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Ses yeux scrutent les lettres cursives formées dans une encre noire et qui, ironiquement, composent le nom de famille qu'elle s'apprête à abandonner. Un nom qui fait écho à vingt-trois ans d'une existence banale. Les cadavres de ses amies jaillissent à leur tour, lui rappelant encore une fois que plus rien ne la retient et dans un énième soupir, elle achève sa signature sur la dernière feuille, disant adieu à Lenora GARCIA-MARTIN...

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Après avoir acquis ce douloureux don, Amadéo fut victime d'une violente frénésie, obnubilé par un puissant et inhabituel désir : celui du sang. Les événements qui suivirent étaient flous, seuls des cris à la provenance inconnue lui revinrent lorsqu'il reprit possession de ses moyens. A cet instant, il se trouvait dans sa propriété et ses vêtements étaient souillés par ce visqueux liquide rouge.

D'un pas assuré et serein, il entra dans sa maison et découvrit l'entièreté de sa famille réunit dans son salon. A sa vue, ils s'exclamèrent de stupeur et avant que le moindre mot ne soit prononcé, il partagea, d'une morsure, le don qui lui avait été confié. Tous ne survécurent pas à la mutation néanmoins, ce fut les débuts de la famille BORGIA en tant que vampire, descendante directe du grand Vlad Țepeș.

Qui est cet homme ? La jeune femme balaie les pages du livre à la recherche d'informations et finit très vite par le fermer, comprenant qu'elle n'y trouvera rien de plus. Pourquoi n'y a-t-il rien à son sujet ? Ce vampire est tout de même l'acteur principal de tous ces événements alors pour quelles raisons n'est-il pas mentionné davantage ? Comment l'auteur peut-il omettre "ce" détail important ? 

Elle ne saurait dire combien de temps elle a passé dans cette pièce avant d'arriver au bout de la Lignée immortelle, livre qui rivalise sans peine avec le dictionnaire, mais son petit doigt lui dit qu'elle y a passé de longues heures. Dans un soupir, elle se laisse glisser sur la chaise, observant le lustre de bougies au plafond, et tend ses jambes de toute leur longueur, remerciant ce pantalon brun qui la couvre dans cette position peu raffinée. 

Cintré au-dessus de ses hanches, ce pantalon taille-haute est d'une élégante coupe ample et fluide qui lui arrive aux pieds. D'épaisses bretelles y sont cousues et surplombent sa blouse rouge vermeil aux épaules dénudées. Une broche dorée, en forme de fleur, y est épinglée et une paire de sandales à talons brune se dissimule sous le tissu foncé.

Frustrée, la jeune femme pousse l'énorme roman dans un coin de la table et observe chaque étagère de cette modeste bibliothèque. Où peut bien se trouver le livre qui résoudra ce mystère ? Se levant de sa chaise, elle parcourt la pièce ovale, scrutant les nombreuses œuvres du nom des BORGIA mais aucune ne semble traiter ce sujet. Pourquoi le créateur des BORGIA n'est-il pas mentionné...? Soudain, alors qu'elle se met en tête d'interroger Aurel, une information lui revient : son premier cour.

Le vampire est venu toquer à sa porte plus tôt afin qu'elle se prépare mais, bien trop absorbée par sa lecture, elle lui a marmonné une réponse affirmative sans pour autant bouger d'un poil. A quand cela remonte-t-il ? Bien que son intuition laisse à croire que bien trop de temps a défilé entre sa venue et maintenant, elle tente de se persuader que seules quelques minutes se sont écoulées depuis son départ. Alors, d'un pas tranquille, Lenora s'approche de la sortie. Cependant, en abaissant la poignée, une étrange sensation lui parvient. Une sensation qui s'explique lorsqu'elle se retrouve nez-à-nez avec Aurel.

Son regard azur, toujours habité de cette déconcertante neutralité, la jauge tandis que pour la première fois, elle prend le temps de l'observer. Sa longue chevelure blanche tombe en cascade sur ses épaules et encadrent son visage aux traits angéliques. Ses yeux en amande, surmontés de fins sourcils bruns anguleux, et ses lèvres tombantes lui confèrent un air strict qui lui siéent à merveille. Cet homme serait certainement considéré comme très beau du point de vue d'une personne extérieure, toutefois, du sien, il ne lui fait pas l'ombre d'un effet.

— Je suppose que tu es prête.

Est-ce une affirmation ? Une interrogation qui, au vu de son intonation, n'attend qu'une réponse positive de sa part ? Lenora ne parvient pas à le déterminer et d'un geste de tête à peine perceptible, Aurel lui intime de le suivre.

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Cela doit bien faire une heure que Lenora se trouve dans cette salle faite de pierres et de bois, à écouter le vampire qui s'est glissé dans la peau d'un professeur. Cette pièce, à l'écart des autres compartiments, se compose uniquement d'un bureau, de deux étagères emplies de livre et d'un pupitre auquel est fixée une chaise en bois. La paume contre sa joue, elle se plaindrait presque.

Toutefois, comme elle l'a dit, elle se plaindrait "presque". Elle plaint davantage ce cher Monsieur BORGIA qu'elle prend un malin plaisir à couper. Et cela à chacune de ses phrases pour développer des sujets qui ne présentent aucun intérêt à l'être. Elle ravale un sourire d'amusement lorsqu'Aurel entame l'historique de ce Prince des vampires à sa demande pour s'interrompre après l'avoir longuement observé.

— Serais-tu en train de te jouer de moi, Lenora ? s'enquiert-il.

— Pas le moins du monde, assure-t-elle ; je n'oserais pas. Savoir que le Prince est un puissant et sanglant manipulateur que je devrai rencontrer dans quelques mois est un sujet qui me passionne réellement. Au même titre que l'aristocratie vampirique. Mais plus fascinant encore, qu'entendait Monsieur CANOSSA en disant que mes actes se répercuteraient directement sur vous ?

Un pli sur son front vient trahir son calme apparent et elle en est silencieusement satisfaite. Agacement ? Impatience ? Voir cette perpétuelle indifférence qui peint ses traits disparaître lui confère une grande fierté.

— Cela signifie que si l'Etat décide de te décapiter, le même sort me sera réservé car je serai tenu responsable de ta faute, explique le vampire. Pour reprendre sur la hiérarchie...

— Quelles sont les autres créatures de l'ombre ? l'interrompt-elle.

— Si tu cessais de m'interrompre pour un oui ou pour un non, peut-être y serions-nous déjà, fait-il remarquer..

— Quelles sont-elles ? insiste la jeune femme.

Son pouce et son index se joignent sur l'arête de son nez et dans un soupir, il s'installe sur son bureau, vaincu par cette curiosité farouche. Il doit rester un peu moins d'une heure et elle compte bien en profiter.

— Au même titre que la nôtre, les sorciers et les lycanthropes font partie des espèces dominantes, débute Aurel. Tous se mêlent aux humains sans que ces derniers ne se doutent de rien. Ils sont tout aussi nombreux que nous et bien que les vampires n'aient pas pour habitude de les porter dans leur cœur, ils font l'effort de cohabiter.

— Les trois espèces dominantes ne s'apprécient pas ? résume-t-elle. Pourquoi cohabiter dans ce cas ?

— La signature d'un traité de paix, répond-il. Afin de mettre un terme aux nombreux conflits qui opposaient loups, vampires et sorciers. Il y a plusieurs siècles, un énième conflit a éclaté entre les lycanthropes et les vampires. Les liens ont toujours été tendus entre eux, davantage qu'avec les sorciers, et le moindre incident réveillait l'animosité de chacun. Mais cette fois-ci, c'est allé plus loin qu'une simple querelle de domination. Les sorciers ont tenté d'apaiser les tensions mais cela a viré en une guerre interraciale sanglante.

Une guerre ? Mais aucun livre et autres documents historiques n'en font mention. Comment une guerre a-t-elle pu avoir lieu sans que les humains ne s'en rendent compte ? Surtout si elle mêle autant de camps ? Cela n'a pas de sens.

— Les chefs n'y participaient pas, se contentant d'observer, mais ils ont réalisé que cette boucherie causait trop de dommages collatéraux. Beaucoup d'espèces se sont considérablement réduites comme les gobelins, les faunes et les lutins alors, au bout d'une décennie, ils ont mis en place ce traité.

— Vous ne vous incluez pas dans les vampires qui ne les apprécient pas ? poursuit la jeune femme.

— Je n'ai aucun problème avec les loups, j'en ai d'ailleurs quelques-uns dans ma liste de connaissances. Et puis, j'ai bien trop à faire pour dépenser de l'énergie à haïr des espèces entières sans motifs valables, répond simplement Aurel.

Dépenser de l'énergie ? Ne se lasse-t-il jamais de ce vocabulaire humanisant alors que des minutes plus tôt, il lui annonçait que la fatigue ne fait pas partie de leurs caractéristiques ? Faisant fi de ce détail, ils poursuivent longuement leur discussion sur toutes ces créatures qui peuplent la Terre. Si bien qu'ils débordent largement sur le créneau horaire du cours et y passent une bonne partie de la journée.

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