Chapitre 1 : B L A C K H O L E

Assis sur le siège bleu clair du bureau coloré aux murs jaunes, Andrea triture ses doigts, les passant parfois, rarement, sur les cicatrices de son poignet. Et tout ce qu'il y voit, c'est un trou noir, immense, effrayant, angoissant. Parce qu'il n'arrive pas à comprendre. À comprendre comment sa vie a pu basculer si drastiquement. Et tout ce qui tourne dans sa tête est un prénom. Trois simples lettres, qui lui font toujours aussi mal.

Éos.

Éos, ce garçon qui l'a fait rire et pleurer et puis pleuré de rire aussi. Mais qui l'a aussi indéniablement abandonné, quand il avait le plus besoin de lui.

"Andrea ? Andrea tu m'écoutes ?"

Le garçon se tourne vers sa jeune psychologue, bien plus aimable que la vieille bique qu'il avait eut précédemment mais toujours aussi inutile. Et pour cause, lui-même ne veux pas faire d'efforts. Il a abandonné, depuis longtemps. Depuis qu'il a lui même été abandonné par le garçon qu'il a tant aimé.

Quand il s'est réveillé dans son lit d'hôpital, seul et désorienté, tout ce qu'il voulait était que le brun vienne et le prenne dans ses bras pour lui murmurer que tout allait bien, mais il n'est jamais venu. Et jamais il n'a répondu à ses multiples appels. Il l'avait juste ignoré, rayé de sa vie d'un grand trait noir.

"Andrea, il faut que tu me parles. Je suis là pour t'aider."

Le châtain accorde un regard mauvais à la jeune femme, même s'il sait que celle-ci ne fait que son boulot.

Il repose son regard sur les murs jaunes, déviant sur les tableaux industriels d'un magasin de déco au rabais.

"Tu aimes l'art ?" Tente la professionnelle.

Et au cours des séances il a comprit que c'est un propre des psychologues, essayer d'amorcer la conversation par tous les moyens, analysant chaque endroit où se pose votre regard.

"C'est pas d'l'art." Crache presque le jeune homme, abruptement.

Les photos qu'Éos prenait, ça c'était de l'art.

Encore une fois, il pense à lui sans raison. Comme la première fois qu'il a vu les murs jaunes de la pièce qui lui ont immédiatement rappelé le sweet jaune qu'il n'a jamais pu rendre à son propriétaire légitime.

Il soupire.

Loin de se vexer, la jeune femme rit légèrement, heureuse d'avoir réussit à lui faire décrocher ses premiers mots depuis près de quarante-cinq minutes.

"Et qu'est-ce que représente l'Art pour toi, le vrai ?"

L'expression d'un ressenti, l'amour et la douceur, la haine aussi. Voilà ce qui brûle les lèvres du châtain à cet instant, mais il ne veut pas tomber dans le piège de la discussion innocente avec cette psy qui ne ferait que l'analyser, tout du long. Il a ça en horreur d'être analysé. Et pourtant, c'est ce qu'il subit chaque seconde de chaque jour depuis l'accident.

L'accident. C'est comme cela qu'ils disent, les médecins et tout le reste du cortège médical qu'on le force à cautoyer. Soit disant que ces mots sont moins abruptes que tentative de suicide. Pourtant c'est ce que c'était. Ce jour-là, le châtain avait vraiment voulu mourir. Après est-ce qu'il regrette de ne pas avoir réussi, c'est autre chose. Il n'en est pas certain. Peut être que dans les moments où sa mère le couve comme un poussin ou quand on l'oblige à suivre tout un tas de nouvelles règles, comme aller voir le psychologue régulièrement, ou l'interdiction de s'approcher d'Internet, n'ayant dans son nouveau téléphone que les numéros de sa famille et des médecins, pas même de ses amis qu'il n'a plus le droit de voir librement, que quand les heures de son planning stipulent qu'il peut, ouais, peut-être que dans ses moments-là, quand il se sent comme un oiseau en cage à qui on aurait coupé les ailes de surcroît, il regrette de ne pas être arrivé à ses fins. Mais quand son frère vient le voir, et le dorlote comme une chose infiniment précieuse, et qu'il voit dans son regard une fragilité jusqu'à lors insoupçonnée, alors il ne regrette pas d'avoir échoué, car il n'aurait pu supporter l'idée d'avoir brisé son grand-frère. Ce dernier culpabilise bien assez déjà, pour des choses diverses et variées.

"Bon, j'ai compris que tu ne voulais pas me parler, et c'est pas grave. Pas pour l'instant. Mais il va bien falloir que tu me parles un jour. Et à ta mère aussi."

Le châtain croise les bras sur sa poitrine comme une protection. Sa mère ne mérite pas -elle ne mérite plus- le moindre mot de sa part. Et puis de toute façon, s'il lui parle, ce sera pour l'insulter. Et il n'a pas besoin de ça, que la ligne violences verbales de son dossier médical s'allonge. Ce dossier aussi, il le déteste, parce que ses moindre faits et geste y sont recensés, et que ça lui donne l'impression d'être un putain de rat de laboratoire.

"Tu sais, si parler te paraît trop dur, insurmontable tu peux aussi écrire. J'ai vu que tu avais un très belle plume."

Il fronce les sourcils. Jamais il ne lui a donné de documents écrits, alors comment peut-elle juger la qualité de sa plume ? Intrigué et quelque peu sceptique, angoissé, il la regarde ouvrir un dossier et sortir huit pages photocopiées. Il tend un peu le cou, pour voir de quoi il s'agit, et se crispe quand il reconnaît son écriture.

Non. Non ce n'est pas possible, ça ne peut pas être ce qu'il pense ! Comment les aurait-elle eut ?

"Tu parles ici," elle pointe une ligne qu'elle devait trouver pertinente du doigt, "de pardon, tu dis que tu n'en veux plus à personne. Pourtant, ton attitude avec ta mère prouve que tu lui en veux. Pourquoi cela a-t-il changé ?"

Elle essaye de lancer un débat sur le contenu de ses lettres de suicide, vraiment ?

Rageur le châtain craque, sans même se rendre compte que c'est ce qu'elle veut, qu'il vide son sac et réagisse, pour qu'elle ait matière à continuer :

"Mais putain vous vous demandez c'qu'il s'est passé ? Pourquoi les choses ont changé ? Mais reveillez-vous, j'ai essayé d'me crever, j'me suis ouvert les veines, voilà ce qu'il s'est passé ! Et puis je suis ici maintenant, au moins quatre fois par semaines, alors forcément je lui en veux !"

D'un  geste brusque, il se lève pour arracher les lettres de la main de la psychologue.

"Et ça, ça, c'est personnel. vous n'aviez pas le droit de les lire, et je sais même pas comment vous les avez obtenues, mais c'est une violation d'intimité ! Et puis vous croyiez quoi franchement, que j'allais vous laisser les analyser comme un putain de texte littéraire ?"

La voix de châtain se brise, ça fait longtemps qu'il n'a pas fait une intervention aussi longue. Et sans voir le petit sourire de sa psychologue qui griffonne quelque mots sur son calepin, il sort du bureau, prenant bien soin de claquer la porte,  les lettres photocopiées froisées dans sa main.

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Voici le premier chapitre, complet, j'espère que vous aimerez ^^
J'ai tellement hâte de retrouver tous vos petits commentaires qui me font sourire !

Kisu ❣

Avec amour et dévotion,

ParadoxalementParadoxale.

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