chapitre vingt-deux

SON TÉLÉPHONE SONNA alors que le pilote ne voulait pas sortir de sa cachette. Sebastian tentait de le convaincre depuis quelques minutes, en vain. Il ne se sentait pas prêt à affronter de nouveau tous ces regards, en sachant pertinemment qu'il allait être perçu comme un homme ayant agressé un autre homme puisque la vidéo de la droite envoyée dans la joue de Lance Stroll faisait le tour du monde en cet instant précis. Il déglutit en voyant le message cinglant de Mattia Binotto.

- rdv dans mon bureau dans moins de cinq minutes.

- Mattia veut me voir dans cinq minutes.

- Il ne te dira rien de bien méchant, tu le connais. Je pense qu'il va tenir le même discours que le mien, mais tu n'as pas à t'en faire. Tu veux que je t'accompagne jusqu'au motorhome ?

- Si ça te dérange pas...

Pour simple réponse, l'allemand lui sourit avant de le conduire vers la sortie de la petite cachette dans laquelle ils se trouvaient depuis bien une demie heure. Les journalistes et photographes étaient à l'affût, et dès les premiers mètres passés au beau milieu du paddock, Charles se fit assaillir de flash et de questions, auxquelles il ne répondit pas. Sebastian l'aida à passer la foule en leur demandant de s'écarter pour les laisser passer. Le quadruple champion du monde abandonna le monégasque aux portes du motorhome.

Sans s'arrêter, il se dirigea dans le bureau du Team Principal de la Scuderia Ferrari, prêt à se prendre tous les reproches de la terre. De toute façon, il n'était plus à ça près. Il fut surpris, en débarquant, de voir Carlos déjà assis en face de Mattia Binotto. Dans un silence amer, il s'assit aux côtés de son coéquipier. De loin, on aurait dit des enfants qui allaient se faire gronder par leur père.

- Vous pouvez m'expliquer ?

- C'est pas nous, c'est Lance ! argumenta Carlos en se redressant sur sa chaise. Charles le regardait d'un air las : il savait qu'il n'était pas en position de dire quoi que ce soit. Il a tenu des propos homophobes envers Charles.

- Et c'est pour ça que Charles, tu l'as frappé ?

- Il m'a insulté, humilié et a parlé de mon père, alors je n'ai pas su contrôler ma haine.

- Écoute. Que tu aies frappé Lance, c'est le cadet de mes soucis. J'ai assisté à la scène de loin, j'ai vu les vidéos et entendu les propos, que je ne cautionne pas du tout puisque ce qu'il a dit est inadmissible. Le problème, c'est que toi, Charles, tu vas prendre cher avec la FIA.

- Pardon ?! Carlos était totalement consterné, alors que le brun restait silencieux. C'est n'importe quoi, Lance Stroll est le seul fautif ! Pourquoi il serait sanctionné ?!

- Ce sont leurs règles. Lance ne se prendra rien. De toute manière il est protégé par son père, et il n'est pas considéré comme fautif. Seul Charles l'est, puisqu'il a levé la main sur lui. Malheureusement c'est ainsi.

- Quelles seraient les sanctions probables ? Demanda-t-il d'une petite voix.

- La FIA n'a pas encore donné de réponse, mais si on se fie à de précédentes sanctions, tu aurais des travaux d'intérêt général à effectuer, et une possible disqualification pour le grand prix d'Imola dans deux semaines.

- C'est honteux putain ! L'espagnol fulminait sur sa chaise, et le monégasque encaissait douloureusement le choc.

- Je suis désolé Charles, j'essaie actuellement de négocier avec eux mais ma parole ne semble pas avoir grande importance... fit Mattia avec une mine désolée. Carlos, tu peux disposer.

Le deuxième pilote se leva brusquement avant de quitter la salle après avoir claqué la porte de celle-ci. Il avait ce sentiment profond d'injustice, que son ami allait subir sans qu'il ne puisse y faire grand chose. Mais telle était la dure loi de la Fédération Internationale de l'Automobile. Mattia retint Charles seulement quelques secondes supplémentaires pour lui dire qu'il le soutenait dans ces épreuves et que si jamais il avait besoin de parler, il se montrait présent. Le brun le remercia avant de quitter plus calmement la salle que son coéquipier.

C'était injuste. Certes, il savait que frapper quelqu'un était inconcevable, mais les propos que Lance a tenu étaient inacceptables pour lui. Jusqu'aux qualifications, le brun resta seul, pour réfléchir à tout cela. Ce week-end était un véritable désastre et son seul lot de consolation serait la victoire à la fin de celui-ci.

•••

Heureux et oubliant tout les événements, Charles leva son poing en l'air en sortant de la monoplace. Les fans australiens exultaient et applaudissaient le poleman, qui n'était autre que le monégasque de la Scuderia. Il se positionnait devant les deux Redbull et montrait une nouvelle fois sa domination en ce début de championnat. Max vint le féliciter ainsi que Checo, puis le pilote sauta dans les bras de ses mécanos et ingénieurs comme s'il avait remporté le titre tant convoité de champion du monde.

Après les interviews obligatoires dans la zone de presse, les debriefs avec l'écurie et toutes les obligations d'après qualification, Charles s'apprêta à quitter le circuit pour se reposer comme il se devait avant la course du lendemain. Mais c'était sans compter le message qu'il venait de recevoir de Mattia Binotto, confirmant la sanction prise par la FIA à son égard : cinq jours de travaux d'intérêt général, et un départ pour Imola de la vingtième position. Cette sanction le peina fortement, mais il était impuissant face aux décisions de la fédération. Le brun mit quelques minutes à reprendre ses esprits suite à cette décision, puis il décida de quitter le paddock.

Cependant, il reçut un message bien curieux de son coéquipier, qui lui, s'était malheureusement qualifié neuvième aujourd'hui. Il avait sans doute eu écho de la triste nouvelle.

- rendez-vous dans le motorhome mclaren dans trente minutes, fais en sorte de ne pas te faire voir. secret professionnel ;)

Le jeune homme fronça les sourcils. Pourquoi se rendre presque de manière clandestine chez McLaren, en plein week-end ? La plupart des personnes du paddock était partie, il ne restait que quelques brefs ingénieurs dans le motorhome de l'écurie italienne. Une demie heure plus tard, comme convenu, Charles se rendit dans le motorhome de l'écurie mythique, et par téléphone, Carlos lui indiqua le chemin à prendre. Le brun ne comprenait pas ce qu'il manigançait, mais il atterrit devant une porte. Un brouhaha émanait de celle-ci, ce qui augmentait l'incompréhension du jeune pilote. Sans plus attendre, il pénétra dans la salle après avoir toqué, et il fut rapidement décontenancé.

Devant lui se tenait les dix-huit autres pilotes de la grille, entrain de discuter en semblant attendre quelqu'un -qu'il devina être lui-.

- Aaaah, Charles ! fit l'espagnol, tout sourire. Il ne manquait plus que toi ici.

- Qu'est-ce que vous faites tous chez McLaren ? La fête c'est après la course normalement, ajouta le monégasque en souriant -sourire peu convaincant néanmoins-.

- On voulait te dire quelque chose en fait. Je tiens à préciser que la brillante décision que l'on a prise vient de Pierre et Seb. Puis Lando et Daniel en ont parlé à Zak Brown et il nous a accordé une réunion de crise dans cette salle chez McLaren.

Charles ne prononça pas un mot, adossé contre la porte qu'il avait à présent fermé, attendant patiemment -ou non- ce que les autres pilotes avaient à lui dire.

- On va pas passer par quatre chemins, continua le rouennais, Seb et moi, après avoir vu ces rumeurs puis cette confirmation y'a quelques minutes, avons eu l'idée de boycotter le grand prix de demain.

- Pardon ? Mais les gars vous savez que c'est impossible !

- À vrai dire, Lewis prit la parole, cette décision a été prise à l'unanimité. Excepté Lance, tout le monde a donné son accord pour ne pas participer à la course de demain. Sans Sebastian il y a deux semaines en Arabie Saoudite, on n'a pas eu notre mot à dire malgré ces heures entières de réunion, pour un sujet tout autre. Cette fois, on ne laissera pas passer.

- Et puis, continua le champion du monde en titre, tu te tapes des travaux d'intérêt général et crois-moi, pour avoir eu cette sanction en deux-mille dix-huit, c'est tout sauf drôle. Personne ne comprend pourquoi tu as pris la totalité des sanctions malgré les propos tenus par Lance.

- Donc on va demander de réelles sanctions envers Lance parce que ce qu'il a dit est totalement inadmissible. Termina Sebastian, avec un air déterminé.

En cet instant précis, rien ne pouvait rendre Charles plus heureux. Son cœur battait à vive allure. De voir tous les pilotes réunis pour une même cause, pour laquelle il était d'ailleurs concerné, était totalement incroyable. Et de se savoir soutenu dans cette épreuve plus que difficile était un réel soulagement. Parce qu'en face de lui, aucun regard n'émettait de jugement. Tous semblaient bienveillants, et déterminés à faire valoir leurs idées et la colère face à cette décision. Ils ne demandaient pas une annulation de la sanction du monégasque, non, mais une même sanction pour le pilote ayant tenu des propos homophobes avant de parler d'une manière horrible d'un défunt père d'un de ses collègues.

Le brun prit le temps de faire une accolade et de remercier les dix-huit pilotes présents dans la salle en plus de lui. À ce moment-là, jamais il ne s'était senti aussi apaisé depuis la publication des photographies à Monaco.

Durant toute la nuit, ils mirent en œuvre le plan de Pierre et Sebastian. Rien n'était bien compliqué, mais la confection était toute autre. Dans la petite pièce du motorhome McLaren, jusque trois heures du matin, les pilotes, tous unis pour une même cause, travaillèrent pour une véritable Révolution pour le sport automobile. Ils en avaient marre de subir.

•••

hello hello, j'espère que vous allez bien et que vous avez aimé le chapitre <3

je pars en vacances lundi pour presque un mois, j'ai tellement hâteeee de me ressourcer un peu là !

-alcools

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