amour, culpabilité et dégoût
29 juillet
La chanson touche à sa fin. Le spectacle aussi. Le public se lève doucement, commence à applaudir. Les musiciens au milieu de la salle se lèvent et entame une session de révérence. Voilà les fruits d'efforts acharnés.
La mélodie du jazz me manque déjà. Je me lève à mon tour dans l'amphithéâtre. Je suis impressionné, époustouflé par la représentation. C'était magnifique. Bon Dieu ce que j'aime le jazz. Ce genre musical tellement réconfortant à mes yeux est là ma plus belle découverte.
Mais surtout, ce soir, tu faisais partie de l'orchestre. Tu chantais, ta voix était magnifique, ta voix est comme un remède pour mon corps abîmé, rongé par la vie, rongé par mes sentiments. Tout est trop fort. Je ressens tout en double, mes sentiments sont amplifiés par mon trouble. Je n'arrive pas à déterminer si ça me bousille ou non la vie. Passons, et revenons en sur ta voix. Ta sublime voix. Ta voix si grave mais si féminine à la fois. Tes yeux clos quand tu chantes avec concentration est pour moi le plus beau spectacle imaginable. On pouvait sentir ton léger accent russe dans ta voix ornée d'émotion. À ce moment j'étais fier de pouvoir dire que je sortais avec toi. Ce type à l'apparence banale et à l'esprit si original.
Ton cerveau te faisais vivre un enfer. Nous vivions tous les deux un enfer, on se complétait au final. On se donnait de l'affection pour oublier nos problèmes, oublier que nos vies étaient loin d'être clémentes. Nos cerveaux meurtris se complétaient. Anxiété et hypersensibilité mêlées à la mélancolie de la schizophrénie telle était notre paire.
Une paire que bien trop détestent et méprisent. Les années 70s ne sont vraiment pas favorables pour les gays malgré notre revolte dans les rues de Paris en 77 -nous étions peu à cet événement, le réel combat semble avoir commencé en 81, après ton décès...
Imagines si en plus de ça nous avions des troubles mentaux. La bonne blague !
Nous étions trop peu renseignés à notre époque. Nous prenions des médicaments sans réellement savoir si ça allait fonctionner et calmer nos âmes délirantes. On était des sortes de tests pour les scientifiques et psychiatres. Non, nous étions des tests tout court. Détail loin d'être futile.
Encore aujourd'hui mon esprit me joue des tours, mais avec les avancées de la médecine, je crois avoir compris pourquoi tu as commis l'irréparable.
Tu ne supportais plus la maladie, tu voulais t'en débarrasser une bonne fois pour toute.
J'ai une deuxième hypothèse, la société était trop oppressante pour toi.
Je ne sais pas, je ne saurai jamais et j'y songerai toute ma vie.
Mes hypothèses sont-elles plausibles, chéri ?
Celà fait si longtemps que je ne t'ai pas nommé ainsi.
Si longtemps que je n'ai plus eu la sensation de tes lèvres contre les miennes.
C'est frustrant.
Et voilà je recommence.
Je ne dois pas pleurer.
Revenons en sur ta voix veux tu ?
Non, je ne devrais pas, je me torture l'esprit plus qu'autre chose.
À bientôt cher journal, demain, si je trouves le temps, je te parlerai de ma mère. Quelle horreur.
Christian.
30 juillet
Une femme avec un ballon bleu. Un arbre. C'est tout ce dont je le souviens du paysage. Cette femme c'était ma mère. Du moins ma génitrice. Ça sonne plus péjoratif selon moi, c'est mieux. Je déteste cette personne. Elle me déteste en retour.
Du poison au bout de ses pulpes qui touchent ce ballon. Un souvenir.
Éphémère la douleur, permanent le souvenir.
Je rêvais d'une utopie, comme c'était le cas à l'époque. Je vivais dans l'utopie que j'idéalise aujourd'hui.
Le matin je m'étais réveillé de ce songe.
Elle était belle ma génitrice.
Dans ce rêve qui n'en était pas un, elle avait repris son rôle de mère.
J'avais sept ans et elle s'occupait de moi. L'inverse de quand elle m'a mise à la porte quand elle a découvert ma sexualité. Et mon couple surtout. Elle m'avait giflé avec force et m'a dit que j'étais répugnant. Cette femme exécrable qui m'a forcé à quitter la maison familiale et qui m'a contraint à fuire. C'était pas plus mal au final, j'étais avec toi toute la journée, Francis. Nous n'étions plus obligés de se voir en cachette le temps de quelques heures. Je m'endormais à tes côtés.
Je m'égare.
En ce jour, je me suis souvenu, qu'elle, Béatrice, tel est son nom, me prêtait de l'attention. Ma génitrice détestable, m'avait un jour donné de l'amour. Une utopie effectivement.
Des années auparavant, le 12 septembre 1957, elle m'avait préparé un délicieux repas d'anniversaire qui mijotait pendant que l'on jouait. On se passait le ballon bleu. Ses longs cheveux blonds attachés en une natte bougeaient au rythme de ses mouvements. L'odeur du dîner me parvenait au narines. Ça sentait bon. J'étais heureux.
Nous jouions depuis une heure déjà. Le repas était bientôt prêt.
Nous sommes passés à table quand il fut fin prêt. Il était midi cinquante environ et nous parlions tranquillement. Du moins je lui racontais ma banale journée d'enfant de sept ans ans. Elle rigolait et me regardait avec des yeux attendris. Je l'avais aidé à préparer ce que nous mangions donc pour me récompenser elle m'avait dit que nous irions manger et fêter mon anniversaire au parc avec quelques amis.
Je m'étais donc hâté de finir. Je m'étais levé de ma chaise pour sautiller sur le sol. J'étais impatient. Je savais qu'il allait se passer quelques choses de spécial. Elle avait rit fasse à mon comportement. Il était harmonieux son rire. On aurait dit qu'elle chantait.
Nous étions enfin sortis de la maison, on se dirigeaient vers le parc, mes amis -nul autres que nos voisins de l'époque- nous rejoindraient plus tard.
Finalement, nous sommes arrivés. Puis je t'ai vue. Danaé. Tu étais seule. Tu semblais plus vieille que moi. Tu devais avoir au moins deux ans de plus. C'était dangereux de laisser un enfant seul.
Ma génitrice semble l'avoir remarqué également. Elle s'est doucement approchée de toi. Tu étais assise sur cette balançoire rouillée, l'air déphasée.
Béatrice t'a demandé où étaient tes parents et qu'est ce que tu faisais toute seule. Tu as répondu qu'ils n'avaient pas assumés leurs responsabilités et t'avais laissé à l'abandon dans ce parc. Des mots durs prononcés par un enfant de neuf ans, c'était étrange.
C'était ça la chose spéciale. Ma mère t'as directement prise sous son aile. D'une adoption clandestine tu étais désormais ma sœur. Mon anniversaire avait pris une tournure inattendue, sérieuse.
Des années plus tard Danaé m'a révélé que son père avait mit sa mère en cloque et qu'elle ne souhaitait pas avorter. C'était un droit auquel les femmes n'avaient pas. Elle ne voulait pas risquer de perdre sa vie en avortant illégalement.
Sa mère n'avait pas les moyens de s'occuper de sa fille. Son père l'a donc prise en charge pour l'abandonner neuf ans plus tard dans un parc.
C'était la réelle version des faits. Très lointaine de la version erronée de son père.
Le jour de ses six ans, Danaé avait demandé à son père pourquoi sa mère, n'était jamais là. Du peu qu'elle se souvient, Danaé l'avait vu saoul encore une fois. Son père lui a raconté que sa mère les avaient lâchement abandonnés et qu'il avait été contraint de s'occuper d'elle. De ce que Danaé m'a dit, la voix de son père était tremblante à cause de l'alcool qu'il avait ingurgité.
Elle avait et a toujours une forte attache émotionnelle envers ma mère. Malgré le fait qu'elle m'ai rejeté, elle a failli se faire rejeter elle aussi, pour la même raison que moi, simplement ma mère n'a rien découvert à son propos. Quelle ironie.
Je déteste ma génitrice, j'aime ma sœur plus que tout et elle ne sait plus à qui faire confiance. À part à sa meilleure amie peut être. Ça aussi je ne le sais pas. C'est frustrant mais chacun à le droit à sa part de mystère.
Tout ce que je viens de dire, c'est ma vision des événements, je suis loin d'être le mieux placé pour parler à la place de ma sœur, mais j'espère tout de même que ça se rapproche de sa vision à elle.
Mes émotions ont décidé de faire un cocktail immonde. Amour, culpabilité, rancoeur tristesse et dégoût. Elles sont intenses ces émotions. Tellement intenses que j'en pleure. Ça me libère, plus qu'écrire ce journal visiblement. Je suis vide. Vide mais mon cerveau est trop plein. Trop plein de réflexion, trop plein d'incompréhension. Mes sentiments sont comme une passoire. Ils laissent passer le positif pour en garder le négatif. Tout ce qui est déchirant.
C'est frustrant.
Je vais m'arrêter là pour aujourd'hui. J'ai de l'encre sur les mains et des larmes peignent mon visage. Ma sœur va bientôt revenir de son voyage passé avec sa meilleure amie. J'aimerais faire de même avec l'être qui me tiens le plus à cœur. En attendant je vais écouter du jazz, peut être que ça me réconfortera ?
Au revoir cher journal. À dans fort longtemps.
Christian.
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🎷
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Je vais arrêter de poster des os sur Christian pour consacrer mon temps à des recherches plus approfondies sur les troubles dont Christian et Francis sont atteints et ainsi pouvoir poster le journal de Christian en entier. Je ne sais absolument pas quand ça sortira, peut être dans quelques mois, ou dans des années.
Sachez que je n'avais absolument pas l'idée de créer cette histoire à la base, seulement une nuit j'ai fait une insomnie et m'est venu l'idée de " un dimanche au bord de la mer " puis même chose pour "un après-midi à tes côtés" et "cette soirée d'été fanée". Donc là où je veux en venir c'est que mon cerveau a décidé de relier toutes ces petites histoires et il s'est bien déchaîné pour créer tout une histoire alors que j'ai même pas encore fini mes ff et projets de ff en cours BREF.
Sur ce à bientôt et prenez soin de vous 🤍
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