Chapitre 18 : V I B E S

Contrairement aux soirées où j'ai l'habitude d'aller, la musique ce soir est relativement basse et calme. Une petite enceinte est posée au centre du salon et quelques personnes sont autour. D'autres encore sont dans la cuisine. Clotilde ouvre grands les yeux en voyant Judy et la fixe un instant, béate.

« Ouais, j'ai amené une pote. J'espère que ça dérange pas. »

« Euh non... Allez-y, entrez. »

Clotilde nous indique de nous assoir à même le sol avec un groupe de personnes que je ne connais pas. Quelques minutes plus tard, après que les présentations eurent été faites, je me relève et me dirige vers la cuisine pour me prendre un verre. Judy me suit et une fois devant les quelques bouteilles d'alcool, je lui sers un verre. J'allais m'en servir un également quand une voix que je reconnais m'interpelle. Je me tourne vivement et tombe dans les yeux verts de Philibert. J'aurais pu m'attendre à voir tout le monde ce soir sauf lui. Il est rare de le voir dans des soirées autres que les raves sauvages et autre réjouissances illégales.

« Oh putain Éos ! Ça fait un bail mon pote, qu'est-ce que tu deviens ? T'as arrêté de consommer ou quoi, Frantz m'a dit qu'il te vendait plus rien depuis pas mal de temps. »

« Ouais, certaines choses ont été compliqués et j'ai déménagé ici. Et toi, qu'est-ce que tu fous là, c'est loin de ton secteur. »

« Je sais, mais fallait qu'j'ailles livrer un coli pour Frantzy, j'en ai profité pour passer voir une vieille amie du collège. J'aurais jamais pensé te trouver ici, c'est ouf. »

« Alors comme ça tu te retrouve à faire la mule pour les beaux yeux de Frantz ? Alors que tu voulais arrêter de vendre et raccrocher ? »

« Cet idiot s'est cassé la rotule et j'sais plus quel autre os et sans couverture sociale les soins lui ont coûté une blinde. Alors il a dû emprunter, à des gens à qui il vaut mieux ne jamais rien devoir, et j'me r'trouve à faire ses putains de livraisons le temps qu'il se remette pour qu'il puisse éponger ses dettes avant que les connards à qui il a emprunté viennent lui couper les deux jambes. Bref assez parlé de ça. Tu veux un truc ? Ce soir c'est moi qui offre. »

« Un joint lui suffira. » Retenti la voix de Judy dans mon dos.

« Va pour un joint. » Chantonne Phil, m'en tendant un déjà roulé à la perfection, avant de plisser les yeux. « Hey mais j'te r'connais toi ! T'es la demoiselle qui m'a menacé d'me faire sauter la cervelle avec mon propre flingue ? Alors comment il va ton pote. Lylian c'est ça ? Il a réussi à r'trouver Naë' pour lui déclarer sa flamme ? »

Je fronce les sourcils, ne comprenant absolument pas de quoi ils parlent, étonné de voir que Judy connaissait Philibert, ou du moins qu'ils s'étaient déjà croisés -et qu'accessoirement elle l'avait menacé avec un flingue-.

Je les laisse discuter et regagne le salon quand Clotilde me saute dessus pour me demander.

« Alors c'est avec cette fille que tu sors ? »

« Quoi ? Judy ? Non ! »

« Pourquoi tu ne veux pas l'avouer ? Tu ne nous trouve pas assez bien pour nous la présenter comme ta copine ? »

« Mais c'est juste une amie ! »

« Alors pourquoi tu n'as jamais rappelé Mathilde ? Si tu es seul tu peux bien lui laisser sa chance. »

« Ça n'a rien à voir ! Mathilde ne m'intéresse. Et Eliott non plus d'ailleurs. Ma vie sexuelle se porte très bien sans ton aide. »

« Tu vois quand tu as laissé Mathilde espérer pour la jeter comme une merde, sans même répondre à ses appels, j'ai rien dit. J'me suis juste dis que tu devais être gay. Puis tu rejettes mes propositions pour Eliott et en suite tu te pointe chez moi avec cette fille ! Mais t'es quel genre de connard ? »

« Mais putain c'est quoi ton problème ? Tu t'es pas dit que peut-être être seul m'allait très bien ? »

Je passe à côté d'elle, rageur sans comprendre son attitude, comme si je lui avais demandé de me trouver quelqu'un !

« Éos, ça ne va pas ? »

Je lève les yeux et tombe dans le regard d'Eliott.

« Putain mais c'est ta pote là, elle me fait chier avec ses histoires de couple ! »

« Wow, calme-toi, c'est pas moi qu'il faut agresser ! Si tu veux on peu aller dans ma chambre pour un parler, on sera plus au calme. Et tu pourras fumer ça. » Il désigne le joint que j'ai encore en main d'un geste de menton. « Parce que le détecteur de fumé risque de se mettre en route dans le salon ou la cuisine sinon. »

J'acquisse et le suit.

« Tu sais, Clotilde a toujours aimé former des couples. Même si elle est pas franchement douée pour cela. Et ça peut parfois être chiant, mais je crois qu'elle fait ça parce qu'elle n'a jamais trouvé qui que ce soit qui lui convient. »

« Ouais bah qu'elle évite avec moi. »

« J'crois que si elle te fait autant chier ce soir, c'est parce qu'elle a flashé sur ta pote. »

« Judy ? »

« Ouais, elle comptait te demander de coucher avec elle ce soir, et tu viens avec cette fille qui est totalement son genre, en plus elle s'imagine que vous êtes en couple donc qu'elle n'a aucune chance et ça l'a fait péter un plomb. »

« Coucher avec moi ? Mais pourquoi ? Elle est bi alors ? »

« Pourquoi je ne sais pas, mais c'est pas parce qu'elle préfère les filles qu'elle ne peut pas coucher avec un garçon de temps en temps... Juste elle ne sera jamais attirée à l'idée de se mettre en couple avec. Si on devait mettre des mots sur son orientation, je crois que ce serait homoromantique et bisexuelle, ou quelque chose du genre, j'ai jamais forcément tout compris, et au fond on s'en fout pas mal du mot, quand on arrêtera de toujours vouloir faire des catégories pour tout on aura fait un grand pas. Chacun est différent, que ce soit sur le plan sexuel, affectif ou moral, vouloir tout catégorisé est idiot, chacun est une catégorie à lui seul... »

Je hoche la tête parce que je ne trouve rien à ajouter, je n'ai jamais été très loquace de toute façon.

« Bon alors on le fume ce joint ? »

« Alors c'était ça ton plan depuis le début ? M'attirer dans ta chambre pour me voler mon joint ? »

« En quelque sorte. C'est comme si c'était ma rémunération pour la séance de psychologie gratuite. »

« Si elle est gratuite pourquoi tu aurais besoin de rémunération ? » Demandé-je en allumant un bout du petit bâtonnet d'herbes.

Je tire la première taffe avant de lui passer, et nous le fumons côte à côte, appuyés sur le rebord de sa petite fenêtre, dans silence apaisant, seulement interrompu de temps à autre per le bruit de la ville en contrebas.

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