𝐗𝐗𝐗 | 𝐓𝐡𝐞 𝐓𝐫𝐞𝐞𝐬 𝐊𝐧𝐨𝐰 (𝐈𝐈)

DOUBLE UPDATE

Assure-toi d'avoir lu le chapitre précédent ♡


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« M'a-t-elle secouru de son propre chef ? »

L'allusion était limpide. Sa mère. Troublés, Jungkook et Taehyung échangèrent un coup d'œil.

« Oui, répondit Seungmin, sans détour. C'est elle qui nous a alertés, et on a agi ensuite. »

Un sourire amer effleura les lèvres de Namjoon, désabusé.

« Je n'arrive pas à la comprendre. »

Que cherche-t-elle ? Mon pardon ? Qu'elle l'abandonne. Elle ne l'obtiendra jamais.

« Écoute-la, Namjoon. Quand elle viendra te voir, prête attention à ce qu'elle a à dire. »

Namjoon frémit, un sentiment désagréable compressant son cœur.

« Comment savez-vous qu'elle... ?

— C'est ma commandante, répondit-il, comme une évidence. Rien ne m'échappe, et elle ne fait rien sans mon accord. »

Le visage de Namjoon se crispa. Même la main de Jungkook qui se glissa discrètement dans la sienne ne parvint pas à atténuer son trouble. Il la pressa néanmoins, y puisant de la force.

« Depuis notre arrivée, elle m'a demandé dix fois la permission de s'absenter pour te voir, déclara-t-il, l'expression grave. Dix fois, Namjoon. Elle n'en a pas le droit. Son devoir est à mes côtés hors du palais, en toute heure. »

Un silence. Son souffle se fit plus lent, plus lourd.

« Pourtant, je le lui accorde. »

Il baissa les yeux, la tristesse assombrissant son regard. Puis, presque à contrecœur, il ajouta, le timbre plus bas.

« Une seule fois, j'ai refusé. Une seule où, pour moi, elle se faisait du mal inutilement. »

Un battement. Un frémissement. Namjoon crut que son cœur allait exploser.

« Quand elle a voulu nous suivre tout à l'heure, pour te voir. Elle était prête à grimper le bâtiment pour se cacher derrière la fenêtre de la chambre de Jungkook, et y demeurer jusqu'à ce qu'on s'en aille. »

La stupeur, la colère qui rampait. Le silence lourd, électrique.

Puis un rire bas, amer, sec, moqueur, profondément écœuré.

Seungmin tressaillit. Même s'il comprenait Namjoon, son rire le blessa profondément. Non pour lui, mais pour sa commandante.

Namjoon ne vit pas la crispation furtive qui déforma les traits de Jungkook. Il ne sentit pas la force de ses propres doigts, refermés trop fort sur cette main fragile et tremblante qu'il broyait sans s'en rendre compte.

Jungkook ne bougea pas. Ne broncha pas. Il laissa l'orage s'abattre, le tonnerre gronder, les éclairs foudroyer sa peau. S'il devait souffrir, qu'il souffre. Tant que Namjoon s'accrochait à lui.

« Vous savez quelque chose que j'ignore », souffla Namjoon, devinant aussitôt l'évidence.

Sa voix claqua. Jungkook perçut ce léger trémolo. Cette fêlure à peine audible. L'émotion qui dérapait, insaisissable.

Seungmin pesa ses mots, les yeux légèrement baissés.

« Avant d'être son général, je suis aussi un père, lâcha-t-il enfin. Et je me mets à sa place. »

Un rire nerveux et chargé de colère monta dans la gorge de Namjoon, mais il le ravala, sa gorge se nouant, et son ventre se tordant.

« Vous devriez peut-être vous mettre à la mienne.

— Je le fais.

— Alors, pourquoi la défendre ? Elle a fait tuer mon père. Elle a livré votre ami comme s'il n'...

— Ne dépasse pas les bornes, Namjoon. »

Jungkook tressaillit. Taehyung détourna les yeux, le regard fuyant de malaise, s'approchant inconsciemment de son père, son bras toujours enroulé autour du sien. Seungmin avait parlé d'un ton tranchant. Sans colère, sans menace. Juste cette autorité qui écrasait l'air, figeait le temps, suspendait les cœurs, tant ce timbre sur eux était rare.

Namjoon resta figé, tête baissée, mâchoire crispée. Une tempête sous sa peau. Un étau autour de ses côtes. Les poings si serrés que ses ongles mordaient sa paume et la main de Jungkook qui serrait les dents, patient, endurant.

Namjoon se sentait acculé. Écrasé. Les mots de Seungmin s'étaient abattus sur lui avec la violence d'un orage.

C'est le comble. C'est moi qu'on réprimande ?

« Écoute-la. Personne ne te demande de lui pardonner. »

La voix de Seungmin s'était faite plus basse, plus douce. Une supplique dénuée de tout ordre, dépouillée de toute autorité.

Namjoon grimaça en fronçant les sourcils. Jungkook avait prononcé ces mêmes mots, deux jours plus tôt. Pourquoi insistaient-ils tant ? Pourquoi voulait-elle lui parler ? Le mal était fait. Irréversible. Cherchait-elle seulement à alléger sa conscience ?

Comme si ce qu'elle a fait pouvait être pardonné !

« Elle revient peinée. Silencieuse. Souvent, je la surprends perdue dans ses pensées. J'en déduis que ses tentatives échouent, souffla Seungmin.

— Je ne l'ai vue qu'une fois, dit-il, entre ses dents.

— Pourtant, elle venait très souvent te voir. Elle te suit, même si j'essaie de la raisonner. »

Namjoon secoua vivement la tête, et recula de deux pas, assailli par des interrogations sans réponse. Il ne sentit pas sa main quitter la chaleur rassurante de celle de Jungkook.

Une main douce glissa sur sa nuque. Puis une autre se posa sur son épaule. Réconfortantes. Présentes. Les présences de Jungkook et Taehyung l'aidaient à s'ancrer. Son cœur tumultueux ralentit, mais ne s'apaisa pas. Il se calma pourtant, jusqu'à ne devenir qu'un frémissement pénible sous sa poitrine.

Alors il se mura dans le silence.

Il ne voulait plus en parler.

Plus entendre ces mots qui fouillaient les plaies à vif et les empêchaient de se refermer.

Il se drapa dans son mutisme comme dans une armure, préférant l'asphyxie du non-dit à la brûlure de l'affrontement.

Seungmin les contempla, troublé, frappé par cette vision de les voir tous les trois réunis, soudés, se soutenant.

La nostalgie scintillait au fond de ses yeux. Il sourit lorsqu'une image s'imposa à lui en une réminiscence lointaine, pourtant si vive. Dans leurs traits et dans leurs gestes, il revoyait Taejoon, Dongwon, et lui-même en son propre fils.

Il revoyait leur enfance riche, leur adolescence tumultueuse, leurs années à Sungkyunkwan, leurs innombrables farces, leur remise des diplômes, leurs mariages, et ce miracle inouï d'être devenus pères presque au même moment.

Ils avaient été si heureux.

Un murmure inquiet brisa le fil de ses pensées vagabondes.

« ...Papa ? »

Il cligna des yeux. Taehyung le fixait, soucieux. À ses côtés, les deux autres l'observaient en silence. Namjoon détourna le regard, encore troublé par la discussion sur sa mère.

« Ça va ? », insista Taehyung en s'approchant de lui, une main sur son épaule.

Sans qu'il s'y attende, un pincement fugace traversa le cœur de Jungkook en les voyant ainsi. Il détourna aussitôt les yeux, honteux d'envier la relation de son ami avec son père.

« Oui, oui... », répondit Seungmin, secouant légèrement la tête, sa paume pressant brièvement celle de son fils avant qu'il ne la retire.

Il hésita, puis laissa filer un souffle.

« Vous voir tous les trois me ramène souvent loin en arrière. C'est tout. »

Sa voix se brisa à la dernière syllabe. Sa mâchoire se contracta, un pli de malaise marqua son front. Lorsqu'il reprit, ce fut avec un poids sur la langue.

« Maintenant que vous êtes devenus des hommes, la ressemblance est frappante. »

Seungmin laissa son regard glisser de l'un à l'autre, avant de s'arrêter sur Jungkook.

« Toi surtout. Tu me rappelles tant Dongwon à ton âge. Même regard vif, même rire, quasiment les mêmes traits. »

Un sourire fugace, à peine esquissé.

« Il ne te manque qu'une chevelure plus longue. »

Son sourire s'élargit, malicieux.

« Peut-être un nez moins imposant. »

Le silence. Le choc.

Puis Taehyung explosa d'un rire franc, brutal et incontrôlable.

Il se plia en deux, une main plaquée contre son ventre, l'autre s'agrippant au bras de Namjoon, qui restait figé. Son souffle s'était brièvement coupé, ses traits d'abord crispés entre amusement et offense avant qu'un sourire apparaisse. Il détourna la tête, mais ses lèvres tremblaient, luttant contre un rire qui lui titillait la gorge.

Jungkook ne cilla pas. Pas un muscle de son visage ne trahit la moindre vexation. Pourtant, sa main remonta aussitôt vers son nez en un réflexe. Il l'effleura du bout des doigts, jaugea... puis darda sur Seungmin un regard faussement noir, boudeur.

« Mon nez est très bien comme il est », marmonna-t-il avec un sérieux feint.

Taehyung redoubla d'hilarité. Il hoqueta, manqua de perdre l'équilibre, et se laissa tomber sur l'épaule de Namjoon qui, cette fois, céda entièrement à son rire trop longtemps réprimé qui lui échappait enfin.

Seungmin haussa un sourcil, faussement innocent, lèvres frémissantes, les éclats contagieux des deux autres le titillant dangereusement.

« Enfin, ne le prends pas mal, Jungkook. Ce n'est pas ta faute si tu as hérité des mauvais traits. »

Taehyung hennit littéralement d'un rire tonitruant, indécent, s'accrochant davantage contre un Namjoon au bord de l'asphyxie, le visage caché dans une main.

Jungkook ouvrit la bouche. La referma. La rouvrit. Un doigt accusateur pointé sur Seungmin. Il pivota vers Taehyung et Namjoon, l'air profondément offensé, trahi. Mais en voyant ce dernier ainsi, aussi allègre et les traits défroissés, Jungkook réprima un sourire soulagé.

« Namjoon ! »

Évidemment qu'il interpellait Namjoon plutôt que son seonbae. Il n'aurait de toute façon tiré aucune réponse d'un Taehyung plié en deux, haletant comme s'il agonisait, des larmes aux coins des yeux. À ce stade, ivre de rire, il serait incapable de répondre.

« Tu ne vas pas le laisser dire ça ? ! »

Namjoon toussota et se redressa en un effort pathétique pour recomposer sa dignité.

« Eh bien... techniquement... »

Jungkook roula des yeux, soupira dramatiquement et leva son bâton pour les frapper doucement aux jambes. Mais l'éclat mutin dans son regard témoignait de son amusement. Il reprit sa marche, lançant un regard faussement outré à ses amis, et un dernier plissement d'yeux à Seungmin, qui se contenta de lui ébouriffer les cheveux, souriant de toutes ses dents.

Les yeux de Jungkook brillèrent, et le sourire de Seungmin s'adoucit. Le mur entre eux s'était définitivement brisé. Ils le ressentaient.

Taehyung et Namjoon le rejoignirent aussitôt, chacun y allant de ses moqueries, attisant un Jungkook au bord de l'agacement, du moins en apparence. Car, malgré ses grognements indignés, un sourire flottait toujours sur ses lèvres.

Jusqu'à ce que Namjoon lui souffle à l'oreille d'une voix tendre et suave, à l'abri des oreilles de Seungmin.

« Moi, j'aime ton nez, mon doux. »

Un battement.

Et un rugissement de sang affluant aux oreilles d'un Jungkook au cœur affolé. Puis un murmure plus bas, plus taquin, et Taehyung qui se penchait davantage pour écouter.

« Tu as une beauté qui ne manque jamais de m'émerveiller. Même si tu as un nez imposant. »

Taehyung caqueta de nouveau de rire. Jungkook s'immobilisa net, une chaleur traîtresse lui grimpant aux joues. Il leur grommela un vague « fermez-la », puis bouscula mollement Namjoon, pinça fortement le flanc de Taehyung qui mêla rires et plaintes dans un glapissement indigné.

Sans demander son reste, il reprit sa marche d'un pas vif — trop vif pour être naturel —, marchant aussi rapidement que ses jambes le lui permettaient.

Mais il n'alla pas loin.

Deux sangsues lui sautèrent à nouveau dessus, s'accrochant à lui avec une ferveur toute mesquine. Jungkook rugit, tenta de se débattre, mais son rire finit par le trahir.

Surtout, la fatigue se fit sentir.

Seungmin les suivait, légèrement en retrait, les bras croisés derrière son dos. Son regard les enveloppait d'une lueur tendre. Une douce nostalgie réchauffait encore sa poitrine.

Il les revoyait, eux, tant d'années plus tôt. Dongwon, vexé par une pique bien placée, Taejoon secoué de rire, s'accrochant à lui pour éviter un coup que trop mérité.

C'était une autre vie. Un temps révolu.

Mais, là, il jurerait sentir ce passé à portée de main, terriblement proche, presque vivant.

Transmis.

Autour d'eux, la ville palpitait. Les marchands vantaient leurs trésors à pleins poumons, le brouhaha, les rires, les voix inondaient les ruelles, et les lanternes flottaient au-dessus des pavés, projetant des couleurs sur leurs visages. Partout, des regards se posaient sur eux. Curieux. Étonnés. Le général Kim, arpentant les allées comme un homme du peuple ? Une vision rare, presque irréelle. Pourtant, aucun mépris, aucune défiance n'émanait des passants. Seulement une fierté et un respect profond. Ceux qui croisaient son chemin se sentaient privilégiés.

Jungkook avait les yeux qui scintillaient, comme un enfant face à un monde plus grand que lui. Mais Namjoon perçut autre chose. Un souffle plus court, une cadence ralentie, une fine pellicule de sueur sur son front. Il n'était pas loin de sa limite.

Namjoon allait lui glisser un mot, lui proposer une halte, mais avant même qu'il n'ouvre la bouche, Jungkook pivota vers Seungmin.

Ce dernier croisa son regard, et attendit, un petit sourire aux lèvres.

Jungkook s'éclaircit la voix, l'air mutin.

« Lors de nos recherches, le doyen nous a confié une petite anecdote à votre sujet. »

Déconcerté, Namjoon ravala ses mots et, surpris par le souvenir, il esquissa un léger sourire sans jamais le quitter des yeux. Seungmin haussa un sourcil intrigué.

« Laquelle ? », demanda-t-il d'un ton léger.

Jungkook échangea un regard complice avec Namjoon.

« Les poules. »

Seungmin réfléchit un instant, puis sourit.

« Il faut que tu précises, il y a beaucoup d'histoires avec les poules. »

Jungkook s'esclaffa, ahuri.

« Vous les aviez libérés dans la cour, à l'école, puis vous avez joué les sauveurs. »

À cette mention, Seungmin éclata de rire et secoua la tête, tandis que Taehyung à ses côtés souriait déjà. Il la connaissait, cette histoire.

« Qu'est-ce qu'on a pu être cons », pouffa Seungmin.

Il souffla ces mots dans un soupir amusé, levant les yeux vers le ciel noir. Sa voix s'était faite basse, douce.

Les trois cadets pouffèrent, une joie presque insolente qui tranchait avec la brume de mélancolie de Jungkook et le trouble de Namjoon. Pourtant, derrière leur gaieté, leurs regards se trouvèrent, une lueur de tristesse s'accrochait à leurs yeux. Une tristesse commune, diffuse, liant leurs cœurs dans une morosité douce-amère.

Seungmin et Taehyung la perçurent aussitôt.

Taehyung baissa les yeux, puis se tourna vers son père. Il inspira lentement, profondément, comme s'il s'apprêtait à parler. Mais il n'en fit rien. Il se contenta d'expirer et de secouer doucement la tête.

Seungmin ne posa pas de question. Il n'en avait pas besoin. Son regard s'adoucit, une lueur de compréhension entre les rides de son front. Il avait sa réponse.

Ne pas parler des pères. Pas maintenant.

Pas avant que Jungkook ou Namjoon ne le permettent.

« Jungkook, tu aimes les grillades de viande ? », demanda Seungmin.

La réponse se lut dans ses yeux brillants. Il hocha vivement la tête, l'air gourmand. Seungmin pouffa. Comme sa mère.

« Parfait. C'est notre festin du soir. Et j'espère qu'ils servent encore leur divin alcool de prunes... »

Jungkook redressa la tête, une lueur d'excitation dans le regard.

« Oh, on va chez Banquet aux Six Saveurs ? »

Seungmin lui répondit par un clin d'œil entendu.

« Ils ont maintenant différents alcools fruités, vous allez les adorer, s'enthousiasma Jungkook.

— Tu me feras goûter ton préféré. »

Jungkook sourit, ravi. Namjoon ne l'avait pas quitté du regard, fasciné, envoûté par cette joie qui s'épanouissait sur son visage, aussi vive et éclatante qu'un feu d'artifice. Il suffisait d'évoquer la nourriture et l'alcool pour que cette lumière jaillisse en lui.

Namjoon sourit discrètement, le cœur battant.

Il l'aimait à en perdre la raison.

Un silence agréable les enveloppa, contrastant avec l'agitation de la ville.

Jungkook et Namjoon échangeaient des regards furtifs, des clins d'œil pleins de connivence, étouffant des rires sur le point d'éclore.

À quelques pas, Taehyung virevoltait d'un stand à l'autre, happé par les couleurs vives et les effluves sucrés. Il effleurait du bout des doigts les friandises exposées. Il en acheta une, et la glissa dans sa manche pour l'offrir à Jimin.

Derrière sa joie, un vide s'étirait. L'absence de Jimin commençait à peser. Il soupira, le cœur lourd. Pourtant, il s'apaisa ; la nuit lui promettait de le retrouver, à l'abri des regards dans la quiétude de la chambre de son compagnon, laissant la sienne à l'héritier.

Et il lui offrira sa friandise favorite.

Et il s'enivrera des scintillements dans ses yeux, de ses rougeurs sur ses pommettes, de son petit rire heureux en le contemplant croquer la gourmandise sucrée, puis la partager avec lui.

Là, son âme esseulée cesserait d'errer à sa recherche.

Il sourit, revigoré, et trottina pour rejoindre son père et ses amis qui l'attendaient loin devant, discutant gaiement.

Soudain, deux courtisanes superbes, drapées de soies chatoyantes, parfumées d'essences capiteuses surgirent comme une envolée de papillons attirés par les derniers feux du jour.

« Oh ! Mais regarde qui voilà !

— Jungkook ! »

Ce dernier se figea, et tourna vivement la tête vers la source de voix fluettes et mélodieuses.

Son cœur bondit. Il déglutit, mais força un sourire.

Meeerde. J'aurais dû accepter ce foutu carrosse.

Gracieuses, elles se précipitèrent vers lui, leurs manches effleurant l'air comme des ailes en plein vol. Leurs yeux pétillaient de ravissement, leurs lèvres carmin ourlées d'un sourire radieux.

« Ça fait si longtemps ! Comment tu vas ? »

Jungkook leur offrit un sourire poli, presque crispé.

« ... Bien et vous, mes b... ? »

Argh !

Il se tut, s'éclaircit la voix, et reprit aussitôt, le cœur bondissant.

« Et vous ? »

Elles remarquèrent le retrait de surnom. Ce n'est qu'un détail infime, mais elles le relevèrent aussitôt, le fixant de leurs grands yeux sombres, leurs moues boudeuses, bien qu'élégantes. D'habitude, il les couvrait de petits noms, glissait un brin de douceur dans sa voix.

Là, rien.

« Tu t'es marié ? », hasarda l'une, le fixant de ses grands yeux, penaude.

Jungkook sursauta.

« Quoi ? Pas du tout ! »

L'autre battit des cils, sincèrement peinée.

« Alors... tu nous aurais oubliées ?

— Non, non, je... »

Le malaise lui donnait presque le tournis. Ses doigts se crispèrent légèrement sur son bâton, son cœur battant trop fort, trop vite. Mais ce n'était pas elles qui l'agitaient ainsi. Non. C'était la présence impérieuse à ses côtés.

Namjoon.

« Enfin, si ! »

Mais qu'est-ce que je raconte ?!

Sans même y penser, Jungkook recula d'un pas, comme si une main invisible l'avait tiré. Ce fut instinctif.

« Je... je veux dire, j'étais... très occupé et... voilà. »

Il émit un rire. Un minuscule, ridicule rire.

Légèrement en retrait, père et fils échangèrent brièvement un regard rieur et complice. Taehyung haussa un sourcil, un rictus moqueur. Seungmin croisa les bras en bon spectateur attentif, intrigué et bien trop amusé, refusant d'en rater une miette.

Mais Namjoon ne riait pas.

Il ne s'attendrit guère devant les bafouillages nerveux de Jungkook.

Encore moins devant ces deux magnifiques femmes qui lui souriaient de manière polie et légèrement aguicheuse.

Son regard noir et perçant pesait sur elles, comme s'il fomentait leur meurtre.

« Et qu'est-ce que tu fais avec un bâton, tu t'es blessé ? demanda l'une, sincèrement soucieuse.

— Oh, c'est vrai ! babilla l'autre, toute guillerette. C'est pour ça que tu ne venais p... ? »

D'un pas fluide, Namjoon s'avança devant Jungkook, la mâchoire crispée.

Elle se tut net, intimidée, et n'acheva jamais sa phrase.

Son ombre souveraine et austère aux contours tranchants éteignit la lumière des jeunes femmes. Son visage restait impassible, mais son aura menaçante parlait pour lui.

Jungkook, qui le connaissait trop bien, sentit l'air s'alourdir. Un frisson remonta le long de sa colonne. Il déglutit.

Il y eut un silence. Puis, sans le moindre égard, Namjoon tendit un bras en les fusillant du regard, et l'enroula autour des épaules de Jungkook. Il l'attira doucement contre lui d'un mouvement qui tenait autant de la protection que de la possession.

Jungkook rougit, fixant le sol de ses yeux ronds.

« Nous partons. Bonne soirée. »

Jungkook eut un léger sursaut, surpris par la brutalité feutrée de son ton autoritaire. Sa voix était basse, tranquille, polie même. Mais d'une froideur qui aurait fait givrer les pivoines en pleine floraison. Il tourna la tête vers elles, leur adressant un sourire contrit face à leurs mines confuses.

« D... désolé, on est pressés », dit-il avec un hochement de tête respectueux.

Et il croyait en avoir fini, mais l'une d'elles inclina la tête, sourire tendre au bord des lèvres.

« Il faut que tu reviennes nous voir, ce n'est pas pareil, sans toi ! Sunhi demande beaucoup après toi, et désespère de ne pas avoir de tes nouvelles... Viens dans la semaine, Jungkook, d'accord ? »

À peine ces mots eurent-ils été prononcés qu'il sentit le corps de Namjoon se raidir et ses doigts se resserrer sur son épaule.

Taehyung gloussa derrière sa main. Seungmin redressa le menton, prêt à savourer la suite, un large rictus goguenard fendant ses lèvres.

Quant à Jungkook... il dut mordre son sourire. La satisfaction lui chauffait le ventre, délicieuse et troublante. Il sentait la jalousie de Namjoon vibrer contre lui, une secousse silencieuse, raffinée, terriblement élégante. C'était... intime.

Namjoon tourna lentement la tête vers elles, le regard acéré.

« A-t-on donc l'audace de dicter aux autres leurs faits et gestes ? »

Un silence. L'air sembla frémir. Une brise légère fit danser un pan de sa robe.

Elles clignèrent des yeux, interdites, surprises par cette soudaine morsure.

Jungkook sentit sa gorge se nouer. Une chaleur furieuse lui grimpa aux joues jusqu'aux oreilles, rougissant d'un plaisir coupable, frémissant sous la tension. Son ventre se contracta, son souffle se bloqua brièvement.

Taehyung souffla du nez, amusé. Seungmin ne disait rien, mais observait Namjoon avec un sourcil arqué, hébété. Il ne connaissait pas ce visage offensif et sombre de jalousie.

Namjoon n'attendit aucune réponse. Il ramena son attention sur Jungkook et l'entraîna sans un regard en arrière, reprenant leur chemin comme si l'échange n'avait jamais existé.

Les Kim suivirent aussitôt, masquant tant bien que mal leur envie d'éclater de rire face aux courtisanes décontenancées. Ils s'inclinèrent avec une élégance impeccable.

« Belle soirée, chères et ravissantes demoiselles », déclara Seungmin d'un ton sobre.

Trop sobre.

Il dut mordre l'intérieur de sa joue pour ne pas éclater de rire, presque contaminé par le petit esclaffement étouffé de son fils, comparé à un souffle léger, mais suffisant pour titiller son ouïe.

Devant, Jungkook se laissa faire, le trouble lové au creux du ventre. Leur pas s'éloigna et, bientôt, les murmures ahuris des demoiselles se dissipèrent derrière eux.

Puis, deux bras puissants apparurent, se posant sur leurs épaules, et une tête surgit entre eux.

« Mais c'est qu'il a du succès, le gamin, railla Seungmin, goguenard. On le réclame, on l'aborde dans la rue... C'est cruel tout de même, de faire languir ces demoiselles et de les contraindre à quémander ta présence, Jungkook. »

Taehyung éclata de rire, moqueur.

« Je t'avais bien dit ! Il ensorcelle les cœurs ! »

Jungkook vira au cramoisi. Il aurait donné n'importe quoi pour disparaître et il cherchait sérieusement un endroit où s'enterrer. Un fossé. Un puits. N'importe quoi. Même une fente entre deux pavés ferait l'affaire.

Sans interrompre leur pas, Namjoon pivota lentement. Très lentement. Un regard noir dirigé droit vers le général, sans honte, sans gêne, irrespectueux, en une promesse muette de représailles.

Un ange passa.

Seungmin et Taehyung échangèrent un regard, puis explosèrent de rire. Même les lèvres de Jungkook frémirent, prêtes à céder à son éclat.

Namjoon se contenta d'un « Tss » empli de mauvaise foi, pressant doucement sa main sur le dos de Jungkook.

Puis, après quelques pas en silence, ce dernier ne put empêcher un souffle rieur, légèrement incrédule, arrachant un sourire en coin à Namjoon.

Leurs regards se croisèrent. Un battement, une faille, une effervescence.

Leurs cœurs épris et charmés s'affolèrent.

Et dans les yeux de Jungkook, Namjoon assista à la création de l'univers.

Il était rayonnant. Éblouissant. D'une beauté à faire plier le monde.

« ...Tu es exécrable quand tu es jaloux, hyungie, souffla-t-il.

— Et toi, bien trop flatté quand je suis jaloux, mon doux. »

Un frisson de plaisir traversa Jungkook. Il rougit jusqu'aux oreilles, mordit son sourire et détourna la tête, incapable de nier. À quoi bon, quand les battements de son cœur scandaient déjà l'évidence ?

Derrière eux, les Kim se gardèrent de tout commentaire. Taehyung était profondément amusé, le regard pétillant d'un malin plaisir, et se promit de les taquiner plus tard, à l'abri des oreilles indiscrètes.

Mais Seungmin était encore secoué, cherchant à reprendre contenance entre deux soupirs stupéfaits. Il avait très bien entendu. Ce surnom. Cette douceur, trop intime, trop tendre. Et autour d'eux, les murmures enflaient. Les regards s'attardaient, curieux, inquisiteurs. Il n'en faudrait pas plus, une seule interprétation juste ou erronée pour que le feu prenne.

Pour que les rumeurs s'embrasent et dévorent tout.

Seungmin ne quittait pas leurs nuques des yeux, absorbé par ses pensées.

Le trouble s'accrochait à son souffle.

Surtout, la peur.

Parce qu'ils étaient si évidents.

Ou alors, l'étaient-ils parce que Seungmin avait deviné ?

Il soupira, et décida de reléguer ces pensées dans un coin de son esprit, se promettant d'y réfléchir plus tard, dans le calme.

Ils poursuivirent leur chemin, légers, sereins.

La foule s'ouvrait sur leur passage. Tous s'inclinaient. Les hommes baissaient les yeux, les femmes se détournaient, rougissantes, les étudiants chuchotaient entre eux, les filles gloussaient discrètement. Tous fixaient en coin la silhouette du fils, et du père. Mais surtout celle de Seungmin.

Sa carrure imposante, ses cicatrices profondes, souvenirs vivants des batailles livrées pour préserver la paix à sa patrie. À ses côtés marchait son fils aux côtés du voyou de Sungkyunkwan, et du prodige érudit et fils de traîtres.

Un quatuor improbable, fascinant.

Un quatuor si habitué aux regards, d'admiration, de jalousie ou de mépris, qu'ils glissaient sur eux comme le vent sur l'eau, à peine perçus, à peine ressentis.

Seungmin lâcha soudainement un souffle rieur, s'attirant leurs regards. Taehyung se tourna vers lui, intrigué.

« Pourquoi tu ris ? demanda-t-il, un petit sourire en coin.

— J'ai des souvenirs, ici. Beaucoup de choses surgissent dans ma mémoire, des histoires à vous conter. Il y en a tant... », répondit-il, le ton mêlé de mélancolie et d'amusement.

Jungkook et Namjoon échangèrent un bref regard. L'espoir s'alluma dans leurs yeux, mais une lueur d'appréhension subsistait chez Jungkook. Une appréhension alourdissait encore son cœur. Le souvenir de son père. Sa mort. Sa vérité.

Attentif, Namjoon glissa un regard vers lui, cherchant un signe d'inconfort. Ce dernier lui sourit, et Namjoon sentit son cœur s'apaiser.

« Vous nous raconterez quelques anecdotes, après ? demanda Jungkook, presque timidement.

— Mais avec grand plaisir ! s'enthousiasma aussitôt Seungmin. Mais préparez-vous. Vous n'êtes pas prêts pour ce que je vais vous révéler sur vos pères.

— Et sur toi, par la même occasion, grommela Taehyung, peu convaincu. Moi, je ne le suis pas, en tout cas. Je sais déjà que tu étais un vrai fou, mais puisqu'on est tous les trois face à toi et que l'alcool te déliera la langue, je sens que tu vas nous sortir des récits insensés. »

Le rire profond et espiègle de Seungmin n'annonçait rien de rassurant, mais plut aux deux autres dont l'impatience s'amplifia.

Les trois amis se regardèrent avant de sourire, de plus en plus curieux, impatients.

Jungkook s'inclina alors, plein de gratitude. Il grimaça légèrement, ses muscles tiraient, ses mains tremblaient par intermittence, il avait chaud.

Mais sous la faiblesse de son corps, il se sentait heureux.

« Merci, Janggun-nim. »

Ce merci portait un poids plus conséquent. Il le souffla comme une offrande, comme s'il y déposait toutes les bonnes choses invisibles, mais précieuses que Seungmin avait placées entre ses mains.

Le mouvement fut discret, mais Namjoon le vit. Cette crispation furtive. La tension dans son bras, la grimace qu'il ravala aussitôt.

Sans un mot, il s'inclina à son tour, imitant son geste.

Seungmin soupira en agitant la main, tandis qu'un sourire paternel adoucissait son visage.

« Assez de formalités, les garçons. Je ne veux plus entendre de nim ou de ssi. Pas entre nous. Pas dans une famille. »

Famille.

Le mot tomba entre eux comme un galet sur une au dormante. Une onde, un frisson, qui se propagea jusque dans la poitrine de Namjoon et Jungkook. Ils se redressèrent, troublés, puis acquiescèrent et reprirent leur marche près du général, son fils de l'autre côté.

Famille.

Le terme vibrait en eux avec une étrangeté venue d'un passé effacé, vidé de sens depuis trop longtemps. Pourtant, dans la bouche de Seungmin, il retrouvait une lueur hésitante, mais indéniablement vivante.

« J'avoue, arrêtez, vous êtes gênants à courber l'échine comme ça, ça ne vous ressemble pas du tout, encore moins toi, Jungkookie », marmonna-t-il, railleur.

Fierté froissée. Orgueil blessé.

Namjoon lui décocha un regard noir. Jungkook grogna entre ses dents et, malgré la douleur qui mordait ses jambes, lui asséna un coup d'épaule.

« Tae hyung, gronda-t-il, irrité. C'est peut-être ton père, mais pour moi, c'est le général. Et le ministre. Et je l'appelle comme bon me semble. »

Seungmin se tut, l'amusement traversa son regard, curieux d'observer leurs jeux d'orgueil.

« Oui, oui, répliqua Taehyung en haussant les épaules avec indifférence feinte. Mais moi, c'est hyung, gamin. »

Jungkook plissa les yeux, et Namjoon soupirait déjà, sentant venir l'inévitable querelle. C'était un rituel dans la majorité de leurs échanges.

« Tu te moques de moi ? Déjà, je ne t'ai jamais donné la permission de m'appeler Jungkookie ? »

Taehyung esquissa un petit sourire mutin.

« Tu n'as rien dit, tout à l'heure pourtant. »

Jungkook ouvrit la bouche pour protester, mais il se fit interrompre.

« Ce n'est pas le sujet. Et je reste ton hyung. Ça, ça ne changera pas. »

Un sourire carnassier étira les lèvres de Jungkook. Taehyung sentit un frisson lui courir sur l'échine et le jaugea du coin de l'œil, méfiant.

« Il y a déjà hyung dans Taehyung. Tu crois vraiment que j'ai la patience de dire Taehyung hyung ? C'est trop long, redondant, superfl...

— Des excuses, coupa-t-il, plissant les yeux. Hyung suffira. »

Jungkook lâcha un petit rire mutin que Taehyung entendit comme un éclat diabolique, là où Namjoon était bercé la plus douce des mélodies.

« Je pourrais tout aussi bien t'appeler Tae hyung, mais tu ne sais jamais quel "hyung" je sous-entends, railla-t-il.

— Moi, tout ce que j'entends, c'est Taehyung, donc tu me manques de respect ! protesta-t-il, feignant l'indignation. Tu es vraiment le voyou qu'on prétend.

— Fils. »

La voix de Seungmin tomba, grave, sans appel.

Taehyung se raidit aussitôt, puis détourna la tête en marmonnant entre ses dents.

Jungkook avait oublié combien Seungmin détestait qu'on le traite de voyou, qu'on le réduise à ce mot. Le voir prendre sa défense une fois encore le toucha profondément. Leurs regards se croisèrent, un sourire complice fleurit entre eux, puis Jungkook baissa les yeux, ému, le cœur léger mais tremblant.

Soudain, ce dernier enroula son bras autour du cou de Taehyung, le saisissant avec une force surprenante. Malgré sa convalescence, malgré la fatigue qu'il masquait depuis leur entrée en ville, il serra avec fermeté. Il savait qu'ils approchaient de l'échoppe. Encore quelques mètres, ensuite, il pourrait s'asseoir, savourer un repas et reposer ses jambes qui s'enflammaient sous la douleur.

Pris au piège, Taehyung se débattit, mais l'étreinte était solide.

« Mais tu n'es pas censé être convalescent, toi ? s'exclama-t-il.

— Honte à toi, même affaibli, je peux te maîtriser Taehyungie hyungie hyung ? rétorqua Jungkook, railleur.

— Pour quelqu'un qui trouve mon prénom trop long, tu exagères ! », protesta-t-il en riant, malgré lui amusé par le surnom.

Il lui pinça le flanc, tandis que Jungkook sifflait de douleur tout en ricanant, mais son étreinte ne faiblit qu'à peine.

« Arrête, je vais tomber, grogna Jungkook, en luttant pour garder son équilibre.

— C'est bien mon intention, sale gosse.

— Si je tombe, tu tombes. Et tu me porteras sur ton dos jusqu'à l'échoppe. »

Le ton se voulut taquin, mais Taehyung cessa aussitôt de rire.

« Tu as besoin qu'on te porte ? », s'enquit-il, l'amusement s'effaçant, remplacé par l'inquiétude.

Jungkook haussa un sourcil narquois.

« Par toi ? Et finir la tête la première sur le sol ? Non merci. »

Taehyung hoqueta, outré, sous le regard hilare de Seungmin qui ne manqua pas de railler son fils.

Silencieux jusqu'alors, Namjoon observait. Les mouvements trop vifs de Jungkook lui donnaient des sueurs froides. Il savait combien son corps luttait, combien son endurance était mise à l'épreuve. Pourtant, malgré sa préoccupation, il secoua la tête, un sourire étirant ses lèvres.

« Yah ! Je n'ai même pas dit que j'allais te porter ! Tu crois vraiment que je peux soulever une montagne comme toi ?

— On fait la même taille.

— Je parle de ton poids en muscles, grommela-t-il.

— Oh, donc tu admets toi-même être faible ?

— La ferme ! »

Seungmin émit un autre rire bien plus moqueur.

« De toute façon, il est incapable de porter sa propre mère, qui pèse pourtant le poids d'un chaton », mentit-il, l'air faussement navré.

Taehyung s'étrangla presque d'indignation.

« Pourquoi tu mens ?! protesta-t-il, furieux. Je suis parfaitement capable de porter J... »

Il se figea, la bouche entrouverte, réalisant soudain le prénom qu'il s'apprêtait à prononcer : Jimin.

Le rouge embrasa aussitôt son visage, s'étendant jusqu'à ses oreilles. Il baissa précipitamment la tête, fixant intensément le sol, priant pour qu'il l'engloutisse pour échapper aux regards posés sur lui. Jungkook et Namjoon échangèrent un regard complice, devinant sans peine la raison de ce soudain rougissement.

« Arrête de faire l'enfant, toi », trancha soudain Seungmin, pressé d'éloigner l'image qui venait de s'imposer à son esprit.

Il n'était pas dupe. Il avait parfaitement deviné le prénom qui avait failli franchir les lèvres de son fils.

Taehyung releva aussitôt la tête, les sourcils froncés, offensé par l'accusation.

« Mais je n'ai rien fait qui me vaut cette insulte ? s'insurgea-t-il, outré.

— Tu n'as rien besoin de faire, ta bouille s'en charge à ta place, rétorqua Jungkook avec un sourire goguenard.

Taehyung le fusilla du regard, bouche entrouverte, indigné. Puis, avec orgueil, il assombrit son expression. Sa posture se fit plus droite, son regard plus dur. Son visage se transforma, plus grave, plus intimidant.

Il n'était plus le Taehyung jovial et lumineux. Il était l'ombre de son père, plus jeune, les traits moins marqués par l'horreur de la vie.

Jungkook cligna des yeux, éberlué par ce changement drastique de visage. Puis éclata de rire, vite rejoint par Taehyung, contaminé par sa joie.

Seungmin souriait, profondément diverti, posant un regard attentif et curieux sur eux deux. Alors, c'était ça, leur relation ? Cette amitié ponctuée de chamailleries et d'insolences ?

Cela lui plaisait, il en fut soulagé.

Il se souvenait encore des récits de Taehyung, dépeignant e portrait d'un Jungkook sauvage, rebelle, intraitable. Mais sous ses yeux, il ne voyait ni fureur ni insoumission.

C'était un gamin pétillant de vie, drôle, dont le rire clair et mélodieux s'envolait avec aisance, dont le sourire lumineux chassait les ombres. Il irradiait d'une puissance, d'une assurance, mais aussi d'une douceur, même s'il était aisé de deviner ses maux à travers ses yeux.

« Voyez par vous-même, Janggun-nim, se lamenta Jungkook d'un ton faussement dépité. Il ne se comporte que rarement comme un seonbae digne de ce nom. Si vous le voyiez... c'est souvent lui l'enfant parmi nous, surtout si Hoseok hyung est dans les parages.

— Je te crois, Jungkook. Ces deux-là réunis, c'est le chaos assuré », soupira Seungmin, feignant la lassitude.

Namjoon ne put se contenir, il s'esclaffa, totalement d'accord avec eux.

« Je préfère quand tu étais timide face à mon père, grommela Taehyung.

— Tu te dis intellectuel, mais tu ne sais même pas différencier timidité et forte impression. »

La paupière de Taehyung tressauta nerveusement. L'exaspération lui chauffa les joues. Sans prévenir, il bondit sur Jungkook, prêt à en découdre.

Des éclats de voix. Un rire moqueur. Des bras qui s'empoignaient, des piques qui volaient. Puis, Jungkook tangua et fut sur le point de tomber, affaibli, vite retenu par un Taehyung paniqué.

Seungmin et Namjoon ouvrirent la bouche, prêts à réprimander ce dernier, mais avant même qu'un mot ne tombe, un rire caressa leurs oreilles.

Jungkook riait à gorge déployée.

Alors, Seungmin et Namjoon se turent tout en demeurant vigilants, laissant la brise emporter leur inquiétude.

Ils se stoppèrent un moment, le temps que Jungkook reprenne son souffle.

Insouciants, Taehyung et Jungkook babillaient joyeusement, ce dernier assis sur un muret, massant doucement ses jambes, son aîné accroupi à ses côtés. Seungmin et Namjoon demeurèrent debout, droits et altiers, les contemplant, sereins.

Instinctivement, le regard de Namjoon glissa vers Seungmin. La douleur qu'il y lut lui serra le cœur. Ce qu'il y lut n'était pas la tristesse franche et brutale qui lacérait, mais celle, plus insidieuse, qui s'attardait et s'ancrait dans les replis de l'âme.

Une nostalgie douce-amère crispait les traits de Seungmin, ses yeux rivés sur Taehyung et Jungkook.

Namjoon aurait voulu alléger ce poids même d'une fraction, l'aider, lui rendre ne serait-ce qu'une bribe de ce qu'il lui avait donné sans rien exiger en retour.

Seungmin avait toujours été un refuge, un roc. Il l'avait inspiré et guidé sans jamais l'enchaîner. Aux yeux de l'enfant qu'il avait été, puis de l'homme qu'il était devenu, il avait eu l'étoffe d'un père.

Les souvenirs revinrent par vagues.

C'était flou, mais il revit ces longues soirées où Seungmin et Yeseo siégeaient aux côtés de ses parents, à rire une coupe à la main, à parler autour d'un repas. Peut-être Dongwon était-il là aussi, accompagné de son épouse et d'un enfant... ou peut-être n'était-ce qu'un mirage de sa mémoire.

Leur image se superposa au souvenir des rires cristallins, ces rires d'enfants de Taehyung et Hoseok, quand la vie était encore simple et entière.

Qu'importe, après tout. C'était avant que la tragédie n'assombrisse son enfance, il n'avait pas beaucoup de souvenirs de cette époque.

Puis le temps avait passé.

Son monde s'était effondré, et il avait dû grandir trop vite.

Pourtant, il y eut ces jours, ces interludes précieux où la famille de Seungmin venait lui rendre visite chez sa tante. Ces nuits plus tardives où, replié sur lui-même, il trouvait en Seungmin et Yeseo des interlocuteurs patients, et en Taehyung une présence rassurante. Hoseok se joignait parfois à eux, l'inondant de sa lumière chaleureuse.

Presque des grands frères.

Ils avaient été les seuls à l'approcher. À effleurer ses silences sans jamais les forcer. Là où sa propre famille, aveugle à sa douleur, ne voyait en lui qu'une ombre froide et taciturne, eux l'avaient vu. Pas comme un fardeau ou une absence, mais comme un être blessé et vivant qu'avait besoin qu'on lui tende la main, même s'il les rejetait.

Les siens n'avaient eu ni tendresse ni empathie, pas même cette indulgence que l'on accorde aux êtres chéris. Rien d'autre que l'incompréhension figée dans leurs regards. Ils l'avaient rejeté avant même d'essayer de le comprendre. Ils l'avaient toléré, mais jamais accueilli. Observé, sans jamais le voir.

Il n'avait été qu'un étranger sous leur toit. Un intrus dans sa propre famille. Alors il l'avait haïe. Plus encore, il avait haï sa mère, celle qui aurait dû l'aimer, celle qui l'avait abandonné là où l'on ne voulait pas de lui.

Même elle.

Même sa propre mère n'avait pas voulu de lui.

Jusqu'à ce qu'il découvre, quelques mois plus tard, la trahison, la traîtrise. L'ampleur de la perfidie. La vérité sur la chute des siens, son père, sa mère. La raison pour laquelle sa famille avait été brisée. Celle pour laquelle l'opprobre s'était abattu sur lui, un innocent, condamné par le simple fait d'être leur fils.

Et soudain, le monde entier avait changé de visage. Des regards en coin, des murmures étouffés, une dague qui s'enfonçait plus profondément à chaque battement de cœur.

Alors, comment aurait-il pu s'ouvrir au monde, offrir son cœur, quand les siens le lui avaient refusé ? Comment un enfant pouvait-il croire en l'amour quand il avait connu le rejet et l'abandon ?

Mieux valait se taire. Se replier sur soi. Se cloîtrer dans une solitude que personne ne pourrait plus briser.

C'était plus simple. Moins douloureux.

Pourtant, Seungmin et les siens avaient su fissurer son armure avec patience, persévérance. Avec cet amour qui ne demandait rien en retour. Avec cet amour dont il avait, malgré tout, cruellement besoin.

Mais même avec eux, même s'il avait appris à les aimer, il restait sur le seuil. Il ne leur offrait que des fragments, des bribes arrachées à son mutisme. Des paroles murmurées, trop fragiles pour être pleinement confiées. Il ne savait plus comment croire, comment s'abandonner sans craindre d'être rejeté.

Comment des étrangers pouvaient-ils l'aimer tant, quand sa propre famille n'avait su que l'effacer du regard ?

Pourtant, il aimait la compagnie de ces étrangers qui étaient devenus sa famille. Parce qu'avec eux, il n'avait pas à se faire pardonner d'exister. Il n'avait pas à mendier sa place. Ensemble, ils parlaient de livres, de philosophie, de tout ce qui donnait un sens au monde. Même alors, quand les mots lui venaient difficilement, quand il se fermait au monde, c'était entre les pages et les discussions passionnées que Namjoon parvenait à s'ouvrir ne serait-ce qu'un peu.

C'était là, dans ces moments précieux à son âme, chers à son cœur, ces moments volés à sa solitude, que ses yeux habituellement ternes s'illuminaient timidement.

Avant de se ternir de nouveau, sitôt leur absence revenue. Alors, plus personne n'entendait le son de sa voix.

Jusqu'à leur prochain retour qu'il attendait en comptant les graines s'écoulant lentement dans son petit sablier.

Combien de fois avait-il voulu leur demander de l'adopter ? Trop souvent. Trop ardemment. Mais les mots étaient restés noués dans sa gorge, étranglés par la honte.

Pourquoi l'auraient-ils fait ?

Lui-même ne voyait en lui qu'un être indésirable.

Malgré tout, c'était peut-être pour cela qu'ils n'avaient jamais renoncé. Ils avaient vu sa flamme si faible et, patiemment, ils avaient su rallumer quelque chose en lui, faire frémir son cœur, le stimuler, vivifier.

Le nourrir.

Leur présence n'avait pas été constante à l'en étouffer, mais régulière et plaisante. Ils n'avaient rien exigé, seulement offert. Et d'eux seuls, il avait accepté les leçons, les conseils.

Eux seuls avaient su l'élever.

Ils n'avaient jamais forcé les portes de son silence, mais ils s'étaient sincèrement inquiétés sans le brusquer. Ils avaient veillé sur lui avec une patience infinie. Grâce à eux, il n'avait pas complètement sombré tout à fait. Grâce à eux, il avait conservé un semblant d'équilibre.

Car il avait eu des guides, des âmes solides sur lesquelles s'appuyer qui l'avaient empêché de se perdre entièrement.

Aujourd'hui, Namjoon n'était plus seulement ce garçon muré dans ses blessures, mais un homme raffermi, plus solide et moins craintif face au monde. Il s'ouvrait lentement, maladroitement, mais qui apprenait à donner autant qu'à recevoir, à laisser les autres effleurer ce qu'il avait jadis protégé par la peur des autres.

Il apprenait à ne plus se retrancher derrière le silence, à ne plus se voir à travers le prisme de la faible estime de soi.

Il apprenait à être.

Et pour cela, il était reconnaissant. À Seungmin et Yeseo. À Taehyung et Hoseok. À Yoongi, aussi, qui avait su lire en lui avec une justesse troublante.

Mais surtout à Jungkook.

Jungkook avait été le déclencheur. Sa faille. Son évidence. Sa prise de conscience.

Celui qui, sans un mot, lui avait fait comprendre qu'il n'était pas condamné à survivre.

Qu'il pouvait vivre.

Alors, un jour, il espérait pouvoir s'entretenir avec Seungmin, seul à seul, lui offrir enfin les mots qu'il lui devait depuis si longtemps.

Lui dire combien il lui était redevable, pour tout ce qu'il avait fait et pour tout ce qu'il ferait pour eux, encore.

Pour lui, mais surtout pour avoir veillé sur Jungkook dans l'ombre et sans attendre la moindre gratitude.

Seungmin sentit sa joue brûler sous le regard trop intense de Namjoon. Il croisa son regard.

Une gravité étrange flottait dans ces perles noires bien plus expressives qu'à l'accoutumée. Il y lut des émotions entremêlées, impossibles à dénouer. De la reconnaissance, presque de l'admiration. Mais aussi cette mélancolie qu'il reconnut et qui n'avait jamais tout à fait quitté les traits de cet enfant devenu homme.

Pourtant, au-delà de cela, Seungmin perçut autre chose.

Peut-être une émotion que Namjoon retenait de justesse, juste un tressaillement imperceptible au coin de ses lèvres.

Il l'avait remarqué dès les premiers instants, il y a quatre jours, que quelque chose en Namjoon avait changé. Subtilement d'abord, puis avec une évidence qui ne laissait plus place au doute.

Plus serein. Plus lumineux, même si encore sombre. Ses mots coulaient avec une aisance nouvelle, et son sourire naissait plus facilement, comme s'il ne pesait plus autant. Mais ce qui l'avait frappé par-dessus tout, c'était son rire.

Il avait fini par se persuader que Namjoon était incapable de produire un tel son. Que ce rire, franc et libre, n'existera plus jamais.

Mais il l'avait entendu.

Juste tout à l'heure dans la chambre de Jungkook. Un son clair, vibrant d'une joie qu'il n'avait jamais crue possible.

Il avait échangé un regard stupéfait avec Yeseo. Incrédules, troublés, ils n'avaient rien laissé paraître, mais en leur for intérieur, c'était un ébranlement, une onde de choc.

Puis, lorsqu'ils s'étaient retrouvés seuls, les mots avaient jailli, fiévreux, incontrôlables. Murmures fébriles, entrecoupés de rires, de battements de cœur précipités. Et Seungmin n'avait pu retenir ses pleurs, trop submergé, s'effondrant dans les bras d'une Yeseo dont le cœur menaçait d'exploser sous le trop-plein de bonheur.

D'abord, parce qu'ils étaient enfin sortis de l'ombre pour revoir Jungkook, qui les avait acceptés dans sa vie. Ensuite, parce que Namjoon leur avait semblé différent. Plus ouvert, plus vivant. Parce qu'ils l'avaient entendu rire, vu sourire. Parce qu'ils l'avaient vu s'abandonner dans les bras de leur fils, sans le repousser. Parce qu'ils l'avaient vu poser sur Jungkook un regard trop tendre, trop alerte, trop... concerné.

Trop habité.

Ils s'étaient surpris à se demander ce qui avait bien pu provoquer un tel changement en Namjoon. Ce qui avait su éroder cette carapace que personne, jusqu'ici, n'avait réussi à pénétrer, pas même eux.

Puis, la réponse leur était apparue, limpide : Jungkook.

À cette seule différence que Yeseo ne s'était pas aventurée sur le même terrain que son époux. Elle voyait l'évidence sans en sonder la profondeur. Elle voyait une amitié très forte, à l'image de Seungmin, Taejoon et Dongwon.

Lui, en revanche, avait douté.

Il lui avait suffi de les observer discrètement pour deviner ce qui les liait. Parce qu'il savait lire ces regards qui s'attardaient trop longtemps, ces gestes inconsciemment tendres, ces silences éloquents de mille mots.

Parce qu'il était éveillé sur un sujet dont son épouse n'avait pas encore saisi l'ampleur.

Ou peut-être ne le voulait-elle pas.

Ils n'en avaient jamais parlé. Pas une seule fois. Pourtant, il la connaissait, Yeseo n'était pas dupe. Elle savait lire le cœur des gens, percevoir ce que d'autres ignoraient. Elle était mère. Et une mère comprend. Elle saurait voir son fils tel qu'il était, sans détour, sans faux-semblant. Elle saurait aussi comprendre le lien indestructible qui unissait Jungkook et Namjoon.

Elle saurait, il en était certain. Alors pourquoi ce silence ?

Peut-être faisait-elle l'aveugle. Peut-être n'osait-elle pas lui en parler par crainte de sa réaction, par crainte de mettre des mots sur une vérité trop grande, trop irréversible, même s'ils étaient ouverts, même s'ils sortaient des sentiers battus.

Il ne savait pas.

Ou peut-être était-ce lui qui ne voulait pas ouvrir ce sujet avec elle.

Mais, un jour viendra, peut-être...

Seungmin soutint le regard de Namjoon sans un mot.

Ce dernier ne détourna pas les yeux. Il lui offrait sans la moindre gêne quelque chose de plus doux, de plus apaisé. Une tendresse maladroite, timide, comme si son âme exprimait ce qu'il voulait tant lui dire de vive voix.

Merci, merci mille fois.

Leurs âmes s'étaient comprises dans leur langage propre. Mais il fallait des mots, plus tard. Ils le savaient, ils en parleraient.

Alors, le regard de Seungmin s'adoucit. Il ne lui offrit pas de sourire, trop pudique. Mais une chaleur discrète au creux de son regard brilla, et un léger relâchement dans la tension de ses traits fut sa réponse.

Il inclina à peine la tête en un geste infime, mais suffisant pour que Namjoon l'aperçoive.

Un acquiescement silencieux.

Les mots pouvaient attendre.

Un geste brusque de Taehyung fit pivoter tout le monde. Namjoon sortit de sa torpeur, Seungmin retint un sursaut. Il désignait une devanture du doigt.

« Et si on mangeait là ? Ça éviterait à Jungkookie de trop marcher. Ils ne vendent pas d'alcool, mais leur viande est tout aussi excellente ! », suggéra-t-il.

À travers les fenêtres ouvertes, Seungmin allongea son cou et aperçut le propriétaire du restaurant, puis ricana.

« Jamais de la vie, siffla-t-il.

— Hein ? s'esclaffa Taehyung, incrédule.

— Jamais je ne remettrai mon argent à cette truffe. »

Les plus jeunes se regardèrent, les yeux ronds, interdits.

« Pourquoi ? osa Namjoon.

— C'est un con. »

Le ton était sans appel. Taehyung rit plus fort, tandis que Namjoon mordait son sourire. Quant à Jungkook, il fixait Seungmin avec de gros yeux, agréablement surpris de sa désinvolture. Il appréciait cette familiarité qu'il s'autorisait avec eux. Un clin d'œil complice de ce dernier suffit à faire sourire Jungkook.

Puis, sans prévenir, Seungmin s'accroupit face à lui.

« Si tu masses tes jambes, c'est que la douleur te lance ? »

Jungkook hésita avant d'acquiescer.

« Un peu, oui. »

Seungmin hocha la tête, serra brièvement les dents, un soupçon de culpabilité lui serrant la poitrine.

« Je peux faire signe à un soldat. Il te portera sur le reste du chemin. »

Jungkook entrouvrit la bouche, mais Namjoon réagit avant lui, les sourcils froncés.

« Non. Je vais le porter. »

Un silence. Jungkook rougit et détourna le regard. Taehyung les observa avec une lueur espiègle, tandis que Seungmin arquait un sourcil, les jaugeant.

« J'ai posé la question à Jungkook », fit-il remarquer, amusé.

Namjoon se renfrogna et se tut. Mais ce fut encore pire. Jungkook sentit son cœur s'affoler. Il ne pouvait nier l'évidence : il était arrivé à sa limite et avait besoin d'aide, certes. Mais devoir confirmer à voix haute qu'il préférait que ce soit Namjoon... impossible.

Alors, sans un mot, il se redressa. Seungmin et Taehyung étant les plus proches, le soutinrent aussitôt pour l'aider. Une fois debout sur le muret, il chercha Namjoon du regard.

Comprenant sans un mot, Taehyung récupéra son bâton et se recula, Seungmin faisant de même. Un simple échange de regards entre père et fils scella leur entente. Puis ils s'éloignèrent. Seungmin marchait déjà, Taehyung trottinait à sa suite en balançant négligemment le bâton de Jungkook sur son épaule.

Déconcerté, ce dernier les regarda s'éloigner, puis s'arrêter devant un marchand de porcelaine et parler joyeusement, pointer un vase céladon, et discuter avec le marchand qui semblait ne pas en croire ses yeux.

Confus, Jungkook fronça les sourcils, tandis que Namjoon lui faisait face, agrippant doucement ses poignets et dirigea ses mains sur ses épaules afin qu'il s'y maintienne.

« Ils... Je n'ai pas compris ce qui vient de se passer », balbutia-t-il, en baissant la tête pour regarder Namjoon qui le contemplait déjà.

Amusé, ce dernier sourit se retenant de l'enlacer, le serrer contre son cœur, et s'enivrer de son parfum et sa chaleur.

« Ils nous laissent un peu d'intimité. »

Jungkook cligna des yeux.

« Mais pourquoi ?

— Parce que tu rougissais, idiot. On a cru que tu allais fondre sur place. »

Silence.

« ...N'importe quoi, marmonna-t-il, vexé, ses doigts se crispant sur ses épaules. C'est de ta faute, tu nous as affichés.

— Parce que je refuse que quelqu'un d'autre que moi te porte », grogna-t-il, le timbre rauque.

Le ventre de Jungkook se contracta. Il sourit, flatté.

« Mais c'était juste un soldat, pouffa-t-il.

— Je m'en fiche, grommela-t-il en pivotant, lui offrant son dos. Tu aurais accepté ?

— Si tu m'avais laissé parlé, tu aurais su. »

Namjoon plissa les yeux, dans l'attente de la suite, et Jungkook roula tendrement les yeux, amusé.

« C'était un non. »

Namjoon rit doucement, et Jungkook sentit la chaleur monter à ses joues. Il cacha son visage contre l'épaule de Namjoon, qui le souleva sur son dos avec précaution.

Ils rejoignirent les Kim et restèrent en retrait, marchant quelques pas derrière. Devant eux, Seungmin et Taehyung discutaient, leur échange rythmé des éclats vifs du cadet et des répliques posées du général. Leur complicité rayonnait, belle, naturelle.

À cette vue, les amants sourirent.

« J'aime leur complicité, souffla Jungkook, sa joue posée contre celle de Namjoon.

— Il me tarde que tu les connaisses mieux, tu apprendras vite à les aimer. Près d'eux, on ne peut que se sentir bien. »

Les yeux de Jungkook restaient accrochés aux deux hommes devant lui. Son sourire s'étira davantage.

« C'est déjà le cas. Puis, comment ne pas l'être ? Ils sont si drôles, et Kim Seungmin-ssi a littéralement le même humour que Yoongi et moi. »

Namjoon pouffa doucement.

« Tu n'as vu qu'un infime partie.

— Je sais, tu me l'as déjà dit, rit-il doucement.

— Parce que ce sont des phénomènes. Sobres, ils sont invivables. Mais sous l'emprise de l'alcool, Jungkook... Tu comprendras bien vite. Dommage que Yeseo-ssi n'est pas là, c'est elle la pire des trois. D'ordinaire, elle est posée. Mais quand l'alcool s'en mêle... »

Il secoua la tête, amusé.

« Elle se lâche comme personne. J'en pleure de rire. »

Jungkook s'esclaffa, incrédule.

« Arrête de me tenter comme ça, hyungie. J'ai hâte de voir ça de mes propres yeux.

— Tu ne seras pas déçu avec ces deux énergumènes excentriques », sourit-il en désignant les Kim du menton, arrachant un petit rire à Jungkook.

Un silence s'installa, léger et agréable. Ils savourèrent la chaleur de l'autre, bercés par ce moment de quiétude.

« Et... est-ce que c'est moi ou ils agissent comme s'ils voulaient que je me sente intégré ?

— Ils ne t'intègrent pas, Kook. Ils t'accueillent auprès d'eux à la place qui t'a toujours appartenu. »

Le cœur de Jungkook se serra. Il ouvrit la bouche, la referma, les mots s'accrochant à sa gorge. Il en fut si troublé et touché qu'il ne sût que dire.

« Auprès de moi, aussi. Tu y as toujours eu ta place, même si on s'est perdus de vue, même si aucun souvenir ne peuple nos mémoires », ajouta Namjoon.

Jungkook baissa les yeux en souriant, ébloui par un sentiment radieux qui s'épanouissait en lui. Il n'aurait su lui donner un nom, seulement la sentir vibrer, libre et intacte, sans la moindre ombre pour l'altérer.

Il fit mine de se gratter le front, sa manche ample dissimulant leurs visages et leur offrant une brève intimité. À l'abri des regards, il effleura la tempe de Namjoon d'un baiser doux et appuyé. Un sourire fleurit sur les lèvres de ce dernier, ses paupières se fermant momentanément en tremblant sous la caresse volée.

« Merci pour tes mots. J'ai presque l'impression de trouver ma place, parmi eux. Parmi vous.

— N'en fais pas une impression, mon doux. Elle est réelle. Ils ne distribuent ni illusions ni mots creux. Ils ne savent pas feindre. Ils sont entiers. »

Jungkook se rapprocha, son souffle effleurant son oreille.

« Je fais confiance à ton jugement. Mais c'est encore si récent, je ne suis pas habitué à... tout ça.

— À quoi ? l'encouragea-t-il d'une voix douce.

— À ces moments que Kim Seungmin-ssi appelle en famille. Justement, cette sensation d'être en famille est toute nouvelle. Pourtant, je la ressens comme telle, elle ne m'est pas totalement inconnue. Juste... étrange ? Je crois.

— Et elle t'effraie ? »

Un silence. Le soupir de Jungkook se perdit contre sa peau.

« Pour être honnête, hyungie, oui. C'est trop brusque. »

Namjoon hocha doucement la tête.

Il comprenait mieux que quiconque ce que traversait Jungkook. Il l'avait vécu, ressenti dans son être. Et il savait que l'inciter à mettre des mots sur ce trouble l'aiderait à en prendre pleinement conscience, à apprivoiser ce qui, pour l'instant, lui semblait encore trop grand.

« Alors prends ton temps pour t'y faire. Le monde ne va nulle part, eux non plus, moi non plus. »

Un élan soudain prit Jungkook. Un élan de tendresse impérieux. Il voulait lui faire sentir ce qui s'agitait en lui, combien ses mots le touchaient, l'élevaient, lui plaisaient.

De manière anodine, il laissa sa tête retomber contre l'épaule de Namjoon, comme pour s'y reposer. Se cachant partiellement avec sa manche, son souffle s'attarda derrière son oreille et, bientôt, ses lèvres s'y déposèrent, légères, brûlantes.

Namjoon se raidit, pris d'un tressaillement qui le parcourut tout entier. Jungkook sourit contre sa peau, s'enivrant de son trouble. Lentement, il traça un chemin de baisers jusqu'à son oreille, caressant sa chair, ses frémissements. Puis, dans cette zone fragile où Namjoon perdait toujours pied, il referma doucement les dents sur son cartilage.

Et savoura son audace.

Le souffle de Namjoon se bloqua, son corps foudroyé par une vague de plaisir. Il manqua un pas, ses genoux cédant sous la fulgurance du frisson. Il se rattrapa de justesse, ses mains crispées sur les cuisses de Jungkook, tandis que son cœur affolé cognait contre sa poitrine.

Enivré, grisé par son emprise, Jungkook y glissa lentement sa langue, savourant son frémissement, son sursaut sous sa caresse. Il se délecta de sa brisure, de cette frontière ténue entre résistance et abandon, du désir qu'il faisait éclore au creux de sa peau, jusqu'à le sentir s'affaiblir sous lui.

« Jungk... Arr... arrête cette folie », haleta-t-il, ébranlé.

Jungkook ne put retenir un souffle rieur, mutin, flatté du pouvoir qu'il exerçait sur lui. Il se redressa, ses yeux tombant sur le col plongeant. Il contempla la manière dont les pectoraux étaient tendus sous l'effort de le porter, son buste légèrement penché.

Il se mordit la lèvre. Une tentation. Une invitation.

Lentement, presque distraitement, il glissa sa main le long de sa clavicule, ses doigts esquissant des caresses à l'apparence innocentes, mais qui incendiaient l'épiderme de Namjoon.

Ce dernier eut un sursaut imperceptible, une respiration avortée qui ne manqua pas de plaire à Jungkook. Ce n'était qu'une infime caresse. Et pourtant...

Ainsi était la réaction d'un homme qui aimait. Il tanguait sous un souffle, s'effondrait sous un toucher.

« Kook », l'avertit-il d'un ton ferme, les dents serrées, bien que sa voix basculât légèrement.

Mais Jungkook n'en avait que faire. Sa main poursuivit sa route, effleurant la courbe tendue du haut de sa poitrine, traçant sur sa peau frémissante des arabesques. Namjoon ferma brièvement les yeux, mordant sa lèvre pour contenir le soupir qui menaçait de le trahir.

« Jungkook, sérieusement, je ne suis pas infaillible..., souffla-t-il, le ventre se contractant sous l'assaut délicat.

— Raison de plus, hyungie. »

La voix grave et suave de Jungkook glissa à son oreille comme une caresse qui le fit frémir jusqu'à la pointe de ses cheveux.

« On nous regarde.

— Emmène-moi dans une ruelle, alors », susurra-t-il contre sa peau, espiègle, sachant quels souvenirs allaient envahir l'esprit de Namjoon.

Ce dernier grinça des dents, la tension parcourant son échine comme une vague brûlante.

« Putain de sale gosse », siffla-t-il entre ses dents, le timbre vibrant de légers trémolos.

Triomphant et extatique, Jungkook rit doucement, ce son ébranlant davantage Namjoon. Son audace ne faiblit pas. Sa main poursuivit sa lente descente, effleurant dangereusement son point faible. Namjoon sentit son corps vibrer sous cette pression insidieuse. Son torse s'arqua légèrement, prêt à accueillir ce qui allait venir.

Chancelant presque, il ralentit, troublé par la réaction instinctive de son corps, par l'onde de chaleur qui l'enflammait, et...

« Tout va bien, les garçons ? », les héla Seungmin, au loin.

Sa voix fusa comme une flèche.

Namjoon se figea, le souffle coupé, tandis que Jungkook sursauta, retirant aussitôt sa main comme s'il s'était brûlé, leurs cœurs battant à tout rompre.

La bulle était percée, l'ivresse essoufflée.

Par chance, Seungmin était encore à bonne distance, n'ayant rien remarqué de leur échange audacieux et fiévreux. Trop de passants défilaient entre lui et eux, dissimulant la folie de Jungkook. Même Taehyung, pourtant doté d'un regard vif et acéré, ne s'était pas aperçu de la main qui s'était aventurée bien trop loin sous le hanbok de Namjoon.

Mais lorsqu'il s'approcha d'eux, soucieux, prêt à demander ce qui n'allait pas, il n'eut besoin que d'un regard. Les joues brûlantes de Namjoon, ses yeux fuyants, son souffle légèrement saccadé. Le sourire bien trop satisfait de Jungkook, son air faussement innocent, ses joues rosies et son souffle tout aussi rapide.

Et Taehyung comprit.

« Non, mais regardez-les, râla-t-il, amusé. On vous laisse seuls, et vous ne pouvez pas vous empêcher de vous tripot...

— Tu as besoin d'aide, Namjoon ? Jungkook, tout va bien ? », surgit aussitôt la voix proche et inquiète de Seungmin.

Les amants sentirent un frisson glacé leur parcourir l'échine, tranchant avec la chaleur qui les enveloppait encore une seconde plus tôt. En les voyant embarrassés et légèrement paniqués, Taehyung bascula brusquement vers un sérieux suspect, toussotant pour ravaler son fou rire.

Quant à Seungmin, il fronça les sourcils, plissa les yeux, oscillant entre confusion et...

Peut-être un soupçon de perspicacité.

Namjoon ne lui laissa pas le temps d'approfondir.

« Tout va bien. Allons-y, sinon nous devrons attendre pour avoir nos places », dit-il sans même prendre le temps de respirer.

Namjoon les dépassa et fendit la foule d'un pas vif, un Jungkook toujours agrippé à son dos, recroquevillé contre son épaule comme s'il pouvait ainsi se soustraire au monde. Mais la chaleur qui lui incendiait la nuque trahissait son état. Rouge jusqu'aux oreilles, mortifié jusqu'à l'os.

Puis, leur contenance vola en éclats en entendant l'échange qui s'ensuivit, derrière eux.

Inquiet, Seungmin interrogeait Taehyung d'un ton sérieux qui appelait une réponse sensée. 

Mais Taehyung étant Taehyung, il ne s'y soumit guère.

Sans vergogne, il trouva aussitôt une excuse... dérisoire.

« En fait, je t'explique, papa. Jungkook pèse son poids, Namjoon a beau être robuste, il a eu un peu de mal et s'est juste arrêté un petit moment pour souffler. »

Peu convaincu et loin d'être crédule, Seungmin arqua un sourcil las. Il ouvrit la bouche, prêt à répliquer, mais Taehyung ne lui en laissa pas le loisir.

« Eh oui..., soupira-t-il, faussement affligé, les bras croisés sur sa poitrine. Ce gamin est énorme. Aussi lourd qu'un buffle engraissé. »

Un silence. Seungmin l'observa, interdit. Son regard se fit réprobateur, mais le coin de ses lèvres trembla, son amusement difficile à contenir. Ils avaient le même humour. Impossible que l'un d'eux n'en soit pas piqué.

« ...Taehyung, voyons », le réprimanda-t-il d'une voix où perçait un rire presque incontrôlé.

Namjoon secoua la tête, amusé. Mais Jungkook se crispa. Lentement, très lentement, il tourna la tête vers l'insolent, s'accrochant plus fermement à Namjoon qui continuait sa marche. Son regard se fit pesant. L'indignation se mêlait à la menace qui couvait sous ses paupières mi-closes.

« ...Énorme ? », gronda-t-il, la mâchoire serrée.

Il bouillonnait. S'attaquer à son corps, c'était s'attaquer à son honneur. Et son honneur venait d'être bafoué par une brindille insolente et bien trop bruyante. Son corps, sa fierté, comparé à un buffle engraissé ?

Impardonnable !

« Je vais l'étrangler. Je jure que ce sac d'os sur pattes ne verra pas l'aube. Je vais l'envoyer au fin fond des montagnes, là où même les tigres n'auraient pas l'idée de s'encombrer d'un misérable gringalet aussi rachitique. »

Namjoon émit un rire discret, tandis que Seungmin expirait un souffle amusé et incrédule.

« Quoi ?! Sac d'os ?! s'étrangla Taehyung, outré.

— Sac. D'os, répéta-t-il, imperturbable. Tu sais, le genre où même le vent doit hésiter à te frôler de peur de te briser en deux.

— Tu oses ?! rugit-il.

— Aussi sûrement que tu ressembles à un bâton d'encens ! s'exclama-t-il, sans broncher.

— Je suis élancé et gracieux, misérable !

— Tu es frêle et prêt à t'effondrer au moindre effleurement !

— Au moins, je suis souple et rapide, contrairement à toi qui as la grâce d'un bœuf !

— C'est drôle, venant d'un type qui s'épuise après trois pas ! La dernière fois que tu as couru, je crois qu'une grand-mère t'a dépassé en trottinant ! »

Namjoon pouffa, tandis que Seungmin se pinçait l'arête du nez, bien trop amusé par leurs chamailleries incessantes.

« C'est vrai ça ? intervint Seungmin, le visage rouge tant il retenait son rire.

— Non ! s'égosilla Taehyung.

— À chaque cours de sport, il finit aplati comme une crêpe au sol, demandez à Hoseok hyung,Janggun-nim. »

Namjoon leva les yeux au ciel. C'était presque vrai. Presque.

« Je vais venir te charcuter ! s'égosilla Taehyung.

— Viens, si tu en es capable ! Tu sais très bien que, même affaibli, je peux te briser avec une seule main ! »

Autour d'eux, quelques passants s'étaient arrêtés, mi-incrédules, mi-divertis par cette querelle surréaliste. Une vieille dame chuchota à son voisin qu'on assistait peut-être à un duel.

Taehyung eut un geste méprisant de la main, mais son regard fuyant trahissait son manque d'arguments.

...Parce que Jungkook avait raison.

Sans sa fichue convalescence, il n'en aurait fait qu'une bouchée. Et son père ? Il ne l'aurait même pas secouru. Pire, il y aurait vu une occasion en or pour lui asséner un de ses sempiternels laïus sur l'importance du sport et d'un corps athlétique.

Taehyung serra les dents. L'idée seule suffisait à l'exaspérer.

« Déjà, redescends, tu parles à ton hyung. Ensuite, j'ai seulement dit que tu étais trop lourd et que Namjoon avait besoin de souffler ! »

Jungkook explosa.

« Et il continue ! », tonna-t-il, avant de succomber à une petite toux, inquiétant aussitôt Namjoon qui ne pipa pourtant mot.

Taehyung roula des yeux.

« Quoi, tu vas faire quoi, l'infirme ? Me courser avec tes jambes tremblotantes ? Encore faudrait-il que tu tiennes debout sans l'aide de Namjoon », railla-t-il, caustique, un rire moqueur vibrant dans sa voix.

Un silence.

Namjoon stoppa sa marche, pivota. Seungmin et lui avaient la bouche ouverte, abasourdis. Puis le général se détourna, les yeux pétillants, la main plaquée devant ses lèvres, et les épaules tremblantes. Namjoon le vit, et l'hilarité titilla sa gorge, mais se retint en mordant sa lèvre.

Jungkook plissa les yeux, provoqué par les haussements de sourcils de Taehyung. Puis, soudain, il glissa du dos de Namjoon, prêt à lui bondir dessus. Taehyung recula aussitôt. La foule retint son souffle, Seungmin, dont le rire silencieux ne cessait de secouer ses épaules, croisa les bras, dissimulant sa bouche, ayant hâte d'assister à, non à un duel, mais à une course-poursuite.

Il savait que son fils fuirait. Évidemment.

Namjoon soupira, et retint aussitôt Jungkook avant qu'un drame ne se produise.

« Je parie que je suis capable de courir plus vite que toi. Viens si tu es un homme, Jungkookie ».

Taehyung jouait avec le feu, et Jungkook en redemandait. Après tout, ces piques, c'était eux, leur routine, leur relation. Leur façon d'exprimer une amitié aussi forte que chaotique.

« Oh, putain », siffla Jungkook.

Il fit un pas, mais fut de nouveau retenu par un Namjoon mi-las, mi-amusé.

Il fulminait, mais bien moins qu'il l'espérait. Il ne parvenait pas à être véritablement vexé. Juste agacé et un brin titillé dans son amour-propre. Taehyung savait exactement comment le provoquer, et vice-versa. Et s'il était honnête avec lui-même, Jungkook s'amusait, surtout lorsque Seungmin semblait réceptif à leurs joutes d'ego, suivant leur échange avec plaisir.

« Namjoon. Lâche-moi, je vais sérieusement l'enterrer vivant et le foutre là où les squelettes appartiennent : sous terre, sous la demeure de son père, et sceller l'entrée avec du ciment. »

Taehyung agita un bâton sous son nez, narquois.

« Tu ne peux pas. J'ai ton bâton.

— Pas besoin de bâton pour briser un roseau desséché », grinça-t-il en plissant des yeux.

Taehyung ouvrit la bouche, outré, mais à ses côtés, Seungmin ne tint plus et s'effondra de rire, se pliant en deux, tremblant, secoué jusqu'aux larmes, quelques rires des passants s'élevèrent, incrédules, amusés. Son fils ne tarda pas à les suivre, secoué d'un rire incontrôlable, tous deux contaminés par les éclats de l'autre.

Diverti, Namjoon ne céda pas à la demande de Jungkook, se contentant de le regarder. Et, à en juger par l'éclat vengeur dans son regard, Taehyung ferait bien de prendre ses jambes à son cou s'il tenait à sa vie.

« Du calme, Kook, murmura-t-il. Ne t'épuise pas outre mesure. Remonte sur mon dos, s'il te plaît.

— Il est jaloux de mon corps athlétique », marmonna Jungkook en fusillant Taehyung du regard, sans réellement l'écouter, buté sur sa querelle insatisfaisante.

Namjoon roula des yeux, sans se délester de son fin sourire.

« Tu aurais dû l'appeler petit biscuit d'amour. Il aurait été trop mortifié pour protester », souffla Namjoon.

Jungkook se figea. Ses paupières battirent, sa bouche s'ouvrit sur un souffle incrédule. Il s'invectiva d'avoir oublié ce surnom ridicule qu'avait affublé Yeseo à son fils.

Un rictus sadique étira ses lèvres. Il se tourna vers Namjoon, et se pencha à son oreille, les yeux pétillants d'un éclat espiègle.

« Je garde cette carte sous la manche. Merci, hyungie. Pour la peine, je pourrais t'embrasser là, tout de suite. »

Namjoon haussa un sourcil, faussement songeur.

« Là, tout de suite devant tous ces yeux braqués sur nous ? murmura-t-il. Quel scandale... J'hésite entre me sentir flatté ou me demander si tu n'es pas simplement en manque. »

Jungkook plissa les yeux, feignant l'irritation.

« Tss. Tu mérites à peine un baiser sur la joue.

— Dit-il, alors qu'il brûle d'en voler bien plus », répliqua-t-il, un sourire enjoué.

Amusé, Namjoon l'observa rosir, puis pouffa. Jungkook tenta de garder son air renfrogné, mais à contrecœur, un sourire finit par se faufiler, même s'il grommelait encore entre ses dents serrées, tandis qu'il grimpait à nouveau sur son dos.

Ils reprirent leur chemin.

Derrière eux, père et fils s'étaient lancés dans une querelle aussi absurde que bruyante, disputant la pertinence des insultes amicales et ce qu'il convenait — ou non — de dire à ses amis. Leur échange était à leur image : loufoque, sans queue ni tête, ponctué de rires tonitruants.

Namjoon souriait. Jungkook pouffait. Et quand l'envie lui prenait, il rejoignait leur chamaillerie et, chaque fois qu'il intervenait, il prenait un malin plaisir à soutenir Seungmin, même lorsque ce dernier débitait des absurdités sans nom et que ses idées frôlaient le ridicule.

Mais peu à peu, l'euphorie se dissipa, en Jungkook.

L'éclat dans ses yeux se ternit.

Une fatigue soudaine l'assaillit, alourdissant ses membres, étouffant la légèreté du moment.

Son sourire s'effaça doucement, et son regard se perdit dans l'infini du ciel noir scintillant de milliers d'éclats.

Ce lien entre père et fils...

Une compagne familière l'enlaça. La mélancolie. Elle s'infiltra en lui, serpentant sous sa peau. Comme toujours. Pourquoi ? Il passait pourtant un très bon moment. Mais l'absence laissait ce creux dans sa poitrine, un gouffre que même l'amour qu'il recevait de plus en plus ne comblait jamais tout à fait.

Ni Namjoon ni ses amis.

Ni Seungmin ni Yeseo.

Pas même sa propre mère.

Un soupir lui échappa. Son regard se perdit dans l'infini étoilé, là où tout semblait vaste, et lui si infime.

Il faut croire que cette place t'est réservée... papa. Mais tu n'es plus là pour la combler.

Des éclats de rire attirèrent son attention. Instinctivement, il fit légèrement pivoter sa tête... et son cœur se serra. Une scène si belle s'offrait à lui, rayonnante d'une complicité et d'une tendresse qu'il ne connaîtra plus jamais.

Il sourit. Un sourire fragile, tremblant, aussi doux qu'amer.

Il se retourna lentement et enfouit son visage dans les cheveux de Namjoon. Leurs mèches sombres portaient une senteur familière, rassurante. Il inspira profondément, cherchant à y ancrer son âme lourde, bercée de mélancolie.

J'aimerais, ne serait-ce qu'une heure, me glisser dans la peau de Taehyung.

« Je me sens ingrat de l'envier. C'est mon ami, pourtant... », souffla Jungkook, la gorge nouée, la voix basse et légèrement éraillée.

Une chaleur familière effleura sa joue. Le souffle de Namjoon.

Jungkook baissa la tête et croisa son regard. Il sourit doucement, bien que ses yeux fussent légèrement humides. Son cœur souvent lourd s'apaisa légèrement. Une simple lueur dans les yeux de Namjoon suffit à atténuer l'amertume qui le compressait.

Il était son refuge.

« Je sais ce que tu ressens. Ça m'arrive aussi, parfois, quand je suis avec eux, ou avec quiconque ayant ses parents, chuchota Namjoon. Mais ça ne fait pas de toi un mauvais ami, et tu n'es pas ingrat. »

Le poids de l'absence, ils le portaient à deux. Deux âmes liées par la même blessure, le même vide. Deux cœurs qui se comprenaient pleinement, qui devinaient les fissures invisibles sous la surface.

Quand l'un chancelait, l'autre le retenait. Quand la douleur grondait, leurs silences créaient un cocon. Perdus dans la morsure du manque, ils n'avaient que cette dynamique pour ne pas sombrer.

Et, paradoxalement, c'était rassurant.

Derrière eux, Seungmin et Taehyung discutaient plus posément.

Puis, d'un geste furtif, Taehyung effleura la manche de son père, l'invitant à ralentir pour s'entretenir avec lui en toute discrétion.

Seungmin obtempéra, le regard interrogateur.

« Il y a une autre mission que je devrais accomplir, une fois que tu partiras ? J'ai attendu que tu m'en parles, mais tu ne me dis rien, alors je te demande », s'enquit Taehyung, la voix basse.

Seungmin soupira, agacé, mais prit soin de garder un ton doux.

« Je t'ai déjà dit de ne plus te mêler de cette affaire. Tu as accompli avec brio ce qui t'incombait et j'ai déjà un informateur. Voilà pourquoi je ne te disais rien.

— Oui, mais moi, je suis au cœur de l'école, et beaucoup de renseignements y circulent. Ton informateur ne peut pas y pénétrer comme moi, et il n'a pas mes accès privilégiés.

— Taehyung... », soupira-t-il.

Ce dernier ne fléchit pas. Il savait comment le faire plier : avec la vérité et une logique imparable.

« Réfléchis-y. Ce serait plus judicieux de me tenir à jour. Je vois ce que d'autres ignorent. Que ce soit sur le campus ou en ville, mes yeux et mes oreilles ne dorment jamais. Jimin aussi détient des bribes d'informations. Je pourrais t'être utile dans cette affaire, et tu iras plus vite. Ce n'est plus le moment de reculer, papa. Tu as besoin de mettre toutes les chances de ton côté. »

Son père arqua un sourcil.

« Pourquoi tu insistes ?

— Tu sais très bien pourquoi. J'adore ça.

— Ce n'est pas une raison suffisante.

— Peut-être, mais je suis déjà trop impliqué dans cette affaire, ce serait bête de m'éjecter alors que je peux apporter de précieuses informations. »

Le silence s'étira.

« C'est dangereux, trancha Seungmin. Je n'avais pas le choix, la dernière fois, et je ne compte pas recommencer.

— Tu te répètes... soupira-t-il avec un petit sourire.

— J'ai dit, c'est dangereux. Si Sooyeon ne les suivait pas discrètement, si elle ne les avait pas sauvés, on les aurait perdus. »

Taehyung suivit son regard, et tomba sur dos de Jungkook, porté par Namjoon.

« Parce qu'ils foncent lorsqu'ils le doivent. Et se savent capables de se battre. Tu sais que je ne suis pas comme eux, je ne me mettrais jamais en danger sciemment. »

Seungmin serra les dents. Il se sentait pris au piège dans les filets de son fils, ce fin stratège. Agacement et fierté se bousculaient en lui.

J'en viens à regretter de lui avoir enseigné la stratégie.

Sa langue claque contre son palais, témoignant de son irritation.

Ce sale gosse trop intelligent.

« N'essaie pas de me convaincre, grogna-t-il.

— Je t'ai déjà convaincu. »

L'amusement dans la voix de Taehyung arracha à son père un regard noir. Mais la lueur mutine dans ses yeux ne fléchit pas. Seungmin lâcha un soupir, long, las. Il savait déjà comment tout cela finirait.

« Admettons que j'accepte. Qu'est-ce que tu proposes ? »

Taehyung esquissa un sourire triomphant qui fit grimacer son père.

« D'abord, je continuerai de veiller sur eux. Ensuite, j'essaierai de découvrir si ce chien de Shin agissait seul ou s'il faisait partie d'un réseau. Il n'était sûrement qu'un exécutant, mais en suivant les bonnes pistes...

— Ne t'emballe pas », l'interrompit-il d'un ton ferme.

Taehyung leva les yeux au ciel.

« Bon. Quels sont vos Janggun ? » souffla-t-il, amusé par l'entêtement de son père qu'ils savaient, tous les deux, parfaitement inutile.

Seungmin plissa les yeux.

« Tu m'énerves, tu es aussi sournois que Park, grogna-t-il, les dents serrées.

— Lequel ?

— À ton avis ? Le père », soupira-t-il.

Taehyung éclata de rire, son insouciance tranchant avec le ton grave du sujet. Seungmin secoua la tête, mais un sourire furtif adoucit ses traits.

« Bon. Très bien, je consens. Tu transmettras tes rapports au capitaine Gol. Sa garnison est postée derrière les collines, près du temple. Il y restera avec ses hommes pour garder un œil sur l'école, sous la demande du doyen. Mais sois discret. Sungkyunkwan a toujours eu des yeux et des oreilles partout. Et surtout... »

Son regard se fit plus sévère.

« N'agis jamais seul. C'est clair ? »

Un éclat railleur illumina le visage de Taehyung.

« Très clair, Janggun-appa-nim* ! », s'exclama-t-il avec un sourire éclatant.

Quelques passants tournèrent la tête, intrigués par son enthousiasme, tandis que Jungkook et Namjoon pouffèrent, marchant loin devant.

Seungmin fit claquer sa langue et, d'un geste rapide, lui donna une tape derrière la tête.

« Je suis sérieux, espèce d'insolent », grogna-t-il, bien qu'amusé.

Le rire candide de son enfant fit vibrer son cœur de père. Il soupira, las, dissimulant sous une façade neutre la fierté qui, malgré lui, le gagnait. Taehyung était un esprit aiguisé et mathématique, plus rusé qu'il ne voulait l'admettre. Et en dépit de son impertinence, il savait être redoutable lorsqu'il le décidait.

Et il n'en était que plus qu'heureux de prendre part à son éducation, de lui offrir l'occasion de s'épanouir, d'apprendre, d'évoluer.

Et d'exceller dans l'art où il brillait déjà.

Et puis, Taehyung avait raison. Même s'il avait déjà un homme de confiance doté de la même intelligence — bien que plus expérimenté et plus affûté —, il n'avait pas les mêmes accès que son fils ni cette aisance à évoluer au cœur de Sungkyunkwan.

Et mieux valait que son fils lui accorde sa confiance et lui dévoile ses intentions, plutôt que de le laisser errer seul, livré à lui-même et à la merci des complots. Il pourra veiller sur lui, et compter de ses hommes restés sur place pour écarter les dangers.

Certes, les avantages surpassent les risques. Mes espions sont habiles. Mon réseau, tentaculaire. Et Taehyung... Taehyung reste un gamin avisé, mais encore trop peu exposé aux vrais périls de la cour.

Seungmin soupira.

« Ne dis rien à Namjoon et Jungkook. Épargne-les. Qu'ils restent loin de tout ça, à l'abri du tracas. Quand tout sera terminé, quand l'affaire sera close et les cendres dispersées, alors seulement, on leur dira tout. »

L'air grave, Taehyung acquiesça, parfaitement d'accord.

« Je t'autorise à agir comme bon te semble avec ton cher amant..., susurra-t-il en se penchant vers lui. Qu'il te soutienne dans cette affaire, s'il le peut. Mais garde un œil sur lui. »

Un sourire en coin flottait sur ses lèvres, lourd de sous-entendus.

Le cœur de Taehyung bondit. Il connaissait trop bien ce sourire narquois, ce regard perçant, cette acuité propre à son père qui transperçait les masques. L'évocation de Jimin l'embarrassa, mais il garda un visage impassible.

Seules ses joues empourprées le dénonçaient.

Seungmin plaça un bras autour de son cou, adoptant le ton de la confidence.

« Aimer ne signifie pas se livrer sans réserve, fils, surtout pas en début de relation. Ton cœur bat pour lui, mais ça ne suffit pas. Vous êtes tous les deux ambitieux et vous aspirez à des places hautes à la cour. Alors, tant qu'il ne t'aura pas prouvé sa loyauté, garde-toi de l'aveuglement. Sois prudent. »

Sa voix s'adoucit.

« Promets-moi de ne pas oublier. »

Taehyung déglutit. Il comprit que cette mise en garde était en réalité une indulgence. Il n'aimait pas admettre que son père ait raison sur ce point-là. Mais il hocha la tête, le cœur lourd, scellant sa main avec celle de son père qui pendillait à son épaule.

Un pacte muet.

« Tu dis ça parce que cette vieille rivalité entre vos ministères vous colle encore à la peau ? », lança Taehyung, un sourire en coin.

Seungmin soupira, faussement las.

« Ce foutu Park ne rate jamais une occasion de ternir ma réputation auprès de la reine et de ses conseillers. Une véritable obsession. Mais dès que le moment se présente, je riposte. Puis il riposte. Et c'est sans fin. »

Taehyung pouffa, ayant perçu la jubilation dans sa voix.

« Ne me dis pas que ces querelles ne t'amusent pas un peu, répliqua-t-il.

— Je dois bien avouer qu'il me donne du fil à retordre, concéda-t-il avant de lâcher un léger rire. Mais sans lui, la cour manquerait de piquant.

— Ah, enfin une confession. Avoue que tu l'apprécies et que c'est réciproque. »

Un éclat de surprise passa dans le regard du plus vieux, vite éclipsé par un froncement de sourcils.

« Mais tu es fou ? Non. »

Mensonge. Il le savait, et Taehyung aussi. Le coin de ses lèvres se releva avant de s'estomper, et ce fut suffisant.

« Tu crois que je ne vois pas vos petites réunions ? Ces verres que vous partagez le soir, une fois le travail terminé ? Il n'y a plus aucune animosité dans vos regards, dans ces moments.

— Tu as dû confondre. »

Taehyung se pencha, triomphant.

« Allons, pas à moi, papa. Je vais me vexer, sinon. »

Seungmin ne répondit pas immédiatement. Il sourit distraitement, pensant à une vérité qu'il ne formulerait jamais à voix haute. Sans Park Minji*, il ne serait peut-être plus là. Son rival avait su lui tendre la main quand il en avait eu besoin, et cela, Seungmin ne l'oubliait pas.

Mais l'admettre à son fils ?

Jamais.

« Je ne l'admettrai pas même sous la torture, dit-il en détournant le regard.

— C'est un aveu, ça, papa », soupira-t-il, amusé.

Seungmin haussa un sourcil, l'air faussement surpris.

« Ah oui ? Mince. »

Taehyung lâcha un petit rire, provoquant le sourire amusé de son père. Son sourire s'estompa, et le regarda, plus sérieux, se perdant dans ses pensées.

Dans deux ans, Jimin et lui s'élanceraient dans l'arène politique. Fini les promesses murmurées à l'abri des murs protégés de leur chambre à l'école. La cour leur ouvrirait ses portes et, avec elle, son enchevêtrement de jeux de pouvoir et de secrets d'alcôves.

Il savait que leur relation déjà brûlante n'en deviendrait que plus fiévreuse. Plus dangereuse.

Il savait qu'ils visaient haut. Ils visaient les mêmes places de leurs pères, les Ministères, les groupes de décision, les têtes pensantes.

Il savait leur soif de pouvoir.

Alors, il ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour l'avenir de leur relation. La cour exigeait des sacrifices. Parfois, des trahisons. Des décisions qui contenteraient des milliers, mais qui en briseraient un.

Il ne cesserait de mettre Taehyung en garde, de lui faire des rappels.

Ne pas s'aveugler.

Rester à l'affût.

Être prêt à se reprendre. À se protéger.

Même si le cœur finissait brisé et l'âme meurtrie, il fallait se relever.

Il se pouvait même que son propre fils soit le traître envers la personne qu'il estimait... seulement si l'ambition était plus forte que l'amour.

Et là, ils se tromperaient. L'amour valait tous les sacrifices. Mais il serait là pour les guider, jusqu'à son dernier souffle.

« Une dernière chose. Il serait avisé que toi et ce cher Jimin fassiez preuve de plus de discrétion. »

Taehyung sursauta, le feu aux joues.

« H... hein ? Co... comment ça ? Pourquoi ? »

Sa voix s'étrangla dans sa gorge, et son regard paniqué se heurta à celui rieur de son père. Seungmin resserra légèrement son bras autour de son cou, et le fixait avec cette lassitude amusée qu'il arborait toujours lorsqu'il décidait de le taquiner sur ses préférences relationnelles.

Il ne disait jamais ces choses au sérieux.

Plus maintenant.

L'acceptation n'était pas venue sans heurts. Des années plus tôt, un soir d'hiver, ils avaient eu une conversation, longue et solennelle, et ils avaient fini par se comprendre, chacun écoutant vraiment ce que l'autre défendait et ressentait. Depuis, Seungmin n'avait plus jamais abordé le sujet... sauf pour le tourner en dérision, comme actuellement.

« Hier soir, à la Taverne de Haneul... Vous buviez ensemble, non ? »

Taehyung sentit son estomac se tordre.

« C... comment tu... ?! »

Seungmin soupira, faussement las.

« Ne me sous-estime ou c'est moi qui vais me vexer.

Tss... Toi et ton regard perçant, toujours à tout voir », grognonna-t-il.

Seungmin lâcha un souffle rieur, et Taehyung s'empourpra davantage, incapable d'aligner une pensée cohérente.

« Ce... ce n'est pas... Enfin... Q... qu'est-ce que tu as vu ? s'affola-t-il, cherchant désespérément une issue. Et puis, même ! On n'a rien fait de compromettant !

— Si. Vous vous êtes tenu la main. Et vous étiez proches, très proches.

— Et après ? protesta-t-il, bien que son cœur battît un rythme affolé contre sa poitrine. Cela ne signifie rien ! »

Seungmin éclata d'un rire discret.

« Allons, calme-toi, je plaisante. Avec ta mère, on vous a simplement vus y entrer, alors on a changé de taverne pour vous éviter tout embarras. Puis, sur le chemin du retour, on vous a encore vus près de la grotte derrière l'école. Sacré détour, si tu veux mon avis. »

Taehyung était tétanisé, et Seungmin secoua lentement la tête, le sourire plus moqueur encore.

« Je vous ai vus deux fois, Taehyung. Deux fois, sans même chercher après vous. Vous êtes une catastrophe. »

Le teint de Taehyung rivalisait avec un champ entier de coquelicots, tant il était embarrassé. Il gigotait, tortillait nerveusement ses doigts, incapable de tenir en place.

Attendri, Seungmin rit doucement, puis glissa une main dans les cheveux de son fils pour les ébouriffer d'un geste taquin.

« Et cette fois, elle n'a toujours rien dit, maman ? », demanda-t-il en retenant son souffle, scrutant le visage de son père.

Ce dernier haussa légèrement les épaules.

« Tu sais bien qu'elle ne m'en parle jamais. »

Le silence s'étira. Taehyung mordilla sa lèvre, l'hésitation creusant un pli soucieux sur son front.

« Tu crois qu'elle sait ? »

Seungmin eut un bref soupir, pensif.

« Je la soupçonne de se douter de quelque chose, oui. »

Un frisson escalada l'échine de Taehyung. Sa gorge se serra.

« Tu ne me l'as jamais dit...

— C'est récent. »

Taehyung inspira profondément. Sa poitrine lui sembla soudain trop étroite.

« Et... si elle venait à l'apprendre, tu penses qu'elle le prendrait bien ? »

Seungmin fronça les sourcils, mi-amusé mi-soucieux.

« Fils, cette question, tu me l'as posée une centaine de fois. »

Un soupir plus lourd lui répondit. Taehyung baissa la tête, les épaules un peu voûtées.

« Je sais, je sais... Mais je viens d'apprendre qu'elle partage votre intérêt, à Namjoon et toi, pour ces ouvrages étrangers, et... je me demandais si... »

Il hésita, cherchant ses mots, avant de secouer doucement la tête.

« Je ne sais pas... Peut-être que ce serait plus facile de lui faire comprendre ? »

Un petit rire nerveux lui échappa d'une fragilité telle qui serra le cœur de Seungmin.

« C'est bête, ce que je dis. Mais j'ai un peu d'espoir et en même temps, une peur terrible. »

Il lâcha un petit soupir tremblant, plaquant ses cheveux en arrière d'un geste fébrile, comme s'il espérait y discipliner la ferveur de ses pensées.

Concerné et touché par sa détresse, Seungmin l'observa, puis inclina la tête.

« Alors, pourquoi ne pas lui faire confiance et lui parler ? Ta mère n'est ni sotte ni aveugle. Elle est instruite. Et, par-dessus tout, elle t'aime d'un amour sans pareil. »

Une grimace, un frisson.

« Mon Dieu, papa... Rien que d'y penser, j'ai la nausée. Qu'elle m'aime ou non, tu n'en sais pas plus que moi sur sa réaction. »

Seungmin expira lentement. Il ne pouvait pas le contredire. Il connaissait l'amour de sa vie mieux que quiconque, et pourtant... sur un sujet aussi sensible, aussi intime, aussi tabou, il ne pouvait rien prédire.

Parce qu'il s'agissait de leur fils.

Et lorsqu'il était question de son propre enfant, un parent peinait à accepter la différence. Chez les autres, elle était tolérable.

Un pli soucieux barra son front. Il ôta son bras de son cou et posa une main chaude sur sa nuque, la pressa doucement. Son regard se fit doux. Il n'aimait pas le voir aussi anxieux. L'angoisse lui creusait les traits, le raidissait. Il fallait qu'il chasse cette tension.

Alors, avec un fin rictus, il choisit l'attaque.

« Je ne prétends pas comprendre cette fascination entre hommes... »

Il marqua une pause, jaugeant la réaction de Taehyung avant de poursuivre, un ton narquois dans la voix.

« Mais à vous voir si avides de vous dévorer, je me demande ce que ça fait de...

QUOI ?! »

D'un bond, Taehyung recula, lui arrachant la main de ses cheveux comme si elle le brûlait.

Plus loin sur le sentier, Namjoon et Jungkook pivotèrent d'un même mouvement, de nouveau intrigués par cette exclamation tonitruante. Ils découvrirent un Taehyung rougissant fixant son père, au bord de l'apoplexie, prêt à s'écrouler de malaise.

Seungmin rit de plus belle, avant de reprendre son sérieux. Son regard dériva vers Namjoon et Jungkook curieux et amusés.

« Fils », souffla-t-il sans les quitter des yeux.

Taehyung, encore brûlant de gêne, perçut le changement de ton. Il se redressa aussitôt, toute trace de légèreté s'effaçant.

Plus loin, Namjoon et Jungkook s'étaient retournés et avançaient de nouveau. Leurs éclats de voix amusés flottaient dans l'air, insouciants, mais Seungmin ne riait plus.

D'un léger mouvement du menton, il les désigna, alors qu'ils reprenaient leur marche.

« Dis-leur de redoubler de vigilance plus que jamais », murmura-t-il près de son oreille.

Taehyung ne saurait expliquer la soudaine angoisse qui lui noua la gorge.

« P... pourquoi ? De quoi tu parles ? »

Sa voix trembla. Son teint vira du cramoisi au livide.

Seungmin le jaugea, puis reprit, le ton bas et grave.

« La réaction de Namjoon, lorsqu'il a sauvé Jungkook... Elle était des plus révélatrices. Tout le monde l'a vu. Tout le monde en parle. »

Taehyung baissa la tête, expira lentement.

« Je sais..., souffla-t-il.

— Tu leur as dit ?

— Non, dit-il en secouant la tête. Ça ne sert à rien de leur en parler tout de suite, ça va les accabler et ils remontent à peine la pente. Toute la bande est d'accord. »

Seungmin hocha la tête, pensif.

« Il n'y a pas que ça. »

Son ton s'assombrit, et Taehyung ne put que s'angoisser davantage.

« J'étais dans les quartiers médicaux du docteur Min quand Jungkook a brièvement repris ses esprits, la nuit de sa noyade. Ses premières paroles ont été pour appeler son père... puis Namjoon. Juste son nom à peine murmuré, et il s'est rendormi pour deux jours entiers. »

Un silence. Taehyung était mal à l'aise.

« Et ces regards qu'ils échangent... Je les ai vus, Taehyung. Et pas plus tard qu'à l'instant, j'ai entendu comme Namjoon l'a appelé. »

Mon doux.

Seungmin le scrutait avec une acuité troublante, vif, perçant. Taehyung sentit son cœur cogner plus fort.

« Seul un homme épris peut reconnaître ce qu'ils cultivent. Je le suis. »

Il laissa ses mots s'insinuer, guettant la moindre de ses réactions.

« Je ne doute pas de ce qui les lie, mais dis-moi si je me trompe. Peut-être n'est-ce qu'une amitié aussi profonde que celle qui m'unissait autrefois à leurs pères... mais j'en doute. Il y a quelque chose de plus tendre, n'est-ce pas ? Des sentiments amoureux ? »

Le silence de Taehyung fut une réponse en soi. Il n'avait pas besoin de mots. Entre la loyauté due à ses amis et le respect envers son père, il se trouvait pris au piège.

Seungmin soupira, se massa les yeux d'un geste las. L'échoppe apparaissait au loin, les effluves de viande grillée leur parvinrent plus fortement.

« Donc, si je comprends bien... de vous trois, pas un seul n'est normal ? »

Taehyung fronça les sourcils, scandalisé.

« On est normaux. »

Seungmin soupira.

« Tu m'as compris, fils. »

Un pli irrité barra le front de Taehyung. Il croisa les bras, vexé.

« Justement, non. Je ne vois pas pourquoi on ne le serait pas. »

Son regard fuyant trahissait son malaise, sa tristesse, son heurt. Seungmin le détailla, et mesura la portée de ses propos. Il s'en voulut.

« C'est juste que c'est censé être rare, caché dit Seungmin, d'une voix plus douce. Mais là, j'ai plutôt l'impression que c'est une nouvelle mode. Toi, Jimin, eux... »

Il secoua la tête.

« Vous êtes mon cercle proche et Jimin est le fils de Park que je côtoie chaque jour. Ça fait beaucoup. Tu comprends ce que j'essaie de dire ? »

Taehyung soupira, accablé.

Une brûlure de provocation lui vint. L'envie de lâcher un aveu, un secret, comme une étincelle dans une jarre d'huile, juste pour le heurter et le choquer.

Lui dire qu'avec Namjoon, ils avaient tout exploré, tout osé ensemble. Que leurs corps s'étaient cherchés avant même que leurs cœurs ne sachent quoi en penser. Qu'ils avaient appris ensemble, tâtonné, ri, échoué, recommencé. Qu'ils avaient mis des mots sur leur identité, s'étaient découverts sans crainte, ensemble. Mais jamais d'amour au-delà de l'amitié. Juste une tendresse brute, essentielle, indéfectible.

Leur première fois, puis les autres fois. Leur secret scellé dans l'intimité de leurs nuits. Des souvenirs brûlants sans honte ni regret, juste eux, livrés l'un à l'autre avec honnêteté. Même Hoseok n'en savait rien, hormis Jungkook.

Mais à quoi bon vouloir choquer son père juste parce qu'il l'avait heurté ? Justifier ce qu'il était, ce qu'il n'avait jamais choisi... À quoi bon ? Il n'y avait rien à expliquer, rien à défendre. Il était ainsi depuis toujours.

Pourtant, entendre son père parler de mode...

Un frisson d'amertume glissa le long de son échine.

Ses épaules s'affaissèrent. Ses doigts se refermèrent sur le tissu de son vêtement. Sa gorge nouée refusait de laisser passer le moindre mot.

Devoir affronter l'incompréhension, encore et toujours, c'était lassant et douloureux.

Il baissa les yeux, incapable de répondre tout de suite.

Seungmin le fit se recroqueviller sur lui-même. Son cœur s'affola, la panique le gagna, mais il n'en montra rien. Il expira longuement, posa une main sur la tête de son fils, puis l'attira à lui en lui murmurant des excuses.

La manière dont Taehyung s'accrocha aussitôt à son haut lui brisa le cœur.

Désireux de dissiper sa maladresse et le faire sourire à nouveau, il tenta d'alléger l'atmosphère.

« Avoue que c'est quand même drôle... »

Taehyung releva à peine le regard, ses mains toujours accrochées à son armure.

« Je pensais que tu étais le seul, mais non. Voilà qu'au sein d'une même famille, nos fils renoncent à nous donner des petits-enfants. »

Il prit un air faussement scandalisé.

« Imagine Taejoon et Dongwon... Nos épouses respectives qui s'interrogent, sans comprendre pourquoi il n'y a pas de descendance... Et moi, obligé de garder le secret ! »

Taehyung le fusilla du regard...

Bon. C'est un peu mieux, même si ce n'est pas encore ça.

...puis un sourire amusé naquit. Il imaginait la scène. Malgré lui, il lâcha un petit souffle rieur.

Il apprécia néanmoins l'effort de son père.

Seungmin n'était pas cruel. Maladroit, oui. Ses mots blessaient parfois, mais ils n'étaient jamais prononcés pour faire mal. Taehyung le savait. Son père ne comprenait pas tout, et peut-être ne comprendrait-il jamais. Mais il essayait.

Et c'était déjà beaucoup.

Ce n'était qu'une barrière d'incompréhension, celle d'un homme façonné par d'autres temps, d'autres repères, même s'il était capable d'imaginer un monde où les choses pouvaient être autrement. Mais il tâtait à sa manière, avec ses maladresses et ses résistances, il tentait d'assembler ce qui ne s'emboîtait pas dans la mécanique rigide de ses croyances, connaissances, et certitudes, même si son esprit était ouvert.

Peut-être que ce n'était pas à son père de tout comprendre. Peut-être que c'était à lui d'être patient, de lui montrer pas à pas ce qu'il ne voyait pas. De lui expliquer ses bévues.

Après tout, il pouvait parler avec lui.

Là où tant d'autres vivaient et mouraient dans le silence et laissant leurs proches dans l'ignorance totale.

« Jungkook est normal, comme tu dis », maugréa-t-il, plissant les yeux, encore un peu vexé.

Seungmin haussa un sourcil surpris, puis, sans un mot, glissa de nouveau un bras autour des épaules de son fils et reprit leur marche. Au loin, Jungkook et Namjoon les attendaient devant l'échoppe, patients.

Seungmin leva les yeux vers un Jungkook appuyé contre Namjoon pour garder son équilibre. Il babillait avec entrain, l'air heureux, face à Namjoon si proche de lui, le maintenant d'un bras noué autour de sa taille, un sourire en coin, complètement absorbé par lui.

Seungmin sourit doucement, instinctivement. Leurs visages étaient radieux. Comment en demeurer insensible ?

Puis, il reporta son attention sur son fils.

« Ah, tu veux dire qu'il préfère les femmes ? »

Sa voix était posée et sans jugement, seule l'interrogation sincère s'y reflétait.

Taehyung soupira, bien qu'un petit sourire le trahisse.

« C'est bien, tu progresses. Et oui. »

Seungmin lui offrit un sourire contrit.

« Mais il fricote quand même avec Namjoon ? Je ne comprends pas. »

Taehyung le fixa, l'air plus grave.

« Il l'aime, papa. Ça ne se contrôle pas. »

Seungmin resta pensif. Il n'arrivait décidément pas à comprendre. Comment pouvait-on être attiré par les courbes et la douceur féminine... et pourtant, tomber amoureux d'un homme ?

Il garda ses réflexions pour lui. Il craignait de prononcer des propos maladroits et blesser son fils. Peut-être qu'un jour, il en parlerait avec les principaux concernés.

Il observa Namjoon et Jungkook, une lueur soucieuse dans le regard.

Mais au fond...

L'idée que ces deux-là, précisément eux, partagent un lien aussi profond lui plaisait.

Que ce soit de l'amitié ou de l'amour, peu importait.

Ils s'étaient retrouvés après que la vie les ait injustement séparés, à leurs six ans.

Et pour Seungmin, c'était tout ce qui comptait.

« Encore une dernière chose », dit Seungmin, le ton grave.

Cette fois, Taehyung ne le sentait pas, un frisson lui parcourut l'échine.

« Je ne voulais pas t'alarmer, mais... »

Taehyung trépigna presque lorsque Seungmin marqua une pause, hésitant à poursuivre.

« Des rumeurs circulent déjà sur eux parmi mes hommes. Uniquement parmi mes hommes. »

Le cœur de Taehyung s'affola.

« Déjà qu'ils ne sont ni appréciés et craints par la majorité des élèves, alors si ça venait à leurs oreilles... », soupira Seungmin.

Il ne termina pas sa phrase, mais Taehyung comprit, et un poids lui écrasa la poitrine.

« Qui t'en a informé ? demanda-t-il d'une voix rauque.

— Sooyeon », soupira-t-il.

Taehyung fronça les sourcils. Le choc, d'abord. Puis l'inquiétude. Puis l'angoisse.

« Tu penses qu'elle les a vus... ?

— Non, mais même si elle n'a rien vu, une mère devine ce que d'autres ne perçoivent pas.

— Donc elle ne t'a rien dit de plus ?

— Non plus. Et je ne sais pas ce qu'elle en pense ni ce qu'elle sait. C'est un mur froid. »

Taehyung sentit son ventre se tordre. C'était comme si cette situation était sienne.

« Mais c'est sans danger, si jamais elle...

— Oui. »

Le ton de Seungmin était sûr, trop sûr, mais Taehyung n'en était pas convaincu.

Il ignorait peut-être quelques éléments du passé de la famille de Namjoon, mais il savait une chose : Sooyeon avait autrefois livré son époux à la justice. Si elle en avait été capable une fois...

Il se mordit l'intérieur de la joue, retenant les mots qui brûlaient ses lèvres.

Seungmin devina le cheminement de ses pensées.

« Fais-moi confiance, fils.

— À toi, oui », murmura-t-il.

Le regard de son père s'adoucit, mais il n'ajouta rien, il savait qu'il était vain d'en dire davantage.

« Avertis-les, reprit-il après un moment de silence. Ou ils pourraient subir le même sort injuste que leurs pères. Et je crains de ne pas pouvoir les protéger si je suis au palais ou en expédition. Ils doivent prendre conscience du danger et se protéger.

— Ils se protègent déjà, ils ne font rien de compromettant et Jimin les surveille en secret.

— Ce n'est pas assez. »

L'angoisse broya le cœur de Taehyung. Le silence s'étira, dans lequel il se perdait dans ses pensées chaotiques, pleines d'anxiété et de sinistres scénarios. Il frémit, une colère l'étreignit, l'injustice lui grignotait l'âme, la brûlait.

Il releva un regard déterminé vers son père.

« Que disent ces rumeurs ? »

Seungmin stoppa sa marche. Ils n'étaient plus qu'à quelques enjambées de Namjoon et Jungkook qui les fixaient, soucieux et curieux.

Il se pencha vers son oreille, cachant sa main.

« Deux de mes gardes les auraient aperçus longuement et intimement enlacés derrière un arbre. Juste avant leurs épreuves de lutte et de tir à l'arc. »

Le sang de Taehyung se glaça.

« Bien sûr, je les ai grondés, ajouta Seungmin en se redressant, un brin agacé. Ils n'avaient aucune preuve. Je leur ai ordonné d'oublier. »

Un silence.

Puis, plus bas, presque à contrecœur.

« Mais je les ai crus. Mes hommes ne me mentent pas, encore moins sur un tel sujet. »

Taehyung sentit un vertige le prendre, sa gorge était trop sèche, ses pensées, un tourbillon anarchique où elles s'entrechoquaient sans trouver d'issue. Il leva les yeux, cherchant ses amis.

Leur immobilité était éloquente, ils étaient alertes, inquiets, prêts à bondir vers lui. Leurs regards scrutaient son visage, tentant d'y lire ce qui venait de l'accabler.

Il devait être livide. Horrifié.

Sinon, pourquoi semblaient-ils déjà sur le point de lui demander s'il allait s'effondrer ?

Il détourna le regard, les pulsations de son cœur s'étalaient jusque dans ses tempes, jusqu'au bout de ses doigts. Il avait l'impression de succomber, de se liquéfier.

« Papa, murmura-t-il d'une voix tremblante, le regard affolé scrutant celui peiné de Seungmin. Quand tu dis intimement enlacés... »

Il déglutit péniblement.

« C'est-à-dire ? »

Et depuis le début de cette discussion, Seungmin n'avait jamais été aussi sérieux.

« Ils se seraient embrassés. »

Taehyung recula d'un pas.



Et blêmit.



À suivre...


Bon ben, j'espère que tu as bien profité de la rigolade, dans ces derniers chaps 😇

On arrive enfin au vrai basculement, au début de la fin ^^

À très vite pour la suite !


DÉFINITIONS

Janggun-appa-nim* :

« Monsieur Papa le général », il se fout de sa gueule, en gros XD

Minji* :

c'est à la base un prénom féminin, mais Ji-Min ➡︎ Min-Ji... c'est drôle 🫣 (oui, exactement, je me suis pas cassé la tête XD)


𝑾𝒊𝒕𝒉 𝑳𝒐𝒗𝒆, 𝑫𝒂𝒓𝒌 𝑬𝒚𝒆𝒍𝒆𝒕 🖤

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