'déconnectes de tes démons. »
« Attends, tu veux qu'j'me serves de mon mec, qui n'est peut-être plus mon mec, c'est un peu flou, pour me divertir quand j'ai envie de boire, de fumer ou autre ? »
« Bah mets les choses au clair déjà, et puis ne fais pas comme si ça te dérangerait de le baiser un peu plus souvent, t'es pas du genre à être un peu en manque depuis un an ? »
« C'est pas la question, il ne s'agit pas que de moi... »
« A d'autre ! J'ai bien vu comment il te mâtait le p'tit, il avait d'la faim dans l'regard ! »
« Euh... Ouais, peut-être... Ok, bref, passons. Quoi d'autre ? »
« J'ai connu moins prude ! Il t'a fait quoi le gosse ? »
« Le gosse il a mon âge ! »
« T'vas pas m'faire croire ça, il a une gueule de bébé. Ok une gueule d'ange, mais une gueule de bébé quand même. Une gueule de bébé ange. »
Je pouffe en imaginant Andrea en chérubin, nu avec des petites ailes, un arc et des flèches.
« Mais pourquoi on parle de ça déjà ? Dis-moi juste comment me sevrer. »
« Ok donc tu trouves un truc pour penser à autre chose et j'sais as à quel point t'es tombé dans cette merde, mais si c'est trop dur j'sais pas si tu dois r'prendre un truc ou deux pour éviter les crises, parce quand t'es en manque, ça peut aller juste des tremblements aux hallucinations et là ça craint, ça peut être dangereux. Du coup le bail c'est d'resister un peu mais de diminuer les doses progressivement, Un bail comme ça. J'suis pas non plus pro, la seule cure que j'ai faite, c'est la mienne, et ça n'a pas été ma plus grande réussite. J'en ai chié, mais au final j'men suis tiré, j'crois qu'le plus important c'est d'avoir foi e toi et d'avoir la motivation, mais ça j'crois t'la déjà, hein ? »
Ouais, ma motivation je l'ai déjà trouvée. Elle a des cheveux châtains et s'appelle Andrea.
« Ok. Merci pour les conseils. »
« Derien, et puis rappelles-toi, c'est pas gratuit. En plus ce sont des conseils qui vont me faire perdre un client, alors ce sont des conseils qui vont coûter double, voir triple. »
« Ouais, ouais. J'te payerais une bière à l'occasion. »
« C'est ça, enfoiré va ! »
Je le laisse sur ces paroles, la tête complètement embrouillée par trop de choses à la fois. Des choses douces, comme le visage d'Andrea, des choses belles, comme la relation qu'on pourrait avoir, des choses compliquées, comme mes problèmes d'alcool, des choses horribles, comme la tentative de suicide d'Andrea que malgré tout, je n'arrive pas à oublier.
Et quand on commence vraiment à y penser, se remettre debout après tant de merde, c'est pas si simple. On y réfléchit cinq minutes, et on se dit que ça va aller, qu'on va pouvoir filler droit une bonne fois pour toute, mais on se rend compte que c'est pas comme ça la vie, que c'est beaucoup plus compliqué et qu'il faut se battre. Réellement se battre. Bec et ongles, pour s'en sortir. Et que ressortir la tête de l'eau ça ne veut pas dire arrêter définitivement de se noyer. Ça veut juste dire que la vie nous laisse un instant, bien que minime, le temps de reprendre notre respiration, entre deux vagues pour nous en refoutre plein la gueule.
Quand Andrea est proche de moi, tout semble plus simple, comme s'il devenait ma seule drogue et que je n'avais plus besoin de toutes ces autres merdes, comme si arrêter de fumer était aussi simple que de jeter le paquet d'au-dessus d'un pont. Des idées un peu floues et un peu folles d'adolescents.
Je me lève du banc et appelle le petit chien qui revient au trot vers moi. Je raccroche la laisse à son collier et reprend la route jusqu'à chez moi.
Il faut que je rappelle Andrea. Parce que je dois lui parler. Et aussi un peu parce que je veux entendre sa voix, un tout petit peu.
Pitoyable, ça fait même pas un jour que je l'ai ramené chez lui, et il me manque déjà...
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