chapitre trente-cinq
LE NÉANT. UN VIDE IMMENSE. Voilà ce que ressentait Charles après une énième catastrophe à Monaco. Son ingénieur tentait de lui faire décrocher un mot à travers la radio, mais rien. Rien du tout.
Le monégasque coupa d'ailleurs celle-ci et laissa couler des larmes de frustration sur ses joues.
L'écurie refusait de le faire courir. Si le médecin avait autorisé le brun à concourir pour les qualifications, il était impossible pour lui de participer à la course, ses maux de tête trop intenses pour qu'il puisse rester concentré aussi longtemps dans une monoplace. C'était mettre sa vie en danger. Pourtant, malgré tout, Charles s'était octroyé le droit de concourir de lui-même. Sous les regards impuissants de ses ingénieurs, il s'était préparé, était monté dans sa voiture, mais jamais les pneumatiques n'avaient été chaussés. À la radio, il avait supplié la Scuderia de courir aujourd'hui, mais en entendant Mattia lui demander de sortir, il savait que malgré toute la volonté du monde, la pôle position restera vide.
Il sortit de sa monoplace en furie, son casque toujours bien vissé sur sa tête. Personne ne devait voir qu'il avait pleuré. Il quitta le garage pour se rendre sur la pitlane et saluer au loin les supporters venus de tout Monte-Carlo pour encourager le natif qui malheureusement, ne pourra toujours pas terminer le grand prix. Après quelques instants, il rentra, et sans écouter les appels de sa famille, partit s'enfermer dans sa driver room. Un cri de rage sortit alors de sa bouche et il s'assit sur son sofa, totalement désabusé par cette situation hors du commun. Il aurait pu imaginer n'importe quoi, sauf manquer son grand prix national. Son corps secoué de sanglots témoignait de sa détresse. Il se changea brièvement, sachant pertinemment qu'il allait devoir faire face à la zone de presse. Il n'avait aucunement envie d'y aller mais cela faisait partie de son travail. Il se posa quelques minutes supplémentaires pour tenter de faire abstraction de la tension qu'il y avait. Le cœur lourd, il observa le départ du grand prix. Même Pierre ne pouvait rien faire aujourd'hui.
Son arcade le brûlait tant il avait mal, mais la douleur physique ne représentait rien face à la douleur psychologique.
On toqua soudainement à la porte, et le pilote souffla. Il n'était toujours pas calmé, comment faire face à tous ces journalistes ?
- Deux minutes. Juste deux minutes, souffla-t-il, la tête enfouie dans ses mains.
La porte s'ouvrit néanmoins sans son accord, ce qui provoqua sa colère plus qu'autre chose.
- Y'a quoi de compliqué à comprendre dans 'deux minutes' ?! cria-t-il en posant son regard sur la personne qui venait de rentrer.
Pendant une dizaine de secondes, il ne sut comment réagir. Ses membres s'étaient comme paralysés tant il ne s'attendait pas à cette venue surprise. Sa gorge le picotait, et jamais il n'avait ressenti ce sentiment de... ne pas savoir que faire. Désemparé, désabusé, perturbé. Trop d'adjectifs pour qualifier ses émotions face à la situation dans laquelle se trouvait Charles en cet instant précis. Puisque c'était bel et bien Matteo qui se tenait devant lui, les bras croisés contre son torse et le dos appuyé contre la porte qu'il venait tout juste de fermer pour plus de discrétion.
- Giada et ta famille m'ont aidé à entrer, ils estimaient que je pouvais... faire quelque chose pour toi. déclara le blond.
Sa voix sonnait comme un murmure aux oreilles du brun. Il avait tellement attendu ce moment où ils allaient se retrouver, il avait tellement eu peur que cela n'arrive jamais, qu'à présent, il ne savait plus quoi faire. Ses yeux se remplirent automatiquement de larmes, mais il ne parvenait pas à savoir si ces larmes étaient de joie, de soulagement, ou de tristesse. Matteo restait de marbre face au brun qui était décontenancé.
- Comment tu te sens ? finit par demander le blond, voyant que le monégasque n'était pas prêt de parler le premier.
- Comme une merde, le pilote s'assoit de nouveau sur le canapé. C'est lunaire ce qu'il se passe.
- Je me doute. Je sais à quel point ça comptait pour toi, tu m'en parlais tout le temps.
- Qu'est-ce que tu fous là Matteo ? Non parce que c'est nous faire du mal là. Et moi j'en peux plus de penser à toi tous les jours.
- Je suis venu pour toi, parce que malgré tout ce qu'il s'est passé je n'ai pas cessé de t'aimer.
- Tu m'aimes ? il riait amèrement. Je ne savais pas que danser avec un autre homme en boîte de nuit était une preuve d'amour, c'est une spécialité italienne ?
- Blâme-moi. Je me sais en tort pour cette soirée. Mais en dehors de celle-ci, nous avons nos torts tous les deux. Je suis venu te voir pour te consoler et éviter que tu ne broies du noir. Je te connais par cœur Charles.
Le monégasque ne sait que dire de plus, cloué sur place et estomaqué par les paroles de l'italien, qui sont on ne plus vraies. Ses lèvres tremblent légèrement, signe que le torrent d'émotions traversant son corps en cet instant est prêt à exploser.
- Je sais ce que tu ressens, ajoute-t-il d'une voix rassurante en ouvrant légèrement ses bras.
Le monégasque fixa le blond d'un mauvais œil. Ils avaient tous les deux fait n'importe quoi en quelques mois, et évidemment qu'il voulait pleurer toutes les larmes de son corps à présent. Cependant, il était blessé. Mais cette blessure ne suffit pas à contrer son envie de sentir cette étreinte, de nouveau. Alors il fondit dans les bras de l'italien, et inspira profondément. C'était comme si avant qu'ils ne s'enlacent, Charles avait été tout ce temps en apné. Doucement, il reprenait son souffle. Reprenait vie. Redevenait entier. Les larmes de frustration coulaient sur ses joues.
C'était le septième grand prix de la saison et trop de choses décevantes s'étaient déroulées.
- J'ai fait n'importe quoi de A à Z, je suis sûr qu'avec une plus grande volonté j'aurais convaincu le médecin de me faire rouler.
- Pour t'encastrer à la Rascasse ? Tu n'es pas en état Charles, rien de ce qu'il s'est passé n'est de ta faute. Je te le promets. Tu reviendras plus fort, comme jamais tu ne l'as été.
- J'en suis pas si sûr.
- Pourtant tu impressionnes. J'ai vu les événements d'hier. Et j'ai cru comprendre que ta réaction était incroyable auprès de ta famille. C'est cette même mentalité que tu dois avoir sur la piste. La saison est longue.
- Hmm.
- Et dans le pire des cas, tu sais ce que je me dis moi ? se préparer à être déçu, c'est le meilleur moyen d'éviter toute déception. alors prends les choses comme elles viennent, je te jure que ça change ta vision de tout. Alors garde ta motivation, mais garde cette pensée dans un minuscule coin de ta tête aussi.
- Tu viens vraiment de me citer une réplique de spider-man là ?
- Écoute j'avais plus d'idées pour consoler alors contente-toi de mes références cinématographiques.
Charles rit doucement en resserrant son emprise autour de la taille du blond, qui plongea sa tête dans le cou du pilote. Les deux jeunes adultes avaient besoin de cette étreinte. Ce besoin de se retrouver. Aimantés, qu'ils étaient. On toqua à la porte, sans entrer, pour avertir le monégasque qu'il avait trois minutes maximum pour sortir avant de se rendre rapidement en zone de presse.
- Je veux plus qu'on soit loin l'un de l'autre Matteo, regarde ce que ça nous fait. Ton comportement à la soirée... ça m'a blessé, mais ce qui me blesse encore plus c'est de ne plus te voir.
- Tu prendrais le risque de recommencer avec moi ?
- Sans aucun doute. Je sais qu'on a pas été le couple rêvé quand on était ensemble mais je sais aussi que je t'aime réellement. Et qu'en faisant des efforts, en communiquant, on y arrivera.
- Prenons le risque alors.
Charles souriait sans discontinuer en avançant son visage vers Matteo pour sceller leurs lèvres, mais il l'arrêta en se reculant, stoppant cette étreinte et faisant redescendre le brun de son petit nuage.
- Faisons les choses bien, et en douceur. Faut que tu y ailles non ?
- Ouais. On... on se voit demain ? J'ai promis aux autres de passer la soirée avec eux pour terminer le week-end de course. Ou peut-être que tu veux venir aussi.
- Non, je vais rentrer, les boîtes... plus trop mon truc, Matteo riait sans grande conviction.
Charles sourit faiblement, n'osant pas se défaire de la main du blond, dans laquelle la sienne était liée. Gardant toujours ce contact, il sortit sa tête de la salle pour voir s'il y avait du monde. Le couloir était désert, et c'était ainsi qu'ils se quittèrent, l'un rentrant à son domicile, l'autre se rendant à cette difficile épreuve qu'était la zone de presse. L'atmosphère était pesante dans celle-ci, la pression n'était pas tout à fait redescendue et le monégasque ne pouvait que montrer son mécontentement après cette victoire qui semblait si facile d'accès au début du week-end. Il avait hâte de sortir de ce calvaire.
•••
La fête battait son plein dans une célèbre boîte monégasque. Charles n'avait cependant pas le cœur à faire la fête après cette immense désillusion, mais il restait pour surveiller ses amies qui, elles, s'amusaient comme des enfants. Charlotte dansait avec Mathilde et le brun leur donnait une semaine maximum avant qu'elles n'échangent un baiser. Il souriait de les voir ainsi. La brunette se lâchait totalement et n'en avait rien à faire des regards. Bientôt, ça allait être son tour. Il se le promettait.
Cette dernière posa son regard sur le monégasque et, sans plus attendre, lui prit les mains pour l'inviter à danser. De manière amicale évidemment. Ils essayaient plutôt de hurler les paroles qui émanaient de toutes les enceintes en riant, tentant de se déhancher comme ils le pouvaient sans réellement avoir le rythme dans la peau. Charles se sentait bien entouré et tous ses amis l'avaient aidé à passer outre ce week-end catastrophique. Heureusement qu'il n'était pas seul.
Un bras entoura alors son épaule : c'était Pierre, qui avait un énième verre à la main que le pilote de la Scuderia lui enleva d'ailleurs des mains. Le rouennais avait la fâcheuse habitude de boire lorsque les week-ends ne se déroulaient pas comme il le souhaitait. Pour faire passer sa frustration. Puis sa fraîche rupture avec son ancienne compagne, Katerina, n'aidait pas vraiment.
- T'as parlé avec Matteo ? demanda alors le français.
- Tu étais au courant qu'il venait ?
- Je suis au courant de tout mon ami.
- On avance doucement. Ça ne pouvait pas être pire alors on va dire qu'on sort la tête de l'eau.
- Je suis content pour toi alors. il faillit trébucher et Charles le rattrapa in extremis.
- Toi, je vais te ramener à ton hôtel, t'es K.O. Je vais chercher tes affaires et les miennes, je dis au-revoir aux autres et j'arrive, tu m'attends ici.
Pierre abdiqua, sachant parfaitement qu'il n'avait pas son mot à dire sur la situation. Quand c'était Charles qui ne buvait pas, et qu'il prenait une décision, il était impossible de revenir en arrière. Trente secondes plus tard, il était de retour, passant un bras autour de la taille du châtain pour éviter qu'il ne se rétame contre le sol. Il l'installa dans sa voiture garée un peu plus loin et démarra.
- Bon, il est où ton hôtel ?
- Je crois que j'ai oublié d'en réserver un... murmura-t-il en trouvant soudainement la vitre de la voiture très confortable.
- Sérieux ? Bon allez, on va chez moi.
- Hmm...
Le monégasque conduit son meilleur ami qui somnolait fortement, la bouche grande ouverte, contre la vitre de sa Ferrari alors qu'il conduisait dans les rues de la ville pour rentrer jusque son domicile. Arrivé devant, il quitta son siège pour aider Pierre à se lever, en détachant sa ceinture notamment et en l'aidant à marcher. Ce qui n'était pas simple puisque le rouennais riait en s'appuyant de tout son poids sur le corps du brun, qui grimaçait. Ils allaient prendre l'ascenseur. Après de longues minutes de trajet qui d'habitude ne dure que trente secondes, le pilote parvint à déposer le corps de son ami sur un des lits des chambres d'amis.
- Je veux prendre une douche froide.
- Hein ?
- J'ai chaud.
Le monégasque soupira silencieusement en amenant le français dans sa salle de bain. Il le laissa se déshabiller pendant qu'il prenait des serviettes dans les meubles présents. Il se rendit dans son dressing et prit un t-shirt et un short pour son ami avant de revenir dans la pièce.
- Non Pierre garde ton caleçon merci, on est meilleurs potes et certes mon orientation sexuelle... divague, mais je me passerai de cette vue, fit-il en ayant vu le sous-vêtement au sol.
- J'avais oublié que j'étais pas seul.
- T'es vraiment, vraiment atteint ce soir.
- Juste un peu...
Charles se retourna vers lui pour le pousser dans la douche une fois que le normand avait remis son sous-vêtement. Il alluma l'eau et donna le pommeau au rouennais qui grelottait un peu. Il laissa l'eau couler sur son visage tant il n'était pas capable d'avoir des réactions normales.
- Merci Charles, fit soudainement le châtain.
- Pourquoi tu me remercies ?
- Parce que t'es toujours présent quand les autres on besoin de toi. Je veux que tu restes en vie, faut pas que tu partes.
- Je partirai pas calamar. C'est fini tout ça.
- C'est vrai ?
- Plus autant qu'avant. Ça ne s'en va pas en deux semaines. Mais je te promets que je te laisserai plus tomber.
- Comment tu peux en être sûr ? Je t'ai vu en Australie, je veux pas que ça recommence encore, je veux pas, je veux pas, il enfouit sa tête dans ses bras en répétant ces trois mots sans discontinuer.
- Eh eh, qu'est-ce que tu me fais là ? le monégasque commence à s'inquiéter de l'état de son ami. Pierre.
- Des fois je rêve que je ne te sauve pas.
Le brun eut un mouvement de recule. Il n'ajouta rien, ne sachant que dire dans ce genre de situations. Il est pris d'une immense culpabilité suite à ces dures paroles.
Il se contenta d'arrêter l'eau et de tendre les serviettes à son ami pour qu'il se réchauffe dans celles-ci et alors que le français retournait dans la chambre avec les affaires prêtées par le monégasque, lui, plia ses affaires pour les poser à côté du lit. Comme s'il couchait un enfant, il l'aida à se blottir dans les draps. La fatigue plus que l'alcool s'était à présent emparée de lui. Doucement, et comme il le ferait à un enfant, Charles dégage les cheveux du visage du châtain, qui a les traits moins crispés qu'auparavant, ils se sont adoucis.
- Si les âmes sœurs amicales existent, tu es la mienne, murmura Pierre avant de tomber de sommeil.
Les larmes aux yeux, Charles regardait son meilleur ami dormir profondément. Depuis sa rupture avec Katerina, il n'était pas au top de sa forme, et il s'inquiétait. Mais il connaissait le rouennais, et il était fort mentalement.
- Ne termine pas comme moi, chuchota le brun avant de quitter la chambre, un peu perturbé par cet épisode.
Il sortit son téléphone et envoya un message à Matteo. Il avait besoin de sa présence maintenant, ou même demain, si jamais il dormait. De toute façon il n'est pas à ma disposition, se dit-il en arrivant dans sa chambre. Mais en voyant que le blond avait lu le message, un léger espoir naissait en lui. Et encore plus quand sa réponse fut : "j'arrive dans dix minutes."
Il n'y avait pas plus dévoué que lui.
•••
ce chapitre est rempli d'indices pour la prochaine fiction ;)
il reste 3 chapitres et l'épilogue :((
-alcools
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