conversation nocturne
C'est une conversation nocturne.
Je viens juste de sortir du lit.
La nuit, les ombres semblent vouloir m'écraser dans mon sommeil après m'avoir suivie toute la journée. Elles veillent. J'ai besoin de parler à n'importe qui, qui que ce soit, j'ai besoin de hurler ce que je ressens.
Mais je n'y arrive plus. A cause de ces voix, celles qui me disent que je n'en vaux pas la peine, que je ne vais qu'ennuyer les autres, que bientôt les seuls qui restent partiront. Elles me susurrent ces paroles toute la journée et leur poison coule dans mon sang.
J'ai besoin de parler, pas à n'importe qui mais à toi.
Toi, le reflet de celle que j'étais avant. J'ai besoin de parler à l'enfant. J'ai besoin de lui demander qu'est-ce qui peut bien clocher. Je veux savoir à quel moment j'ai enjambé cette ligne, le fil qui bouclait le cercle. Le cercle fatidique, où tous les moments s'enchaînent et se ressemblent. J'ai besoin de savoir.
Alors je vois son reflet, ce visage aux joues rebondies, arborant un regard innocent. Je vois mon propre reflet flotter dans son regard calme et interrogateur.
Avec courage je me mets à parler :
— Sais-tu pourquoi je suis aussi fatiguée ? Aussi triste... Dis moi pourquoi je passe de courte euphorie à tristesse intense et vide immense.
Elle hausse les épaules.
— Tu sais, moi aussi je suis triste des fois, maman ne vient plus me dire bonne nuit le soir.
Je vois l'incompréhension et le chagrin passer sur son visage, elle ne sourit plus.
— Je sais, je chuchote. Est-ce que tu penses que j'ai des parasites dans ma tête ?
— Comme maman ?
— Oui.
Elle réfléchit, se ressasse des souvenirs pour essayer de nous comparer. Elle reprend :
— Je ne sais pas, parle moi de toi.
— Je suis vide et j'aimerais ne pas me lever le matin. Me rendre compte que j'ai disparu.
J'ai débité la phrase avec rapidité. Je ne l'avais jamais exprimée à voix haute.
— Si tu meurs, cela veut dire que je n'existerai plus.
Je ne répond rien, la vérité est trop lourde pour être portée par les mots.
— Je sais que tu es moi en plus vieille. Tu as juste beaucoup plus de cernes. Je sais très bien ce que tu essaies de cacher derrière les sourires.
Un rire rauque s'échappe de mes lèvres.
— On ne change pas ce qui marche.
— Pourquoi tu as l'air brisé ?
La question me laisse bouche bée, je n'ai pas envie d'y répondre, parce que je ne suis pas sûre de connaître la réponse.
— J'ai jamais voulu être vide tu sais. Je voulais juste faire quelque chose qui ait du sens.
— Tu peux toujours le faire.
— J'ai l'impression de ne plus avoir de force.
Une seule larme coule le long de sa joue, je sais à quoi elle pense.
— Pourquoi ne peux-tu pas le faire pour moi ? Je crois en toi.
Je tends ma main pour chasser ces pleurs. Cette vue m'est insupportable, je me déçois de plus en plus. Je voulais voir les rayons de soleil sur son visage mais j'ai apporté l'orage. J'effleure sa joue, mais elle disparaît bien vite. Elle se volatilise, s'échappe sous mes yeux.
Je me relève dans un sursaut, ma vue est floue mais les souvenirs de mon rêve sont intactes. Le reflet de mon passé venait de me rendre visite pour me rappeler que le futur existait, mais que le présent défilait.
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