Que ressentait-il en ce moment ? La solitude étreignait-elle son coeur jusqu'à ce qu'il ne puisse plus respirer ? Sentait-il ce couteau glacial s'enfoncer un peu plus profondément dans sa poitrine compressée par le froid de l'hiver ? Des questions, toutes sans réponse. Taehyung avait beau avoir d'autres loups dans sa meute, aucun n'avait autant d'importance que ceux qui l'avaient quitté. Peut-être allait-il s'en rendre compte ce soir, quand il réalisera que Namjoon n'allait plus jamais passer le pas de sa porte. 

— Jin, arrêtes de pleurer sur ma veste... 

Doucement, Rieka se détourna de la fenêtre qui lui offrait le paysage ravagé de la forêt avant de poser son regard sur Namjoon qui portait la tête d'un Jin sanglotant sur son épaule. L'aîné lui tenait le bras fermement, le secouant dans tout les sens comme s'il venait de retrouver un doudou longuement perdu. 

— T'es vraiment qu'un insensible ! 

Le Beta soupira, emprisonné par l'émotion de son ami qui ne semblait pas croire au retour du plus jeune. Autour d'eux, les autres membres de la meute observaient la scène avec un petit sourire aux lèvres. Aucun d'entre eux n'aurait pensé que Namjoon rejoindrait un jour cette famille et le fait que cela finisse par arriver était une bien belle surprise. Souriant légèrement elle aussi en s'appuyant sur le rebord de la fenêtre, la brune finit tout de même par reporter son regard sur l'extérieur en ignorant les discussions qui s'engageaient dans le salon, près de la cheminée où un feu brûlait. 

Taehyung n'avait peut-être pas encore totalement réalisé qu'il venait de perdre son dernier allié. Le plan de Rieka se déroulait à merveille et pourtant, elle n'arrivait pas à en sourire. L'image de son lié seul s'imposa à elle et la fit frissonner de la tête aux pieds. Cependant, l'image de Kyungmi vint rapidement se superposer à la sienne et cette fois, ce fut la colère qui se mit à faire bouillonner le sang dans ses veines. 

Alors qu'elle se mordait la lèvre inférieure pour essayer de se calmer, elle repensa à la discussion qu'elle avait eu un peu plus tôt avec Hoseok et Namjoon. Elle espérait que le rouquin allait faire son travail correctement et qu'il n'essayait pas de les rouler. Cependant, elle avait vu dans ses yeux un soupçon de sincérité: elle voulait y croire. Et Daejung, était-il au courant du retour de son Beta en ville ? 

Prise d'un soudain mal de tête à cause de toutes ces réflexions nocives, la jeune femme s'éclipsa à l'étage avant de pénétrer dans la salle de bain qu'elle ferma à clé, sa main libre plaquée sur son front. Sentant ses jambes perdre brutalement leurs forces, elle s'écroula au sol, le tapis de bain atténuant le bruit de sa chute. 

— Merde... souffla-t-elle. 

Alors que l'intérieur de son crâne brûlait tel un volcan, elle sentait l'intégralité de son corps perdre ses moyens. Comme si, d'un seul coup, son organisme ne pouvait plus fonctionner correctement. Prise de bouffées de chaleur pendant que sa respiration était d'une irrégularité inquiétante, une toux monta du tréfond de sa gorge. Avant qu'elle ne tousse, elle se précipita vers les toilettes où elle plongea quasiment la tête. De sa bouche sortit alors des éclats de sang noir qui vinrent tinter la cuvette. 

— Qu'est-ce que... ? 

Prise d'une peur brutale, ses paupières papillonnèrent puis elle passa le dos de sa main au coin de ses lèvres. Sa peau se tâcha immédiatement de son sang à la couleur ténébreuse alors qu'au même instant, des crampes déchirantes la firent grogner. 

<< Rieka ! >>

Etait-ce la voix de Sooyun ? Rieka n'en était pas sûre jusqu'à ce qu'elle vit que le collier était en train de briller de mille feux. Alors qu'elle voulut se relever pour tenter une station debout, elle tomba une nouvelle fois au sol, son crâne frappant brutalement le carrelage de la salle d'eau. Tout était comme au ralenti. Cette douleur était insupportable, la brune avait l'impression de revivre sa mort une nouvelle fois. Elle ne pouvait même pas hurler, aucune voix n'aurait été capable de supporter la plainte qu'elle avait envie de pousser hors d'elle. Serrant entre ses doigts le tapis de bain près d'elle pendant que son corps se recroquevillait sur lui-même, pris de spasmes, elle vit une paire de mocassins noir en face d'elle. 

— Ma pauvre enfant... 

Avec difficulté, l'Alpha releva la tête avant de croiser le regard plein de pitié de Morphée. Il la fixait, l'air démuni, observant les veines noires qui se reflétaient sur l'intégralité du corps de sa protégée. La jeune femme voulut ouvrir la bouche pour lui parler mais pour l'en empêcher, le dieu s'accroupit près d'elle et posa sa main sur sa joue. 

— Tu savais que ça allait finir par arriver n'est-ce pas ? Tu l'as vu en rêve. Hécate t'avait même prévenu. 

C'était à peine si la jeune louve entendait ce qu'il lui disait, tout n'était que douleur. Elle voulait tellement que ça s'arrête, que quelqu'un la tue d'un coup net et précis en plein coeur ! 

— Ce n'est pas ton heure... Tout ça... Ce n'est qu'un avant goût de ce qui t'attend. 

Suite à cette phrase, le regard de Rieka se voila de larmes, faisant briller ses yeux intrigués et effrayés. D'un geste délicat, Morphée fit glisser ses doigts sur sa joue pour essuyer ces perles nacrées. 

— Plus le temps va passer... Plus ce genre de crise sera fréquent. La louve qui est en toi va devenir sauvage, ta part humaine va... disparaître, dans le néant. Plus rien ne pourra s'opposer à l'Alpha en toi et tu... tu pourrais bien détruire tout ce que tu as construit si durement. 

Au même instant, le mal de Rieka s'évapora avec lenteur, Morphée l'aspirant de sa main. Une grimace déforma le visage de l'homme qui tentait de faire fi de la douleur. Une fois que sa peine ne fut que souvenir, le corps de la brune se détendit d'un seul coup et elle roula sur le dos, prenant une grande inspiration comme si elle avait été en apnée pendant tout ce temps. Des larmes roulaient encore sur ses joues et elle fixait le plafond, incrédule. 

— Je vais... perdre le contrôle de mon propre corps... ? murmura-t-elle. 

— Comme si tu étais enfermée dans une cage... confirma Morphée. 

Rieka porta une main tremblante à sa bouche, pour étouffer ses sanglots. Le coeur battant, elle déglutit et se redressa rapidement, essuyant ses larmes en prenant un air déterminé. Mais personne ne pouvait tromper Morphée: il voyait bien la peur profonde qui commençait à habiter son être. 

— Si ça devait arriver... Tuez moi avant que je ne le fasse.