46 | 𝓰ive me a sweet death.
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| CHAPITRE 46 |
she was a storm : sudden, powerful, violent, devastating, and utterly magnificent.
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AURAIT-ELLE
du rejoindre Aleksander chez lui ? Cette question avait-elle seulement du sens quand rien n'en avait. Allanah l'avait fait, sans regret ni réelle intention positive ou négative. La jeune femme avait mis sa vie en pause des années durant, et pourquoi ? Pour l'homme qui s'était constitué comme le seul qu'elle n'aurait jamais.
Allanah avait choisi une trêve sans intérêt, sans réel sens et cela se traduisait par passer la soirée dans les draps d'Aleksander. À mettre tous ses désirs sur pause pour lui consacrer le peu qu'elle pouvait finalement. Puisque les mains du jeune homme avaient été douces, et ses caresses respiraient la compréhension, l'adéquation. Tout cela car les deux aurors n'étaient pas contraires.
Leur brève liaison ne s'était pas faite d'une tension sanguinolente, d'un feu qui marquait terriblement et douloureusement la jeune femme pour toujours. C'était une confiance et un accord entre eux, ce n'était que leurs corps le temps d'un moment hors de cette guerre qui se préparait. En dehors du deuil qu'Allanah n'avait jamais cessé de traîner et de la mélancolie continuelle qu'Aleksander tentait de camoufler.
Oh, c'est deux âmes n'étaient pas de ces astéroïdes destructeurs mais tant attirés par l'autre que l'impact se fait du destin et de leur volonté malsaine.
À présent, elle avait ressenti le besoin de marcher un peu, principalement pour ne pas se confronter directement aux questions, et au jugement que lui ferait subir Alphard. Elle se baladait alors dans le Londres moldu et cet air lugubre n'avait de cesse de l'enfermer plus encore dans la morosité. Certes la capitale anglaise échappait à l'industrialisation intense que subissait Manchester ou Birmingham de la part des moldus et qui réduisait un simple écrin de verdure au plus grand des miracles. Quand c'était la fumée qu'on respirait continuellement là-bas, ici, Londres sentait la tristesse, et le deuil. Parfum dont elle aimerait être ignorante.
Elle tuerait pour la jovialité constante qu'elle avait connu à New York, et son incroyable dualité entre sa modernité et le vieux York qui essaie encore de se faire voir. Allanah donnerait beaucoup pour revoir sa ville, et son pays. Ré-apercevoir le gratte-ciel du MACUSA qui n'avait rien à jalouser au Ministère anglais qui se terrait une nouvelle fois sous terre. Ses bottes claquaient contre le sol constamment humide des averses, et le froid menaçait déjà les lèvres gercées de la jeune femme qui pourtant, poursuivait sa route. Elle ignorait tout bonnement où elle se rendait, elle marchait sans but, et jusqu'à trouver le courage de transplaner jusqu'à son appartement.
En réalité, Allanah ne savait pas vraiment ce qui la poussait à marcher comme cela, si ce n'est la colère qu'elle vouait à Alphard et qu'elle préférait voir partir avant d'y retourner. Mais ce n'était pas une raison, elle pourrait tout aussi bien l'éviter. Pourtant, Allanah était là, nomade dans la rue de Londres, se sentant plus étrangère à cet endroit qu'elle ne l'avait jamais été.
Puisqu'en réalité, la sorcière pensait ou plutôt espérait que du ciel pluvieux au-dessus d'elle se déverserait une nuée de toutes les réponses à ses questions. Elle y jeta un coup d'œil inutile et n'y vus que la formation de plus de nuages, une averse devait à nouveau se préparait. Les riverains autour d'elle marchaient plus vite, elle n'en avait pas la force. Vêtue entièrement de noir et plus précisément des vêtements d'Alphard, Allanah avait les mains enfoncées dans les poches de son long manteau en cuir.
Elle ne savait pas où elle en était mais seulement ce que les gens semblaient vouloir d'elle.
Allanah manquait de tomber toutes les minutes de l'épreuve qu'était les pavés londoniens avec ses bottes mais elle s'entêtait à continuer sa route, tendant à se demander ce qui se passerait si à cet instant, elle tombait et se rompait la nuque. Qu'est-ce que cela changerait à la face de ce monde, ou plutôt qu'est-ce que ça ne changerait pas ?
Elle enfonça sa tête dans son pull, se posant plus de questions encore. Et de plus en plus stupides que la précédente. Si seulement elle n'avait pas volé la baguette de Salazar, rien de tout cela ne se serait passé. Allanah avait-elle seulement condamné sa vie à une lutte sans fin par l'avide besoin d'obtenir un bout de bois endormi ? C'était risible.
La jeune femme finit enfin par sentir les premières gouttes tombées sur le sommet de son crâne, et elle mit pourtant du temps à réaliser qu'il était temps de rentrer. Lorsqu'elle s'arrêta, la sorcière remarqua la solitude dans laquelle ce temps l'avait plongé, la rue qu'elle empruntait était déserte et les gouttelettes rebondissantes s'apparentaient à une course effrénée qui se déroulait tout autour d'elle. Allanah ne savait simplement plus si c'était elle qui courait, qui fuyait, ou qu'on devait fuir.
Elle transplana, abandonnant dans cette place inconnue la mort simple et mais douce qu'elle aurait pu avoir, sur les dalles parcourues de pluies qui auraient évaporé ses dernières larmes.
Allanah s'efforça à ne plus y penser lorsqu'elle pénétra enfin son appartement. Une lueur émergeait toujours du salon, elle ne fut pas surprise d'y retrouver Alphard, à moitié assoupi sur leur canapé. Cela constituait une véritable preuve d'amour envers sa sœur lorsqu'on connaissait la douleur qu'il aurait le lendemain.
Il entrouvrit les yeux alors qu'elle se déchaussait et lui indiqua sobrement :
- Lyssa et Walburga dorment dans la chambre, il y a toujours le matelas par terre si tu veux.
Le froid de son ton n'était qu'une continuité du climat actuel, mais il lui provoqua une douleur bien plus intense. Allanah s'était attendue à la rage, mais non pas à cette profonde indifférence glaciale qu'il lui réservait à cet instant.
Elle décida de ne pas en tenir rigueur et après s'être débarrasser de son manteau sur l'un de leurs fauteuils, se hissa sur ce même canapé pour se nicher sur son torse. Allongée contre son meilleur ami, dont elle pouvait de là sentir la colère réchauffer son corps.
- Je n'ai pas envie que tu me touches, Allanah, balança-t-il d'un murmure grave, comme heurté par son acte.
Comme si la douleur provenait de lui, pourtant il s'agissait d'Allanah qui retenait ses larmes.
- Va dormir dans la chambre, répéta-t-il, comme un ordre, ou non, comme un supplice de la garder si près.
Là résidait le danger de leur proximité émotionnelle. Allanah et Alphard étaient des êtres trop portés sur l'intensité de leurs sentiments. Ils s'aimaient alors autant qu'ils pouvaient se haïr.
- La ferme Alphard et dors.
Elle put l'entendre à plusieurs reprises ouvrir la bouche pour rétorquer mais ne laissait entendre que son souffle au final. Cette nuit-là, il n'entoura pas son corps de ses bras, et elle ne fut bercer que par les battements de son cœur qui, même dans son sommeil, semblaient démontrer sa colère.
Allanah se réveilla par le son lointain de son réveil, dans la chambre, mais principalement par le râle provenant de Walburga, tout aussi réveillée qu'elle. Elle s'étira longuement, entoura le cou d'Alphard de ses bras alors que dans son sommeil imperturbable, il finit lui ausis par la serrer contre lui. Et malgré la nécessité d'aller se préparer, la jeune femme profita finalement un peu de la chaleur réconfortante du jeune homme, de la caresse de son pouce dans son dos. Peut-être lui répéterait-elle dans quelques jours ou semaines, quand leurs deux égos seront redescendus, qu'elle ne pourrait être là sans lui.
Après un baiser sur la joue, Allanah se redressa enfin pour rejoindre sa chambre. Tout en rassemblant ses affaires pour sa journée, elle discuta avec Walburga, qui reprenait peu à peu de la couleur, autant que lui permettait son teint naturel du moins. Elle ne lui parla pas pourtant d'Aleksander, de son travail, ou de Tom. Et cette idée la frappa douloureusement. Cette impression de mensonge constant et cela avec chaque personne de son entourage. Comme si elle était un personnage différent, avec une histoire particulière devant tout ceux qu'elle rencontrait.
Sauf Tom.
Allanah n'y pensa pas plus, elle se l'interdit. Elle se prépara rapidement pour ne pas laisser le temps aux pensées de s'installer, et transplana au ministère, là où Tom n'avait pas sa place dans son esprit.
Ce fut plus douloureux qu'elle ne le pensait de se retrouver à nouveau là, bien qu'il n'y ait plus aucune trace de l'attentat qui avait eu lieu. Pour elle, cela planait dans l'air, tout autour d'elle : l'étouffant. Cela la fit avancer plus vite jusqu'au bureau des aurors, quittant la foule qui n'aidait pas son impression douloureuse de danger imminent.
Une fois arrivée, Allanah dut se confronter à ce à quoi elle ne pouvait échapper : les regards. Mais cette fois-ci, elle ne pouvait se cacher dans cette foule, et espérait passer inaperçue. Certains aurors jetaient des coups d'oeils qui se voulaient peut-être discrets, d'autres, comme Elizabeth, la fixaient. Celle-ci essayait sans doute de la sonder, et de ses yeux légèrement plissés, de lui dire qu'elle savait tout ce qu'elle avait fait, alors qu'elle n'en faisait rien.
Allanah fut tout de même rassurer de ne pas apercevoir Aleksander, elle ignorait encore comment se comportait avec lui après la soirée de la veille. Après s'être munie d'un café qui lui donnerait l'illusion de pouvoir survivre à cette journée, l'auror se dirigea naturellement vers ceux de son sang. Thomas et Julian étaient sans grande surprise à l'écart des autres, sur ce court chemin, elle ne put pourtant pas échapper à l'intrusion dans son champ de vision de Joline. La douceur de son regard et de son approche la poussa à s'arrêter. Sa belle-sœur ne voulait pas être là, à lui parler, triturant ses mains de gêne, elle finit pourtant par entamer la discussion :
- Aaron voudrait que tu passes à la maison bientôt (Allanah put aisément voir que ses yeux fixaient tout autour des siens et non pas ses iris), je crois qu'il s'inquiète pour toi.
- Il a été mandaté par Allison pour ça ? répondit-elle, légèrement agacée, s'en voulant de faire subir cela à la jeune femme qui n'avait rien demandée.
- Sûrement un peu, mais..., elle marqua une pause, cherchant ses mots pour ne pas la brusquer, je crois qu'ils s'inquiètent tous les deux pour toi.
Si elle devait être honnête avec elle-même à cet instant, Allanah savait qu'il n'y avait aucune raison d'être en colère pour cette attention que lui portait sa famille, mais elle n'avait que faire de cela. Puisque cette inquiétude était agaçante et hypocrite, pour la simple raison qu'elle ne venait pas directement des jumeaux. Elle venait de Vector, d'Abraxas même. C'étaient les dires de son mari sur les agissements récents d'Allanah qui avaient poussés sa sœur à requérir de ses nouvelles. Allanah était inquiétante à leurs yeux.
Et pouvait-elle seulement leur en vouloir ? Ils faisaient parti des rares personnes à savoir ce dont elle était capable. Ils étaient là tout comme elle le soir où Isaac avait été assassiné, le soir où elle avait laissé échapper une rage qu'elle essayait de contenir depuis. Ils étaient là, et maintenant que s'assombrissait l'avenir de la Grande-Bretagne, ils avaient tout aussi peur.
- Merci, Joline. Je passerais peut-être dans la semaine.
Bien qu'elle la vît entrouvrir les lèvres, Allanah la dépassa sans ajouter un mot. Elle avait bien trop de choses à penser pour s'alourdir l'esprit des inquiétudes des jumeaux. Inquiétude légitime, mais qu'elle préférait elle-même oublier.
Elle atteint finalement ses deux cousins qui avaient assisté à la brève entrevue avec Joline sans pouvoir entendre leurs paroles. Elle les remerciait intérieurement de ne pas l'évoquer alors qu'ils se saluaient, mais Julian n'hésita pas longtemps avant de la questionner :
- Alors raconte-nous tout, t'as vraiment failli te faire renvoyer ? Sous le regard agacé de son frère, il continua, j'ai rarement vu ta chef aussi énervée contre quelqu'un !
La mention d'Anaidéia tendit le corps d'Allanah durant quelques instants. Elle se rappelait encore des directives qu'avait voulu suivre la chef de son équipe : la suspendre de son travail et même l'assigner à résidence durant un temps. L'auror s'étonnait toujours d'être redevable à Ernest pour l'avoir maintenu à son poste et garanti sa liberté. Anaideia et elle avaient toujours fait front commun, et elle n'imaginait pas la déception et la colère que la noiraude avait pu ressentir pour que ce soit à Ernest de prendre sa défense.
- C'est à cause des moldus, pas vrai ?
Cela avait été au tour de Thomas de s'engouffrer dans cette pente sinueuse. Son ton avait été bas, ne voulant pas que tous ceux qui tendaient l'oreille à cet instant puissent entendre. Elle ne répondit pas à voix haute, se contentant d'hocher la tête et de ne rien ajouter d'autre. Elle but d'une traite son café lorsque la porte s'ouvrit, dévoilant les époux Caraweall.
La pièce s'était faite bien plus silencieuse depuis leur arrivée et d'autant plus lorsqu'Anaideia avait posé ses yeux sur elle. À elle, Allanah ne pouvait rien cacher de ses agissements récents, il n'y avait pas de suspicion dans son regard, simplement la vérité. La jeune femme ne préféra pas plus longtemps subir ce traitement et détourna les yeux, Ernest la regardait également, l'invitant silencieusement à ne rien dire sous peine de faire imploser les pensées que contenaient sa femme.
- Exceptionnellement, l'agencement des équipes sera un peu différent durant quelques temps, commença Ernest, assez fort pour éclipser les murmures qui avaient jusqu'alors repris, David, Alice et George, vous serez à trois aujourd'hui, et dès demain, Aleksander rejoindra David pour former deux duos distincts.
- Et vous, alors ? interrogea David, amusé, sachant très bien la réponse.
Il jaugea quelque peu son collègue, assez pour lui faire comprendre que ce n'était pas le moment de plaisanter. Ce fut au tour d'Anaideia de prendre la parole, glaçant un peu plus l'atmosphère déjà pesante du bureau.
- Ernest restera avec Allanah, Thomas viens avec moi et Elizabeth avec Virgil.
Il était évident que sa femme aurait dû se trouver à la place d'Ernest pour encadrer Allanah dans cette durée indéterminée. La jeune américaine le savait tout autant que les autres aurors. Mais ce choix s'était basé sur une idée très simple, et clair, qui brillait dans les iris d'Anaidéia : elle ne lui faisait plus confiance. Et bien au contraire, elle brûlait même de honte de lui avoir si facilement accorder. Allanah aurait dû se sentir blessée mais l'habitude de ce sentiment ne fit que l'installer dans cette longue liste de déception.
Plongée dans ses pensées, elle ne remarqua le mouvement autour d'elle que lorsque Thomas se plaça devant elle, camouflant la lumière orangée de la pièce. La sorcière leva ses yeux vers son cousin qui lui souriait tendrement :
- Si tu as besoin de la moindre chose, passe à la maison, Allanah, il passa sa main sur le tissu de son épaule froissé, comme le faisait sa tante dès qu'elle le pouvait.
Thomas ne savait pas vraiment pourquoi il a ressenti le besoin de dire cela à sa cousine, après toutes ses années à la côtoyer sans lui signifier réellement. Peut-être savait-il sans vraiment comprendre ? Sûrement que la plaie que Grindelwald avait laissée en elle se rouvrait brutalement et que ses yeux si familiers le voyaient également, ne sachant pas le responsable, simplement la victime.
Elle lui sourit en retour, étonnamment plus touchée qu'elle ne le voudrait par ce soutien, qu'elle savait ne pas mériter. Après que tout le monde soit parti, Ernest vint vers elle avec un sourire qu'elle savait déjà de mauvais augure.
- J'ai une réunion avec les chefs des ministères à 13 heures, en patientant jusque-là, il se tourna vers le bureau empli de papier derrière lui, on va trier ensemble les affaires classées, se pencher un peu sur quelques problèmes administratifs... Toute la paperasse en somme !
- L'administratif ?
Allanah eut un léger rire avant de demander s'il était simplement entrain de l'exploiter ou si cela avait le moindre intérêt pour elle.
- Je pense, dit-il en commençant à diviser les tas entre eux deux, que si tu comprends que la mission d'auror n'est pas uniquement constituée de foncer dans le tas et d'arrêter les méchants, alors tu comprendras également qu'il s'agit bel et bien d'un métier et non pas d'un laisser-passer à toutes les actions sous prétexte de la défense d'une cause.
- Mais on agit bien par vocation ? Par la volonté de protéger et de défendre ?
- Oui, mais notre action est encadrée, Allanah, je te l'ai déjà dit hier, nous ne sommes pas sauveurs ou des héros, lui donnant son tas, il appuya ses propos, nous faisons notre métier !
Elle l'écouta alors et durant plusieurs heures, ils se mirent à trier chaque papier, à déchiffrer les rapports incompréhensibles de Virgil, ou à débattre sur la façon américaine d'écrire d'elle et ses cousins. Après avoir mangé l'infâme nourriture que leur proposer chaque midi le ministère et qu'elle s'évertuait d'habitude d'éviter, Allanah reprit son chemin pour le bureau tandis qu'Ernest se dirigeait vers sa réunion. Pourtant à peine quelques secondes passèrent avant qu'il ne resurgisse à côté d'elle, la faisant froncer les sourcils.
- Viens avec moi, affirma-t-il, le ton encore dubitatif de sa propre décision, autant que je te montre l'entièreté du métier.
Allanah se retint de notifier qu'il ne lui montrait pas le quotidien d'un auror mais celui du chef du bureau, elle ne préférait pas y penser. La jeune Green était une femme à près tout et malgré son statut privilégié par son nom, elle ne préférait pas s'imaginer trop loin, sous peu de trop espérer, encore. La ministre de la magie était une exception, elle était un symbole, certes, mais par sa symbolique, elle n'était forcément qu'éphémère. Précisément pour que les femmes espèrent un peu plus, échouent et finalement se contentent de moins. Allanah ne souhaitait pas se contenter du moins, alors essayait-elle tant bien que mal de se complaire à son poste.
Elle se rendit donc avec Ernest à cette réunion. Allanah ne savait pas à quoi s'attendre, mais la présence quasi exclusive d'hommes ne la surprit pas. La jeune auror s'installa près de son chef et écouta attentivement les dires des différents ministres. Les sujets furent divers, allant des débats sur l'étalage des budgets à accorder pour l'année à venir à chacun, les différents projets, les problèmes. Avec le cœur battant à tout rompre mais tentait de le camoufler avec tantôt un sourire aux sorciers qui l'entouraient et tantôt un air plus sérieux qui la restreignait de mordre ses lèvres.
Tout cela dura plus d'une heure, Allanah avait commencé à y prendre goût, luttant contre sa peur du ridicule, elle avait osé à deux reprises prendre la parole et donner son avis, chose qu'elle ne faisait que rarement dans ce cadre public. Sa confiance en soi et son impertinence avaient sa place dans ses relations plus intimes, ou du moins dans un cadre où elle ne sentait pas la supériorité des autres sur elle, que cette salle bourrée d'hommes lui rappelait aisément.
Elle ressortit de cette réunion avec Ernest et fit le chemin en silence jusque dans leur bureau pour récupérer ses affaires. Pourtant, au moment d'attraper son manteau, Ernest prit la parole :
- J'ai besoin de toutes les informations que tu peux me donner, Allanah.
Ce coup de poing dans le ventre la fit se figer brutalement, et elle aurait tant voulu ne rien avoir à lui dire, froncer les sourcils d'incompréhension. Pourtant elle savait, et sûrement plus que quiconque parmi les aurors à ce jour.
- Je ne vois pas ce que tu veux dire, indiqua-t-elle simplement, essayant de garder un ton plus ouvert.
- Un groupe de sorciers nous menacent, Allanah, et bien que je n'aie aucun droit de m'immiscer dans ta vie privée, il soupira, passa sa main sur son front et poursuivit doucement, pour ne pas la brusquer, comme si elle était une enfant, cela dépasse cette considération là au vu de l'ampleur dès lors de leurs attaques.
Selon les informations qu'avaient relayé Ernest durant la réunion, d'autres attaques de suprémacistes sorciers avaient émergé à Londres. Sans un lieu étroit entre celles-ci, elles étaient tout de même la preuve qu'une haine émergeait peu à peu des cendres de ce qu'avait déjà construis Grindelwald. La peur prenait maintenant place dans l'unité potentielle de toute cette doctrine, et surtout sa centralisation au sein du pays. Les déplacements successifs de Grindelwald l'avaient finalement affaibli mais peut être que cela ne se reproduirait pas.
- Qu'as-tu à me dire ? N'importe quoi, n'importe quel nom...
Il lui laissa du temps pour réfléchir, détachant son regard pour commencer à la rédaction d'un rapport, tandis qu'elle ne bougeait plus et observait le sol du bureau. Mais la réponse sortit finalement, comme elle s'attendait à ce qu'elle le fasse :
- Je ne suis sûre de rien, commença-t-elle, heureuse qu'il ne la regarde pas à cet instant, ses yeux s'écriant de son mensonge, je ne préfère pas accuser quiconque à tort.
Ernest ne fit qu'hocher la tête, sans aucune surprise de sa part, mais un voile plus sombre sur son visage. Allanah rassembla ses affaires, ses dents qui s'afféraient à mordre l'intérieur de sa joue. De honte, de colère ou de tristesse, d'un amas informe des trois. Pourquoi était-ce toujours aussi dur de leur tourner le dos ? De dire la vérité sordide sur eux. Pourtant, ils ne méritaient tous autant pas plus que cela. Ils méritaient la trahison : Orion, Marius, Vector, même Abraxas et Le'o. Ce dernier nom fut plus dur encore, il méritait d'autant plus que les autres mais toute à la fois, ne méritait-il pas rien de tout cela ? Elle aurait cru jusqu'à la fin qu'il ne ferait pas parti de cette horreur. Pourtant, il était un des investigateurs premiers ; un des hommes qui en mèneraient plus encore, jusqu'à une chaîne haineuse à l'encontre d'hommes et de femmes innocents.
Et puis, il y avait Tom. Comment pouvait-elle s'imaginer prononcer son nom au monde ? Le jeter au feu, s'était mettre des mots et des actes sur toute l'horreur qu'il représentait. C'était assumer ce qu'il était. C'était gravé dans sa chair qu'elle n'avait plus le choix. Se taire devenait alors plus simple, comme tout aussi lâche.
Elle partit finalement du bureau, ce fut à cet instant qu'Ernest releva les yeux vers elle, une certaine perplexité dans la ligne que formait étroitement ses lèvres, dans l'écho de sa plume de ses feuilles. Évidemment il ne la croyait pas, mais il songeait également qu'elle cachait bien plus de choses. À tel point qu'il n'était plus vraiment possible de le camoufler, que ses yeux en débordaient, ses mains tremblantes de l'écrire enfin.
Il patienta quelques minutes encore avant d'à son tour prendre le chemin vers la sortie du ministère.
Ce fut tout d'abord la chevelure d'Allanah qu'il remarqua dans la foule du ministère à cet heure-ci particulièrement bondé, sa clarté dénotait du reste si terne mais surtout, brillait presque face à l'ébène des mèches de la personne qui l'accompagnait. Figés dans un tableau d'une étrangeté dérangeante, Tom et Allanah se faisaient face. Leur unité s'accentuait à sa vision à mesure qu'il s'en approchait, un lien qui amoindrissait le reste. Ernest fut progressivement pris d'une peur irrationnelle, qui monta le long de sa gorge. Tom Jedusor et Allanah Green n'avaient rien à faire ensemble, ce nom brûlait la bonté même qui ressortait de celui de la jeune femme, bien que trop têtue. Cette union improbable s'éclairait un peu plus à ses yeux comme dangereuse.
Le chef des aurors voyait la manière qu'Allanah avait de relever la tête pour ancrer ses yeux dans les siens. Celle que Tom entretenait dans le maintien d'un pan de son manteau entre sa main. Ses bras encadrant presque tout le corps d'Allanah par leur proximité.
Son contrôle brillait, et c'était elle qui s'éteignait peu à peu en se tenant aussi près.
Une fois plus proche, Ernest dût s'arrêter pour attendre Anaidéia. Il aurait souhaité détourner les yeux mais il ne le pût pas. Il y avait quelque chose de mystique dans leur rapprochement : comme si quelque chose flottait entre eux. Une aura étrange, et il pouvait à présent voir sur le visage d'Allanah une panique abrupte, comme si elle était en train de faire quelque chose de mal.
Ce fut à cet instant que Tom releva les yeux vers lui, ou plutôt balaya le ministère pour y tomber. Ses yeux étaient plus sombres encore à cette distance, et une couche sinistre s'était ajoutée à son visage depuis le temps où ils avaient été à Poudlard ensemble. Pourtant, ce regard n'était pas anodin, il l'avait cherché ou du moins cherché celui qui les avait épiés depuis ces dernières minutes. C'était une menace qui planait à présent dans ses yeux.
Il rebaissa sa tête et ce fut à Allanah de chercher sa présence, sans la trouver. Son effroi lui faisait poser ses yeux partout mais sans rien réussir à discerner. Ces vaines tentatives prirent fin lorsque la main de Tom remonta pour se nicher dans le creux de son cou, Ernest détourna alors les yeux quelques secondes avant qu'Allanah ne le trouve.
Tom murmura à son égard, doucement, comme un mot d'amour qu'il lui glisserait :
- Je les tuerai tous, Allanah...
La concernée releva à nouveau les yeux vers Tom, et à travers sa folie, ses mots et la manière dont ses doigts enserraient son cou, elle sut qu'elle n'aurait d'autre fin que par lui. Il serait sa fin, et s'éloignait la pensée de se rompre simplement le cou par l'irrégularité des dalles londoniennes. Elle ferait la guerre, et Allanah mourrait en combattant puisqu'il n'y avait aucun monde où elle pourrait survivre à Tom.
Et le voulait-elle seulement ?
bonsoir à tous ! encore désolé du retard qu'a pris la publication de ce chapitre mais j'essaie au mieux de jongler entre la fac et l'écriture et c'est plutôt dur ! les chapitres sont plus courts afin que je puisse les publier plus vite ! j'essaierai de revenir aussi vite que je peux !
alors, avez-vous aimé ce chapitre ?
qu'avez-vous pensé de cette vision plus importante du travail d'Allanah dans ce chapitre ? mais aussi de la fin, des pensées pour le prochain chapitre ?
je tiens également à vous remercier du fond du coeur pour les 80k sur cette histoire. merci encore après toutes ses années de réécriture successive d'être encore là, à lire et à aimer mes histoires ! je vous aime tous fort ! <333
merci beaucoup d'avoir lu, à la prochaine !
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