chapitre 1

La mort, parfois paisible, d'autres fois agonisante. Elle s'enroule autour de soi, agrippe de sa main glacée, le cœur qu'elle écrase jusqu'à ce que les battements ne soient plus que de lointains souvenirs. Il y a bien des histoires sur la mort mais jamais personne ne peut réellement comprendre avant de le vivre. C'est la pensée qui surgit dans l'esprit de Alice tendis qu'elle coule.

La mort n'arrive pas seule, il y a la fatigue, le fait de lutter pour rester à la surface de l'eau glacée. Battre des pieds dans la lourdeur des vagues, essayer de respirer avant de fermer la bouche pour empêcher l'eau de pénétrer dans la gorge. Et c'est encore plus dur lorsque pieds et poings sont liés par des cordes qui brûlent et se resserrent à chaque mouvement. Dans une dernière tentative, Alice bouge les bras de hauts en bas, se poussant jusqu'à la surface.

Elle inspire profondément, le froid lui fouette le visage. De loin, il lui semble voir un navire mais elle n'a pas le temps de se rendre compte de la distance, ni même de savoir si c'est un bateau ennemi parce que la vague surgit devant elle et elle bloque sa respiration, sentant son corps s'enfoncer de nouveau dans la pénombre des profondeurs. L'ironie est qu'elle a toujours refusé d'apprendre à nager correctement et à retenir sa respiration.

C'est pourquoi, en quelques secondes à peine, elle ne peut plus retenir sa respiration. Son corps ne lui répond plus et sa bouche s'ouvre. L'eau y pénètre et Alice s'étouffe, elle tousse mais à chaque inspiration, l'eau plonge dans sa gorge. Elle distingue un son, des remous et une main s'enroule autour des cordages qui lui martyrise les poignets. Ses yeux se fermes alors que ses poumons douloureux se contractent et elle plonge dans le noir.

Soudain, elle se réveille, crachant de l'eau et se tourne sur le côté en toussant. Haletante, Alice déglutit et se rallonge sur le dos, immobile, les yeux fixés sur le ciel ensoleillé. Un visage, puis deux, puis plusieurs lui cache la vue et elle prend conscience qu'elle devrait être morte, qu'elle devrait être dans l'eau et qu'elle devrait avoir les poignets attachés. Elle se redresse si vite que son front cogne celui d'un jeune homme qui grogne.


— Au nom d'Aslan, dit-il en posant une main sur son front.


Alice grimace et porte la main à son propre front avant de tourner la tête, englobant les environs. Des hommes et des créatures l'observent, une main posée sur le manche de leur épée, de leur armes et ses yeux s'empressent de regarder le drapeau. En voyant le symbole, son corps se détend, elle n'est pas tombée sur un navire de pirates.


— Est-ce que vous allez bien? demande le jeune homme.


Alice a toujours la gorge en feu et se contente d'un hochement de tête, ses cheveux roux dégoulinent d'eau tout comme ses vêtements et l'inconnu se redresse, attrape une couverture qu'un centaure lui tend et il l'enroule autour des épaules de Alice avant de l'aider à se relever. La jeune femme chancelle légèrement et resserre la couverture contre elle.


— Que faisiez-vous au beau milieu des mers? reprend-t-il. Il n'y a pas de navire à des kilomètres.


— Je ...


Alice s'arrête. Si elle parle, elle devra révéler un secret vieux de plusieurs millions d'années. Mais si elle ne parle pas, elle risque de passer pour une ennemie. Le jeune homme l'observe, les yeux plissés avant qu'une jeune fille se mette à côté de lui.


— Elle a besoin de repos, dit-elle avant de regarder Alice, je suis Lucy.


— Alice, répond la rouquine.


Lucy lui sourit et Alice la suit, passant entre les hommes qui s'écartent à son passage. Le navire semble luxueux et elle observe les moulures et le bois magnifique, l'effleurant du bout des doigts. La chambre de Lucy ne contient pas grand chose, un grand lit au milieux et une armoire prêt d'une fenêtre.


— Retire tes habits, tu vas prendre froid, dit Lucy en fouillant dans l'armoire. Tu est un peu plus grande mais ça devrait faire l'affaire.


Elle lui tend une chemise ample aux manches bouffantes et un pantalon marron, large, muni d'une énorme ceinture. Alice se glisse derrière le parafant et se déshabille. L'eau goutte sur le plancher, la faisant grimacer et en se retournant, elle croise son reflet dans le miroir. Elle s'observe et cherche la moindre trace de blessures ou marques mais sa peau est dépourvue de toutes traces. 


— Si tu as besoin de quoi que ce soit, je serais en haut, dit Lucy. Et ne fait pas attention aux matelots, ils ont l'air rudes mais ce sont de vrais artichauts.


Sans attendre de réponse, elle s'en va et Alice entend la porte se claquer. Elle tresse ses cheveux, laissant quelques mèches encadrer son visage puis, elle s'approche du lit. Elle appuie sa main dessus, constant le confort du matelas et ferme les yeux, ça fait des semaines qu'elle n'a pas dormis dans un lit et elle se laisse tomber dessus. Un soupir d'aise s'échappe de ses lèvres tandis qu'elle s'enfonce dans le moelleux des coussins et elle ferme les yeux.

Elle est libre. Mais pour combien de temps? Elle sait que bientôt, elle va être rattrapée par son erreur, elle ne sait pas quand ni comment mais elle sait que ça va arriver. Malgré ses pensées sombres, Morphée réussit à l'attirer dans ses bras et elle s'y abandonne avec plaisir. Elle est réveillée quelques heures plus tard par un coup de tonnerre et elle regarde autour d'elle, déboussolée. Une vague s'écrase contre la vitre et le navire tangue. 

Alice se lève et se retient au mur pour trouver une stabilité puis, elle ouvre la porte et s'engouffre dans le minuscule couloir. Cette fois, elle ne prend pas le temps de contempler les finissions du bateau et avant dans la pénombre. Une lueur s'échappe par une porte entrouverte et elle entend des voix qui semblent être en conflit.


— On ne peut pas la laisser sans surveillance, dit une voix grave. Elle était en pleine mer, c'est une chance qu'elle soit toujours en vie, ou une malchance, on ne sait pas qui elle est.


— On aurait dû la laisser attacher, enchaine une autre voix plus jeune.


— Arrêtez un peu de parler sans savoir, s'exclame Lucy. Elle n'a pas l'air méchante, elle a surtout l'air épuisée.


Alice s'approche et écoute, elle jette un œil dans la pièce. Lucy se tient face à un garçon brun qui lui ressemble et d'un homme chauve. La tension semble palpable et elle sursaute quand une silhouette apparait devant elle. Le jeune homme a qui elle a donné un coup au front. Il lui sourit tandis que le silence se fait dans la pièce, coupé seulement par les vagues déchainées et l'orage.


— Avez-vous pu vous reposer? demande-t-il.


— Oui, merci, répond Alice. Et merci de m'avoir sauvé, je vous dois la vie.


Il se pousse afin de la laisser passer. Alice entre dans la pièce éclairée à la bougie et remarque une carte sur une table ainsi qu'un tableau avec des affiches accrochées. Ce sont des portraits un peu abîmés par le temps. La jeune femme parcours rapidement le reste et comprend qu'il s'agit de seigneurs disparus.


— Êtes-vous apte à parler? lâche l'homme le plus âgé.


— Laissez la d'abord manger, dit Lucy en lui tendant une pomme.


Alice la prend en la remerciant d'un sourire et croque dedans à pleines dents, elle est affamée et ça peut se remarquer à son corps squelettique. Le jus coule le long de sa gorge et elle savoure le fruit comme si elle n'en avait jamais mangé auparavant. Remarquant le regard du garçon brun, Alice baisse les yeux sur ses poignets brûlés et rougis par les liens. Elle dissimule les marques dans les manches de la chemise et se retourne vers celui qui semble le plus accueillant. 


— Je suis désolée, dit-elle, vous êtes en conflit par ma faute, je vais répondre à toutes vos questions.


— Ne vous excusez pas, répond le jeune homme. Edmund, le frère de Lucy, a un caractère de cochon.


— Je ne suis pas sourd, lâche le concerné.


— Fort heureusement, rit-il, et voici Drinian, le capitaine du navire. Je suis Caspian, dixième du nom.


— Vous êtes le roi! s'exclame Alice en se penchant dans une révérence bancale, toutes mes excuses, votre Majesté.


— Appelez-moi Caspian, répond-il, je suis peut-être un roi mais sur ce navire, je suis comme vous et tous les autres.


— J'aurai dû vous reconnaître, vous ressemblez à votre père, dit la rouquine.


Un silence plane un moment, Drinian ouvre la bouche tandis que Caspian dévisage Alice comme si elle venait de se transformer en pieuvre géante et les joues de la rouquine se teinte en rose.


— Vous avez connue mon père? lâche-t-il soudain. Mais qui êtes-vous?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top