Chapitre 20 : G R A E L L S I A I S A B E L L A E

« Andrea ? » Soufflé-je comme incertain de réellement l'avoir au bout du fil.

« Wow, alors tu m'ignores depuis presque une semaine et... »

« Trois jours, pas une semaine. » Je le coupes, la voix tremblante, essayant de la maîtriser du mieux que je peux.

« Ça en fait quatre. »

« Je vois, alors on en est réduit à compter les jours... »

« Il semblerait. »

« On est vraiment trop nuls, non ? »

« Éos, qu'est-ce que tu as ? Pourquoi tu m'appelles au juste ? »

« Ça ne te fais pas plaisir ? Enfin je... »

« Non, j'veux même pas savoir, parce que tu vois, j'en ai marre que tu me prennes juste pour un plan occasionnel, un coup tu me parles, celui d'après tu m'ignores. Et je ne veux pas te perdre, si je suis revenu en France, c'est pour toi, parce que je pensais que tu serais là encore, mais tout avait changé. Et j'ai été bête de penser que ce serait autrement, évidemment, juste, je savais pas que... que tout le monde me pensait mort... »

Je l'écoute en silence, laissant mes larmes couler sans bruit.

« Mais là je sais plus où j'en suis parce que toi-même tu as l'air complètement paumé. Et je ne peux pas te repêcher alors que moi aussi je coule. J'sais pas quoi faire... »

« Tu es tellement plus courageux que moi putain ! J'avais dit que je prendrais soin de toi, et j'ai pas su le faire. Mais ce soir j'ai compris quelque chose, et j'veux faire les choses bien à partir de maintenant parce que tu me manques et j'veux plus que ça foire entre nous, j'veux plus qu'on se détruise. »

« Comment je peux savoir que cette fois-ci sera la bonne, que tu n'vas pas m'oublier à nouveau dans deux jours ? »

« Tu ne peux pas. Et j'en suis désolé. Parce que tu devrais pouvoir me faire confiance. Et c'est clairement pas le cas. Mais j'ai envie, vraiment. Je veux me racheter pour de bon. »

« Avoir envie ça va pas être suffisant. Va falloir faire mieux. »

« Ouais je sais j'ai été nul, merdique même. »

« C'est le moins qu'on puisse dire... »

Je remonte ma main sur ma bouche pour contenir un sanglot un peu plus lourd que les autres.

« Éos ? Mon dieu tu pleures ? » S'adoucit-il.

« Non, non, pas du tout. Bien sûr que non... »

« Ne me mens pas. »

« Ouais, ok, je pleure. Mais c'est vraiment pas important, pas maintenant. »

« Ça me rappelle la fois où je suis venu te chercher alors que tu étais défoncé. » Souffle le châtain dans le combiné.

« J'aimerais mieux l'oublier... » Reniflé-je.

« Moi pas. Parce que ce soir-là tu t'es ouvert à moi. Et j'ai appris à mieux te connaitre, même si tu t'es barré comme un lâche le matin en me laissant à moitié couché sur le parquet et que j'en ai gardé un torticolis toute la semaine. Mais tu t'es montré vulnérable, et le fait que tu m'appelles, que tu comptes sur moi à ce moment-là, tu ne peux pas savoir comme ça m'a rendu heureux à l'époque. »

« C'est vrai ? Pourtant j'ai juste eu l'impression de déranger. »

« C'était le cas, un peu, mais j'étais plus heureux qu'autre chose. Je crois que j'étais déjà tombé amoureux à ce moment-là. »

Je sens mes larmes redoubler d'intensité à ces mots. Bordel c'que ça fait mal !

« Éos, j't'en supplie, arrête de pleurer ! J'vais chialer aussi... »

« Non, surtout ne pleure pas. Pas encore. J'en ai marre de toujours te faire du mal. Et puis a quoi on va ressembler hein ? Deux idiots qui pleurent au téléphone à deux heures du matin. »

« T'as raison. J'aimerais être près de toi. »

La bombe vient d'être lâché et je ne sais absolument pas comment la gérer.

« Éos ? »

Je ne sais pas comment répondre à cela.

« Alors ça y est ? Ta phase courageuse vient de finir ? Tu m'ignore à nouveau ? »

« Non, non, non. C'est pas ça, pas du tout. Mais tout part en vrille. Et j'me r'connais plus en ce moment, et depuis un bout de temps déjà. Tu me manques, et j'arrives pas à gérer. J'viens de démonter un gars en soirée, et je suis pas comme ça, je suis pas violent, mais je sens qu'en ce moment je fais un peu n'importe quoi et j'vais finir par couler. Et je veux pas que la vague te percute toi aussi, tu comprends ? C'est pour ça que j'm'éloigne de toi, mais je résiste jamais bien longtemps, parce que t'es bien trop important à mes yeux, et je peux pas me maintenir loin de toi. »

« Tout le monde peut déraper. Je sais bien que t'es pas violent. Tu ne l'as jamais été. »

« C'était ton cousin Andrea... » Avoué-je

« Oh... »

Un ange passe.

« Je suis désolé. Je sais que j'aurais pas dû... »

« C'est pas grave. Enfin je veux dire si, c'est grave mais je ne t'en veux pas. Et personne ne t'en voudra parce que c'est un juste retour des choses, quelque chose comme ça. »

« Tu le penses vraiment ? »

« Ouais alors arrête de pleurer. Tu veux qu'on fasse quoi maintenant ? Qu'on s'enfuie tous les deux ? »

« Pourquoi pas ? »

« T'es con, t'sais bien qu'on ne peut pas. Et puis franchement, on n'a pas passé l'âge de toujours fuir ? »

« Ouais, je suis assez d'accord, mais je suis pas assez fort pour ça. Je ne l'ai jamais été. »

« Je ne le suis pas non plus. Mais à deux on le sera. Tu le sais cela. »

« Mais comment est-ce que ça pourrait marcher ? Toi tu es comme un papillon diurne, lumineux et coloré alors que moi je suis seulement un papillon de nuit terne et raté. »

« Éos, tu dis n'importe quoi. As-tu seulement déjà regardé sous les ailes d'un papillon de nuit ? Ce sont les plus beaux, si je devais dire lequel tu serais, je dirais sans hésiter un Graellsia isabellae.

« M'en veut pas mais j'ai aucune idée de la tronche qu'a cette bestiole... »

« Je t'en montrerais un jour, Il y en avait dans le jardin de mes grands parents quand j'étais petit. C'est en parti pour cela que j'adorais venir en France. Ça et les rillettes ! »

« Les rillettes, évidemment. C'est tout le patrimoine de la France ça ! » Pouffé-je légèrement.

Je frissonne et remarque que la pluie s'est mise à tomber sans rien que je ne remarque, trop obnubilé par la voix d'Andrea, et le sourire que j'y perçoit. Et comme je me tais, surement, doit-il aussi entendre le bruit de la pluie.

« Il pleut aussi chez toi ? »

« Alors on se met à parler de météo ? »

« Ça t'arrives de ne pas répondre aux questions que l'on te pose par d'autres questions ? »

« Ok... Alors ouais, il pleut, et elle est vachement froide. »

« Attends, ne me dis pas que tu es dehors ! »

« Je sais plus trop de quel côté est mon appart. Alors je vais rester là jusqu'à décuver un peu et à te parler. »

« Ok. Alors tu sais quoi, je vais aussi sortir, et comme ça on va pouvoir attendre ensembles, comme si j'étais-là » sa voix se fait plus sensuelle, envoûtante, « juste à côté de toi. Et que je pouvais te toucher. Et que toi tu pouvais me sentir. Je poserais ma main sur ta joue et te dirais que tout va bien. Et je ne sais pas si tu me croirais, mais tu me sourirais, adorablement comme toujours. Et peut-être même qu'on s'embrasserais. Qu'est-ce que tu ferais si je t'embrassais, là, maintenant ? Tu me repousserais ? Ou tu me répondrais ? Peut-être aussi que tu ne ferais rien. »

« Tu devrais venir chez moi. Enfin p't-être t'a pas envie, c'est vrai qu'mon appart est un mess total et que... »

« Je serais très content de venir. Enfin quand tu auras retrouvé ton appart. »

« C'est vrai ? »

« Ne soit pas si peu sûr de toi, on dirait moi le premier jour dans le bus. »

« Alors ça veut dire que je suis adorable ? Toi tu l'étais. Et j'dis pas ça parce que je suis défoncé. Enfin si peut-être parce que sinon, j'oserais pas l'avouer mais dans tous les cas je le pense, sincèrement »

« C'est vrai qu'elle est froide, la pluie. » Change-t-il de sujet alors que ses joues doivent être rougies d'embarras.

« Ouais. » Soufflé-je simplement dans le combiné, le trouvant d'autant plus adorable. « Tu sais quoi, je t'envoie mon adresse. Tu passes quand tu veux. Ça te va ? »

« Ça me va bien. Ça m'va plus que bien même. »

« J'peux te dire un truc ? Pendant que je suis encore bourré ? Parce qu'après je vais me défiler et m'en vouloir. »

« Ouais vas-y. »

« Tes lèvres me manquent. Et si tu étais là, j't'embrasserais comme un fou... »

« Oh putain... » Gémit-il doucement d'une voix sucrée qui me fait moi-même lâcher un soupir.

Et c'était comme une putain d'éclaircie dans ma nuit.

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