𝑷𝒆𝒓𝒅𝒐𝒏𝒐
Venice, Italy
Sienna avait fini par déverrouiller la porte. Après tout il était chez lui et elle n'était pas aussi mauvaise que cela pour le laisser dormir à l'extérieur par ce froid. Encore une différence qui existait entre les deux. Elle était gentille et bienveillante. Il était malhonnête et hostile.
Il faisait presque nuit noire et elle n'arrivait à dormir. Elle s'était couchée sur le canapé en face du lit après avoir pleuré un long moment, trop long à son goût. Elle ne se sentait pas à l'aise de prendre le lit parce que, encore une fois, c'était son bateau. Et elle n'avait aucune envie de dormir avec lui. Elle lui en voulait encore. Et pourtant une infime part d'elle se rejetait la faute.
Les yeux fixés sur le plafond elle réfléchissait. S'il n'avait pas été de cette profession peut-être qu'elle se serait comporté différemment. En fait c'était sûr. Elle se sentait coupable maintenant de l'avoir jugé si rudement. Peut-être qu'il disait vrai. Peut-être qu'il était réellement différent de ce qu'elle pensait, de celui avec qui elle avait vécu un temps.
Luis. Ce beau sicilien qu'elle avait aimé, qui lui avait écrit des poèmes d'un niais presque écoeurant, qui l'avait peinte, dessiné, sculpté des tonnes et tonnes de fois en une année, qui l'avait abandonné quand elle s'est livrée à lui.
Sienna pensait qu'il l'aimait. De tout son cœur, toute son âme. Elle se voyait se marier et faire le tour de l'Italie dans ses bras. Elle avait aimé le voir s'inspirer de chaque coucher de soleil, l'entendre lui dire qu'elle était sa muse et qu'il adorerait la peindre nue. Elle n'avait jamais voulu au début, trop gênée et intimidée. Mais lorsqu'elle a accepté de coucher avec lui pour la première fois, il était parti.
Un an. Il avait attendu un an pour lui dire qu'il ne l'avait jamais aimé. Qu'il avait juste besoin de son corps pour elle ne savait quelle raison. Aujourd'hui il détenait cette toile avec lui et elle se sentait sale en repensant à l'explicité de celle-ci. Et maintenant, elle refaisait la même erreur.
Mais il peut-être que Taehyung était réellement différent de ce qu'elle pensait. Elle l'avait blessé. Ses mots étaient justifiés. C'est bon, maintenant elle s'en voulait vraiment, même si elle n'avait pas à se sentir coupable.
"Qu'est-ce qu'il ne va pas chez moi." Ses mains tombèrent lourdement sur son visage. Elle n'avait pas à se s'en vouloir mais c'était plus fort qu'elle.
Sienna était le genre de personne qui n'aimait pas se disputer avec les gens. Elle ne le faisait jamais. Jamais. Elle ne voulait jamais blessé quelqu'un. Mais lorsqu'elle se sentait blessée elle, c'était une autre histoire. Ses blessures l'avaient transformé. Elle était méfiante mais s'efforçait de ne pas l'être. Elle voulait encore croire en ses principes. Mais après sa rupture douloureuse, ne pas sortir avec un artiste s'était ajouté à ceux-ci.
En plus d'être devenu plus méfiante, la jeune vénitienne commençait à devenir colérique dès que quelque chose lui rappelait son ex, dans ce cas précis, la personne de Taehyung toute entière. Aussi injuste que cela puisse paraître, elle n'y pouvait rien. Mais il ne méritait pas de subir ses problèmes personnels. Ils avaient passé un bon moment, non ? Peut-être devrait-elle redonner une chance aux artistes qu'elle n'arrêtait pas de fuir ?
"Bon sang, Sienna." dit-elle avant de soupirer longuement. "Il m'a traité de pute, pourquoi je lui trouve des excuses ?!"
Une facette de la jeune femme s'était peut-être assombrie mais son empathie et son horreur pour le conflit était toujours prioritaire sur tout le reste de sa personnalité. Elle finit par se lever de sa place et alla trouver la source de son tourment.
Taehyung se trouvait accoudé sur la rambarde du bateau, une cigarette à la main entrain d'en respirer la nicotine. Sienna s'approcha de lui se sentant mourir de froid. Comment pouvait-il supporter ce temps ignoble ? Il aurait dû rentrer se mettre au chaud, se dit-elle avant de se souvenir qu'elle l'avait enfermée dehors. Même si elle avait finit par ouvrir il avait dû penser qu'il ne pouvait pas entrer. Elle se sentait encore moins bien à présent.
C'était décidé ! Elle aussi elle ne lui avait pas rendu la vie facile. Elle allait commencé par s'excuser pour qu'ils se sentent mieux tous les deux et qu'ils puissent discuter tranquillement par la suite. Peut-être même retrouver la complicité de la nuit passée qu'ils avaient perdu par sa faute.
"Hum... Taehyung ?" Sa voix était si inaudible qu'elle n'était pas sûr qu'il l'ai entendu. Mais sa tête se tournant vers elle pour lui faire face lui affirma le contraire.
Son visage lui donna des frissons. Il était si pâle. Ses pupilles étaient dilatées comme s'il venait de se droguer, ce qu'elle soupçonna directement. Son regard passa sur la petite table près du canapé. Dessus, un petit sachet vide trônait fièrement. Elle était un peu surprise. Elle ne l'imaginait pas capable de prendre ce genre de substances. Mais bon il était déjà alcoolique alors pourquoi pas drogué. Elle n'avait définitivement pas couché avec une personne normale.
"Taehyung, je.." Elle prit son courage à deux mains, essayant de passer outre son mauvais état. "Et si on s'asseyait ?"
Sans lui adresser un regard, le coréen s'assit sur le canapé à proximité - s'affaler était peut-être un mot un peu plus approprié. Sienna s'assît assez loin avant de reprendre la parole.
"Taehyung je..."
"Ne dis rien s'il te plaît."
Sa voix fatigué et rauque lui fit un pincement au cœur. Elle s'en voudrait beaucoup s'il s'était drogué parce qu'il était peiné par leur dispute, même si ce serait la chose la plus immature qu'elle n'aurait vu de toute son existence.
Et même si elle ne le savait pas, elle avait raison. Taehyung avait été assez touché par la petite brunette pour ressortir un vieil ami du placard qu'il ne prenait que lorsqu'il en avait marre de se sentir minable. Et là l'accumulation de son chagrin, de sa frustration et de sa solitude qu'avait amplifié Sienna en lui tournant le dos sans raison le tuait littéralement.
Derrière le masque du peintre charmeur, poète, sexiste et trompeur, il y'avait un homme qui aimait vivre de sa passion et qui essayait de noyer ses problèmes dans ceux des autres. Créer de la souffrance aux autres atténuait la sienne. Mais la souffrance de la seule personne qui avait daigné le sortir de sa peine remontait son profond mal-être. Alors oui, c'était le moment parfait pour se droguer.
Et à cause de son état lamentable, il ne voulait pas qu'elle parle de peur qu'elle lui dise qu'elle regrettait de l'avoir traité comme un ami et un amant. Qu'elle regrettait d'avoir prit soin de lui et qu'elle ne souhaitait plus jamais le revoir. Il ne voulait pas l'entendre prononcer le mot « regret » ce serait plus douloureux que tout parce qu'une partie de lui commençait à être dépendante de cette femme. Il ne pouvait pas dire au revoir à la seule forme de chaleur de sa vie depuis une longue période.
Alors que toutes ses pensées traversèrent son esprit en même temps, son cœur se serra. Se serra si fort qu'il avait l'impression qu'il allait s'atrophier d'une seconde à l'autre.
"Sienna je..." Sa gorge se noua. "Je suis infiniment désolé. Je ne voulais pas te faire pleurer, vraiment."
Le noiraud n'avait jamais pleuré devant personne, excepté ses amis les plus proches, sous l'effet de l'alcool. Mais là les effets des illicites substances qu'il avait consommé étaient bientôt terminé même si son visage disait le contraire.
"Je ne savais pas ce que je t'avais fais de mal alors je me suis énervé mais j'ai dépassé les limites. Je suis désolé."
Le voir dans cet état brisa le cœur de la brunette. Il avait l'air tellement mal. Ses yeux criaient à l'aide. Elle l'avait mal jugé.
"Tu n'as pas à t'excuser. Je t'ai reproché des choses que tu n'as pas faite à cause d'une mauvaise expérience, tu as tous les droits de m'en vouloir."
"Le problème c'est que je les ai faites ces horribles choses ! J'ai couché avec des tonnes de femmes parce que je voulais retrouver l'inspiration. Je leurs ai menti, promis des trucs que je ne pourrais jamais offrir à qui que ce soit. J'ai parlé d'amour comme ci j'étais capable de ressentir ce sentiment qui m'écœure tant ! Chacune d'entre elles est sortie de mon atelier en pleurant et en hurlant qu'elle se sentait salie et tu sais ce que j'ai fait à chaque putain de fois ? J'ai rigolé et j'ai bu une bière."
Silence radio. Plus aucun bruit à part celui de la mer. Sienna ne savait pas quoi dire ou quoi faire. Elle avait eu raison depuis le début. Il était bien le salaud qu'elle avait imaginé. Elle ne savait pas quoi dire et se contenta de fermer les yeux et de pincer ses lèvres pour s'empêcher de vomir de dégoût. Il la dégoûtait.
"Elles ont toutes claqué la porte. Et moi je les ai regardé amusé. Mais crois-moi cet amusement n'est pas resté très longtemps parce qu'une fois seul, je me suis rappelé que j'étais de nouveau un peintre qui ne savait plus rien faire d'assez correcte pour le présenter devant un public. Alors au final, tout ce que je faisais c'était balayer mon chagrin avec celui des autres."
Sienna avait tant espéré avoir tort. Elle aurait préféré qu'il lui crie que c'était une pute plutôt que de lui dire qu'elle venait de refaire la même bêtise.
Mais malgré le profond dégoût qu'elle ressentait à son égard, elle ne pouvait pas passer outre son visage noyé de larmes et son regard suppliant et désolé.
"Taehyung.."
"Attends." la coupa-t-il. "Je n'ai pas terminé."
Sienna soupira un bon coup, essayant de se préparer à la suite.
"J'ai été odieux, je le sais. Je l'ai toujours su mais je n'en avais rien à faire parce que de toute façon je pensais qu'elles ne se souciaient pas vraiment de moi non plus. Mais je ne leur ai jamais donner la chance de me prouver l'inverse. Toi.. toi sans que je ne demande rien tu t'es souciée de moi. Et c'est après ça que j'ai couché avec toi et j'ai l'impression que ce minuscule détail a tout changé parce que je perds espoir d'être heureux un jour si tu n'es pas dans l'équation."
Est-ce qu'il était amoureux ? Non. Mais il ressentait définitivement le besoin de rester avec elle. Comme ci sa simple disparition le replongerait dans son abîme noire et douloureuse sans sa passion pour l'en sortir. Maintenant, avec elle, il découvrait un autre bonheur que dans ses tableaux. Il découvrait la douceur d'une liaison sans arrière pensées.
"J'ai toujours su que j'étais mauvais. Mais je n'ai jamais ressenti le besoin de m'en excuser avant de voir couler sur tes joues des larmes que j'avais causé. Alors je m'excuse maintenant. Auprès de toi et de toutes les femmes qui auraient pu me rendre heureux si je ne les avaient pas simplement utilisé."
Après sa tirade, Taehyung se tut. Il avait arrêté de pleurer mais son cœur était toujours serré parce que maintenant ses espoirs ne tenaient plus que sur le fil que reliait son oreille à la bouche de Sienna. Une mauvaise réponse et ce fil se coupait à tout jamais et son cœur ne serait plus qu'un organe sans espoir.
"Tae..." Elle soupira.
Elle ne pouvait pas dire qu'elle était ravie de ce qu'elle venait d'entendre. Loin de là. Il y'avait toujours cette forme de dégoût dans le fond de sa gorge. Mais dans sa voix se nichait une vraie culpabilité. Envers elle. Envers ces femmes qu'il avait salement rejeté une fois satisfait. Il était réellement désolé. Elle voulait le croire en tout cas.
"Aucun mot, aucun poème ne pourrait décrire comment je me sens à côté de toi, Sienna. Tu es l'ange dont j'ai tant besoin. Je t'en supplie, pardonne-moi."
Aucun mot, aucun poème ne serait décrire le sentiment qu'elle ressentait non plus. Un mauvais mélange de dégoût, de pitié, de gêne mais aussi de joie, de pardon et désir. Joie parce qu'il avait l'air de changer d'idée sur sa façon d'agir. De pardon parce qu'elle était tout sauf rancunière. De désir parce que la joie et le pardon avait effacé chacun de ses mauvais souvenirs avec Taehyung pour ne laisser que les bons. Et elle voulait les revivre. Oublier ce que venait de se passer.
Au lieu de lui répondre avec des mots, elle déposa un baiser sûr ses lèvres. Incompréhensible. C'était le mot qui la définissait. Elle était incompréhensible. Elle ne se comprenait pas elle même. D'un côté elle avait envie de le frapper parce qu'elle ne pouvait pas passer outre le fait qu'il aie été si odieux. De l'autre, elle lui pardonnait ses erreurs. Elle n'oubliait pas, jamais, mais elle pardonnait.
Le baiser qui, au début, était tendre et disait : « je te pardonne malgré mes larmes » était maintenant fiévreux et disait : « fais moi oublier un moment tes conneries ». Message compris semblait être la réponse du noiraud qui répondait avec autant de ferveur à son baiser.
Des « je suis désolé » et des « pardonne-moi » s'échappait de ce baiser. « Je ne ferai plus jamais pleuré une femme » s'invita aussi à l'échange. « La ferme » était la réponse que recevait chacune de ses phrases. Là maintenant elle voulait oublier.
Alors qu'ils s'embrassaient encore, Taehyung porta son amante et entra dans la cabine. Il la déposa sur le matelas de son lit et détacha ses lèvres des siennes. Son regard se jeta immédiatement sur la toile loin d'être finie avant de revenir sur celui de Sienna.
"Tu me crois quand je te dis que je n'avais aucune mauvaise intention en te dessinant ?"
"J'aimerai tant, mais là c'est... impossible."
Taehyung se doutait de sa réponse. C'était normal après tout mais tout de même douloureux.
"Laisse moi reprendre la toile et te l'offrir. Pour te prouver que je ne suis pas que de mauvaise foi."
Sienna y réfléchit. Longuement. Elle n'était pas convaincue mais si c'était une façon pour lui de faire rédemption alors elle voulait bien accepter. De toute façon, la toile lui appartiendrait à la fin. Et puis ils allaient coucher ensemble, de nouveau, alors pourquoi ne pas retenter ça aussi ?
Pour toutes réponses, elle s'installa sur le lit de la même manière que la veille. La seule différence était que cette fois-ci elle n'avait pas l'intention de se déshabiller. Ne nous méprenons pas. Elle lui avait bien pardonné ses mots horriblement méchants mais sans l'aide de l'alcool elle n'avait pas assez d'audace et de courage pour exhiber de nouveau sa nudité.
Taehyung, même s'il aurait préféré dessiner dans les mêmes conditions que la veille ne dit rien. Il allait simplement imaginer, à l'aide de ses souvenirs, son corps nue.
"Et voilà ! J'ai terminé." dit le jeune homme après avoir posé sa signature sur le bas côté de la toile, un grand sourire aux lèvres.
Pour la première fois depuis long moment le peintre était heureux d'avoir travaillé sur une œuvre et de son rendu. C'était une belle œuvre. Un magnifique dessin qu'il adorerait accrocher dans son atelier. Il avait l'impression que toutes ses frayeurs avaient disparu d'un coup. Sa passion le rendait de nouveau heureux.
Sienna se leva du lit, les jambes engourdies à force d'être restées dans la même position pendant si longtemps. Elle s'avança vers le chevalet où trônait fièrement le dessin et elle sourit. Il était incroyablement beau. Taehyung avait énormément de talent. Bien plus que Luis ça c'était sur. Elle avait bien fait d'accepter.
"Merci, Sienna." Le noiraud sourit franchement à cette dernière alors qu'elle le regardait tendrement. "Merci de m'avoir laissé continuer. Le résultat est.."
"Splendide." Termina Sienna à sa place. "Tu as un talent incroyable."
"Le talent n'est rien si le modèle n'est pas lui même incroyable."
Taehyung se leva de sa chaise et prit la jeune femme par la taille. Ses yeux la fixaient remplis de désir. Elle était tellement jolie. Son sourire lui donnait d'agréables frissons.
L'italienne passa ses mains autour du cou de celui-ci et se mit sur la pointe des pieds pour déposer sur ses lèvres un baiser. Elle ne se comprenait définitivement pas. Il y'a encore quelques heures elle aurait tout donné pour quitter ce maudit bateau et maintenant elle ne voulait partir pour rien au monde. Elle se sentait bien là ou elle était, dans les bras de son beau peintre aux innombrables talents.
Ils basculèrent tous les deux sur le lit ne quittant jamais les lèvres de l'autre. C'était bien trop agréable pour y mettre fin.
Taehyung ouvrit douloureusement les paupières se sortant peu à peu de son paisible sommeil. La lumière du soleil l'éblouit, il prit un temps pour s'y habituer. Pendant ce temps, ses sens commencèrent à chacun se réveiller et après avoir s'être adapté à la lumière de la pièce il remarqua la petite tête brune qui se nichait dans son cou. Automatiquement ses souvenirs de la veille au soir lui revinrent et il sourit. Aussi bien tristement que joyeusement.
Après la vue, l'ouïe se réveilla. A vrai dire elle était déjà réveillée car c'était elle qui avait coupé de son sommeil le reste du corps. Quelqu'un dehors criait de toutes ses forces le prénom du peintre.
Soupirant un coup, le noiraud se décida à se lever et aller voir ce qu'il se passait dehors. C'était avec un sentiment de déjà vu qu'il vit son ami sur un jet ski crier son prénom.
"Bordel Tae, enfin ! Tu sais depuis combien de temps je hurle ! J'en ai mal à la gorge."
"Bonjour à toi aussi Jimin." Taehyung lui répondit avec une voix fatiguée.
"Ouais c'est ça ! Mauvais jour tu veux dire. Tu sais même pas dans quel bordel tu t'es fourré. Le gars de l'expo il est pas du tout content. Ils t'ont cherché toute journée. Heureusement que je te connais assez pour savoir que tu fais de la merde quand t'es bourré. T'as pas peur parfois ?!"
"Je sais que je peux compter sur toi pour me localiser donc non." Souriait Taehyung à son ami. "Je suppose que tu m'as apporté de l'essence."
"Yep. Va t'habiller et on pourra remplir ton réservoir, du moins assez pour rentrer au quai."
Taehyung regarda son corps à la remarque de son ami. C'est vrai qu'il était nu. Bon, ce n'était pas comme ci c'était la première fois qu'il le voyait dans sa tenue d'Adam.
"Je reviens." Dit-il avant de retourner dans la cabine de son bateau pour s'habiller et réveiller Sienna.
Mais il fut accueilli par une jeune femme pleinement réveillée entrain de s'habiller. Il sourit bêtement en se disant qu'elle était belle lorsqu'elle venait de se réveiller. Il était aussi content de pouvoir lui annoncer qu'il allait la ramener chez elle.
Il s'approcha d'elle à pas de loup pour qu'elle ne s'aperçoive pas de sa présence et enveloppa sa taille de ses bras.
"On va pouvoir s'en aller d'ici !"
D'abord surprise, Sienna rit à son air enjoué. Et dire qu'hier il lui disait qu'il n'y avait aucun mal à rester.
"Ton ami t'as retrouvé ?"
"Comme d'hab, oui ! Tu vas pouvoir récupérer tes affaires et rattraper ton retard sur tout ce que tu avais à faire."
"Ouais, j'avais un peu beaucoup menti hier. J'ai rien à faire à part travailler au bar."
"J'en étais sûr ! Espèce de menteuse." Riait-il à sa petite confession. "Je vais m'habiller et remplir le réservoir. Après ça on se casse."
Elle émit un petit « mmh » montrant qu'elle avait compris. Taehyung se vêtit de la première tenue qu'il trouva dans son placard et sortit rejoindre son ami qui avait déjà trouvé un moyen de montant sur le navire. À deux, ils allèrent remplir d'essence le bateau.
De son côté Sienna attendait sur le canapé en prenant une bouffée d'air matinale et froid que la mer lui offrait pour la dernière fois. Elle aurait aimé en profiter plus. Mais, sans surprise, les tensions et le stresse l'en avait empêché. Ce n'était que maintenant qu'elle allait rentrer qu'elle se rendait compte qu'elle était bien au milieu de nul part avec son amant. Ils aurait pu le faire tant de fois avant de repartir s'il n'y avait pas eu ces problèmes. Mais au moins, elle savait à qui elle avait à faire. Il ne lui était plus si inconnu que cela à présent.
Elle savait de lui qu'il était un coureur de jupon qui avait ses raisons d'agir. Des raisons puériles et malhonnêtes mais des raisons quand même. Il le savait lui même et avait l'air de s'en vouloir à présent. Il allait changé, elle en avait l'infime conviction. Elle avait envie d'y croire.
"Et voilà !" S'écria Jimin en refermant le couvercle du réservoir. "Vous allez pouvoir y aller, maintenant."
"Merci, Jimin. Je t'en dois une, encore."
"Ouais. Mais t'inquiète, on saura s'arranger. Mademoiselle." Le jeune homme s'en alla en faisant un signe de la main à Sienna.
Elle lui sourit et le remercia avant qu'il saute sur son propre engin et ne s'en aille. Son regard se tourna vers le noiraud. Elle lui sourit chaleureusement alors qu'il se dirigeait vers le volant du bateau.
Au début personne ne parlait. Ils profitaient simplement de la brise qui tapait sur leurs visages. Aucun des deux n'avaient envie de parler de ce qui allait suivre, pas maintenant. Ils voulaient profiter encore un peu, maintenant que tout allait bien entre eux.
Le bateau s'arrêta et Taehyung stoppa le moteur. Ils étaient arrivés.
"Bon, je crois que c'est l'heure de se dire au revoir." La jeune femme se leva de sa place.
Ses yeux n'arrivaient pas à croiser ceux du peintre. Elle avait honte de ce qu'ils leurs étaient arrivés maintenant que tout était fini, son côté « ne pas coucher si on n'aime pas » reprenant le dessus. Mais ne l'aimait-elle vraiment pas ? Amoureuse, ça non. Mais il y'avait quelque chose malgré tout. De la peine, de l'empathie peut-être, n'importe quoi qui l'empêchait de ne voir que le mauvais chez lui.
"Est-ce qu'on va se revoir ?"
"Si tu reviens au bar sûrement..."
"Je veux dire, à part là."
"Ah."
Au fond d'eux mêmes, ils n'avaient pas envie de se quitter pour de bon. Reprendre leur petit train de vie quotidien ne les intéressaient pas. Ils avaient envie d'avoir plus qu'une relation serveuse client. Taehyung avait envie d'avoir plus qu'une relation serveuse client.
Elle lui avait redonné goût à sa propre passion alors qu'elle détestait les hommes de son genre. Le simple fait qu'elle lui pardonne et qu'elle lui laisse une chance l'avait aidé. Elle n'était pas la muse dont il avait besoin, non. Elle était devenue la source de sa passion même. Sans elle, il n'irait pas plus loin qu'où il était déjà.
"Taehyung je ne sais pas.. je ne sais pas comment je me sens par rapport à tout ce qu'on a vécu en deux jours." Elle lui parlait sincèrement. Il méritait d'avoir une réponse justifiée et claire. "J'ai nagé entre le bonheur, le dégoût, la tristesse et l'empathie en l'espace de quarante-huit heures et j'ai besoin de plus de temps pour remettre mes idées dans l'ordre."
C'était ce qu'il espérait ne pas entendre. Du temps il n'en avait plus. Il était bien trop mal pour attendre qui ou quoi que ce soit. Mais il comprenait. Comment ne pourrait-il pas ? À sa place il serait partit en nageant de ce bateau, il n'aurait pas attendu.
"J'ai.. je te pardonne. Sincèrement. Mais j'ai pas l'habitude de vivre autant de choses en si peu de temps. Je veux savoir si je suis prête à prendre le risque de souffrir en restant avec toi. Je sais que tu t'en veux pour tout mais je te connais à peine Taehyung. Laisse moi juste un peu de temps pour prendre une décision. S'il te plaît."
"Je comprends."
Et voilà que son cœur se serrait encore. Ses yeux se remplissaient de larmes. Mais il n'avait pas le droit de pleurer. Il ne voulait pas influencer son jugement. Ça jamais. Il accepterait son choix, c'était tout.
"Merci de m'avoir permis de retrouver l'inspiration. J'attendrai si c'est ce que tu souhaites."
Elle lui sourit tristement avant de se retourner et de partir. Elle s'efforça de ne pas se retourner pour lui lancer un dernier regard. Il avait l'air tellement blessé par sa réponse qu'elle sentait que si elle le faisait, elle courrait dans ses bras et lui demanderai de l'amener loin avec son bateau.
Alors qu'elle était déjà loin, le peintre se souvint que le dessin se trouvait toujours dans la cabine. Il entra dans la pièce et le récupéra. Il lui suffit de toucher l'œuvre pour sentir son cœur s'atrophier. Le monde s'acharnait contre lui au point de ne même pas laisser ce souvenir à Sienna qui pourrait l'aider à prendre la décision qui ravirait le peintre.
Il fallait qu'il se fasse une idée, elle ne reviendra pas. Jamais. Pas après tout ce qu'il avait fait. Elle était comme la gardienne de toutes ces femmes et devait les vengeait. Alors bien sûr qu'elle ne reviendrait pas.
Il aurait voulu s'en foutre. Après tout elle restait une inconnue mais il avait assimilé son prénom à l'extase alors il avait mal malgré lui. Il ne savait pas comment expliquer qu'avec elle ce fut si différent ni comment il avait réussi à développer cette obsession pour elle en seulement quarante-huit heures mais c'était le cas. Et ça lui faisait mal.
Il regardait l'eau bleue et décida de retourner se perdre dans la mer. Sans réfléchir il démarra son bateau et le conduisit loin. Plus loin encore que la où ils étaient lui et Sienna. Il se sentait débile de ressentir autant de souffrance pour une femme à qu'il avait adressé la parole pour la première deux jours auparavant. Elle avait tout changé. En bien comme en mal. C'était étrange comme sensation. Ce n'était pas de l'amour mais ça s'y apparentait énormément. Assez en tout cas pour imaginer l'avoir rencontré d'entre d'autres circonstances. Celles où ils auraient pu être quelque chose elle et lui. Il soupira.
Encore une fois au milieu de nul part, il prit son dessin qu'il considérait le plus beau et le jeta à l'eau. Autant jeter les souvenirs de ses nuits passées avec son inconnue, parce que jamais elle ne voudra revenir. Jamais.
Et il avait raison. Elle ne revint jamais. Même pas après des années. Elle avait changé de lieu de travail. Il n'avait pas voulu la retrouver parce qu'il lui avait dit qu'il comprenait.
De son côté, la jeune femme était tombée de son petit nuage blanc il y a des années. Une fois rentrée chez elle ce jour là, elle avait laissé derrière elle tous les souvenirs. Elle ne pouvait pas passer outre ses blessures et celles des femmes avant elle. Elle ne le connaissait réellement que depuis deux jours. Et il était à l'opposé de ses principes. Il pouvait changer, elle en était sûre mais ce ne serait pas avec elle. La dernière chose dont elle avait besoin c'était de souffrir et elle avait souffert. Elle comme tant d'autres. Elle lui avait pardonné mais il y'avait toujours ce dégoût au fond de sa gorge qu'elle n'arriverait jamais à ignorer.
La vénitienne lui souhaitait tout le bonheur du monde mais elle ne pouvait pas oublier. Et même une nuit de plus dans son lit ne changerait rien. La peine qu'elle ressentait pour lui ne pouvait pas surpasser ses valeurs.
Ça avait été un choix douloureux mais juste. Elle espérait qu'il comprenait.
Et il comprenait. Il l'avait mérité et ça, il le savait mieux que personne.
On récolte ce que l'on sème.
𝑻𝒉𝒆 𝑬𝒏𝒅 - 𝑳𝒂 𝑭𝒊𝒏𝒆
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